Un Vide de Vérité

Chapitre 32 : La liberté de Laceli

2617 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/01/2021 12:35

A défaut d’avoir réussi à empêcher Elsa de perdre son temps, Laceli envisageait d’optimiser le sien. Elle connaissait suffisamment bien Derlock pour savoir ce qui allait se passer ensuite. Il attaquerait aussi vite que possible pour reconquérir Arendelle et récupérer ce qu’il estimait être son dû : elle-même bien sûr, et Elsa. L’homme ne reculerait devant rien et le moins qu’elle puisse faire, était de préparer le terrain.


L’immensité du château ne l’aidait pas vraiment à se repérer, et encore moins à trouver les bons interlocuteurs. Elle fut la première surprise lorsqu’elle tomba de nouveau sur Mattias. L’homme allait s’éclipser dans un couloir avant qu’elle ne l’interpelle :


« Capitaine ! Attendez une seconde s’il vous plait. »


Le militaire la dévisagea.


« C’est à moi que vous souhaitez parler ?

-Y’a-t-il un autre Capitaine ici ?

-Heu… Hé bien non. Je ne crois pas.

-Alors oui, c’est bien vous. »


Laceli rassembla son courage, elle s’attendait à ce que Mattias ne la prenne pas au sérieux, et pire, à ce qu’il ne lui accorde aucune confiance et elle l’aurait très bien compris. Mais elle avait besoin des deux s’ils voulaient avoir une chance de gagner contre Derlock.


« Capitaine, j’aimerai vous aider à préparer un plan de bataille.

-Pardon ? »


Il avait ce petit air incrédule et curieux et elle le détesta une poignée de seconde parce qu’il la faisait se sentir comme une moins que rien. Mais elle faisait partie des troupes ennemies, elle avait participé à l’annexion d’Arendelle, à l’enlèvement d’Elsa et d’Anna. Le simple fait qu’elle soit libre de circuler dans le palais tenait du miracle et uniquement parce qu’Elsa, pour une raison incompréhensible, avait lu en elle. Laceli souffla doucement.


« Je sais, Capitaine, vous n’avez aucune raison de me faire confiance. Mais, le fait est que je suis là. Et Derlock, croyez-moi, va mener une autre attaque, très prochainement.

-Comment le savez-vous ? »


Toujours ce ton méfiant qu’il ne quittait pas. La brune faisait un réel effort pour ne pas laisser paraitre son agacement.


« Hélas, parce que je le connais bien. Mais si nous voulons une chance de gagner, vous avez besoin de mes informations et de tout ce que je pourrais vous dire sur lui.

-Nous ?

-Oui, Capitaine, nous. »


Elle le fixa du regard, sa colère latente grondait doucement.


« Allez-vous continuer de questionner mes intentions ou allons-nous pouvoir avancer ? »


Mattias hésitait, l’altercation à laquelle il avait assisté quelques minutes plus tôt penchait en la défaveur de Laceli, mais d’un autre côté, Elsa avait été très claire sur le fait qu’elle lui faisait confiance, et qu’elle était libre de ses actes. Et il devait bien reconnaitre que, jusqu’à maintenant, elle n’avait mené aucune action contre Arendelle. Il finit par hocher la tête.


« Très bien. Je vous écoute.

-Merci. Mais d’abord, savez-vous où nous pouvons trouver Metiger et Honeymaren ?

-Oui, dans la bibliothèque. »


Devant l’air perplexe de son interlocutrice, il reprit.


« Je vais vous guider. »


Ils traversèrent les couloirs dans un silence inconfortable jusqu’à rejoindre la pièce en question. Si Laceli n’en finissait pas d’admirer la beauté des lieux, elle eut le souffle coupé en découvrant la bibliothèque. La pièce était gigantesque, le parquet en marqueterie était si propre qu’elle y voyait son propre reflet. Des tableaux gigantesques ornaient les murs, des méridiennes et des fauteuils confortables en tissu à motif, un tapis immense qui étouffait leurs pas tandis qu’ils s’avançaient à l’intérieur. Oh bien sûr il y avait aussi des étagères de belles tailles, toutes remplies de livres. Mais ce qui attira son attention plus que n’importe quoi d’autre, était la porte dérobée derrière les rayonnages. Honeymaren et Metiger étaient installés juste à côté, plongés dans la lecture d’épais bouquins. Mattias se racla légèrement la gorge afin d’attirer leur attention.


« Laceli souhaiterai nous parler, à tous les trois. »


Maren sourit franchement, elle se leva pour accueillir le duo.


« Laceli ! Je suis heureuse de vous voir sur pieds. Vous allez bien ? »


La brune resta stupéfaite quelques secondes, elle ne s’était certainement pas attendue à un accueil aussi chaleureux. Elle sourit timidement en retour.


« Je vais très bien, merci. Je ne me suis jamais sentie aussi bien, en fait. »


Metiger indiqua un fauteuil juste à côté.


« Installez-vous, nous sommes impatients d’avoir de vos nouvelles !

-Vraiment ?

-Oui bien sûr ! Comment vous vous sentez sans la marque ? »


Laceli fit le tour des visages qui lui faisaient face, Mattias était le seul à faire preuve de réserve et de prudence. Les deux autres en revanche se montraient très ouverts et confiant. Son cœur fit quelques bonds, il y avait une chance pour que tout se passe bien, une chance pour qu’en unissant leurs forces, ils parviennent à faire tomber Derlock. Elle sourit à Metiger et Honeymaren.


« Je me sens enfin moi-même, et surtout, je me sens libre. Je n’ai plus cette présence constante et écrasante. Je sais que mes décisions, mes actes, m’appartiennent. Honnêtement, c’est tellement nouveau après des années ainsi que j’ai encore du mal à réaliser. »


Maren hocha la tête, elle lui fit un doux sourire.


« Je n’ose même pas imaginer. »


Laceli acquiesça.


« Mais justement, c’est de ça dont je voulais vous parler. Je sais que cette liberté est fragile et qu’elle peut m’être reprise très rapidement si nous ne parvenons pas à vaincre Derlock. J’aimerai vous aider à préparer un plan de bataille. Vous avez la connaissance du terrain, celle de la magie et moi celle de notre ennemie. »


Mattias prit la parole, la méfiance s’entendait clairement dans le ton de sa voix.


« Vous me disiez justement qu’il allait attaquer, savez-vous quand ?

-Dès qu’il le pourra.

-C’est-à-dire ?

-Lorsque le rituel avec Anna sera terminé, il prendra quelques heures de repos et il attaquera aussitôt. Mais je ne sais pas combien de temps il lui faudra pour imposer une marque Maitre/esclave. »


Maren se saisit d’un livre et tourna les pages empressement.


« J’ai trouvé quelque chose à ce sujet dans un des livres de Jordand. Ah ! Voilà ! C’est ici, mais ça reste assez imprécis en fait. Il est dit que la durée du rituel dépend de la résistance du sujet. »


Elle grimaça en prononçant le dernier mot. Metiger se pencha vers le livre.


« Donc ça n’a rien à voir avec la maitrise de la magie. Le fait par exemple qu’Anna soit encore jeune dans la pratique de ses pouvoirs n’a pas d’incidence.

-Je pense que si, puisqu’il est question de résistance à la magie. Je suppose que ça doit ressembler à un combat.

-C’est un combat, mais un combat qu’elle ne peut pas gagner. »


Toutes les têtes s’étaient tournées vers Laceli.


« Elle peut tenir des jours, des nuits, mais elle finira par être épuisée. Il n’y a aucune échappatoire possible. A ma connaissance en tout cas. »


Mattias s’agita légèrement sur sa chaise, il n’aimait pas du tout savoir que la reine se trouvait dans une situation aussi tragique et que lui, son propre Capitaine, ne pouvait rien y faire.


« D’accord, l’agitation sur le bateau de Derlock a démarré durant la nuit. Quelle est l’estimation la plus rapide ? »


Maren se gratta la tempe tout en relisant les passages du livre.


« Une nuit et un jour.

-Donc une attaque demain. »


Le regard du militaire était plus franc lorsqu’il le posa sur Laceli.


« Très bien, à quoi devons-nous nous attendre.

-Il se servira de Lenjo et d’Anna contre nous. Il faut neutraliser leurs pouvoirs le plus vite possible. Metiger, la marque vous m’aviez appliqué est-elle faisable rapidement ?

-Qu’est-ce que vous entendez par : rapidement ?

-En plein milieu d’un champ de bataille ?

-Je crains que non…

-Ca veut dire que nous aurons besoins des chaines de Derlock. »


Mattias haussa un sourcil.


« Qu’est-ce que c’est ?

-Elles sont imprégnées de magie et peuvent bloquer les pouvoirs des anciens esprits. C’est le seul moyen d’arrêter Lenjo et Anna sans leur faire de mal.

-Mais ce… Lenjo est supposé être un allié aussi ?

-Vous pensez vraiment qu’il était volontaire pour rejoindre Derlock ? Vous pensez vraiment que qui que ce soit un peu sain d’esprit voudrait vivre à ses côtés ? »


Laceli chassa l’air de la main, la question l’agaçait, même si elle était légitime. Elle reprit sans laisser le temps au capitaine de répondre.


« Je sais que ma parole n’a pas beaucoup de valeur, mais je me porte garante de Lenjo. Croyez-moi, il souhaite cette victoire autant que nous. »


Ah, elle était de retour, la méfiance, du côté de Mattias. A l’évidence, l’homme n’était pas prêt à faire un parie de cette ampleur sur la seule bonne parole de Laceli.


« Très bien, où trouvons-nous ces chaines ?

-Sur le bateau de Derlock. »


Evidemment, c’était la partie la moins évidente.


Le petit groupe de 4 passa les heures suivantes à élaborer des stratégies et des plans de batailles. Bien sûr, la présence d’Elsa leur faisait défaut mais au moins, ils pouvaient se préparer à différents cas de figure. La journée était déjà bien entamée lorsqu’ils se séparèrent, mais tous avaient une idée très précise de ce qu’ils devaient maintenant faire.


D’une façon ou d’une autre, Laceli avait réussi à trouver son chemin jusqu’à la prison. Bon, Arendelle n’était pas si grand, trouver le bâtiment le plus austère de la région n’avait donc pas été si difficile. Sans la présence d’Elsa à ses côtés, les gens se montraient maintenant plus méfiants. Ils s’écartaient sur son chemin, murmuraient des choses en l’observant de loin. Laceli ne leur en voulait pas, en fait, elle ne comprenait même pas comment il lui était possible de marcher librement dans les rues sans qu’un soldat ne lui tombe dessus, mais Elsa ne lui avait pas menti, elle était libre.


Et à la question : que faire de cette liberté nouvellement retrouvée ; Laceli avait rapidement trouvé la réponse : se racheter. Elle ne pourrait sûrement pas revenir sur toutes les choses affreuses que Derlock l’avait forcée à faire, mais elle pouvait commencer par Lenjo, Anna et Elsa. Un soldat vint à sa rencontre lorsqu’elle pénétra dans le bâtiment.


« C’est pour quoi ? »


L’hostilité était évidente, mais il restait poli, enfin, au minimum. Laceli repoussa sa colère aussi loin que possible et resta courtoise :


« Vous avez un prisonnier du nom de Kecen, j’ai besoin de lui parler.

-Ah ! Ah ! Non, je peux pas faire ça.

-C’est le Capitaine Mattias lui-même qui m’envoie.

-Ouais bien sûr, bah il est pas là.

-Si, il est là. »


Le militaire arriva dans le dos de Laceli, son sourire était doux mais son ton autoritaire fit mettre le soldat au garde-à-vous instantanément.


 « Laissez-la voir le prisonnier Kecen.

-Oui Capitaine ! »


La brune remercia Mattias d’un léger signe de tête avant de suivre le soldat qui lui ouvrait la route. Il l’installa dans la même pièce où Elsa avait rencontré le même prisonnier. Quelques minutes plus tard, Kecen était jeté par la porte sans ménagement, il trébucha et s’écroula au sol dans un grognement.


« Hé. »


Laceli l’aida à se remettre debout et à s’installer. Il la regarda avec surprise tout en se massant les genoux de ses mains attachées.


« Je m’attendais pas à te voir ici.

-Moi non plus en fait. Ils n’ont pas l’air de te ménager.

-J’ai mené l’assaut contre eux. »


L’homme haussa les épaules. La brune acquiesça d’un signe de tête.


« Oui, je vois.

-Mais, tu n’es pas prisonnière, comment c’est possible ? Ah, non, j’ai compris. Derlock a gagné.

-Non, Kecen, il n’a pas gagné. Pas encore et nous avons une chance de le faire tomber pour de bon.

-Tu y crois encore, après toutes ces années ?

-Pas toi ?

-J’ai espoir à chaque fois mais je perds à chaque fois.

-Je sais.

-Qu’est ce qui te fait croire que les choses seront différentes cette fois ci ? »


Laceli sourit, elle entreprit de lui faire un résumé des événements importants des dernières 72h, depuis qu’Elsa avait quand même réussi à tenir tête seule à Derlock, jusqu’à son arrivée ici, dans la cellule de Kecen, sans oublier la suppression de la marque Maitre/esclave qu’elle portait. L’homme passa par une palette d’émotion très différente tout au long du récit. Il caressa son menton couvert de barbe.


« J’aimerai te poser une question, mais je n’ai pas envie que tu t’énerves. »


La brune connaissait bien ce genre de précaution, elle avait, peut-être, une petite tendance à s’énerver facilement. Elle souffla bruyamment et fit un signe de la main pour inviter son interlocuteur à poursuivre :


« Pourquoi tu es encore là ? Pourquoi tu n’as pas pris la fuite aussi loin que possible de Derlock ? »


Laceli secoua la tête. Elle était habituée à ce que tout le monde s’attende toujours au pire venant de sa part : la méchanceté, la lâcheté, la bassesse, autant de qualités qu’elle avait cultivé pour plaire à Derlock et s’épargner les supplications des victimes pour lesquelles elle ne pouvait rien.


« Je ne laisserai jamais Lenjo derrière-moi. »


La déclaration était claire, nette et sans appel. Kecen avait l’air de vouloir parler mais l’émotion lui nouait la gorge. Il avait les larmes aux yeux lorsqu’il trouva de nouveau le moyen de faire fonctionner ses cordes vocales.


« D’accord. Je ne pensais pas que tu allais dire ça.

-J’ai un millier d’autres raison, mais c’est la première.

-Compris. Et qu’est-ce que tu veux de moi ? Parce que j’ai parlé avec… Elsa, je crois, que c’est la reine ici ? Ou quelque chose comme ça. Je lui ai déjà dit tout ce que je pouvais lui dire pour l’aider.

-J’aimerai que tu fasses un peu plus que ça. »


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