Un Vide de Vérité

Le plan n’était pas parfait, loin de là, mais il avait le mérite d’exister. Après de longues et désagréables heures de débats jusqu’au cœur de la nuit, faute de trouver une meilleure idée, ils avaient finalement convenu de rencontrer Derlock et ses acolytes. Elsa et Anna avaient fixé leurs propres conditions, la première : un terrain neutre. Ce qui voulait dire, ni trop proche du royaume, ni trop proche de l’endroit où le peuple s’était réfugié, et toujours aussi loin que possible des territoires Northuldra et Skamjorder. Autant dire qu’il avait fallu chercher un moment sur la carte avant de le trouver. Deuxième condition : Pas de soldats, pas d’armée, pas de quoique ce soit d’autre. Une rencontre, courtoise, entre adversaires, avant la bataille, dans le respect des règles d’engagement.

Elsa et Anna iraient donc seules à cette rencontre, Mattias resterait en retrait pour donner l’alerte si besoin, mais pas comme renfort. Sa responsabilité était claire : il devait protéger et sauver le peuple d’Arendelle à n’importe quel prix. Et Metiger profiterait de cette entrevue pour se rendre dans le palais et y dérober tout ce qui pourrait être utile.

Anna rédigea la missive et la fit porter par le biais de Courant d’air. Elsa ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’elles fonçaient droit dans un piège, ni elle ni sa sœur n’avait eu à mener de guerres et elles s’apprêtaient à rencontrer un adversaire qui avait l’air de n’avoir fait que ça. Elle souffla nerveusement. Ses nerfs étaient à vif, elle usa de sa magie pour tenter de se calmer et retrouver un peu de sa sérénité habituelle mais rien ne parvenait à empêcher son cerveau de revenir en boucle sur le sujet. Son regard se porta sur les maisonnettes bancales dans lesquelles les habitants avaient trouvé refuge. La preuve de leur négligence concernant la sécurité d’Arendelle était sous ses yeux en permanence. Elle se souvenait très bien de ce qu’elle avait pensé du surnombre de gardes lorsqu’elle avait rencontré Jordand. Bien sûr, le tyran usait de la force pour tenir son peuple, mais finalement, avoir une armée en cas d’attaque lui semblait nettement moins inutile maintenant qu’Arendelle était assiégé.

Une alliance avec les royaumes voisins était peut-être envisageable mais c’était le temps qui leur faisait défaut. Et même alors, compte tenu de la nature puissante de leurs ennemies, il n’était pas certain qu’ils acceptent de prendre part au combat. Elsa souffla, ni armée, ni informations, ni stratégie. Mattias était de bon conseil, mais avec les ressources limitées en leur possession, le choix était restreint. Il ne l’avait pas clairement dit mais il n’en restait que deux : capituler, ou négocier.

Mais pour négocier, il fallait avoir quelque chose à offrir. Une autre partie du plan consistait à faire revenir Jordand. L’homme n’était pas fiable mais pour les avoir étudiés pendant des années, il était celui qui avait le plus de connaissances sur les grands esprits. Les Skamjorder avaient donc reçu l’ordre de le ramener sous bonne escorte.

« Elsa. »

La blonde releva les yeux sur sa cadette, elle portait une lettre cachetée de cire à la main. Anna s’installa à ses côtés, dans l’herbe et déroula le parchemin.

« Ils acceptent nos conditions. Tu penses que c’est bon signe ? »

Elles partagèrent un regard plein d’incertitudes pendant quelques secondes. Elsa secoua la tête, plus de mensonges.

« J’en doute. Ils ne nous craignent pas, ils sont en position de force.

-Tu as raison. Mais au moins, nous saurons ce qu’ils veulent.

-Exact. »

Anna rangea le parchemin et observa sa sœur ainée.

« Nous trouverons une solution, nous l’avons toujours fait.

-Oui. »

Elsa se releva et tendit la main à Anna pour l’aider à se remettre sur pieds.

« Allons prévenir Mattias et les autres. Il va être temps de se mettre en route. »