Un Vide de Vérité

« Chuuut ! Viens par ici ! Vite ! »

Elsa et Laceli coururent se mettre à l’abris des regards indiscrets, bien en peine de contrôler les éclats de rire qui menaçaient. Après un instant à retenir leur respiration, elles soufflèrent bruyamment lorsque la porte se referma doucement. Les deux jeunes femmes échangèrent un regard complice avant de partager un nouveau fou rire. Laceli jeta un œil pour s’assurer que la voie était libre.

« Mais pourquoi faire tant de secrets ? On ne faisait rien de mal.

-Je suis supposée t’enseigner nos coutumes et nos traditions pour le mariage. Cette imitation d’Olaf que tu réussis à merveille n’en fait absolument pas parti.

-Et alors ?

-En tant que reine, ou ancienne reine, je me dois d’avoir toujours un comportement approprié.

-C’est d’un ennuie ! »

Elsa lui offrit un sourire indulgent. La reine avait absolument insisté pour que Lenjo et Laceli soient présents au mariage. Et même si la brune avait trouvé ça curieux au début, elle avait rapidement compris, comme bien d’autres avant elle, qu’il n’était pas possible de refuser quoique ce soit à Anna, qu’elle porte une couronne ou non. Mais ni l’esprit du vent ni celui du feu n’avaient la moindre idée des us et coutume d’un mariage royal. Elsa s’était proposée pour les guider tout en aidant aux préparatifs du mariage. Les premières leçons s’étaient passées relativement sérieusement, mais très vite, Lenjo avait trouvé plus judicieux de s’éclipser pour laisser les deux femmes entre elles. Passer plus de temps avec Elsa, Laceli n’y trouvait rien à redire. Au début en tout cas, mais maintenant, elle n’en était plus si sûre. Après des semaines auprès de la blonde, l’esprit du feu avait la sensation désagréable d’être constamment sur la brèche. Ses sentiments et son attirance à l’égard de l’ancienne reine n’avaient cessé de croître. Mais avec Elsa, rien n’était simple, rien n’était clair. Parfois, elle rentrait dans un jeu de séduction qui laissait croire à Laceli que quelque chose était possible et la seconde d’après, elle se retrouvait face à une banquise dont le froid polaire achevait de congeler la flamme qu’elle était persuadée d’avoir allumée. Lorsqu’elle s’était confiée à Lenjo, celui-ci lui avait simplement rétorquer de passer à autre chose. « Vous n’êtes pas du même monde », voilà ce qu’il lui avait dit, « Elsa s’est construite sur les apparences, toi tu n’en as jamais rien eu à faire ». Ce qui était parfaitement vrai. Mais elle ne voyait pas en quoi ce constat était un obstacle.

L’ancienne reine était maintenant penchée sur une maquette de glace de la cour du château et de ses alentours. Elle testait différentes décorations possibles, modifiant à l’envie en fonction des idées qui lui passaient par la tête. Laceli était toujours émerveillée par ce spectacle, par la facilité et la simplicité avec laquelle Elsa construisait et reconstruisait.

« Lace ? »

A entendre l’intonation, cela devait plusieurs fois qu’on l’appelait.

« Heu… Oui ?

-Tu n’as pas l’air très intéressée par la décoration pour le mariage. »

La blonde rit doucement.

« Je peux continuer seule si tu préfères, tu as peut-être envie de rejoindre Lenjo ou simplement d’être un peu tranquille.

-Oh non, pas du tout ! C’est juste que… » La brune haussa légèrement les épaules. « Je n’ai pas ton talent, Elsa. Je ne sais pas faire tout ça.

-Tout ça quoi ? »

Son interlocutrice jeta un œil à la représentation de glace.

« Tu parles de la maquette ?

-Entre autre, de la décoration, de ces guirlandes de glaces qui illuminent la place, des arbres gelés que tu fais sortir du sol, de ces sculptures cristallines qui ornent tout à coup les colonnes et les fontaines. Tu façonnes la glace avec tellement de facilité. Mon pouvoir à côté… Hé bien il n’a été conçu que pour la guerre, le chaos et la destruction. Je ne sais faire que ça et je ne vois pas bien en quoi ce sera utile pour le mariage d’Anna. »

Laceli fronça les sourcils, l’évidence venait de s’imposer à elle mais elle n’avait pas prévu que ce serait douloureux. Elle esquissa un sourire.

« Désolée ! Je ne voulais pas ruiner l’ambiance. Continue ! Vraiment, je suis admirative. »

Mais à la manière dont Elsa l’observait, elle pouvait dire que la conversation n’allait pas en rester là. Et lorsqu’elle sentit le contact frais des doigts d’Elsa prendre ses mains, elle sut qu’elle ne s’était pas trompée.

« C’est peut-être juste une question d’entrainement ? De la même manière que je n’étais pas habituée aux champs de bataille et que ton aide nous a été vitale.

-Je doute qu’une guirlande enflammée soit réellement appropriée sur un arbre.

-Tu peux essayer sur un sapin de glace, c’est sans risque.

-Chaton…

-Ne sois pas défaitiste avant même d’avoir essayé.

-Chaton, tu crées des choses, tu as même créé Olaf.

-Et un troll de glace aussi.

-Qui n’a de dangereux que son apparence si j’ai bien compris. Mais qu’importe, je ne sais pas faire ça, mes pouvoirs ne sont pas faits pour ça. Ils sont faits pour détruire. »

Elsa se mordit légèrement la lèvre, elle cherchait ses arguments. Elle tenait toujours les mains de Laceli dans les siennes, la chaleur n’en finissait pas de l’irradier.

« Tu as beaucoup participé à la reconstruction de la place.

-J’ai surtout aidé le forgeron, l’homme qui fabrique des armes.

-Allons Lace, tu sais qu’il ne fait pas que ça.

-Très bien, je peux faire fondre le métal. Je vais faire un Olaf en métal fondu, il faudra juste faire très attention pour les câlins. »

La blonde observait son interlocutrice avec une pointe de tristesse, il n’était pas question qu’elle laisse Laceli avoir une si mauvaise opinion d’elle-même. Elle ne supportait pas de la savoir malheureuse et tout ce qu’elle voulait en cet instant, c’était la prendre dans ses bras et lui montrer qu’elle pouvait faire bien d’autre chose, qu’elle valait mieux que ça. Elle posa sa main sur la joue de la brune pour forcer son attention.

« Tu m’as guidée pour mener le combat contre Derlock, laisse-moi faire la même chose pour toi, s’il te plait. »

Elles étaient si proche qu’Elsa pouvait voir les éclats d’or dans les iris rubis de Laceli. Il y avait cette ombre de tristesse qui ne quittait jamais complètement son regard, les taches de rousseur sur la peau mate de ses pommettes. Et ses lèvres d’un rouge éclatant qui n’en finissaient pas de l’inviter à l’embrasser. Elsa s’écarta brutalement.

« Je dois y aller. »

Le regard fuyant, le ton polaire, une attitude que la brune ne connaissait que trop bien. Elle attrapa son interlocutrice par le poignet pour la retenir.

« Non Chaton, pas comme ça, pas encore une fois.

-Laisse-moi partir, Lace.

-Je ne peux pas continuer comme ça Elsa, je ne peux pas continuer cette danse de la séduction où tu m’approches pour mieux me repousser. Je ne suis pas un pantin qu’on peut jeter à l’envie.

-Il n’y a pas de danse de la séduction entre toi et moi, il n’y aura jamais rien entre toi et moi. »

Laceli tressaillit. Le froid qui venait de la frapper s’insinuait jusque dans ses os. Mais la blonde n’en avait pas encore fini avec sa mise à mort.

« Quoique tu te sois imaginée, tu te trompes. »

La brune sentit la bouffée de colère qui venait lutter contre le gel. Elle relâcha sa prise sur le poignet de l’ancienne reine.

« Je vois. »

Elle se rapprocha de nouveau, mais la tension qu’il y avait maintenant entre les deux amies était tout autre.

« Nous savons toutes les deux que je n’ai rien imaginé. Mais je ne suis pas de celles qui vivent dans le mensonge des contes de fées. »

D’un geste du menton elle désigna un tableau de famille sur lequel on pouvait voir Anna et Kristoff.

« A l’évidence je ne suis pas faite de la bonne étoffe mais rassure-toi, je ne t’embarrasserai plus longtemps. Lenjo prend un bateau le lendemain du mariage, je partirai avec lui. D’ici là, je t’épargnerai le fait d’être vue en ma compagnie. »

Et c’est elle cette fois-ci qui quitta la pièce dans un tourbillon de colère enflammé.