La communauté du sud

Chapitre 2 : Un souvenir de plus qui part en fumée

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:01

La fin d’après midi pointait déjà le bout de son nez. Je n’avais même pas eu le temps de voir passer la journée avec la centaine de couvert que nous avions fait au Merlotte. Alors que je débarrassai une table, Sam m’interpella de derrière le comptoir. Je le rejoignis.

- Sookie, tu peux y aller, je finirai. Et puis Arlène est là.

Surprise, je me demandais pourquoi je faisais l’objet d’une soudaine générosité. Il est vrai qu’à l’inverse de la journée, la soirée s’annonçait plutôt calme. Il faut dire qu’avec ce nouveau pub qui avait ouvert à quelques mètres du Merlotte, les soirées bondées de mondes n’étaient plus au rendez-vous depuis quelques semaines. Et Holly se débrouillait très bien toute seule. Mais je me questionnai tout de même. Sam n’étais pas du genre à me lâcher prématurément le soir, lorsqu’il nous congédier, c’était le matin la plupart du temps.

Face à ma mine incrédule, il ajouta :

- Tu m’as l’air épuisée ces derniers temps, je pense qu’un peu de repos te ferait le plus grand bien.

D’un sourire presque paternel, il me lança une tape à l’épaule. Je lui répondis par un hochement de tête.

Sam me connaissait mieux que personne, depuis le temps qu’on se côtoyait. Il pouvait deviner les moindres de mes sentiments, ça en devenait presque agaçant.

- Merci, Sam.

Sans perdre de temps, je quittai mon tablier, le posant sur un tabouret, et empocha les clefs de mon vieux tas de ferraille. Saluant d’un geste de la main Arlène et le nouveau cuisto, je m’éclipsai du Merlotte pour rejoindre le parking.

J’introduisis ma clef dans la serrure, mais au moment où j’allais grimper a bord de mon fossile sur roues, un cri effroyable vint percuter mes pauvres tympans.

Je me retournai, cherchant l’origine d’un tel bruit ; la nuit était très sombre, la lune se réfugiant presque entièrement derrière les nuages. Je ne vis rien. Cependant, avec l’expérience acquise ces derniers moi pour ce qui était des histoires tordues, je sentais au fond de moi qu’il se passait quelque chose… quelque chose de pas très joli…

Me fiant à mon instinct, je fonçai vers le sous bois ; celui où j’avais sauver la vie à Bill voilà plus d’un an de cela. Et j’eus raison. Le spectacle qui s’offrait à moi me figea d’horreur. Je ne mis pas longtemps à reconnaître la longue silhouette affalée sur le sol. Tanya. Pliée d’une façon improbable, la jeune femme gisait dans son sang. Sa tête se trouvant à quelques centimètres de son corps.

On aurait pu croire qu’a force d’habitude, je gérais de mieux en mieux ce genre de situation. Mais je devais admettre, qu’on ne s’y faisait jamais, à moins sans doute de vivre des siècles…

Submergée par le dégoût, je ne pu réprimer des haut-le-cœur. Reprenant difficilement mes esprits, j’attrapai mon téléphone portable dans mon sac à main, et composa un numéro qui m’étais devenu familier.

Une voix féminine répondit.

- Le Fangtasia, bonsoir, venez croquez la mort à pleines dents…

- Pam, m’écriai-je sans prendre de gants. Passe moi Eric, c’est urgent.

Pour une fois, le bras droit du shérif  ne se permit aucune plaisanterie de mauvais goût. Sans doute ma panique était trop évidente pour cela. Quelques secondes plus tard, Eric prit le combiné.

- Sookie ?

- On a un gros problème. Y’en a une sixième sur la liste.

Il comprit directement de quoi je parlais.

- Qui ? Où ?

- Devant le Merlotte. Tanya.

Quelques secondes de silence suivirent.

- Ok. Préviens les flics, et rejoins moi au plus vite.

Je coupai net la communication, et retourna en trombe dans le Merlotte. Expliquant la situation à Sam, je composai maintenant le 911. Je réitérai mes explications.

Quelques minutes plus tard, un fourgon et une voiture de police éclairaient le parking de leurs gyrophares tournoyants.

Je répondis aux questions que les agents me posèrent, et d’un regard, laissa entendre à Sam que je devais partir. Ce que je fis peu après.

 

A l’entrée du Fangtasia, je n’avais rien perdu de ma panique, bien que j’essayai de la dissimuler au maximum. Inutile d’alarmer toute la clientèle du bar, d’autant plus que les trois quarts étaient des futures victimes potentielles pour ce tueur en série.

Pam m’accueillit avec son sourire habituel.

- Sookie. Il t’attend dans son bureau, a-t-elle soufflé.

Je rentrai alors, suivant le long corridor au fond de la salle pour atteindre la pièce où je devais me rendre.

Sans même frapper je pénétrais à l’intérieur. Je ne m’assis pas. Le regard plein d’angoisse j’attendis qu’Eric prenne la parole.

- Tu as entendu quelque chose ?

- Rien, répondis-je presque frustrée de cette réalité.

Eric rumina.

- Je ne comprends pas. Ce n’est pas normal. J’aurais forcément entendu les pensées de l’agresseur…

Je pris quelques secondes pour réfléchir.

- A moins que tu n’aies vu juste… l’agresseur en question n’est pas…

- Humain, finit-il.

J’acquiesçai, songeuse.

- Ni loup-garou, ajoutai-je.

Je compris alors que je n’étais par conséquent, plus utile à Eric et Pam dans cette affaire.

Mais quelque chose semblait pourtant remuer les méninges du Viking. Après un court silence il admit :

- Un vampire, qui tuerai les vampires… ça n’a pas de sens… Je n’ai jamais vu ça en plus de mille ans. Le châtiment risqué est trop important pour qu’un seul d’entre nous ne s’y essaye…

Nous nous dévisageâmes un moment. Cherchant à comprendre ce qui se passait dans cette fichue ville.

- A moins, qu’il n’y soit contraint… tentai-je.

Eric parut stupéfait de mon idée.

- Et par qui ? Lança-t-il sceptique. Les vampires n’ont peur de rien, si ce n’est de leurs vassaux.

- Le chantage peut pousser à des fins improbables parfois…

Il sembla resté perplexe. Moi non plus a vrai dire, je ne croyais pas vraiment à ce que je venais de dire… mais faute d’autres propositions…

Alors que nous cherchions tous deux une explication logique à cette situation qui semblait pourtant inextricable, mon téléphone sonna. Je décrochai, étonnée d’avoir un appel à cette heure ci.

- Sookie ? Jeta une voix toute aussi soumise à la panique que je ne l’étais une demi heure plus tôt.

Je reconnu le timbre de mon frère et une boule d’anxiété se forma automatiquement dans ma gorge. Que pouvait-il arriver de pire ce soir ?

- Sookie, reprit Jason. Tout à flambé, ya plus rien.

- De quoi tu parles, Jason ? Calme toi ! Je ne comprends rien !

- La... la maison ! Il ne reste rien !

Horrifiée, je laissai tomber mon téléphone au sol. Mon corps tout entier se figea. Deux conclusions vinrent envahir ma tête embrouillée. Premièrement, cette maudite maison, auparavant, douillette et synonyme d’agréables souvenirs, à l’époque où Granny était encore de ce monde, était devenue depuis une véritable cible pour les pyromanes de service. Deuxièmement, comme cela en devenait presque quotidien depuis que les vampires étaient sortis de leurs cercueils, quelqu’un avait vraisemblablement envie de me tuer, ou de ruiner mon existence. Je fondis en larme. Je sentis alors une main apaisante se poser sur mon épaule.

 

Il ne fallut guère plus de vingt minutes pour qu’Eric me ramène à Bon Temps a bord de sa Corvet.

Le carnage avait finit par laisser place à un tas de cendre, dans lequel seules quelques poutres en bois avaient survécu.

- Je suis navré, Sookie, lança le shérif Bud.

« Pauvre folle, à trop traîner avec ces enculés de suceurs de sang, tu l’as bien mérité » railla la voix intérieure d’Andy Bellefleur. Je n’eus même pas la force de m’en prendre à lui. Agenouillée face au désastre, mes yeux semblaient chercher dans les débris, une once de vie. Mais rien. Tout était parti.

Une paire de bras musclés m’empoigna alors, me forçant à me relever. Jason m’enlacer de toutes ses forces, tout aussi perdu que je l’étais.

- Jason, je sais bien que le moment est mal choisi, mais on aurait quelques questions à te poser.

Mon frère me relâcha, non sans peine, avant de suivre aveuglement le shérif de Bon Temps.

Je restai seule, toujours dans l’incapacité physique et mentale de détourner mon regard du chaos qui prenait place sous mes yeux.

Après quelques minutes, je parvins enfin à en détacher mon regard, recherchant mon frère. Je n’avais plus que lui. Il était désormais toute ma vie. Le seul survivant de mon enfance.

J’aperçus alors Eric, le rejoindre, interrompant sa discussion avec Bud. Après un échange apparemment calme, et un étrange accord passé entre eux, le Viking revint vers moi.

Il passa un bras sécurisant autour de mes frêles épaules, et m’emmena avec lui. Je ne posai aucune question. Je n’en avais ni l’envie, ni la force. Tout ce que je souhaitais sur le moment, c’était garder le silence.

- Viens, Sookie. Ton frère va dormir chez Hoyt ce soir. Toi tu viens avec moi. Tu n’es plus en sécurité.

« Sécurité ». Ce mot avait disparu de mon jargon le jour où j’ai rencontré Bill Compton, mon premier amour. Avec le recul, je bannissais ce jour, où inconsciemment, les portes de l’enfer m’avaient ouvert les bras, pour ne plus jamais me relâcher de leur étreinte glauque et morbide.

 

 

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