Étrangère

Chapitre 7 : Absence

2697 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/06/2019 14:27

Pour la première fois depuis longtemps, je me réveillai sans avoir rêvé. Cela n'arrivait pas souvent. Cependant ces rêves étaient comme une partie de mon ancienne vie que je découvrais chaque nuit. Je restais tout de même partagée entre le sentiment de vouloir en découvrir plus et celui de vouloir tout oublier. Après mon débarbouillage habituel, je m'habillai de mon pantalon blanc et d'un haut à manches longues. Il ne faisait pas encore très froid dehors, cela ferait l'affaire. Je m'attachai ensuite les cheveux d'une queue de cheval. Tandis que je faisais mon lit, quelqu'un toqua à la porte.


-Hana ?


Je me redressai au son de cette voix que je ne reconnus pas. Je me dirigeai lentement vers la porte. En l'ouvrant, je tombai nez à nez avec Jean.


-Salut, dit-il en se grattant l'arrière de la nuque, est-ce que tu veux venir déjeuner avec nous ce matin ?


Cette mimique me rappela aussitôt une personne, Ben. Je pensais avoir enfin pu me débarrasser de toutes pensées dépressives. Cependant, il me manquait trop et je n'arrivais pas à passer à autre chose. En prenant mon courage à deux mains, je répondis à Jean en faisant comme si de rien n'était.


-Avec plaisir, lui souris-je.


J'attrapai ma clé puis fermai la porte derrière moi. Plusieurs regards se posèrent sur moi et Jean par la même occasion. Je détestais être observée. Mon attention se porta autre part lorsque le caporal sortit au même moment de sa propre chambre.


-Bonjour caporal, lui lançai-je timidement.


Il me fixa un instant avant de disparaitre en bas des escaliers. Ce comportement était habituel, je n'y prêtait plus attention. Je me remémorai instantanément notre conversation d'hier. Malgré ma question qu'il n'avait pas apprécié, elle s'était plutôt bien terminée.


-Tu as de la chance d'avoir une chambre dans ces parages, soupira Jean.


-Ah bon ? demandai-je étonnée. Pourquoi ?


-Elles sont plus grandes puisqu'elles sont pour nos supérieurs et puis elles sont individuelles.


-Avec qui tu partages la tienne ?


-Eren, pesta-t-il.


Je lâchai un rictus. Ils ne s'appréciaient pas mais ils cherchaient en permanence à se confronter. Après cette brève discussion, je suivis Jean jusqu'à la cafétéria pour rejoindre notre groupe d'amis. Seul Eren était absent, ce qui attisa au passage ma curiosité. Je n'étais cependant pas bien placée pour en demander davantage. Lui et moi n'avions jamais eu de réelle conversation.


-Qu'est ce que le caporal a prévu de faire aujourd'hui ? demanda Mikasa calmement.


-Manœuvre tridimensionnelle il me semble, marmonna Armin entre deux bouchés.


Je n'avais jamais utilisé cet équipement. J'étais d'ailleurs très enthousiaste à l'idée d'apprendre à le faire. Livaï et son escouade entrèrent dans la salle. J'avais appris le prénom de la rousse ces derniers jours. Elle s'appelait Petra et semblait de très bonne humeur ce matin. L'expression de son visage changea lorsque Livaï se détacha pour venir dans ma direction.


-Rejoins-moi en fin de journée près du terrain d'entrainement, me lança-t-il sèchement.


Sans attendre ma réponse, il retourna directement auprès de son escouade. J'osais espérer qu'il faisait référence à l'équipement que Armin avait mentionné.


-En effet, c'est plutôt utile si tu veux survivre face aux titans.


La réplique de Jean lâcha un froid à notre table. Il était vrai que depuis mon arrivée, le sujet des titans n'avait jamais été abordé en ma présence. Pourtant, les titans étaient importants. Peut-être que mes amis essayaient simplement de me protéger ?


-As-tu déjà eu l'occasion de voir un titan ? m'interrogea innocemment Armin.


À l'entente de sa question, je repensai à la mort de grand-mère et probablement à celle de Ben. Comment était-il mort ? Dans quelles circonstances ? Avait-il souffert ? Est-ce que c'était de ma faute ? Toutes ces interrogations me donnèrent un mal de crâne soudain.


-Hana ?


-Hana, m'appela Jean à son tour, je crois que le caporal t'appelle à nouveau.


Je me tournai immédiatement en direction de la table de Livaï. Je fulminai intérieurement lorsque j'observai qu'en réalité il était entrain de parler à Petra. Exaspérée, j'attrapai un de mes petits pois dans mon assiette puis le jetai dans la figure à Jean. Après cet écart de conduite, je repris mon sérieux pour répondre à Armin.


-Désolée Armin, c'est juste que ta question m'a rappelé beaucoup de souvenirs. J'ai déjà vu à quoi ressemblait un titan puisque ce même titan à détruit ma maison.


En levant mon regard vers le blond, je remarquai que le sien était inondé de tristesse. Il avait l'air de regretter d'avoir posé cette question. Je ne lui en voulais pas du tout, il essayait simplement de me faire participer à la conversation et d'en apprendre plus sur moi. Il s'excusa plusieurs fois et m'expliqua à son tour comment lui, Mikasa et Eren s'étaient rencontrés. Lorsqu'ils étaient plus jeunes, Armin se faisait sans cesse embêter par d'autres enfants. Un jour, Mikasa et Eren avaient décidé d'intervenir pour le défendre. Depuis, les trois amis étaient devenus inséparables.


Au fil de notre conversation sur les titans, j'appris qu'Hanji faisait des expériences sur eux. Elle avait réussi à capturer deux titans pour les observer et les tester. Quelques jours plus tard, quelqu'un les avaient tué. Hanji n'avait jamais donné cet ordre. Mes camarades me racontèrent qu'un traître était parmi nous. D'ailleurs, il pouvait très bien se tenir dans cette pièce. Cependant, les seules personnes qui s'y trouvaient étaient Sasha accompagnée de Connie et de deux garçons dont j'ignorais l'identité. Il y avait aussi Annie qui était assise à une des tables du fond. En l'observant, je me demandais pourquoi est-ce qu'elle était tout le temps seule.


-Est-ce qu'une recrue dénommée Hana est présente ? demanda un soldat en entrant dans la pièce.


-Oui monsieur ! criai-je en me levant instantanément.


-Vous êtes demandé dans le bureau du major, m'informa-t-il.


Surprise, je hochai la tête puis quittai mes camarades. Je n'avais pas eu de nouvelles depuis la dernière fois. Je suivis le soldat silencieusement à travers le bâtiment. Une fois devant la porte de Erwin, il toqua. Lorsqu'une réponse de son supérieur arriva à son oreille, il poussa la porte et me laissa entrer.


-Hana, m'interpella-t-il, je t'en prie installe-toi.


Je m'installai timidement sur la chaise en face de son bureau. Nerveuse, j'attendis une quelconque réplique de sa part. Pourquoi m'avait-il convoqué ? Je ne pouvais m'empêcher de tortiller mes doigts tout en m'imaginant des dizaines de scénarios différents dans ma tête.


-Nous avons des nouvelles de ta famille.


Mes yeux s'écarquillèrent aussitôt. Les battements de mon cœur accélérèrent. Des nouvelles de ma famille. Comment était-ce possible ?


-Il semblerait que ton père soit mort.


Je baissai la tête, ne sachant pas comment réagir à cette nouvelle. Mes souvenirs de lui étaient très flous, qu'étais-je censé ressentir ? Sa mort me touchait tout de même, il restait mon père. Si celui-ci était mort, qu'en advenait-il de ma mère et de mon frère ?


-Comment l'avez-vous retrouvé ? demandai-je perplexe.


-Livaï m'a rapporté un cheveu t'appartenant. Nous l'avons analysé et il se trouve que nous avons trouvé ce que nous cherchions.

-Comment est-il mort ?



-Une balle en pleine tête, me déclara directement Erwin. Son meurtre n'a jamais été élucidé et son assassin jamais identifié.


Je ne m'attendais pas à une mort aussi brutale. Je me posai simplement une question. Qui pouvait bien en vouloir à mon père ? Avait-il des ennemis ? Je ne pouvais pas non plus écarter l'hypothèse d'un suicide.


-Que savez-vous sur ma mère ?


-Pas grand chose, dit mon supérieur déçu. Nous n'avons retrouvé aucune fiche de décès pour elle, ni pour votre frère.


Je ne savais pas si je devais être soulagée ou continuais à croire qu'ils étaient peut-être morts. Mon frère m'importait plus que ma mère. Je ne pouvais pas oublier ce qu'elle m'avait fais subir. Je baissai la tête, ne sachant pas quoi penser de tout cela.


-Nous préparons actuellement une sortie à l'extérieur des murs, m'annonça Erwin. Nous soupçonnons que quelqu'un veut nous empêcher d'en apprendre plus sur nos ennemis. Cette personne se fait passer en ce moment même pour un allié. J'aimerais que tu m'informes si tu t'aperçois de quelque chose qui te semble étrange.


Je hochai la tête en guise de réponse. Je repensai immédiatement à ce que je venais d'apprendre tout à l'heure. Peut-être que le major faisait référence aux expérimentations de Hanji qui avaient échoué. Pour l'instant, je ne lui étais d'aucune utilité. Je ne possédais aucune information. Il avait cependant mentionné leur prochaine sortie à l'extérieur des murs. Je ne voyais pas en quoi cela me concernait. Dubitative, je lui posai la question.


-Je veux que tu viennes avec nous.


Je restai bouche-bée. Je n'étais encore qu'une novice. J'étais loin de maîtriser toutes les compétences nécessaires pour survivre en dehors des murs. Les titans ne feraient qu'une bouchée de moi.


-Dans quel but ? le questionnai-je perplexe.


-Pour découvrir si tu es vraiment utile à l'humanité, me sourit-il.


Je n'appréciais pas sa réponse, elle semblait comme une provocation à mes oreilles. Cela sonnait aussi comme un défi, un défi que je ferais mieux de relever si je ne voulais pas mourir. J'étais même plus que prête d'apprendre. Je n'étais pas assignée à Livaï pour rien.


-Je ferai mes preuves, lui dis-je déterminée.


-Tant mieux. Je te reconvoquerai si j'ai d'autres nouvelles te concernant. Par ailleurs, je souhaite que tu rendes visite à Hanji dans son laboratoire. Il faut que tu en saches plus concernant les titans.


À la fin de notre conversation, je me relevai en lui faisant le salut militaire. Armin me l'avait appris. J'étais fière de pouvoir le faire devant notre major. J'étais sur le point de quitter la pièce lorsqu'il m'interpella une nouvelle fois.


-Au fait, ton nom de famille est Aguira.


Je fermai la porte derrière moi puis restai collée contre celle-ci un instant. Connaître soudainement mon nom de famille était étrange, comme une étape de ma vie que je venais de franchir. En voyant l'heure sur l'horloge au dessus de ma tête, je me dépêchai de rejoindre Hanji.


Je cherchai activement le bureau de ma supérieur dans les couloirs. Au loin, j'aperçus une blonde portait des cartons. Ils avaient l'air beaucoup trop lourds pour elle. Elle ne marchait pas droit, si je ne l'aidais pas elle pourrait trébucher et se blesser. Je me dirigeai dans sa direction, rattrapant de justesse le carton qu'elle tenait sur son épaule. Elle avait des yeux bleus similaire aux miens et une chevelure aussi dorée que l'or. Elle ressemblait à un ange.


-Ça va ? lui demandai-je perplexe.


-Oui, me répondit-elle hésitante, merci.


-Tu devais aller quelque part en particulier ?


-Je dois ramener ces cartons au laboratoire d'Hanji.


-C'est vrai ? Je peux te suivre dans ce cas ? lui demandai-je gênée.


En guise de réponse, elle esquissa un sourire. Pendant notre trajet, j'en profitai pour faire sa connaissance. Elle s'appelait Christa. Plus j'observais son visage et plus je me demandais ce qu'une fille aussi charmante faisait dans l'armée. Elle m'expliqua qu'elle n'avait pas énormément d'amis. Elle ne parlait qu'à une fille dénommée Ymir et quelques fois à Sasha. Après cette rapide conversation, Christa m'indiqua que nous étions arrivées. Hésitante, elle toqua à la porte. Telle une furie, Hanji nous fonça dessus. Elle manqua, au passage, de renverser Christa.


-Merci Christa, tu m'as été d'une grande aide ! s'exclama t-elle.


-Je vous en prie, répondit la blonde nerveuse, je vais retourner à mes occupations.


À son départ, Hanji se tourna vers moi. Je lui expliquai la raison de ma venue. Erwin souhaitait que j'en apprenne plus sur les titans. D'un sourire mesquin, elle me proposa d'entrer dans son bureau. Il n'était pas très en ordre. Il y avait des papiers, des schémas et des babioles un peu partout dans la pièce.

-Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en voyant un dessin de titan.


-C'est ce que nous supposons être la composition d'un titan. Ils possèdent une apparence humanoïde mais peuvent être vraiment très stupides. Leur seul but est de tuer, même si ils n'ont pas le besoin de se nourrir. J'ai pu observé grâce à mes deux sujets que les titans sont moins efficaces de nuit. Tout ce qu'ils ont besoin c'est du soleil.


-Qui pensez-vous les a tué ? la questionnai-je sans langue de bois.


-Sowny et Bean ont été assassinés par quelqu'un qui ne veut pas que je récolte des informations sur les titans, avoua Hanji en fronçant les sourcils. Un traître.


-Vous parlez d'eux comme des animaux de compagnie..


Je n'arrivais pas à comprendre comment Hanji avait pu s'attacher à ces monstres. Elle m'expliqua que, de son point de vue, elle trouvait que les titans n'avaient pas le choix. Ils étaient comme forcés de répondre à leur nature et de tuer des innocents. Je continuai à la questionner sur les titans pendant un long moment. Une fois l'heure de rejoindre mon caporal, je remerciai Hanji une dernière fois avant de m'éclipser.


Je me positionnai près du terrain d'entrainement. Les dernières recrues étaient entrain de rejoindre leur dortoir. Je m'installai sur un banc, patientant cinq puis vingt minutes. Cela faisait maintenant une heure que j'attendais mon caporal. Être en retard n'était pas dans ses habitudes. Il avait certainement eu un empêchement. Ou avait-il peut être tout simplement oublié ?


-Qu'est ce que tu fais dehors à cette heure ?


Je passai ma tête au dessus de mon épaule. J'aperçus soudainement un garçon. Je ne l'avais jamais croisé auparavant.


-J'attends le caporal, pourquoi ? dis-je méfiante.


-Le caporal ? Je l'ai vu il y a quelques temps et il ne se dirigeait pas dans cette direction, m'affirma-t-il gêné.


J'étais forcée d'avouer qu'il m'avait bel et bien oublié. Moi qui avait fais l'effort d'être en avance pour ne pas l'ennuyer, j'étais plutôt déçue. Le garçon, toujours d'un air compatissant, me fixa en se grattant l'arrière de la nuque.


-Je m'appelle Marco, se présenta-t-il timidement.


-Enchantée Marco, répondis-je sourire aux lèvres, je suis Hana.


-Tu devrais rentrer Hana, il commence à faire froid. Et puis, la cantine va bientôt fermée.


Il m'avait l'air d'un garçon sympathique, sans mauvaises intentions. Je lui proposai par la même occasion de m'accompagner et de dîner avec moi. Ses joues devinrent immédiatement roses. J'hésitai une dernière fois avant de quitter mon banc. J'avais l'impression que si Livaï n'était pas venu tout de suite, il ne viendrait jamais.


La cantine était pratiquement vide. Seuls quelques soldats étaient présents. Je n'étais pas très bavarde, toujours agacée d'avoir attendu pour rien. Lorsque Marco me demanda pourquoi je patientais seule tout à l'heure, je lui expliquai que le caporal était censé m'apprendre à manier la manœuvre tridimensionnelle. Il était timide et n'osait pas vraiment me questionner davantage. J'avais tout de même réussi à apprendre quelque chose de nouveau sur lui. Il était ami avec Jean.


J'entrai nonchalante dans ma chambre. Je me changeai puis m'écrasai sur le lit. M'avait-il vraiment oublié ? Peut être qu'il avait mieux à faire. Pourtant, il savait à quel point rattraper mon retard était important pour moi. Me cachant sous les couettes, je m'endormis rapidement. Assez rapidement pour ne pas entendre que quelqu'un avait frappé plusieurs fois à ma porte.


***

[Chapitre relu et corrigé]

Laisser un commentaire ?