Un Vide de Vérité

Chapitre 8 : L'inquiétude

1965 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/09/2020 23:55

4 Jours, cela faisait maintenant 4 jours qu’Anna n’avait aucune nouvelle de sa sœur. Jamais elle n’était restée sans nouvelle aussi longtemps. Elle avait envoyé une missive ce matin pour prendre de ces nouvelles et lui dire qu’elle l’attendait, ce soir, pour une soirée charade. Mais l’après-midi touchait à sa fin et elle n’avait reçu aucune réponse. Kristoff avait tenté de la rassurer, Olaf de la distraire, mais tous avaient échoué. Anna demeurait nerveuse.


« Il se passe quelque chose, je sens qu’il se passe quelque chose. »


Elle se parlait à elle-même tandis qu’elle faisait les cents pas sur le balcon, fixant inutilement l’horizon. Mais que faire ? Elsa pouvait être n’importe où. Elle pouvait aussi avoir simplement envie d’être seule. Devait-elle accourir dès qu’elle restait sans nouvelle trop longtemps ? Est-ce qu’Elsa ne lui avait pas dit elle-même qu’elle s’inquiétait trop ? Sa sœur avait-elle pris la décision de s’éloigner sans lui laisser le choix, pour la laisser vivre sa vie comme elle le disait ? Ou peut-être avait-elle trouvé une révélation dans les carnets de leur mère.


« Oh Elsa… Où es-tu ? »


Ceux de son père s’étaient révélés plutôt barbant, comme elle s’y était attendue. Ils étaient très techniques, détaillant avec soin ce qu’il avait compris des pouvoirs d’Elsa, comment ils se manifestaient, comment il fallait les contrôler. Des alignements de chiffres et de formules auxquelles elle ne comprenait pas grand-chose et qui révélait finalement toute l’impuissance de ses parents à gérer la situation. Agnarr s’était réfugié dans les mathématiques et une étude très cartésienne. Comme si la magie pouvait être aussi simple. C’était d’autant plus étonnant qu’il avait connu le peuple des Northuldra avant le bannissement de la forêt enchantée et que sa mère elle-même en était issue. Anna coupa court à ses pensées pour observer de nouveau l’horizon, ses mains sur la rambarde laissèrent des traces humides tant l’inquiétude la rongeait.


Qu’est ce qui pouvait expliquer le silence d’Elsa, et pire, qu’est ce qui pouvait expliquer son absence ? Devait-elle se lancer à sa recherche maintenant, attendre encore ? Mais si oui, combien de temps ? A partir de combien de jour avait-elle le droit de raisonnablement s’inquiéter ? Quatre lui semblait déjà terrible et Elsa n’avait jamais, jamais fait ça. Non, quatre, c’était déjà trop, elle n’allait pas attendre plus longtemps. Sa sœur avait besoin d’elle, elle en était absolument certaine et il n’était pas question qu’elle reste les bras croisés. Anna quitta son observatoire et dévala les escaliers pour rejoindre Kristoff et Sven dans l’étable.


« Nous partons, maintenant. »


Le blondinet et le renne échangèrent un regard surpris.


« Quoi ?

-Je n’ai pas de nouvelle de ma sœur alors nous partons la chercher.

-Mais…

-Kristoff, ne discute pas s’il te plait, je sens que quelque chose ne va pas, d’accord ? Je ne sais pas comment l’expliquer, mais… Je le sais, c’est tout. »


Et s’il y a bien une chose qu’il avait apprise au cours de ces années, c’est qu’il était inutile de discuter avec une Anna déterminée, en particulier lorsqu’il s’agissait de sa sœur.


« Très bien, je prépare l’attelage. Sven, avale tes carottes mon vieux ! »


Le renne goba tout d’un coup. Anna repartit comme elle était venue pour récupérer du matériel et donner des instructions en son absence.


« Tu as vu Olaf ? »


Sven hocha la tête et indiqua la droite d’un coup de sabot. Kristoff suivit l’indication et tomba sur le bonhomme de neige en train de compter, à l’ombre d’un mur.


« 38…39… 40 ! J’espère que vous êtes bien cachés ! Je viens vous chercher ! Hi hi hi !

-Heu… Olaf ? Qu’est-ce que tu fais ?

-Je joue à cache-cache, d’ailleurs tu n’es pas très bien caché. Quelqu’un t’a expliqué les règles du jeu ?

-C’est pas le moment de jouer Olaf ! Anna veut qu’on parte tout de suite pour aider Elsa.

-Aider Elsa ! D’accord ! Allons aider Elsa ! Mais à faire quoi au juste ?

-Heu… Je ne sais pas…

-Très bien ! Et on va où ? »


Kristoff le fixa en se grattant la tête.


« A vrai dire, je sais pas non plus…

-Oh moi j’adore partir à l’aventure ! On va nulle part pour aider Elsa à ne rien faire !

-Heu non Olaf… c’est pas tout à fait ça…

-Sven ! Sven ! Tu es au courant de la nouvelle ! On part à l’aventure nulle part pour rien faire !

-Bon… »


Quelques minutes plus tard, le traineau quittait Arendelle avec à son bord un Olaf chantant sur l’air de « Point d’avenir sans nous ». Il s’était installé confortablement à l’arrière, laissant à Anna et Kristoff les places de devant, et Sven bien sûr, encore plus devant. Il attrapa une feuille au vol.


« Vous vous souvenez qu’il y a un an jour pour jour, Elsa avait failli mourir en devenant le cinquième esprit ? Et moi aussi !

-Pas maintenant Olaf. »


Anna lui sourit doucement, elle n’avait aucune envie d’être désagréable avec son ami, mais l’inquiétude la rongeait et c’était tout à fait le genre d’anniversaire qu’elle n’avait pas envie de fêter. Le bonhomme de neige se rapprocha d’elle et lui sourit en retour.


« Je crois que quelqu’un aurait bien besoin d’un gros câlin. »


Il joignit le geste à la parole en serrant Anna dans ses maigres bras.


« Merci Olaf, j’en avais effectivement besoin. »


Kristoff se racla doucement la gorge.


« Alors heu… Où est ce qu’on va ? »


La question restait toujours en suspens depuis qu’Olaf l’avait posée, mais maintenant qu’ils étaient sur la route, il avait quand même besoin d’une direction.


« Grand Pabbie.

-Hein ? Tu penses qu’Elsa est avec ma famille ?

-Non, je pense qu’il se passe quelque chose et si c’est le cas, Grand Pabbie le saura.

-Ah oui d’accord, ça se tient. »


Sven n’avait besoin d’aucune indication pour ce chemin qu’il connaissait par cœur, il accéléra naturellement la cadence, secouant la tête en rythme avec la chanson qu’Olaf avait recommencé. Le trajet se passa sans encombre jusqu’à la clairière des trolls. Dans le jour déclinant, l’odeur de l’humus était épaisse et l’humidité pénétrante jusqu’à vous geler les os. De nombreux trolls se précipitèrent pour les saluer dans une joyeuse cacophonie, mais le regard d’Anna ne s’était posé que sur Grand Pabbie qui semblait l’attendre à l’écart de la clairière, drapé de sa sagesse habituelle.

Anna quitta l’assemblée avec quelques excuses et des sourires gênés, laissant Kristoff, Sven et Olaf au milieu des embrassades. La nuit s’installait doucement, la reine resserra les pans de son manteau pour se protéger de l’air frais.


« Grand Pabbie ?

-Je vous attendais, Anna. Elsa n’est pas avec vous ?

-Non, elle est… Je ne sais pas où elle est. »


Sa voix se brisa légèrement mais elle tint bon.


« Je crois qu’il se passe quelque chose, mais je ne sais pas quoi.

-Les esprits sont perturbés.

-C’est à dire ? »


Au lieu de répondre, Pabbie leva les mains et se concentra comme il savait le faire, des images commencèrent à danser, d’abord indistinctes puis les couleurs révélèrent un couple, avec un enfant.


« Un mensonge a été révélé. »


Les images changèrent de nouveau, on y voyait les 4 esprits de la forêt enchantée.


« Les esprits sont déséquilibrés »


Puis tout disparu. La reine fronça les sourcils.


« Et que se passe t’il lorsque les esprits sont déséquilibrés ?

-Ils meurent, Anna. Et s’il n’y a personne pour maintenir la balance de la nature alors… Le pire peut arriver. »


Anna se couvrit la bouche pour refreiner un cri d’effrois.


« Ma sœur, ma sœur est-elle concernée ?

-Je crains que oui. »


Les larmes perlèrent aux coins de ses yeux.


« Comment rétablir l’équilibre ?

-En comblant le vide. »


Olaf qui s’était glissé jusque-là en tout discrétion, compléta dans une imitation remarquable de Pabbie :


« Et en se massant trois fois l’orteil avec un champignon vert. »


Très fier de lui, il sourit franchement.


« J’ai bon ?

-Pas maintenant, Olaf. »


Anna s’écarta sur la buttée pour se remettre de ses émotions.


Kristoff récupéra le bonhomme de neige et le jucha sur le dos de Sven. Il observa sa fiancée et décida de la rejoindre.


« Anna ? Qu’a dit Pabbie ?

-Un déséquilibre dans les esprits, un vide à combler.

-Qu’est-ce que ça veut dire ?

-Je n’en ai aucune idée… Oh Kristoff… »


Elle se réfugia dans les bras de son futur époux, submergée par l’inquiétude.


« Je suis sûr que tout va bien se passer, Anna. Quoi qu’ait voulu dire Pabbie, nous trouverons une solution. Nous l’avons toujours fait. »


La reine renifla bruyamment et s’essuya le nez d’un revers de manche.


« Oui, tu as raison. Nous allons retrouver Elsa.

-Tu penses vraiment qu’elle est… perdue ?

-Je ne sais pas comment l’expliquer mais, je le sens.

-D’accord. Alors ? Où allons-nous maintenant ?

-Dans la forêt enchantée. C’est normalement là-bas qu’Elsa doit se trouver. »


Mais pour l’instant, et comme d’habitude, Anna n’avait aucune idée de ce qu’elle devait faire. Pabbie parlait toujours par énigme et la vérité n’apparaissait qu’au fur et à mesure. Jamais en revanche les prédictions du troll n’avaient été aussi inquiétantes : « Ils meurent ». Anna secoua la tête, non, pas question. Elle avait déjà failli perdre Elsa, elle n’allait pas laisser cette situation se reproduire.


Olaf glissa quelques mots à l’oreille de Sven :


« Mais puisque depuis le début on doit rejoindre Elsa, pourquoi est-ce qu’on n’est pas allé tout de suite en direction de la forêt enchantée ? »


Le renne fit signe qu’il ne comprenait pas davantage et retourna brouter, enfin, pas si paisiblement que ça puisque, déjà, Kristoff et Anna se réinstallaient.


« Nous n’avons pas de temps à perdre, il faut retrouver ma sœur le plus vite possible.

-Oui, allons-y ! Si quelqu’un peut gérer cette situation, c’est bien vous deux, rien ne peut vous arrêter. »


Anna esquissa un sourire, elle acquiesça d’un signe de tête déterminé.

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