Un Vide de Vérité

Chapitre 10 : Maman

1468 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/10/2020 18:56

De jour comme de nuit, les paysages d’Ahtohallan dégageaient quelque chose de mystique. Le glacier se dressait comme un rempart dans l’océan, défiant quiconque de venir fouiller ses secrets. La Mer Sombre, le froid polaire, il était difficile de faire plus inaccessible. Et plus dangereux aussi, Elsa pouvait en témoigner. Elle avait fui jusqu’ici peu de temps après la révélation d’Honeymaren. Elle n’était pas sûre de ce qu’elle espérait y trouver, d’autres mensonges sans doute. Si elle était revenue plusieurs fois sur les lieux, Elsa n’avait jamais osé retourner au cœur de la rivière. Non pas par peur de s’y noyer une nouvelle fois, mais par peur des vérités qu’elle risquait d’y découvrir. Elle s’était présentée de nombreuses fois à l’entrée et n’avait jamais trouvé le courage de la franchir.


Elle qui s’était montrée si impatiente d’en apprendre de plus, tellement avide de savoir d’où elle venait et quelle était sa place, la témérité lui faisait maintenant défaut. Son grand père était finalement un menteur, et pire, un assassin doublé d’un traitre. Son père avait effacé la culture des Northuldra et fait bannir leur langue sans autre forme de procès. Il l’avait forcée à dissimuler ses pouvoirs et à s’isoler de tous. Et maintenant, la seule personne en qui elle avait aveuglément confiance, la seule personne à laquelle elle pouvait tout confier, Anna, n’était finalement pas sa sœur. Elsa n’osait même pas imaginer quelle sombre histoire se cachait derrière ce nouveau secret. A l’idée même de devoir lui apprendre la nouvelle, son cœur se serra douloureusement. Anna voudrait sans doute partir, c’était le plus logique. Tout comme Elsa, elle voudrait comprendre et savoir d’où elle venait. Si le peuple venait à l’apprendre, son couronnement serait remis en cause. De toute façon, il était hors de question de continuer à mentir. Le peuple d’Arendelle d’ordinaire si paisible se soulèverait peut-être pour contester la royauté. Elle n’allait pas les en blâmer.


Devant ses yeux dansèrent les images d’Anna sur les quais du port, quittant le royaume sans un regard en arrière. Le peuple qui se soulève, les cris de colère, les appels à la justice, à rétablir la vérité. Les vautours comme Hans ne tarderaient pas à se bousculer aux portes du château, attisant la révolte pour mieux prendre le pouvoir.


Non. Elsa secoua la tête, elle ne le permettrait pas. Qu’Anna soit sa sœur ou non, sa place à la tête du royaume était légitime. Personne ne connaissait Arendelle mieux qu’elle, l’éducation qu’elle avait reçue l’avait préparé aux négociations difficiles, aux mondanités pénibles. Mais plus que tous ces artifices, Anna était une femme généreuse, soucieuse du bien être des autres, proche du peuple plus qu’Elsa elle-même ne pourrait jamais l’être. Son sens de la justice était solide, et elle l’avait prouvé plus de fois qu’il n’en fallait, son cœur était pur et courageux. Elle ne permettrait pas à ses parents, à leur mensonge, de ruiner la vie d’Anna. Et si elle voulait partir à la recherche de son identité, hé bien elles le feraient ensemble. Ensemble, toujours.


Elsa avança d’un pas décidé vers l’entrée. Nokk hennit subitement et se cabra devant elle, lui barrant la route.


« Ah ! »


S’il fallait se battre une nouvelle fois, Elsa était prête, elle serra les poings et se campa solidement sur ses jambes. Pourtant, son adversaire ne semblait pas menaçant. L’esprit s’ébroua. Il avança son museau et posa sa truffe d’eau sur le sac qu’elle portait en bandoulière, doucement, sans agressivité. Elle haussa les sourcils et récupéra l’un des carnets à l’intérieur.


« Je lis d’abord. »


Nokk parut satisfait, Elsa lui rendit son regard. Pourquoi pas après tout, puisque l’eau avait une mémoire, alors son esprit devait savoir bien des choses.


« D’accord. »


 Il observa son interlocutrice jusqu’à ce qu’elle s’installe confortablement, à l’abri du vent, dans un écrin de glace qu’Elsa se sculpta elle-même. Ce n’est qu’après s’être assuré que tout était en ordre que Nokk consentit à disparaitre dans les flots.


« Très bien maman, à nous deux. »


Elle caressa la couverture du carnet, hésitante et l’ouvrit après une courte inspiration.


« Agnarr n’écoute pas. Il continue de chercher un moyen de contrôler, de dominer les pouvoirs d’Elsa mais… la magie ne se domine pas, elle s’apprivoise. Notre fille doit vivre en harmonie avec ses pouvoirs, pas les craindre. Depuis l’accident avec Anna, elle ne nous laisse même plus l’approcher. La voir ainsi me brise le cœur, j’ai le sentiment qu’elle s’éteint de jour en jour. Je sais qu’Agnarr ne lui veut pas de mal, évidemment, mais je continue de dire que nous ne prenons pas les bonnes décisions. Nous nous enfermons ensembles des nuits entières à la recherche de solution, d’un guide et s’il n’en existait tout simplement pas ? Je ne compte plus les livres que j’ai parcouru pendant des heures, nulle part il n’est question d’une enfant, ni même d’un adulte, avec de tels pouvoirs. Les recherches d’Agnarr n’ont pas été plus efficaces, les gants qu’il fournit à Elsa l’aide sans doute un peu mais ils sont loin de supprimer ses pouvoirs comme il le voudrait.

 

Je sais qu’il n’aimerait pas savoir que j’écris ceci mais… Même si mon peuple a fait quelque chose d’affreux, je suis persuadée qu’ils auraient pu nous donner des réponses, ou peut être juste un début de réponse. Nous avions l’habitude de vivre en harmonie avec les esprits de la nature. Même si Elsa n’est pas l’un des 4 esprits, ses pouvoirs ont quelque chose de naturels, je peux le sentir. Je dois fouiller dans mes souvenirs, la réponse se trouve peut-être dans ma mémoire.

 

Je ne supporte plus de voir nos filles séparées et malheureuses. »


Elsa essuya quelques larmes, sa mère lui manquait terriblement. Elle changea de position pour mieux se plonger dans sa lecture. Elle découvrait avec curiosité les tâtonnements et les inquiétudes de sa mère au sujet de ses filles. Ses filles justement. Pour l’instant, il n’était fait mention nulle part d’un lien familial inexistant. Et sans même qu’elle ne s’en rende compte, le jour déclina et fit place à la nuit. Les étoiles scintillèrent sans qu’elle ne les voit.


« Je crois savoir où nous devons nous rendre si nous voulons des réponses. Agnarr ne semble plus savoir quoi faire. Malheureusement, ses recherches et ses tentatives pour aider Elsa ont fait plus de mal que de bien. Je vois bien qu’il en est affecté, lui qui aime tant ses filles. Il se sent démuni face à la situation et tout ce qu’il a essayé se révèle être un échec. Nous devons envisager les choses autrement, tant pis si cela lui donne l’impression de pactiser avec l’ennemie.

 

Il y a cette berceuse que ma mère me chantait lorsque j’étais enfant sur Ahtohallan. Je crois que c’est le seul endroit qui pourra nous fournir des réponses.

( https://www.youtube.com/watch?v=0mddmgbXcBU&ab_channel=disneymusicfrVEVO )


Quand le vent frais

Vient danser

La rivière chante

Pour ne pas oublier

Ferme les yeux si tu veux voir

Ton reflet dans ce grand miroir

Dans l'air du soir

Tendre et doux

L'eau claire murmure

Un chemin pour nous

Si tu plonges dans le passé

Prends garde de ne pas t'y noyer

Elle chante pour qui sait écouter

Cette chanson

Magie des flots

Il faut, nos peurs, apprivoiser

Pour trouver

Le secret de l'eau

Quand le reflet vient danser

Une maman rêve toute éveillée

Dors mon enfant, n'aie plus peur

Le passé reste au fond des cœurs »

 

Elsa pouvait entendre la voix de sa mère chantant ces paroles. Et c’est sans surprise qu’elle s’endormit, épuisée, au rythme de la berceuse. 

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