Un Vide de Vérité

Chapitre 30 : Il est temps

1654 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/01/2021 18:59

(NDLE : A écouter en lisant ce chapitre : https://open.spotify.com/playlist/06CLBeGs91Akq4ZJLQG3M0?si=60hNP9nnTJWEdgxne6STxQ )


Laceli allait mieux. La panique qui l’avait étreinte avait maintenant reflué et Elsa l’avait laissée seule, dans cette chambre immense et confortable. Si grande qu’elle s’était même demandée si le bateau dans lequel elle vivait ne pourrait pas y tenir. C’était bien qu’elle soit isolée, elle avait besoin d’un peu de solitude pour se retrouver et mettre de l’ordre dans ses pensées, loin des combats du moment, loin des yeux bleus d’Elsa qui n’en finissaient plus de la hanter.


Elle avait complètement perdu pieds et maintenant elle ne savait pas quoi faire de cette information. Elle pensait avoir choisi un camp, depuis longtemps, contre son grès certes, mais un choix quand même. Elle s’était convaincue d’avoir rallié Derlock pour éviter les punitions incessantes. Elle s’était résignée, voilà, à une vie de mercenaire au service d’un tyran. Mais en fait jamais totalement, dans l’ombre des combats elle n’avait jamais cessé de chercher une échappatoire. L’espoir ne l’avait jamais complètement quitté et avec lui, elle avait assuré sa survie jusqu’ici. Lenjo lui avait demandé une fois pourquoi elle s’accrochait autant à la vie. C’est vrai, après tout, il aurait été plus simple de mettre fin à ses jours et d’arrêter mais elle s’y était toujours refusée. Son existence ne pouvait pas être aussi misérable, elle avait droit à mieux, elle méritait mieux que des parents inexistants qui s’étaient débarrassés d’elle à la première occasion, mieux que de vivre sous la tyrannie d’un despote tout puissant qui faisait d’elle son pantin. Elle traversait les épreuves avec cette rage chevillée au corps et cette envie désespérée de trouver une nouvelle vie.


Et maintenant qu’elle se trouvait peut-être face à ce qu’elle avait toujours cherché, elle paniquait. Difficile de faire plus ironique. Elle avait choisi un camp et ce n’était pas celui de Derlock, il était temps d’arrêter de se mentir. La fenêtre de la chambre donnait sur un jardin intérieur, de là où elle se trouvait, elle pouvait entendre le rire des enfants qui jouaient dans les feuilles mortes que le vent faisait tourbillonner. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois où elle avait assisté à ce genre de scène, plus jamais à vrai dire depuis qu’elle avait été vendue à Derlock.


Elle n’avait pas su, pas réussi à protéger Lenjo, mais peut être pouvait-elle encore faire quelque chose pour Arendelle. Et si jamais cette bataille se soldait par un nouvel échec, et bien elle réessaierait, encore et encore, elle mourrait peut-être d’épuisement, mais Derlock n’était pas immortel, pas plus qu’il n’était un Dieu même si elle avait tendance à le croire. Il finirait par faire une erreur. Ou peut-être que l’erreur était déjà commise.


Lorsqu’Elsa frappa à la porte de sa propre chambre, Laceli était prête. Elles échangèrent un signe de tête, les mots étaient inutiles. Elle la suivit dans les couloirs du château, découvrant les plafonds hauts, la décoration riche. En plus d’Elsa, son escorte se composait de Metiger dont elle découvrait le visage après avoir entendu la voix, et d’Honeymaren. Ses souvenirs du premier rituel étaient lointains maintenant, mais il s’était déroulé en pleine nuit, ici, le soleil brillait haut dans un ciel sans nuage. Ils descendirent un escalier immense, croisant de temps en temps des habitants ou des soldats, les échanges étaient cordiaux, toujours accompagné d’un sourire et d’une parole aimable. Sa présence ne semblait même pas soulever de méfiance, de la curiosité tout au plus, comme si le simple fait d’être entouré de personnes de confiances suffisait à la mettre dans le camp des gentils. Ca et peut être le fait de ne pas être enchainée comme une bête. Laceli devait bien l’admettre, elle avait été mieux traitée ici en tant que prisonnière, qu’en tant qu’alliée sur le bateau de Derlock.


Ils débouchèrent dans ce qui devait être un hall, immense et lumineux. Tout était démesurément grand et pourtant elle n’avait vu qu’une petite partie du palais lorsqu’ils sortirent dans la cour. Elsa les entraina sur la gauche, longeant une marre où barbotaient quelques canards. Laceli esquissa un sourire, le rire des enfants étaient toujours là quoique plus lointain, le jardin devait se trouver à l’opposé. Ils marchèrent plusieurs minutes dans les allées, au milieu des plantes et des arbres qui se déplumaient. Assez loin pour que les rires se soient éteints au profit du chant des oiseaux. Un saule pleureur immense et majestueux se dressait au centre d’une clairière aménagée. Et au sol, dans l’herbe encore tendre, le dessin d’un hexagramme.


La première étape vers la liberté. Son cœur accéléra, le visage de Derlock s’imposa derrière ses paupières closes. Elle réalisait maintenant combien son emprise sur elle était forte. Elle sentit la main d’Elsa dans la sienne et ce simple geste suffit à lui donner le courage dont elle avait besoin. Laceli prit une profonde inspiration, elle exerça une pression sur la main de la blonde avant de la relâcher pour s’avancer et prendre place au centre de la figure.


Metiger commença le rituel sous le regard vigilant d’Elsa et d’Honeymaren, les lignes de l’hexagramme s’illuminèrent d’un rouge flamboyant. Au début, Laceli ne ressentit qu’un léger picotement à l’endroit de la marque, mais très vite, la douleur monta crescendo. Elle pouvait tenir le coup, elle avait vécu bien pire. Poings serrés, mâchoires verrouillées elle encaissa la montée en puissance jusqu’à la limite du supportable. Sa peau lui donnait l’impression d’être en train de brûler et à l’endroit de la marque, comme si on tentait de lui arracher une partie de son âme. Elle sentit la caresse de la glace sur son visage et contre toute attente pour un esprit du feu comme elle, le contact lui fit du bien. Laceli ne sut pas dire combien de temps dura le rituel, simplement que lorsqu’elle se sentit perdre connaissance, le soleil peignait le ciel en rouge et en orange. Une voûte enflammée, c’est ce que disait toujours sa mère.


Anna faisait face au même spectacle tandis qu’elle accédait au pont du bateau. Elle découvrait par la même occasion que le navire se trouvait loin des terres, loin de tout en fait, et ce constat ne fit qu’augmenter son angoisse. Elle n’avait pas revu Lenjo depuis qu’il l’avait reconduite en cale, mais maintenant, un vent fort soufflait autour de l’embarcation et elle le supposait responsable. Le pont était plongé dans la pénombre du crépuscule, simplement éclairé par quelques lanternes. Anna distingua les dessins sur le sol et les ingrédients posés aux endroits stratégiques. Elle voulait protester, négocier, n’importe quoi pour échapper à ce qui l’attendait sans même savoir ce que c’était. Son instinct lui disait de faire demi-tour si fort que s’en était presque douloureux. Mais pas un son ne pouvait franchir ses lèvres, sa langue était comme collée à son palais, sa gorge, paralysée. L’angoisse lui tétanisait les muscles et la raison.


 Le marin qui l’avait accompagnée jusqu’ici la poussa sans ménagement, Anna trébucha jusqu’au centre de l’hexagramme au milieu duquel elle tomba lourdement. Son regard se porta sur Derlock qui la fixait en retour, ses lèvres psalmodiait quelque chose qu’elle ne parvenait pas à entendre, encore moins à comprendre. Lorsque les lignes s’illuminèrent couleur terre, Anna comprit qu’elle était perdue. Il n’y avait aucune retraite possible et personne ne viendrait la sauver, ni Elsa, ni Kristoff. Elle était seule, comme autrefois, seule face à des portes closes, seule face à une barrière magique.


La lumière s’intensifia, une fumée sombre lui masqua le ciel et les étoiles, elle descendit sur elle et l’enveloppa complètement. Anna perdit tous ses repères, le peu qu’elle avait en fait, même le bruit de l’eau était masqué par une insupportable litanie. Quand elle voulut enfin se mettre à crier, le son fut comme aspiré hors de sa gorge. Quelque chose s’enracinait en elle, quelque chose qui venait puiser dans ses forces, qui venait se nourrir de ses émotions. Anna luttait de toutes ses forces contre l’envahisseur, si elle était seule maintenant, elle ne serait pas seule tout le temps. Elle n’avait aucun doute sur le fait qu’Elsa, Kristoff ou d’autres viendraient la chercher. Qu’elle jouerait bientôt aux devinettes avec Olaf et qu’elle apporterait des carottes à Sven. Les larmes roulèrent sur ses joues. Et qu’elle se marierait aussi.


Elle se redressa, doucement, avec difficulté, écrasée par un poids invisible. Un géant de terre apparut à ses côtés, il l’aida à soulever son fardeau. Anna sourit : elle n’était pas seule, elle ne l’avait jamais été. Un autre apparut puis encore un autre, un cinquième, un sixième. A tel point que la charge sur ses épaules disparut presque complètement. Elle lutterait aussi longtemps qu’elle le pourrait.


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