Un Vide de Vérité

Chapitre 27 : Informations

1490 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 28/12/2020 12:03

Les cellules d’Arendelle étaient généralement peu utilisées et rarement pour du long terme. Les incivilités du quotidien se réglaient le plus souvent à l’amiable. En réalité, la dernière personne à avoir occupé une des cellules était Elsa elle-même. Pas exactement son meilleur souvenir. Les choses avaient bien changé depuis, elle avait parfois le sentiment d’avoir vécu plusieurs vies. Ce jour-là en particulier avait été à la fois le plus triste et le plus heureux. Perdre Anna l’avait dévastée et les minutes suivantes elle comprenait enfin comment gérer ses pouvoirs, son existence en avait été bouleversée. Mais pour l’heure, elle faisait face à un nouveau défi, une nouvelle montagne à gravir que le destin mettait sur son chemin. Elle n’avait rien contre un peu de tranquillité pourtant.


La prison d’Arendelle ne faisait pas exception à la règle : elle était froide, grise, peu accueillante, et glaciale, en été comme en hiver. Elsa s’arrêta net en pénétrant à l’intérieur. L’endroit était bondé, il y régnait une cacophonique tapageuse et une odeur pestilentielle qui lui monta à la gorge.


« Mattias ?

-Nous manquons de places, majesté. »


Les hommes s’entassaient trop nombreux dans des cellules étroites, serrés les uns aux autres, les esprits s’échauffaient rapidement. Entre les éclats de voix et les sanglots, Elsa faisait face à une autre réalité qu’elle n’avait jamais appréhendée et qui la submergeait.


« Je ne peux pas… tolérer ça. »


Ces hommes étaient ses adversaires, mais méritaient-ils d’être traité comme des animaux ? Et voulait-elle être celle qui serait responsable ? Mattias acquiesça d’un signe de tête, il partageait complètement le sentiment. Après tout, il se trouvait à cette même place il y avait encore quelques heures, avant qu’Elsa ne vienne les délivrer.


« Je comprends, votre Majesté. Nous avons cherché des solutions mais… Je n’ai encore rien trouvé d’acceptable. »


Le palais était vaste mais il était maintenant occupé par une partie de la population, il était donc complètement exclu d’y déplacer des prisonniers potentiellement dangereux.


« Les dortoirs des soldats ?

-Votre majesté ?

-Si vous déplacez les soldats à l’intérieur du palais et que vous utilisez les dortoirs ? »


Mattias se gratta le menton.


« Ce serait faisable je pense, je dois d’abord vérifier que nous pouvons suffisamment sécuriser les lieux.

-Tenez-moi au courant je vous prie.

-Bien sûr, majesté. »


Il la conduisit jusqu’à une porte au fond qui donnait sur le bureau des gardes. Les soldats qui gardaient le prisonnier à l’intérieur, se mirent au garde-à-vous et sortirent pour les laisser. Le mobilier était spartiate mais fonctionnel, un bureau, une chaise et deux tabourets, une petite étagère avec quelques documents et une commode. Les deux soldats qui gardaient le prisonnier saluèrent de concert puis quittèrent la pièce. Elsa se tourna vers Mattias.


« Vous pouvez nous laisser, Capitaine.

-Bien majesté. »


Elle prit place sur l’un des tabourets, non loin du prisonnier qui regardait fixement le sol. Lorsqu’il releva la tête, elle comprit qu’il n’était pas simplement le frère de Lenjo, il était son jumeau, la cicatrice sur la gorge en moins. Elle dû faire un effort pour ne pas utiliser toute la force de sa magie. Le souvenir vivace de sa sœur inconsciente déclencha un éclair de colère contre lequel elle lutta avec toute sa volonté. Son ton était glacial lorsqu’elle prit la parole :


« Que voulez-vous ?

-J’aimerai vous présenter mes excuses pour les actes que mon frère a pu commettre. Je vois bien dans votre regard qu’il a dû faire des choses terribles.

-Et pas vous ? »


A en croire l’uniforme qu’il portait, l’homme qui lui faisait face devait être un gradé.


« Si, moi aussi. »


Son regard se posa de nouveau sur ses mains abimées et entravées par de lourdes chaines.


« Vous êtes la première.

-Soyez plus clair.

-Vous êtes la première à nous infliger une défaite.

-Mon capitaine disait que vous aviez des informations, alors avez-vous des choses utiles à me dire où êtes-vous là juste pour m’apprendre ce que je sais déjà ? »


L’homme se redressa légèrement.


« Je suis Kecen, et comme vous et votre peuple, le village où je vivais avec mon frère a été attaqué par Derlock. Je sais que ça va vous sembler difficile à entendre, mais Lenjo n’est pas un homme mauvais. »


Avec ce qu’elle savait maintenant, Elsa était, tout au contraire, parfaitement disposée à le croire, mais elle garda le silence.


« Il est arrivé un matin, dans son bateau, Laceli à ses côtés. Il a demandé à ce qu’on lui livre Lenjo sinon il menaçait de tout détruire. Personne ne l’a pris au sérieux, et tout le monde a continué à vivre en se demandant ce que mon frère avait bien pu faire pour s’attirer la colère d’un homme fou qui ne venait pas de chez nous. Au bout d’une heure, les écuries ont pris feu. Un incendie comme je n’en avais jamais vu, rapide, dévastateur. Les flammes ont consumé le bâtiment et les chevaux encore à l’intérieur. Et Derlock nous regardait d’un air satisfait. Il n’a pas dit un mot, il a juste pointé du doigt une maison au hasard. Et une heure plus tard, la demeure a pris feu. »


Kecen déglutit, le souvenir était douloureux.


« Les menaces, madame, les menaces sont devenues réelles. Tout le monde s’est réuni pour savoir quoi faire, les esprits s’échauffaient entre ceux qui voulaient livrer Lenjo pour sauver le village et ceux qui refusaient de céder à la menace. Après tout, mon frère n’avait rien fait de mal, sauf une chose. »


Elsa haussa les sourcils.


« Celle d’être née avec des pouvoirs. Certains habitants lui ont reproché de ne rien faire pour lutter contre les incendies, mais vous savez ce que fait le vent sur le feu, madame ?

-Il l’attise.

-Exactement.

-Qu’a fait votre frère ?

-Il n’a pas attendu la fin des discussions, il s’est livré. Mais il avait négocié pour que Derlock nous laisse tranquille, qu’il parte, avec lui mais qu’il ne revienne plus jamais.

-Je suppose que ce n’est pas ce qui s’est passé.

-Non madame. »


Kecen tremblait légèrement. Elsa lui servit un verre d’eau depuis la cruche qui se trouvait sur la table et lui glissa entre les mains. Il le but d’une traite.


« Lenjo m’a expliqué que Derlock avait utilisé une sorte de magie sur lui, honnêtement, je n’y comprends pas grand-chose, mais il peut lui voler ses pouvoirs. Une fois qu’il a eu ça, il en a simplement voulu encore plus. Il a réclamé que tous les hommes en état de se battre viennent rejoindre son armée. Il s’est servi de moi pour faire pression sur mon frère, il s’est servi des pouvoirs de Lenjo contre moi. Quand il s’est enfin décidé à partir, notre village n’était plus qu’un tas de cendre fumant. Nous laissions nos mères, nos femmes et nos enfants sur un tas de ruine, il avait tout pris, même nos vies. Et quand mon frère lui a demandé pourquoi il avait fait ça, vous savez ce qu’il a répondu ?

-Ce que la vie ne t’a pas donné : prends-le. »


Kecen acquiesça d’un signe de tête.


« Vous ne devez pas le laisser gagner, et quoiqu’il vous dise, sa parole n’a aucune valeur.

-Pourquoi continuez-vous de le suivre ?

-Parce qu’il a dit qu’il tuerait les femmes et les enfants qu’il a laissés en vie. Et parce que la seule fois où je lui ai désobéi, mon frère a perdu sa voix. »


Elsa écarquilla les yeux d’effrois. Son interlocuteur ferma les yeux quelques instants avant de reprendre.


« Je vous dirai tout ce que je peux pour que vous puissiez vaincre ce monstre. Mais madame, je ne vais pas vous mentir, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver mon frère. »


Ce qui signifiait que Kecen ne pouvait pas prendre les armes contre Derlock. Metiger allait lui en vouloir, elle n’allait probablement pas beaucoup dormir cette nuit. 

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