Un Vide de Vérité

Chapitre 33

4006 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/01/2021 12:38

Lorsqu’elle avait regagné Arendelle, le premier geste d’Elsa fut de se rendre dans sa chambre dans l’espoir d’y trouver Laceli afin de s’excuser. Quand la porte s’ouvrit sur une pièce déserte de toute présence, les larmes lui montèrent aux yeux de manières inexplicables. Elle s’avança dans l’espace si proprement rangé et s’assit sur le lit, en sanglotant, il ne restait dans l’air qu’une légère fragrance de l’esprit du feu. La fatigue et les épreuves accumulées de ces derniers jours lui avaient mis les nerfs à rude épreuve. Ne pas réussir à sauver Anna pesait lourdement sur ses épaules, et maintenant, elle se demandait comment gagner une bataille contre Derlock sans Laceli à ses côtés. Elle avait mis des jours pour gagner la confiance de sa farouche adversaire et elle avait réussi l’exploit de tout ruiner en 3 minutes. La blonde essuya ses larmes et soupira.


« Elsa ? »


L’intéressée détourna le regard lorsqu’Honeymaren rentra dans la chambre. Elle vint s’asseoir à ses côtés, en silence et passa un bras autour de ses épaules.


« Tu as le droit, Elsa. »


L’ancienne reine n’attendit pas davantage, elle faisait de son mieux pour avancer contre toutes les épreuves qui se dressaient sur sa route mais, elle n’était pas surhumaine. Elle se laissa aller dans l’étreinte réconfortante, les larmes dévalèrent ses joues sans qu’elle ne cherche à les retenir ou à les masquer. Maren lui laissa le temps de pleurer, elle la berça contre elle pour la réconforter mais elle ne fit aucune remarque. Lorsque les larmes se furent enfin taries, Elsa se redressa légèrement. Elle se recomposa tant bien que mal et souffla doucement.


« Merci Maren.

-C’est à ça que servent les amies. »


La blonde hocha la tête, elle détacha ses cheveux qu’elle avait réunis en une queue de cheval pour se battre contre le vent, ils tombèrent en cascade.


« Je n’ai pas réussi. Quand j’ai compris que le rituel avait démarré, j’ai essayé de sauver Anna mais… »


Elsa haussa les épaules d’impuissance. Honeymaren passa une main dans son dos pour la réconforter.


« Ce n’est pas terminée, Derlock n’a pas encore gagné, loin de là.

-Comment ? Je n’ai même pas pu vaincre une tempête de Lenjo.

-Probablement parce que ce n’était pas que Lenjo.

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

-Il n’y a pas d’anciens esprits supérieurs à d’autres. Lenjo seul n’aurait pas pu te repousser indéfiniment. Mais ils étaient deux à se servir du vent.

-Derlock et lui.

-C’est ce que je crois oui, c’est ce que j’ai trouvé dans mes recherches. »


Elsa soupira. Elle avait fait exactement tout ce qu’Anna lui reprochait toujours, elle avait foncé en plein milieu du danger sans se poser de questions.


« Et maintenant il aura les pouvoirs de l’air et de la terre.

-Mais pas celui du feu.

-Non… Mais nous non plus. »


Maren écarquilla les yeux de surprise.


« Pourquoi ? 

-N’est-ce pas évident ? Laceli est partie.

-Quoi ? Partie ? Mais quand ! Nous avons passé l’après-midi à quatre à préparer un plan de bataille. Elle n’a jamais dit qu’elle allait partir, au contraire. »


Elsa prit la main de son amie dans la sienne. Son cœur se mit à battre plus fort.


« Mais quand je suis rentrée ici, la chambre était vide, j’ai cru que… »


Honeymaren secoua la tête et lui sourit avec indulgence.


« Laceli s’est rendue utile, tout simplement. Elle est partie avec Mattias du côté de la prison si tu veux la voir.

-Je… D’accord mais… Vous avez préparé un plan de bataille ?

-Oui, viens, je vais t’expliquer, Metiger doit toujours être en bas. »


Et sans attendre de réponse, elle lui prit le bras et l’entraina vers la bibliothèque.


 Ce n’est que quelques heures plus tard qu’Elsa quitta la prison d’Arendelle. Après Metiger et Honeymaren, elle avait cherché Mattias et Laceli mais n’avait trouvé que son capitaine. Installés dans le bureau exigu aux murs craquelés, ils avaient longuement échangé sur le combat qui s’annonçait et la stratégie à adopter. L’ancienne reine s’était volontiers laissée conseiller par le militaire, bien plus au fait des champs de bataille qu’elle ne l’était. Mais maintenant que la journée touchait à sa fin, il lui restait toujours une personne à voir. Le palais se dressait devant elle, majestueux, tandis qu’elle le regagnait à pieds, ses toits blancs dardaient le ciel de flèches de glaces qui tranchaient le crépuscule. Petit à petit, les habitants encore présents et les soldats rentraient pour y trouver le refuge de la nuit. Arendelle en état de siège, jamais elle n’aurait cru voir ça un jour. D’ordinaire lorsque la place se vidait, les habitations s’animaient, les fenêtres s’illuminaient les unes après les autres, témoins de la vie qui bruissait en silence. Mais la ville était plongée dans une obscurité détestable, son existence réduite à une ultime étincelle : celle du château et des armoiries aux couleurs d’Arendelle.  


Elsa bifurqua dans les jardins. Son instinct la mena à l’endroit où ils avaient ôté la marque Maitre/esclave de Laceli, et effectivement, elle était là. Assise sur le petit banc de pierre juste sous l’arbre, son regard levé vers le ciel, avec sa robe rouge étincelante, il était difficile de ne pas la voir. Elle était là. Le vent porta jusqu’à elle l’odeur de rose et d’épices avec une petite touche de miel qu’Elsa avait appris à reconnaitre. En peu de temps, l’esprit du feu avait pris une place étonnante dans sa vie. D’abord comme ennemie, maintenant comme alliée. Lorsqu’elle l’avait crue partie, Elsa s’était sentie étrangement abandonnée. Elle s’avança dans l’allée.


« Laceli, je te dois des excuses pour…

-Non, tu ne me dois rien. »


Et c’était vrai, Elsa avait parfaitement le droit de s’emporter contre elle. Laceli de son côté avait fait bien pire, tellement pire même.


« Lace. »


Le diminutif était nouveau, et pour une raison évidente, il lui réchauffa le cœur. Elle secoua la tête.


« J’insiste Elsa. Tu ne me dois rien. Tout ce que tu as dit n’était que la pure vérité.

-Ce n’est pas…

-Je n’ai pas envie d’en parler. »


C’était sorti plus durement qu’elle ne l’aurait voulu mais Laceli n’avait pas envie d’avoir cette conversation, pas maintenant, peut-être même jamais. Elle n’était pas prête du tout à revenir sur son passé en compagnie de Derlock, elle n’était même pas certaine d’avoir pleinement réalisé qu’elle en était sortie. Probablement parce que son bourreau était toujours là, dehors, et qu’il préparait une nouvelle attaque. Cette liberté qu’elle savourait à peine du bout des doigts pouvait lui être retirée tout aussi rapidement. Tant qu’il serait en vie, Derlock ne cesserait jamais de la chercher, ni elle, ni les trois autres. Elsa vint s’asseoir à ses côtés, en silence. Elle tendit la main pour toucher les branches du saule pleureur et l’arbre se mit à scintiller de glace dans la nuit tombante. Laceli esquissa un sourire, le spectacle était superbe et même, un peu romantique. Elle secoua la tête pour se défaire de cette idée, non, plus de flirt, plus de tentative de séduction.


« J’ai donné toutes les informations que je pouvais à Mattias, Honeymaren et Metiger.

-Je sais, ils m’ont fait un résumé. Merci pour ton aide, grâce à toi nous sommes prêts pour l’attaque. Tu as été bien plus efficace que moi.

-Tu veux sauver ta sœur, je peux comprendre ça.

-En me précipitant comme une furie dans un combat que je n’étais pas certaine de gagner. Sans même prendre le temps de bénéficier de tes informations. »


Laceli haussa doucement les épaules.


« J’ai fait cette erreur si souvent, Elsa. Croire que je pouvais déjouer les plans de Derlock, que je pouvais l’affronter, seule.

-Qu’est ce qui le rend si puissant ? »


La brune observa sa complice du coin de l’œil, la fatigue était visible sur ses traits mais sa compagne d’infortune semblait toujours aussi déterminée. Assise sur le banc, les jambes croisées, le dos droit et les épaules en avant, son regard était direct, sa posture n’exprimait qu’une seule chose : elle se jetterait dans la bataille de toute ses forces, quoiqu’il lui en coûte.


« Tu es sûre de vouloir la réponse à cette question ?

-Oui, je préfère savoir à quoi je dois m’attendre lorsque nous l’affronterons. Et dans quel état je vais retrouver Anna.

-Hm. R l’aidera autant qu’il le pourra.

-Tu le penses vraiment ?

-Oui. »


Laceli esquissa un sourire tendre.


« C’est un homme bon. Il est discret, il va et vient sur le bateau comme s’il était invisible. C’est pratique pour avoir des rations de nourriture supplémentaire, ou une couverture quand il fait froid. »


Elsa acquiesça d’un signe de tête. Le réconfort était léger mais il avait le mérite d’exister. Savoir qu’il y avait au moins une personne pour veiller un tant soit peu sur sa cadette alluma une étoile ténue dans son esprit. Elle passa sa main sur son visage pour en chasser la lassitude.


« Alors ? Derlock ?

-Il est cruel. Il n’a aucune limite. C’est pour moi sa principale force. Tout le monde a ses limites, mais pas lui. »


L’ancienne prisonnière se frotta les bras pour éloigner les frissons. L’odeur caractéristique de l’herbe humide monta tandis que la nuit s’installait petit à petit.


« Il a toujours un coup d’avance. Il assume toujours le pire de la part des personnes qui l’entourent alors il est toujours prêt.

-Et ses points faibles ? Il en a forcément ?

-Sa colère.

-Comment ça ?

-L’exemple le plus frappant c’est R. Derlock a besoin de nous, il a besoin de moi pour maitriser le feu, de Lenjo pour l’air et ainsi de suite. Avec son frère, Kecen, ils avaient développé leur propre langage, depuis tout petit. Comme tu l’imagines, ça ne plaisait pas du tout à Derlock, il leur avait donc interdit de le parler. Mais quand tu arrives sur le bateau, au début, tu ne mesures pas toute la dangerosité du monstre, tu penses pouvoir lui tenir tête et transgresser les règles de temps en temps, sans conséquence. »


Laceli ferma les yeux un instant. Les images étaient toujours très vives dans ses souvenirs, elle préférait épargner les détails à Elsa malgré tout. Elle n’avait peut-être pas besoin de tout connaitre sur la bête qui avait capturé sa sœur. Son interlocutrice dû néanmoins sentir son trouble parce qu’elle sentit le contact froid de la main de son amie dans son dos. Un geste simple pour la rassurer et l’encourager à poursuivre.


« Il y a toujours des conséquences. Mais ce jour-là, particulièrement, Derlock est entré dans une rage terrible. Il était fou, vraiment. Lui et R se sont violemment battus et il faillit le tuer.

-Et ça, c’est son point faible ?

-Il faut que tu comprennes qu’il n’a jamais voulu sa mort, bien au contraire. La colère peut lui faire perdre la raison, et s’il ne suit plus ses plans, alors il n’a plus de coups d’avances. »


Elsa aurait préféré beaucoup d’autre point faible, l’idée de pousser son adversaire à devenir enragé pour mener un combat à mort ne lui plaisait pas du tout. Elle observa l’herbe tendre à ses pieds, par endroit on distinguait encore les traces de l’hexagramme du rituel. Il y avait un monde de souffrance dans cette guerre, elle avait mené bien des batailles, toutes très différentes, mais jamais elle ne s’était sentie acculée à ce point. Elle devait accepter la souffrance des personnes qu’elle aimait, d’Anna sous le joug d’un tortionnaire, de Kristoff que l’inquiétude devait dévorer, du peuple d’Arendelle contraint de dormir dans la forêt. Elle se sentait responsable pour chacun d’eux et lors du prochain assaut, chaque hésitation lui coûterait encore plus cher.


« A quoi dois-je m’attendre ?

-Tu le sais déjà.

-Il forcera Anna à se battre contre moi.

-Oui.

-Mais elle ne maitrise pas encore ses pouvoirs.

-Non, mais Derlock sera probablement plus à l’aise et il n’hésitera pas. Alors que toi, oui.

-Evidemment. Et contre toi ?

-Il a le choix des armes. R bien sûr et des années de souffrance qu’il fera peser sur moi. Je peux déjà l’entendre me dire que si je le rejoins maintenant, tout sera pardonné. Alors que si j’essaie de le trahir, une fois de plus… »


Laceli frissonna pour de bon, elle se releva pour faire quelques pas et évacuer sa nervosité, le contact d’Elsa dans son dos lui manqua aussitôt. L’ancienne reine détestait ce qu’elle s’apprêtait à faire, mais il fallait qu’elle le dise, pour la prochaine attaque, elle devait être sûre de tout, surtout de son alliée la plus précieuse.


« Si tu penses que ça peut marcher, peut-être est-il préférable que tu ne prennes pas part au combat. »


La brune serra les dents sous l’effet de la colère, son ton était tranchant, comme une lame chauffée à blanc.


« Je vois. »


Elle sentit la chaleur courir sur sa peau, l’herbe roussit légèrement à ses pieds. Elsa se leva à son tour pour croiser son regard, mais elle resta à bonne distance.


« Ne te méprends pas, Laceli, je sais que tu veux gagner cette guerre autant que moi. Mais je dois mettre toutes les chances de notre côté. C’est exactement pour cette raison que Kecen ne rejoindra pas les troupes.

-Tu me compares à Kecen ? Tu penses vraiment que sa présence sur le terrain peut changer la situation ? Qu’est-ce que tu crois ? Qu’il va galvaniser les troupes et qu’ils vont se jeter sur Derlock pour l’abattre ? Il n’aura qu’à lever le petit doigt pour les balayer ! Kecen ou un autre soldat, ça ne fera aucune différence.

-Ce n’est pas ce que je voulais dire.

-Qu’importe, j’ai compris. Tu as peur que je me retourne contre toi parce que tu penses que c’est ton combat, pas le mien. Mais je mène cette guerre depuis plus longtemps que toi, Chaton. »


Ses mâchoires étaient serrées, Laceli s’exprimait toujours avec la même hostilité brûlante.


« Tu as grandi dans un château somptueux, dans le confort, le luxe ! Combien de fois as-tu mis les pieds sur un champ de bataille, Elsa ? Non, ne réponds pas, je vais le faire pour toi : jamais ! Et tu viens me donner des leçons de faiblesses ? A moi ? Me parler de stratégie ? Mais sais-tu seulement te servir de tes pouvoirs pour faire autre chose que des jolies sculptures ? »


La brune se détourna pour se soustraire au regard de reproche d’Elsa. Elle n’avait eu aucune intention de la blesser, mais ses mots avaient enflammé sa langue. Lorsque sa partenaire reprit la parole, sa voix était contenue et son ton, polaire :


« Tu te trompes. Je sais que ce combat n’est pas le mien. Je veux sauver Anna, bien sûr, mais toi et Lenjo aussi. Derlock est un monstre et ma sœur n’est pas la seule victime ici. »


Laceli fit de nouveau face à son interlocutrice, elle prit une inspiration pour reprendre la parole mais elle fut stoppée dans son élan par un geste d’Elsa. L’expression était claire, c’était son tour de parler.


« Tu as raison sur un autre point en revanche, je n’ai jamais eu de guerre ou de bataille à mener. Et lorsque je me sers de mes pouvoirs, j’agis toujours par instinct. Cela dit, ça ne veut pas dire que j’ai passé mon enfance à courir dans la forêt pour ramasser des fleurs sauvages. Tu devrais éviter de présumer sur ce qu’a été ma vie.

-Et toi sur ma prétendue trahison. Pourquoi m’avoir rendu mes pouvoirs, et ma liberté comme tu le dis, si c’est pour imaginer que je vais m’en servir contre toi à la première occasion venue ? Si j’avais vraiment voulu me retourner contre toi, Chaton, je l’aurais fait à l’instant même où tu t’es précipitée sur le bateau pour empêcher le rituel. »


Le feu et la glace s’affrontaient dans un échange de regard tendu. Elsa secoua la tête, elle était moins vindicative lorsqu’elle reprit la parole. Elle n’avait aucune envie de poursuivre cette dispute, son cœur était déjà bien assez lourd.


« Je ne pense pas que tu aies envie de me trahir, Lace. Mais tu oublies que j’ai vu moi-même à quel point ce monstre a de l’emprise sur toi. Je sais à quel point il te fait peur. »


Laceli souffla, elle se détourna une fois de plus. Son alliée faisait référence à l’angoisse qui l’avait dévastée lorsqu’elle avait appris que la marque Maitre/esclave allait lui être retirée.


« Mon envie d’en finir avec Derlock est bien supérieure, crois-moi.

-Je te crois.

-Alors laisse Kecen rejoindre les troupes, nous avons besoin de lui. »


Elsa secoua la tête.


« Te faire confiance c’est une chose, Lace. Mais lui m’a clairement fait savoir qu’il n’hésiterait pas à nous trahir si Derlock menaçait la vie de son frère. Et je ne peux pas lui en vouloir.

-Je sais ce qu’il t’a dit. Mais, Chaton, si Kecen en vient à nous trahir, c’est que nous avons déjà perdu. Tu veux sauver ta sœur, il veut sauver son frère. »


L’argument se tenait. Mais l’ancienne reine n’était pas encore prête à céder. La brune abattit sa dernière carte.


« Je lui fais confiance et contrairement à ce que j’ai dit tout à l’heure, je pense vraiment que sa présence peut changer la donne. »


Elles se fixèrent du regard, mais cette fois-ci sans animosité. Elsa hocha légèrement la tête.


« Très bien. »


Laceli sentit la tension qui quittait ses épaules. Le répit fut de courte durée, son regard se porta sur une silhouette qui arrivait dans l’allée. Elsa ne pouvait pas le voir puisqu’elle lui tournait le dos.


« Mattias.

-Quoi ?

-Il arrive. »


Elsa se retourna pour se retrouver face au militaire au garde à vous. S’il était venu jusqu’ici avec son air grave, c’est que le sujet était important. Elle déglutit, son estomac se noua d’angoisse et pourtant, elle restait parfaitement impassible face à son interlocuteur.


« Votre Majesté.

-Que se passe-t-il ?

-L’activité autour du bateau s’est arrêtée. »


A son attitude il était facile de dire combien il était désolé d’apporter cette nouvelle. L’ancienne reine recula jusqu’au banc et s’y laissa tomber, la façade de glace venait de se fissurer et l’inquiétude sourde se distillait dans ses veines comme un poison. Laceli pinça les lèvres, ce n’était pas le moment de craquer. Sa voix claire mit le feu au poudre.


« Derlock attaquera demain. »


Mattias acquiesça d’un signe de tête.


« Nous sommes prêts. »


Elsa carra les épaules, abattue, mais pas terrassée, elle releva légèrement le menton.


« Après discussion avec Laceli, vous pouvez réintégrer Kecen, Capitaine.

-Bien votre Majesté.

-Y’a-t-il autre chose ?

-Non Majesté, juste que, nous sommes parés et que mes hommes et moi, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour lutter contre cet individu. Vous avez ma parole. »


L’ancienne reine hocha la tête.


« Je n’en doutais pas, Capitaine, merci. »


Le militaire pris congés dans un silence tendu. Etre le messager de mauvaises nouvelles n’était jamais une tâche facile. La brune se rapprocha, après une brève hésitation, elle posa sa main sur l’épaule de son alliée.


« C’était prévisible.

-Je sais oui.

-Mais cette fois-ci Derlock ne bénéficiera pas de l’effet de surprise. C’est la première fois qu’il se trouve dans une position aussi délicate. »


La blonde acquiesça d’un léger signe de tête, elle se releva. Laceli l’observa, son attitude était déterminée, elle avait l’air de vouloir écraser Derlock sous son talon, pourvu qu’elle garde cette énergie jusqu’à demain.


« Tu devrais aller te reposer, nous ne pouvons rien faire de plus.

-Je ne pense pas réussir à dormir.

-Je sais, mais tu peux au moins essayer, ou, faire semblant d’essayer.

-Oui, je peux faire ça. »


Leurs regards se croisèrent et pendant un instant, Laceli se perdit dans les grands yeux bleus de son interlocutrice. Elsa lui sourit.


« Tu ne viens pas ? »


La brune haussa un sourcil. Elle n’envisageait pas de partager de nouveau la chambre d’Elsa, il n’y avait plus de circonstances pour l’y obliger. Et surtout, elle s’était faite congelée une ou deux fois lors de ses tentatives d’approche. La blonde n’était peut-être pas de glace, mais elle n’avait pas la tête à se laisser séduire. Elle pouvait tout de même tenter d’alléger un tant soit peu l’atmosphère. Son ton était joueur, puisant clairement dans les notes d’humour lorsqu’elle répondit :


« C’est une invitation, Chaton ? »


Elsa rougit franchement, son regard prit la fuite vers le paysage. Laceli se retint de rire. Elle avait très envie de jouer et de provoquer encore plus d’embarras, mais il y avait un moment pour ça et ce n’était pas maintenant.


« Je pensais me trouver un endroit pour dormir quelque part dans le château. Mais si tu veux, je peux aussi te tenir compagnie, en tout bien tout honneur.

-Voilà, en tout bien tout honneur.

-Oui, ça veut dire que je reste habillée. »


C’était trop tentant. Laceli rit malgré elle lorsqu’Elsa la fusilla du regard.

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