[LGDC] fanfiction "Le Temps des Brumes"

Chapitre 17 : Chapitre 9

3631 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/08/2020 15:35

Cela faisait maintenant un long moment que Pelage de Brume sillonnait le territoire du Lac. La forêt de feuillus qui s'y épanouissait était similaire à la sienne, sinon la continuité. Mais tout ici lui paraissait étrange et nouveau, depuis le murmure des feuillages traversés de vent, jusqu'aux petits criquets gris qui jaillissaient de sous les feuilles mortes à chacun de ses pas. Autour d'elle, les odeurs des maîtres des lieux se faisaient de plus en plus nombreuses et présentes.

Enfin, il n'y eut plus de doute. L'air s'était chargé d'effluves vaseuses et aquatiques, indiquant clairement la proximité de l'immense étendue d'eau qu'était le lac de la Vallée. Le camp devait désormais être tout proche, et tandis que son cœur pulsait de plus en plus fort dans sa poitrine, elle s'étonnait de n'avoir encore rencontré personne. Les chats du Lac étaient pourtant les plus nombreux des quatre Clans de la Vallée. Et elle ne faisait rien pour se cacher d'eux. Elle marchait d'un pas franc, la queue haute et veillait à bien émettre son odeur, pour signaler sa présence, selon le protocole que lui avait indiqué Griffe Noire, sans quoi on risquait de prendre sa visite pour une intrusion clandestine. Et elle ne voulait surtout pas cela. Les guerriers du Lac pouvaient se montrer très vindicatifs quand il s'agissait de défendre leur camp des étrangers. Si elle se montrait agressive envers eux ils pourraient se méprendre sur ses intentions, et ils n'hésiteront probablement pas à s'en prendre à elle. Bien qu'elle soit tout à fait capable de se défendre, seule en plein coeur de ce fief ennemi grouillant de guerriers, elle n'aurait aucune chance de s'en sortir si la situation venait à s'envenimer.  

Ses pattes se raidissaient un peu plus à chaque foulée. Elle s'inquiétait de la confrontation qui allait maintenant avoir lieu d'une seconde à l'autre, de la réaction des guerriers du Lac, de ce qu'elle allait devoir dire et expliquer pour justifier sa présence.

Et puis.... il y avait Étoile Silencieuse, à qui elle devait remettre le message. Comment prédire la façon dont il allait l'accueillir ? Comment savoir ce que cet imposant chat plus noir et silencieux que les sombres nuits d'hiver pouvait bien penser ? C'était bien lui le premier qui avait proposé une alliance avec le Clan des Neiges, mais... s'il y a bien une chose que nul n'ignorait sur la nature des guerriers du Lac, c'est bien que leur fourberie n'a d'égal que leurs mielleux sourires aussi doux et épineux que des boutons d'aubépines. Leur Chef, en dépit de sa diplomatie et son apparente tempérance, serait une exception au climat qui l'a fait naître et grandir ? Ou est ce que tout ceci n'était qu'une façade, une stratégie ayant pour but de berner la vigilance des autres Clans quant à ses obscurs desseins, comme l'avait clamé haut et fort la soupçonneuse Étoile Blanche lors de l'Assemblée ? Il n'y avait tout bonnement aucun moyen de le savoir.

Une seule chose était sûre : les êtres les plus bruyants sont loin d'êtres les plus dangereux. Et si l'on doit bien se méfier de certains c'est de ceux qui ne pipent mots, et que l'on entend s'approcher que trop tard, jusque l'on a déjà leurs crocs plantés dans la nuque. Et Étoile Silencieuse pouvait parfaitement être né de cette mauvaise graine. Du moins, rien jusqu'à présent ne pouvait infirmer cette hypothèse, le chat était plus secret qu'une pierre de montagne, plus mystérieux que le cœur d'une chouette.

Il fallait donc que Pelage de Brume reste aux aguets et que sous aucuns prétextes elle ne relâche sa garde.

La guerrière du Feu passa entre les racines d'un bouleau dégarni et un haut buisson épineux. Il y eut un frémissement végétal et un chat déboula du bosquet comme une furie. Le vent saturé du parfum omniprésent de l'eau du lac tout proche lui avait dissimulé l'odeur du guerrier. Celui-ci, qui ne devait pas être beaucoup plus âgé qu'elle, lui fit face campé sur ses pattes de couleur jaunâtres striées de gris, le poitrail bombé et les oreilles rabattus avec hostilité.

« Qui es tu ?! » Lui beugla t-il d'une voix nasillarde et cinglante désagréable à entendre, faisant luire l'émail blanc de ses crocs.

Pelage de Brume, désarçonnée par l'irruption soudaine du guerrier, resta figée de surprise, n'osant lâcher le brin d'Herbe des Messagers pour articuler quelque chose. Elle entendit alors un second bruissement dans son dos, et la tension de son être lui fit faire volte-face instinctivement. Elle se retrouva truffe à truffe avec une femelle au pelage marbré de brun et de roux qui la foudroyait du regard comme si elle avait le mal incarné sous les yeux, toutes griffes exposées. Leurs fourrures aussi lustrées et brillantes que le plumage du cormoran lui indiquèrent sans doute possible qu'il s'agissait bien de guerriers du Clan du Lac.

- C'est une de ces lamproies du Clan du Feu, affirma la guerrière en crachant de méprit à l'adresse du mâle. Fais attention ! Ces serpents échaudés ont la morsure facile !

- Feu ou pas, je vais lui faire passer l'envie de traîner ses sales pattes sur notre territoire ! » Aboya l'autre de plus belle.

Pelage de Brume, tendue à l'extrême s'était reculée de manière à avoir les deux chats dans son champ de vision. Eux qui l'encerclaient désormais dans des postures hargneuses, avançant lentement dans sa direction. Elle ne se souvenait pas les avoir déjà rencontré durant une Assemblée, ce qui aurait put lui fournir une ouverture pour désamorcer la situation. Mais non, leurs visages et leurs odeurs lui étaient parfaitement inconnues. Elle n'en était que plus confuse et fébrile, ne parvenant pas à trouver les mots. Son tête était en train de ce vider pour se laisser envahir de stress et d'angoisse. Elle ne pouvait plus détacher ses yeux des membres aux griffes tranchantes, vifs et alertes comme des vipères, des deux chats qui étaient en train de l'acculer. Elle sentait que ces griffes pouvaient à tout moment se jeter sur elle, avec la vélocité de l'éclair qui foudroie le ciel. Une rapidité contre laquelle elle ne pourrait rien, pas même avoir le temps de fermer ses yeux pour ne pas se voir égorger sur place, ne pas voir son sang s'épandre sur le sol avide de la forêt. Et cette vision s'emparait de son esprit tout entier, ne lui laissant plus la possibilité de penser, de parler, de raisonner. Il n'y avait plus que ces griffes, ces griffes lacérant sa peau, ces griffes lui ouvrant les entrailles...

Soudain, un troisième chat apparut, faisant sursauter tout ce petit monde. Celui-ci était probablement plus jeune, et son pelage tigré était d'un intense roux sombre. A sa vue les deux autres guerriers qui tenait Pelage de Brume en respect s'esclaffèrent à l'unisson, de la même voix criarde :

- Une ennemie ! Une ennemie allait s'introduire dans le camp ! Mais nous l'avons arrêté à temps !

- C'est une Feu ! Je l'ai reconnu à la saleté de son poil et à son odeur de rat mort ! »

Le mâle roux vint toiser de ses yeux gris et placides Pelage de Brume qui, figée comme une araignée morte, avait tout le mal du monde à contenir sa déconfiture. Le guerrier au poil de feu immobilisa son regard sur le brin d'herbe séché qu'elle serrait toujours entre ses babines crispées.

« Cette furie de guerrière du Feu pense qu'elle peut se promener librement sur notre territoire !! Poursuivit la chatte marbrée. Laisse nous l'étriper, Sang d'Érable !

- Ces brutes survoltées pensent qu'elles peuvent tout se permettre ! Mais ils vont voir qu'ils ne sont pas les seuls à aimer la violence et le sang ! Ajouta l'autre mâle.

- Calmez-vous. » Ordonna simplement leur comparse roux.

Celui-ci tendit un peu le cou en avant et, faisant se dilater sa truffe rouge, huma l'air dans la direction de Pelage de Brume.

Puis, s'adressant à elle, demanda comme une conclusion :

« Tu es une Messagère, n'est-ce pas ? »

Celle-ci acquiesça d'un signe de tête craintif.

- Une Messagère ? Qu'est-ce que sait ces histoires ? Elle nous prend pour des vers de vase ! Hurla le chat à la fourrure jaunâtre de son insupportable miaulement. Messagère ?! Et puis quoi encore ? Elle ne veux pas me lécher le poil tant qu'elle y est !

- Tais-toi, Pelage de Blé. Laisse la parler. » Le coupa calmement mais fermement le guerrier roux.

Pelage de Brume déglutit péniblement. Elle s'assit sur son arrière train pour se donner de la contenance, posa devant elle l'Herbe des Messagers qui embaumait encore le foin coupé, et réussit enfin à articuler :

- Ou...oui. Je... j'apporte un message de la part d'Étoile Farouche, Chef du Clan du Feu. Un message pour Étoile Silencieuse, Chef du Clan du Lac. »

Les deux guerriers aux accents aigus s'indignèrent de ses paroles. Le chat roux lui demeura muet, scrutant Pelage de Brume avec une intensité incisive. Puis, tournant sur lui même, il annonça sobrement :

- Suis-moi.

- Mais Sang d'Érable ! S'écria la chatte marbrée. Tu ne vas pas lui faire confiance ?! Ça n'existe pas les messagers ! Elle se moque de nous ! Tu vois bien que c'est un stupide piège !

- Ne t'en mêle plus, Feuille Marbrée. Reste ici avec ton frère. » Asséna t-il, sûr de lui.

Sans un mot de plus, le rouquin qui semblait avoir autorité, s'engagea entre les buissons d'où il était venu, lançant un coup d'œil à Pelage de Brume pour s'assurer qu'elle le suivait bien.

Pelage de Brume ne se fit pas prier davantage, le sang froid du matou lui avait permit de se rassurer et de remettre de l'ordre dans ses idées. Elle s'engagea à la suite du rouquin, heureuse de pouvoir fausser compagnie à ces deux guerriers vindicatifs qui l'avaient brutalement accueilli et qui ne semblaient pas avoir la perspicacité pour atout. Elle fit claquer ses oreilles pour se ragaillardir, le plus gros restait encore à venir.

Le chat du Lac qui marchait devant elle l'entraîna à travers les futaies et les herbes hautes qui devaient border son camp, jusque dans une petite trouée herbeuse entourée d'arbres aux ramures effeuillées qui laissaient filtrer toute la lumière du pâle soleil de fin d'après-midi. Sur le même ton que précédemment, il lui intima l'ordre de patienter ici, avant de s'éclipser.

Elle demeura donc seule. Un peu perdue. Dans cet petit rond de verdure aux allures d'irréalités où elle se sentait comme une intruse qui en troublait la paix.

Elle pensa à son Clan, ou plutôt, elle pensa à Cœur de Cendre, demeuré de l'autre côté de la forêt. Avait il remarqué son absence ? Savait-il quelle mission elle était en train d'accomplir, du moins de tenter d'accomplir ? Elle avait hâte de le revoir. Revoir sa bouille ronde et heureuse, ses yeux souriants comme des soleils...

Un craquement de brindille la sorti de nouveau de sa rêverie salutaire. Retour au présent de la situation. Le chat roux était de retour, suivit d'un très grand chat massif au pelage dégradé d'ocre et de brun, puis, enfin, du large corps noir et lustré d'Étoile Silencieuse. Les trois mâles approchèrent et prirent place au cœur de la clairière. Étoile Silencieuse, maître en son domaine, s'installa face à la présente messagère, escorté de part et d'autres de ses flancs sombres de ses deux fidèles guerriers.

Pelage de Brume, intimidée par le regard muet et impassible du Chef de Clan, le salua gauchement. Et, après un temps de silence gênant, elle finit par comprendre que le meneur du Lac attendait qu'elle parle en premier. Elle déclara donc :

- Je... je suis une guerrière du Clan du Feu. Je viens délivrer un message au nom de mon Chef, Étoile Farouche. »

Étoile Silencieuse cligna ses prunelles verdâtres avec flegme.

- Je t'écoutes. »

Les griffes de Pelage de Brume s'enfonçaient entre les herbes minces de la clairière. L'imposant chat noir était bien plus impressionnant de près. L'aura calme et maîtrisée qui émanait de lui imposait une accalmie à l'air ambiant lui-même. Le regard attentif des trois chats était rivé sur elle. Cette situation était très désagréable. Elle fit appelle à sa mémoire pour retrouver les paroles exactes que son père lui avait confié le matin même, et récita un peu précipitamment, pressée d'en finir :

- Étoile Farouche qui s'est engagé par alliance à aider le Clan des Neiges à repousser les hordes de renards hors de la Vallée, craint que leur abondance ne soit trop importante. Il vient donc requérir le soutient des Guerriers du Lac et soumettre au Chef de Clan une nouvelle proposition d'alliance qui unira les chats du Lac, du Feu et des Neiges dans une grande et décisive traque aux renards, qui sauvera les terres de la Vallée de leur néfaste incursion. »

Étoile Silencieuse, fidèle à son patronyme, demeura un long moment pensif, semblant étudier avec grand sérieux le message qui venait de lui être transmit. Les deux guerriers derrière lui, échangeant quelques regards entre eux, ne vinrent pas troubler la réflexion de leur Chef de leur paroles. Eux comme Pelage de Brume attendaient qu'Étoile Silencieuse fasse connaître sa réponse sur l'ultimatum posé.

Enfin, avec cette voix au calme et à la douceur qui était la seule qu'on lui connaissait, le large chat noir prononça :

- Étoile Blanche, Cheffe du Clan des Neiges, a officiellement refusée l'offre d'entraide qu'il lui a été faite en premier lieu, par ma personne. Qu'est ce qui fait croire à Étoile Farouche que la Meneuse du Clan des Neiges acceptera cette fois-ci la solidarité de mes guerriers ? »

Le Chef du Lac se faisait, semblait-il, la même réflexion qu'elle s'était faite un peu plus tôt.

- Eh...eh bien...bégaya t-elle. Mon...mon Chef pense que l'actuelle situation des Neiges ne leur permet plus de refuser un tel renfort. Et Étoile Farouche se porte garant de convaincre Étoile Blanche d'accepter votre aide dans les meilleures conditions. Enfin... si... si vous consentez à vous joindre à la traque. »

Étoile Silencieuse se tourna vers ses deux escortes, ils s'éloignèrent un peu. Le Chef sembla leur demander conseils, du moins leur avis sur la question, car les trois chats entreprirent alors de délibérer entre eux. Assez rapidement, après avoir probablement pesé le pour et le contre, ils revinrent vers elle.

- Le Clan du Lac consent à participer à la traque. Transmets à Étoile Farouche que je l'attendrai la nuit prochaine à la frontière des Trois Épines, pour m'entretenir de vive voix avec lui à ce sujet. »

Pelage de Brume acquiesça, répétant à voix haute la réponse pour assurer à son commanditaire qu'elle l'avait bien comprit et mémorisé. Sur ce, le Chef du Lac prit congé de son pas tranquille et lent. En passant à la hauteur du jeune guerrier roux il s'arrêta pour lui murmurer quelques mots dans le creux de l'oreille que l'autre écouta avec la plus grande attention. Puis, il se tourna de nouveau vers la guerrière du Feu pour lui indiquer :

« Le Lieutenant Sang d'Érable va te raccompagner jusqu'à la frontière. Bon retour parmi les tiens. »

Sur ces dernières paroles, le corpulent chat noir quitta la petite clairière, escorté de près par le grand mâle brunâtre à la longue queue dressée.

Voilà, c'était fini.

Pelage de Brume, encore un peu hébétée par le déluge d'émotions qui s'étaient succédé dans son cœur en si peu de temps, demeura assise, immobile, même après le départ des deux chats et de ses responsabilités.

Le dit Sang d'Érable qui l'avait conduit jusqu'ici et qui visiblement attendait qu'elle revienne à elle, se racla la gorge d'impatience.

Elle leva vivement ses yeux vers lui. Il soutint son regard de ses prunelles argentées et renfermées. Puis, pivotant dans la direction inverse que son Chef avait prise, l'invita à se mettre en route vers le territoire du Feu.

Le soleil descendait désormais derrière la voûte clairsemée des arbres. Ses rayons incandescents pénétraient la forêt en raies drues et orangées en travers des panaches bruns et rougeâtres des frondaisons automnales.

Pelage de Brume marchait à pas serrés, le Lieutenant du Lac avançant à quelques foulées d'elle. Il ouvrait la marche, prenant un chemin qu'elle ne connaissait pas, visiblement moins long que celui qu'elle avait emprunté pour venir. Les deux chats de différentes allégeances avançaient ensemble dans un silence pesant et plutôt malaisé. Pelage de Brume, maintenant qu'elle faisait route pour regagner son territoire et son monde, se sentait incroyablement mieux. Elle se doutait que sa prestation de Messagère auprès des Lacs avait dut être bien médiocre, pour ne pas dire grotesque, mais elle ne souhaitait plus y penser. Cela n'avait plus d'importance, maintenant que la mission était accomplie.

La brise forestière soufflait sur la fourrure auburn de son guide attitré avant de glisser sur son propre museau. Sang d'Érable, puisqu'il se nommait ainsi, avait une odeur difficilement ignorable. Parfum humide et herbeux de tilleul, de vase, de saule et de sable mouillé. Son odeur était si différente de celle des chats du Clan du Feu. Ce parfum méconnu de ses sens lui entrait dans la truffe sans ménagement et s'imposait à son odorat avec intensité et entêtement. Elle avait hâte de s'éloigner de cette senteur tapageuse et intrusive.

Le Lieutenant du Lac marchait avec rapidité et détermination. Il ne lui prêtait aucune attention ou presque, se contentant d'avancer droit devant lui dans une réserve sévère et dénouée de toute courtoisie. Ses yeux gris et sérieux s'agitaient de temps en temps, au même titre que ses oreilles pointues, mais son expression restait fermée et songeuse. Pelage de Brume était incapable de dire si ce chat se trouvait aux aguets ou bien complètement perdu dans ses pensées. Elle était pressée de pouvoir se passer de sa déplaisante compagnie.

Dans cette ambiance oppressante, le temps lui parut interminablement long. Le mâle finit par s'arrêter non loin d'un vieux tronc de chêne écroulé en travers du chemin, son écorce grise de vieillard était recouverte presque intégralement de champignons et de lichen proliférant.

« Nous y sommes. Annonça t-il sans émotions. Au delà de ce vieux tronc, le territoire du Lac prend fin pour devenir celui du Feu. Mon rôle de guide s'achève ici. Te voilà chez toi. »

Elle lança ses prunelles vibrantes de joie et de soulagement vers la frontière invisible qui séparait leurs deux univers. La frontière. Enfin.

Elle se tourna vers son fruste accompagnateur.

- Bien... Me...Merci ? » S'hasarda t-elle à prononcer.

Le rouquin, assit sur son arrière train, hocha sobrement la tête comme ultime salut, n'ayant visiblement cure de ses remerciements.

N'ayant en contrepartie aucun regrets à l'abandonner là pour ne jamais plus le revoir, elle fit quelques pas vers le tronc mort habité de corps spongieux. Mais, sentant toujours le regard du mâle roux sur elle, elle jeta un regard méfiant derrière son épaule. Il n'avait pas bougé d'un poil, et ne la quittait pas de ses yeux impassibles. Pourquoi restait il là à la regarder ? Son devoir lui imposait probablement d'attendre jusqu'au moment où elle aurait traversé la frontière pour s'assurer qu'elle quittait bien le domaine du Clan du Lac, avant de s'en retourner à son camp.

Un taon bourdonnant du même acabit que celui qui l'avait attaqué plus tôt voleta vers lui, assurement dans l'intention de le piquer. Sans même sourcilier, le chat du Lac faucha l'insecte d'un coup de patte si vif, que l'œil de Pelage de Brume fut à peine en mesure de le percevoir, ne pouvant constater que du claquement sec que fit le terrible coup sur la chitine de l'insecte. La vivacité fulgurante des chats du Lac n'était donc pas une légende... cette constatation donna à Pelage de Brume un petit frisson glacé. Elle souhaita ne jamais avoir à combattre l'un des ces guerriers, dont la vélocité devait être supérieure encore à celle des poissons qu'ils débusquaient de l'eau.

Mal à l'aise, mais trop heureuse d'en finir enfin avec cette mission de Messagère, elle décida d'ignorer le regard du chat sur elle, et accéléra le pas pour quitter au plus vite ses terres inconnues.

Alors qu'elle s'apprêtait à franchir la porte formée du tronc frontalier, elle fut brutalement plaqué à terre. Son corps immobilisé par le poids que l'on appliquait sans ménagement sur elle pour la maintenir au sol, ne pouvait plus bouger. Prise de court et sonnée par le choc, la tête bloquée, elle ne voyait plus rien d'autre que la masse de poils roux qui l'écrasait. Le Lieutenant du Lac venait de lui bondir dessus.


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