Un Vide de Vérité

Chapitre 12 : Retrouvaille

4709 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/10/2020 18:59

« Notre première fille a des pouvoirs extraordinaires, notre seconde fille a été déposée devant la fenêtre de notre chambre, sur notre balcon. Qui pourrait bien prendre le risque d’escalader la façade d’un château avec un nouveau née alors qu’il est si simple de déposer le couffin devant la porte. Il se passe des choses que nous pouvons plus nier, que nous ne devons plus nier. »


Elsa déglutit, elle se redressa subitement.


« notre seconde fille a été déposée devant la fenêtre de notre chambre, sur notre balcon. »


La lire une seconde fois n’avait pas fait changer magiquement le sens de la phrase. Alors elle y était à cette fameuse révélation. Son cœur battit à tout rompre, elle se sentit étrangement faible tout à coup. Une tempête de neige se leva autour d’elle, dense et menaçante. Une partie d’elle-même espérait qu’Honeymaren lui avait menti, sans raison valable, mais simplement parce que cette vérité-là serait plus facile à accepter que celle qu’elle était en train de lire. Mais pourquoi ?


 « Agnarr maintient que nous ne devons rien dire à Anna, qu’elle ne doit pas savoir que nous l’avons adoptée. Nous nous sommes disputés à ce sujet, une fois de plus. Je ne pense pas qu’Anna soit arrivée dans nos vies par hasard et que d’une façon ou d’une autre, elle est liée à Elsa.

 

Je sais que la magie est un sujet sensible pour Agnarr, mon peuple a causé la mort de son père… Pourtant… Je maintiens que tout n’est pas mauvais chez les Northuldra. La façon dont nous vivions en harmonie avec la nature, avec les esprits. Il faut explorer cette piste, nous devons nous rendre à Ahtohallan. Et il y a aussi ce livre qui parle des esprits anciens, je dois poursuivre mes recherches, mais surtout, je dois convaincre Agnarr de prendre la mer. »


Le jour était levé depuis plusieurs heures maintenant, mais la tempête de neige qui sévissait autour d’Ahtohallan avait obscurci l’horizon aussi sûrement que la nuit. Elsa referma le carnet et ramena ses genoux tout contre elle. Le lien avec sa sœur était précieux, découvrir qu’il reposait sur un énième mensonge lui faisait l’effet d’un coup de massue. Le pire restait à venir : l’annoncer à Anna. Le courage lui faisait défaut rien qu’en envisageant l’idée. La rivière gelée lui apporterait peut être des réponses supplémentaires, mais personne n’affronterai cette épreuve à sa place. Elle essuya ses larmes du revers de la main. Le vent mugit entre les congères, comme une moquerie amère. Par moment il lui semblait même entendre son prénom au milieu des bourrasques. Mais… Non, elle entendait vraiment son prénom.


« Elsaaaaa !

-Anna ?

-Elsaaaaa ! »


La tempête cessa immédiatement et là, sous les flocons qui retombaient lentement sur le sol, sa sœur se tenait debout, la fixant avec anxiété.


« Oh bon sang Elsa ! Je me suis tellement inquiétée ! »


Moins de 10 secondes plus tard, elle était tout contre elle et la serrait dans ses bras.


« Anna…

-Je n’avais pas de nouvelles et tu n’as pas répondu à mon invitation !

-Et tu es venue… jusqu’ici ?

-Evidemment ! Tu n’écoutes pas ce que je te dis, j’étais morte d’inqui… Est-ce que tu as pleuré ?

-Comment ?

-Est-ce que tu as pleuré ?

-Non, je voulais dire, comment es-tu venue jusqu’ici ?

-Bruni et Courant d’air m’ont guidé, Nokk a bien voulu me faire traverser la Mer Sombre. »


Elsa haussa les sourcils de surprise.


« Les esprits t’ont aidée ?

-Oui. Ca m’a surprise aussi au début mais… Grand Pabbie dit qu’il se passe quelque chose de grave.

-Quoi ? Comment ça ?

-Il dit qu’un mensonge a été révélé et que les esprits sont déséquilibrés. S’ils restent comme ça, ils finiront par mourir.

-Mourir ! »


Elsa écarquilla les yeux d’effrois.


« Qu’est-ce que nous devons faire ?

-Pabbie dit qu’il faut combler un vide pour rétablir l’équilibre de la nature.

-Combler un vide ? Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

-Je l’ignore, mais il faut qu’on trouve.

-Sinon, les esprits mourront. » Elsa serra les poings. « Non, je ne le permettrai pas. »


Anna serra de nouveau sa sœur contre elle.


« Moi non plus Elsa. D’autant que… Grand Pabbie dit que tu es concernée aussi.

-Comment ? Mais, je ne me sens pas… déséquilibrée, ni… en mauvaise santé.

-Ah vraiment ? Alors pourquoi cette tempête de neige en arrivant ? »


Elsa souffla, elle baissa la tête et s’éloigna de quelques pas, tournant le dos à sa sœur. Elle venait d’encaisser beaucoup d’informations mais une partie importante manquait à Anna. Le soleil brillait de nouveau sur le glacier, presque aveuglant. Le carnet était la seule tâche sombre sur le blanc immaculé de la neige. L’ancienne reine le ramassa. L’épreuve était là. Elle pouvait sans doute encore gagner quelques minutes.


« Comment as-tu su que quelque chose n’allait pas ?

-Je l’ai senti. »


Anna fronça les sourcils, elle vint prendre le bras de sa sœur ainée et lui caressa la joue pour la forcer à la regarder.


« Elsa, dis-moi ce qui se passe, s’il te plait. Tu ne donnes plus de nouvelle, je te retrouve ici, en pleine tempête, je vois bien que tu as pleuré et que quelque chose ne va pas. »


Est-ce qu’il fallait aussi mentionner que la forêt enchantée était en feu ? Peut-être pas maintenant.


« Un mensonge a été révélé, c’est ce que Pabbie t’a dit ?

-Oui, mais je n’ai aucune idée de ce que c’est. Et… J’ai croisé Maren qui m’a un peu résumé les choses. »


Le cœur d’Elsa manqua un battement. Elle posa un regard effrayé sur Anna.


« Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

-Juste qu’il y avait une sorte de révélation dans ces carnets et que c’est ce qui avait provoqué ta fuite. Mais elle n’a pas voulu me dire quoi. Je dois reconnaitre que c’est assez frustrant d’ailleurs. »


Il n’y avait ni banc, ni chaises, ni canapé, ni feu de cheminée sur un glacier. Rien pour rendre l’endroit sécurisant et confortable comme Anna le faisait chaque fois qu’elles abordaient des sujets difficiles. A défaut, Elsa matérialisa un jardin de glace avec des plantes, des oiseaux, quelques papillons. Il y avait même une fontaine et pour admirer le tout, un simple blanc. Elles s’y installèrent toutes les deux. Elsa prit une courte inspiration avant de se lancer.


« Les carnets de maman ressemblent un peu à des journaux intimes. Elle y parle de ses recherches, mais elle raconte aussi ses doutes, ses inquiétudes et parfois, elle partage même quelques souvenirs. »


Elsa prit les mains de celle qui n’était plus sa sœur.


«Anna… Maman raconte comment tu es arrivée dans nos vies.

-Tu veux dire : le jour de ma naissance ? »


Ses yeux brillaient d’émotion, mais c’est dans ceux d’Elsa que les larmes montèrent de nouveau.


« Non Anna. Elle explique que… quelqu’un, ou quelque chose, t’a déposée devant la fenêtre de leur chambre, dans un couffin.

-Qu… Quoi ? Mais qu’est-ce que tu dis ? Non…

-Je suis désolée Anna… Je… Tu es ma sœur, et je t’aime. »


Mais elle n’écoutait plus. Le choc de la nouvelle venait de la sonner. La phrase se répétait sans cesse.


« Je suis… adoptée ?

-Att…

-C’est ça ? »


Elsa voulut lui prendre la main, mais Anna s’éloigna. Difficile de dire si c’était le froid ou la colère qui la faisait trembler.


« C’est bien ça ? Réponds-moi Elsa ! Je veux une réponse !

-Tu es toujours ma sœur…

-Et là-dedans ! On y trouve des réponses ? J’ai besoin de réponse, tu entends ? J’ai besoin de réponse ! »


Anna partit en trombe à l’intérieur du glacier, laissant tout juste le temps à Elsa de lui courir après.


« Anna ! Attends s’il te plait ! C’est dangereux ! »


Mais la reine n’écoutait pas, elle dérapait sur la glace, ignorant les obstacles qui se dressaient devant elle. Le plus souvent, Elsa les faisait disparaitre à la volée, construisant un pont de glace ici, une rambarde par là pour l’empêcher de tomber dans le vide.


« Anna ! Moins vite ! »


Les parois de glace renvoyèrent en écho l’avertissement d’Elsa, faisant vibrer un plafond de stalactites qui céda dans un fracas assourdissant.  Elle eut tout juste le temps de créer une voute pour éviter le drame. Elles débouchèrent ensemble dans un dôme immense, vide, froid et surtout, silencieux. Les souvenirs qu’Elsa avaient croisés jadis, les sons et les éclats de voix, il n’y avait plus rien. L’endroit était comme mort. Un frisson désagréable lui parcourut le dos.


« On devrait faire demi-tour.

-Je veux des réponses ! »


La voix d’Anna se brisa, elle tomba en sanglots dans les bras d’Elsa. Les deux femmes restèrent ainsi quelques minutes, en silence, l’une berçant l’autre jusqu’à ce que les larmes s’estompent, au moins un peu.


« Elsa…

-C’est ce que maman écrit dans son carnet.

-Et toi ? Tu ne te souviens pas ? Si maman était enceinte ou pas ? »


La blonde secoua la tête.


« Non… J’étais trop petite je crois. C’est pour cette raison que je suis revenue ici, pour connaitre la vérité.

-Alors pourquoi… Il n’y a rien ? »


Anna essuya ses larmes et renifla bruyamment.


« Je l’ignore mais, Anna, tu es toujours ma sœur, rien ne changera ça.

-Tu le penses vraiment ?

-Evidemment. »


C’était déjà une chose à laquelle elle pouvait se raccrocher. Toutes ses certitudes étaient remises en cause, mais pas celle d’avoir Elsa à ses côtés. L’impression terrible de ne plus savoir qui elle était vraiment venait de l’ébranler sérieusement. Et pour ne rien arranger, l’endroit où elles se trouvaient lui donnait la chair de poule. Ce n’était pas du tout ce qu’Elsa lui avait décrit. Un lieu plein de souvenirs, bons ou mauvais, mais remplit des histoires du passés. Anna renifla de nouveau, elle n’avait pas quitté l’étreinte de sa sœur et ne comptait pas le faire tout de suite. Elle avait besoin du réconfort qu’elle lui apportait.


« C’est ici que tu as failli mourir ?

-Un peu plus bas, mais nous n’irons pas jusque-là.

-Non. Tu penses qu’Ahtohallan est déséquilibrée aussi ?

-Je suppose que c’est possible. »


C’était la seule explication logique qui lui venait en tête pour le moment. Le silence du lieu était assourdissant, même leurs voix semblaient mourir étouffées. Anna plissa les yeux dans l’obscurité.


« Elsa ? Il y a quelque chose là-bas. »


Il fallait vraiment se concentrer pour le voir, mais effectivement, une toute petite lueur au milieu de l’océan de noirceur. Une flamme ténue mais persistante reposait sur le sol. Elles s’approchèrent avec prudence, main dans la main. Il s’agissait en réalité d’une fleur d’un jaune éclatant. Soudain, de grands yeux menaçants s’ouvrirent dans l’obscurité, ils étaient immenses, si bien que les deux femmes paraissaient petites à côté, et à la fleur, minuscule. Elles s’agrippèrent l’une à l’autre mais de la noirceur surgit une force redoutable qui les sépara, comme une main gigantesque faites de griffes et d’os.


« Anna !! »


La silhouette de sa sœur disparaissait déjà dans l’obscurité. Elsa lança une salve de glace et courut à l’aveugle en direction de sa cadette. La main la poussa d’une pichenette, elle répondit avec un pic gelé.


« Anna ! 

-Elsa ! »


Le son était une maigre indication mais dans cet océan sombre, c’était tout ce qu’elles avaient. Les yeux se faisaient tour à tour moqueurs et dangereux. Elsa se faisait repousser de tous les côtés, luttant contre un ennemi invisible et ses pouvoirs semblaient complètement inutiles. Plus elle tentait de rejoindre sa sœur, plus elle était repoussée à l’opposé. La main obscure se saisit d’elle, Elsa sentit l’air qui quittait ses poumons, expulsé avec force alors que la pression devenait insoutenable.


« An… Ah… »


Sa vue se troubla. Elle luttait de toutes ses forces, mais sa magie ne servait à rien contre cet adversaire. La glace n’avait aucune prise. L’air lui manqua.


« Elsa ! »


Anna sortit de l’obscurité, une épée à la main. Elle tranchait et avançait avec détermination.


« Laisse ma sœur tranquille ! »


La lame sectionna un doigt osseux, puis deux. Elsa aspira l’air avec avidité, essoufflée. Quelques coups d’épée bien placés finirent de la libérer, elle s’effondra sur le sol, épuisée. Anna passa un bras autour de sa taille et l’aida à se relever.


« Viens. »


Elsa n’allait pas discuter, sa sœur semblait savoir ce qu’elle faisait et où elle allait, même en étant complètement privée de repère. Et effectivement, elles débouchèrent dans le couloir de glace, courant tant bien que mal pour quitter les lieux. L’obscurité n’avait pas l’air de vouloir les suivre et c’était tant mieux. Une fois à l’air libre, Anna aida sa sœur à s’installer sur le banc. Elle la fixa avec inquiétude.


« Tu vas bien ?

-Oui… Merci. Tu viens de me sauver la vie, une fois de plus. »


Elles prirent un instant pour reprendre leur souffle et se calmer. Elsa scella l’entrée du tunnel avec un mur de glace.


« Au cas où.

-Oui… Qu’est-ce que c’était à ton avis ?

-Je n’en ai aucune idée. Et cette fleur, c’était un piège ?

-Je sais que ça va te paraitre étrange, mais je crois que ce qui nous a attaquées essayait au contraire de nous en éloigner. »


Elsa hocha la tête. La confiance qu’elle avait en Anna était totale. Elle-même avait déjà sorti des théories bien plus farfelues sans que sa sœur ne conteste quoique ce soit. A commencer par la nuit où elle avait réveillé les esprits parce qu’elle entendait une voix. Son regard se porta sur l’épée qui reposait maintenant contre le banc. L’arme était étrange, sa lame semblait faite de terre alors que la garde et la poignée étaient en pierre.


« Anna, où as-tu trouvé cette arme ?

-C’est pa... Papa. Il est apparu devant moi, une épée à la main, il avait l’air de chercher quelque chose ou de se battre, je ne sais pas. J’ai compris que ça devait être un souvenir alors, j’ai pris l’épée. Je n’avais pas le temps de me poser plus de questions. Tu penses que ça peut être ça ?

-Un souvenir ?

-Oui.

-C’est normalement ce que fait Ahtohallan. »


Et ce n’était pas forcément la chose la plus étrange de ces deux derniers jours, alors après tout, pourquoi pas. Le vent joua dans les cheveux d’Elsa, lui apportant une brise marine. Maintenant que le calme était revenu, elle s’inquiétait de nouveau pour sa sœur.


« Anna, est-ce que tu vas bien ? »


Sa cadette se perdit dans la contemplation de ses mains. Elle se releva pour faire quelques pas dans le jardin de glace.


« Pourquoi as-tu fait tout ça ?

-J’essayais de rendre l’endroit plus… chaleureux. »


Avec de la glace, au beau milieu d’un glacier, la chaleur n’avait qu’à bien se tenir. Anna sourit timidement.


« Merci. »


Elle s’abima dans la contemplation d’un oiseau gelé qui buvait l’eau de la fontaine.


« Je me sens… perdue, et triste. Et un peu en colère aussi. Non, très en colère. Ils m’ont menti Elsa. Ils m’ont menti sur tes pouvoirs, ils m’ont menti sur ma naissance, ils m’ont menti sur la raison pour laquelle ils partaient en bateau, en fait, ils mentaient tout le temps, tous les jours. Que croyaient-ils ? Que je n’étais pas assez forte pour encaisser la vérité ? Que je ne méritais pas de connaitre mes origines ? Que j’étais dangereuse pour toi ? »


Elle secoua la tête et s’éloigna en direction de l’océan. Elsa se leva pour la suivre. Les vagues étaient légères sur la rive glacée et le soleil chauffait leurs visages. Anna souffla doucement et se tourna vers sa sœur.


« Mais je sais que tu es là.

-Ensemble.

-Oui mais… Elsa, s’il te plait. Il faut vraiment que tu arrêtes de me laisser sur le côté. Je ne le supporte plus, encore moins maintenant.

-C’est compris.

-C’est ce que tu dis à chaque fois, tu promets et puis… A la première difficulté venue, tu trouves un moyen de m’éloigner, de fermer la porte et de me laisser de l’autre côté.

-Ah... »


Elsa rompit l’échange de regard et observa l’horizon. La vérité était difficile à entendre, même pour les révélations les plus simples.


« Je suis désolée Anna, je te promets d’essayer de m’améliorer. »


C’était mieux que de faire une nouvelle promesse qu’elle risquait une fois de plus de rompre sans même réfléchir. Sa sœur souffla doucement.


« Je suppose que c’est un début. Au moins, tu ne me mens plus. »


Elsa pinça ses lèvres. Elle n’avait pas l’habitude de voir sa cadette en colère et elle pouvait sentir toute la tristesse derrière chacun de ses mots, aussi mordants soient-ils. Il était temps de changer de sujet.


« Alors, où allons-nous maintenant ? Nous ne sommes pas plus avancées pour rétablir l’équilibre dont te parlait Pabbie. »


Anna fronça les sourcils sous l’effet de la réflexion.


« Il était question d’un vide à combler. »


A en juger par l’expression de son visage, une idée était en train de faire son chemin.


« Maren a parlé de quelque chose dans le 3ème carnet, quelque chose à propos de moi et d’une carte qui pourrait m’aider. Et si… le vide à combler était… les mensonges du passé ? Les combler par la vérité ?

-Sur toi ? »


Elsa n’était pas certaine de voir le rapport avec les esprits mais… Maintenant qu’elle y réfléchissait :


« Maman pensait que nous étions liées, d’une façon ou d’une autre. Elle faisait mention d’un livre sur les esprits anciens mais… Je n’ai pas la suite. J’ai laissé le dernier carnet à Maren. Ca doit être de ça dont elle te parlait. Nous devons retourner la voir pour le récupérer.

-Inutile, je l’ai déjà. »


Anna sortit de son sac le carnet en question. Sa couverture en cuir était craquelée, les coins abimés d’avoir été si souvent manipulés mais malgré les années, il était en bon état. Elles se réinstallèrent sur le banc du jardin de glace, le livre entre elles deux. Anna posa sa main pour l’ouvrir mais Elsa l’arrêta.


« Attends… Tu es certaine d’être prête à le lire ? Nous ne savons pas ce que nous allons découvrir.

-En moins de 24h j’ai appris que les esprits risquaient de mourir, que tu risquais de mourir et que j’étais adoptée. Qu’est ce qui pourrait être pire ? »


La blonde se mordit légèrement la lèvre. Evidemment, quand les choses étaient présentées sous cet angle, il était difficile de protester. Elle relâcha la main de sa sœur et se plongèrent dans la lecture. Comme Elsa l’avait dit Iduna partageait ses récits entre souvenirs et recherches. Elle et Agnarr semblaient souvent en désaccord au sujet de leurs filles et de ce qu’il convenait de faire, pour autant, même si elle n’était pas d’accord, Iduna se refusait à faire quelque chose contre l’avis de son époux. Leur mésentente pesait fortement sur leur couple et les disputes à ce sujet semblaient régulières. Si elle fit une ou deux fois référence à l’adoption d’Anna, elle parlait toujours de ses filles, ne faisant jamais aucune différence entre les deux. Et tout comme les disputes avec Agnarr, son inquiétude pour ses deux enfants grandissait au fur et à mesure que le temps passait.


 « J’ai trouvé quelque chose d’intéressant dans ce livre sur les esprits anciens. Chacun d’eux est lié à un esprit de la nature. Il y aurait donc 4 esprits de la nature, l’eau, la terre, l’air et le feu, et 4 esprits anciens. Ils n’ont pas de nom dans le livre mais, un numéro : Le cinquième, le sixième et ainsi de suite jusqu’à 8. Mais il est également question de connexions entre eux… Il faut que je continue d’étudier ce passage, mais d’après ce que j’ai compris, leur rôle et de faire le lien entre le monde des hommes et le monde des esprits. Ils sont là pour veiller à l’équilibre entre les 2 et sont appelés à prendre leur rôle chaque fois qu’un danger menace ce fameux équilibre. Elsa pourrait être l’un d’eux ? Et puisqu’elle manipule la glace, je suppose qu’elle pourrait être liée à l’esprit de l’eau. C’est la première fois que je trouve une piste plausible. Il y a plusieurs cartes dans ce livre, mais j’ai des difficultés à traduire la langue. Je n’ai trouvé personne qui connaisse ce dialecte.

 

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C’est Ahtohallan ! L’une des cartes mène à Ahtohallan ! J’avais raison ! Agnarr a fini par m’écouter, nous prendrons la mer dans 3 semaines, le temps de nous préparer. Et de l’annoncer à nos filles… Je déteste l’idée de les laisser au château. Elles sont grandes maintenant et ce ne sera pas très long mais tout de même… J’espère que nous reviendrons avec les réponses que nous cherchons et alors… Tout ira mieux. Elles seront de nouveau réunies, et je ne verrai plus les grands yeux tristes d’Anna chaque fois qu’elle passe devant la porte close de la chambre de sa sœur. Elsa contrôlera certainement mieux ses pouvoirs, nous pourrons peut-être même rouvrir les portes du château. J’en suis certaine, ce voyage est porteur d’espoir. »


Elsa déglutit. Sa mère avait raison, les réponses s’étaient effectivement trouvées au sein du glacier, mais c’était aussi ce voyage qui les avait conduits à la mort et les trois années suivantes avaient été les plus terrible pour les deux sœurs. Chacune séparée, sans leurs parents, la solitude n’avait jamais été aussi pesante. La cadette dû sentir les sombres pensées d’Elsa parce qu’elle lui caressa le dos pour la rassurer. Pour le moment en revanche, il n’y avait rien de plus sur Anna et ses origines. Mais il n’y avait pas de raison de douter des paroles de Maren, et pour cause, elles trouvèrent ce qu’elles cherchaient dans les récits suivants.


Sur une pleine page, leur mère avait reproduit un dessin qu’elle avait découvert dans le livre des grands anciens. On y voyait une forme sombre, un homme vraisemblablement, debout, mais avec des bois de rennes.



« C’est ce que j’ai vu la nuit où nous avons trouvé Anna ! Agnarr me disait que ça devait être le fruit de mon imagination, que dans la pénombre, ce que j’avais pris pour des bois de rennes devaient être des branches d’arbres. Mais je ne suis pas folle ! C’est ce que j’ai vu ! Peut-être une explication sur les origines d’Anna ? »


La carte dont Maren lui avait parlé était glissée entre les pages. Le carnet s’arrêtait là, sur cette dernière révélation. Anna passa ses doigts sur le dessin, le front barré d’un pli soucieux.


« Maman cherchait des réponses, non seulement pour toi, mais pour moi aussi. »


Elsa hocha doucement la tête, elle tendit la carte à Anna qui la déplia avec soin. On y voyait Arendelle, le territoire Northuldra au nord et un peu plus à l’est, une nouvelle zone était dessinée, en plein milieu des terres, sans accès à la mer. Le territoire était traversé par plusieurs rivières et la superficie semblait sensiblement équivalente aux terres des Northuldra. Un nom s’étalait sur toute la surface : Skamjorder. Une note dissimulée entre les replis de la carte s’échappa et tomba sur le sol. Elsa haussa les sourcils et la ramassa.


« On dirait des notes, mais je ne reconnais pas l’écriture de Maren.

-C’est celle de Yéléna. C’est sa signature. »


Face au regard curieux de sa sœur, elle rajouta :


« Elle signe les documents officiels pour le peuple Northuldra. En tant que reine, tu sais ce que c’est.

-Oh je vois. »


« Les Skamjorder étaient d’anciens membres des Northuldra. Ils ont été bannis il y a des années, je n’étais encore qu’une enfant, et se sont installés plus loin dans les terres. Depuis leur bannissement, aucune des deux tribus n’a eu de contact. Je pensais même qu’ils n’existaient plus.

Je vous déconseille de vous rendre sur leur territoire, mais si vous choisissez tout de même de le faire, soyez prudentes. Les Skamjorder étaient convaincus que les esprits devaient les servir et leur obéir. Ils ont cherché pendant des années à les dominer. C’est ce qui a provoqué leur bannissement, ce ne sont pas les valeurs des Northuldra.

 

Faites attention. »


Anna se releva, déterminée.


« Nous avons notre prochaine étape. »


Elsa hocha la tête.


« Oui. »


Son regard se porta sur l’océan et Nokk se matérialisa, répondant à l’appel. 

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