Un Vide de Vérité

Chapitre 23 : La Rencontre

2978 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/12/2020 18:45

Si seulement, si seulement elle avait eu plus de temps pour maitriser ses pouvoirs, si seulement elle n’avait pas réduit l’armée, si seulement elle s’était davantage renseignée sur les pouvoirs d’Elsa au lieu de simplement les considérer comme acquis, sans raison. Anna chevauchait aux côtés de sa sœur en direction du point de rendez-vous. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle avait beau porter une épée, n’empêche qu’elle ne s’était jamais vraiment battue. Elles avançaient en silence entre les sapins, au son des oiseaux dans les arbres et du rythme régulier des sabots contre la terre meuble. L’air était frais et le soleil timide de l’automne parvenait difficilement à le réchauffer. Anna expira doucement et se redressa sur sa selle, comme pour se donner du courage. Il était rare qu’elles soient aussi silencieuses, mais tout avait déjà été dit et l’inquiétude qu’elles partageaient était si palpable qu’elles n’avaient aucune envie de faire semblant de parler d’autre chose.


Elles arrêtèrent leurs chevaux au pied de la falaise, 1km après le pont. Personne n’était encore en vue mais les deux sœurs étaient certaines de se trouver au bon endroit. Leur nervosité monta d’un cran. Anna essuya ses mains moites sur son pantalon.


« Devons-nous descendre de cheval ? »


Le souci du détail était presque incongru, mais dans ce genre de circonstance, elle ne voulait pas démarrer un échange en manquant de respect à ses interlocuteurs. Elsa secoua la tête.


« Si c’est un piège, nous fuirons plus vite. »


La perspective n’était pas vraiment rassurante.


De manière surprenante, leurs interlocuteurs se présentèrent à pieds, comme sorti de nulle part. Le lieu choisi était pourtant assez éloigné d’Arendelle, venir en cheval ou en traineau, ou à défaut, par n’importe quel autre moyen magique semblait tout indiqué. D’autant plus après l’attaque éclair qu’ils avaient mené contre le royaume, Elsa s’était attendue à une démonstration de force. Ils étaient trois, comme Mattias le leur avait dit, deux hommes et une femme. Celui du milieu était petit et trapu, il ressemblait à… un gros tas de muscles, il n’y avait vraiment pas d’autre moyen de le décrire. Il portait un élégant costume trois pièces dans lequel il ne semblait pas du tout à l’aise, un peu comme Olaf quand il faisait l’effort de s’habiller. Il porta un monocle à son œil et fit un pas en avant.


« Votre majesté Anna, votre majesté Elsa. »


Il s’inclina avec respect, provoquant de nouveau la surprise chez les deux sœurs. Elles mirent pieds à terre.


« Mes chères, je me nome Derlock, mais je suppose que vous devez déjà le savoir. J’imagine que mon introduction vous aura donné de quoi être méfiante. »


Il se redressa avec un sourire, sortit un monocle de sa poche et l’ajusta.


« Permettez-moi de vous présenter Lenjo. »


Derlock indiqua d’un geste de la main l’homme qui se trouvait à sa gauche. Il était plus grand et plus élancé aussi. Lenjo portait un gilet sans manche qui laissait apparaitre ses muscles saillants, il avait des traits asiatiques, des cheveux cours et noirs qui lui retombaient sur le front avec un épi sur le haut qui venait ruiner toute tentative de coiffure. Il y avait deux choses faciles à remarquer : ses yeux bridés d’un gris souris et une large cicatrice en travers de sa gorge. L’homme s’inclina avec respect. Derlock sourit et reprit la parole.


« Lenjo est muet suite à un accident alors ne vous méprenez pas sur son impolitesse. C’est aussi le grand ancien lié à l’esprit de l’air. »


Anna serra les mâchoires, comprenant que cet homme d’apparence si tranquille et apaisé était probablement celui qui avait mené l’attaque sur Arendelle. La femme à droite de Derlock n’attendit pas qu’on l’introduise, elle le fit elle-même. Elle planta son regard dans celui des deux sœurs, tour à tour, par pure bravade, même son sourire était provocant. Contrairement eux deux autres, il était évident qu’elle cherchait le conflit. Evidemment, quand on était lié à l’esprit du feu, on se devait d’avoir un tempérament volcanique. Ses yeux, d’un rouge sombre flamboyant, dissimulaient bien des choses.


« Laceli. »


Elle releva un peu le menton, par défi, l’air de demander s’il était vraiment nécessaire qu’elle en dise plus. Elle ramena les pans de sa robe d’un rouge éclatant dans son sillage tandis qu’elle reprenait sa place. Anna inspira brièvement avant de prendre la parole.


« Vous semblez déjà savoir qui nous sommes et vous avez fait une entrée plutôt brutale. Alors dites-nous ce que vous voulez. »


Derlock sourit doucereusement.


« Ma chère, je crois l’avoir déjà signalé à votre peuple. Je veux parler aux grands anciens de l’eau et de la terre. »


Son regard se posa sur Elsa qui ne s’était pas départie de son calme. Elle notait surtout que l’homme parlait en son nom seul, n’incluant jamais ses acolytes.


« Mes recherches m’ont amené ici. Et si ma manière d’attirer votre attention vous a semblé brutal hé bien... Je dois reconnaitre que ce sont mes méthodes. »


Anna fronça les sourcils.


« Nous sommes là et il est évident que vous savez déjà qui nous sommes alors vous n’avez toujours pas répondu à la question. Que voulez-vous ? »


Derlock se caressa le menton et réajusta son monocle, de nouveau, il ménageait son effet.


« Mon objectif est d’unifier sous ma bannière les grands anciens de ce monde. C’est une o…

-Dans quel but ? »


Il lança un regard noir à Anna.


« Ne me coupez pas la parole ! »


Elsa croisa les bras, était-ce son imagination, ou est-ce que le vent était en train de se lever ? Elle entreprit de faire chuter la température de son côté. Ou en tout cas, elle essaya, mais malgré ses tentatives, le fond de l’air était étonnamment doux. Son regard croisa celui de Laceli qui lui sourit effrontément. Anna planta son regard dans celui de son interlocuteur.


« Ne me parlez pas sur ce ton ! Vos méthodes ne me plaisent pas, elles ne méritent pas mon respect.

-Hou ! Mais on dirait qu’elle mord ! »


L’esprit du feu feula en direction de la reine. Derlock ne riait pas du tout. L’effort qu’il faisait pour rester calme était visible.


« J’aimerai garder cette conversation courtoise, si vous me le permettez.

-Il n’y a rien de courtois à déposséder les gens de leurs biens en pleine nuit. Cessez-donc de vous faire passer pour ce que vous n’êtes pas et allons à l’essentiel. »


Anna avait décidé qu’elle ne se laisserait pas faire. Elsa n’était pas certaine que ce soit la bonne méthode, il fallait gagner du temps pour Metiger. Laceli eut un sourire moqueur.


« Sinon quoi ? Vous allez nous attaquer avec des fleurs, votre majesté ? »


Elsa haussa un sourcil. A leurs pieds, effectivement, l’herbe avait verdi et s’était couverte de fleurs et de racines. Elle jeta coup d’œil du côté sa sœur qui devait probablement lutter pour garder ses pouvoirs sous contrôle. Elsa se concentra de nouveau sur la brune en rouge, le sol se couvrit de glace.


« Vous ne devriez pas nous sous-estimer.

-Je ne demande qu’à voir. »


Laceli lui adressa un clin d’œil. Derlock se racla la gorge, il posa un regard venimeux sur l’esprit de feu dont l’attitude changea du tout au tout. Elle quitta son air défiant et fit quelques pas en arrière pour se mettre derrière la montagne de muscle, le regard baissé. L’homme parut satisfait, il se gonfla d’orgueil.


« Bien. »


Encore une fois, il joua avec son monocle, ménageant ses effets. Anna se retint très fort pour ne pas lever les yeux au ciel, cet homme avait un don pour l’agacer. Il reprit de sa voix doucereuse :


« Ma chère, je n’ai qu’une devise : ce que la vie ne t’a pas donné, prends-le. »


Au moins, il avait fini de faire semblant, c’était déjà ça. Derlock sourit, personne ne l’avait interrompu, c’était bien mieux.


« Autant dire que la vie ne m’a pas donné grand-chose. Alors, ma chère, j’ai choisi de m’allier aux deux grands anciens qui sont derrière moi. Mais mon objectif ne sera pas complet tant que je n’aurai pas les 4 grands anciens à mes côtés. Et ensuite, plus rien ne pourra nous arrêter. Nous pourrons découvrir le monde et toutes ses richesses sans qu’aucun obstacle ne puisse nous arrêter. »


Anna fronça les sourcils.


« Découvrir le monde comme vous venez de le faire avec Arendelle ?

-Je n’ai pas le temps, ma chère, je n’ai pas le temps. Mais laissez-moi vous poser une question, êtes-vous déjà sorti du royaume ? Avez-vous déjà pris le bateau pour partir à la découverte d’autres nations ? D’autres cultures ?

-Ce n’est pas la question. Nous n’…

-Si ! C’est exactement la question ! Joignez-vous à moi. Voilà ce que je veux. »


La reine secoua la tête. Cet homme était fou.


« Et si nous refusons ? »


Derlock sourit, il ôta son monocle et le rangea, méthodiquement.


« Ce que la vie ne m’a pas donné… 

-J’ai prêté serment de faire ce qui est le mieux pour Arendelle. Je n’ai pas l’intention d’y renoncer.

-Croyez-moi, ma chère, c’est pourtant ce qu’il y a de mieux à faire. Comment votre peuple apprécie les nuits dans la forêt sans lits ni couvertures ?

-Raison de plus pour refuser de nous joindre à vous. Comme si nous pouvions envisager une seule seconde de rejoindre un être aussi malveillant, prétentieux et misérable ! »


Une tornade enflammée naquit tout à coup. Anna leva les bras pour se protéger le visage. Elsa fit jaillir de la glace pour contrer le phénomène.


« Je m’en occupe, fais attention à eux ! »


Elsa luttait contre les forces du vent et du feu réunit, mais seul Derlock était à la manœuvre. Il maniait les deux éléments avec une facilité déconcertante. Laceli et Lenjo n’avaient pas bougé d’un cil. Anna se concentra, les racines envahirent le sol et grimpèrent le long des jambes de ses deux adversaires. L’esprit du feu lui sourit.


« Oh… Chérie, c’est très mignon mais… »


Une flamme apparut sur chacune des racines, les consumant et les poussant à reculer jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien.


« C’est inutile. »


La reine dégaina son épée, elle la tenait à deux mains, maladroitement, faisant face à ses adversaires qui avançaient maintenant calmement vers elle. Laceli eut un sourire amusé.


« Et qu’est-ce que tu vas faire avec ça ? Hmm ? Tu comptes tailler des fleurs ? »


Lenjo et elle se comprenaient en un regard. Ils se séparèrent, poussant Anna à regarder dans deux directions opposées pour les surveiller.


« Donc la discussion est terminée.

-Ecoute mon Coquelicot, on n’a rien contre toi, mais ça se serait fini comme ça de toute façon. »


Anna serra les dents, des racines puissantes sortirent de terre et envoyèrent valser ses deux opposants. Lenjo virevolta dans les airs comme un équilibriste et rétablit son équilibre en défiant la gravité elle-même. Impressionnant, mais passez pour éviter les lianes qui le ligotèrent sitôt qu’il toucha le sol. Laceli s’était réceptionnée avec beaucoup de moins de classe mais tout ce qui se trouva dans un rayon de 2m autour d’elle fut instantanément brûlé. Elle se releva, furieuse, des flammes dansaient autour de ses bras et de ses mains.


« Ok Coquelicot, j’essayais d’être gentille jusque-là, mais si tu veux la jouer à la dure, on va jouer à deux. J’espère que t’es prête ! »


Elle désintégra les lianes qui entravaient Lenjo d’un claquement de doigt. Un autre claquement et un cercle de feu se dessina autour d’Anna. Sous l’effet de la panique, les pouvoirs de la reine se manifestaient de manière désordonnés, des fleurs poussaient en quantité, des jets de rocher en provenance des falaises, certains arbres grandissaient, une racine géante fit fuir les chevaux. Elle aurait bien besoin d’un coup de main de sa sœur, mais Elsa donnait tout ce qu’elle pouvait. La blonde faisait face à une tornade de feu, bien plus à l’aise avec ses pouvoirs, elle puisait profondément pour contrer le monstre dévastateur et pour le moment, avec succès. Si Elsa s’épuisait, elle n’était pas la seule, Derlock avait l’air d’être à la peine aussi. Elle ne s’expliquait pas comment il parvenait à maitriser deux éléments mais les questions viendraient plus tard. Ses muscles se contractèrent sous l’effort.


« Arrêtez ça !! »


Elsa hurla, sa magie explosa soufflant les flammes et figeant le vent, Derlock fut repoussé contre un arbre et grogna de douleur. Essoufflée, elle chercha sa sœur du regard.


« Anna ! »


A deux contre un, elle n’avait pas su faire face, elle gisait inconsciente sur le sol. Lenjo était en train de la ligoter. Laceli s’avança vers Elsa, son regard se porta un instant sur Derlock qui avait du mal à se remettre debout.


« Ecoute. Tu ne pourras pas te battre contre nous trois.

-C’est ce qu’on va voir ! »


De la glace se formait déjà tout autour d’elle. Lenjo provoqua une tornade juste à côté de sa cadette, elle charriait de nombreux débris issus des combats précédents : branches d’arbres, rochers…. Dans le dos d’Elsa, Derlock ricanait.


« Si vous persistez ma chère, elle meurt. »


Il n’avait, en vérité, aucune intention de la tuer, mais la menace était très efficace. Elsa réfléchissait à toute vitesse mais elle ne voyait aucune issue à cette situation. Laceli murmura d’une voix légère :


« Sois raisonnable. »


Elsa croisa son regard, elle reçut un clin d’œil en retour. Ses adversaires étaient en train de s’amuser, comme un chat joue avec sa proie. Elle déglutit.


« Qu’allez-vous faire au peuple d’Arendelle ? »


Derlock épousseta ses vêtements.


« Une fois que j’en aurai terminé avec votre amie et vous, je profiterai sans doute d’un peu de repos, quelques banquets. Mais rassurez-vous, ma chère, votre climat glacial m’encourage plutôt à reprendre la mer rapidement. Et après, votre peuple pourra faire ce que bon lui semble. Ce ne sera plus mon problème. Jusqu’à ce que je revienne évidemment, si je décide de revenir. 

-Je me rendrais sans résistance si j’ai votre parole que vous laisserez le peuple d’Arendelle tranquille. »


Laceli éclata de rire.


« Oooh… Regardez-moi ça ! Est-ce que ce n’est pas mignon ? Nous sommes attaqués par un Chaton et une Petite fleur. »


Elle sourit.


« L’une a le pouvoir d’être féroce et puissante ! Mais elle miaule avec timidité et sort des toutes petites petites griffes pour s’attaquer à la montagne. Bouuh, faut pas faire mal aux gens et faut sauver les habitants ! Et l’autre, bondit gaiement dans un champ de fleurs. C’est vraiment trop chou ! »


Elle se redressa brusquement et toisa Elsa d’un regard sombre.


« Non, c’est ennuyeux. Alors voilà ce qu’on va faire, toi tu vas retourner gratter le sable dans ta litière et ton amie va continuer de cueillir des fleurs. Je m’attendais à une bataille épique et je me retrouve à jouer avec un Coquelicot et un Chaton. C’est décevant. Alors si jamais tu ne l’avais pas remarqué, tu n’es pas en situation de négocier quoique ce soit. Donc tu te rends, où je m’occupe personnellement de ta reddition. »


Tout en parlant, Laceli s’était rapprochée de la blonde jusqu’à rentrer dans son espace personnel, elle lui parlait à quelques centimètres du visage. Elsa serra les poings, l’idée de se rendre sans se battre lui était insupportable mais Anna était à leur merci, quant au peuple, Mattias avait normalement donné l’alerte.


« Très bien.

-Paaaarfait ! On peut y aller maintenant ? J’ai faim. R, c’est toi qui cuisines. »


Lenjo leva les yeux au ciel et soupira. R était le surnom que Laceli lui avait donné peu de temps après leur rencontre. Si vous passiez suffisamment de temps à ses côtés, l’esprit du feu finissait toujours par vous trouver un sobriquet. 

Laisser un commentaire ?