Un Vide de Vérité

Chapitre 43 : Et s'il y avait bien quelqu'un à Arendelle

2375 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/02/2021 10:47

(A lire en écoutant : « If I ain’t Got You » d’Alicia Keys ou cette playlist : https://open.spotify.com/playlist/7LEhCOultHWFUltA1eR32Y?si=GP7gM9xuSg2lFpWoktHdZQ )


Pour une raison étrange, elles finissaient toujours par se rencontrer sous ce saule pleureur. Avec la voûte céleste pour seul témoin, la musique lointaine du mariage qui battait son plein. La nuit était douce et l’arbre illuminé de milliers de flammes scintillantes. Laceli avait réussi, son pouvoir pouvait servir à autre chose que détruire, il suffisait, d’y croire. Elle sourit en voyant qu’Elsa remontait l’allée dans sa direction, leurs regards se croisèrent dans un échange complice qui n’avait pas besoin de mot. Elle s’arrêta sous l’arbre qu’elle observa avec émerveillement avant d’offrir un de ces doux sourires dont elle avait le secret. Un de ceux qui faisait battre le cœur de Laceli un peu plus fort, elle oublia de respirer pendant un court instant et puis ses poumons se remplirent d’air à nouveau. Peut-être était-ce l’effet de l’alcool, ou l’ivresse du bonheur de cette journée, mais Elsa… Elsa l’attirait plus qu’à aucun autre moment. Elle désespérait de la prendre dans ses bras, de sentir le goût de sa peau sous ses lèvres. Laceli ferma les yeux pour faire taire ce sentiment qui la troublait tant, mais c’était comme si chaque fibres de son corps participaient à une gigantesque conspiration contre elle. Les papillons qui volaient dans son estomac, le frisson qui lui descendit le long du dos lorsqu’elle sentit Elsa s’asseoir à ses côtés, sa gorge qui s’asséchait, et son cœur, ce traitre, qui battait la chamade.


« Lace, c’est magnifique. »


La chair de poule et, vraiment ? C’était un léger tremblement dans ses mains ?


« Merci. »


Et à quoi bon lutter après tout. La brune prit une légère inspiration et sourit à Elsa.


« Tu es venue me chercher jusqu’ici ?

-Je t’ai vue disparaitre tout à l’heure et je m’inquiétais.

-Pour moi ?

-Oui, pour qui d’autre. »


Laceli haussa les sourcils, quelque chose en elle bondit de joie. C’était ridicule comme le fait d’avoir un tout petit peu d’importance la rendait toute chose.


« Pour quelles raisons ? Tu pensais que j’allais fuir ?

-Je n’aimerai pas que tu partes sans me dire au revoir. Mais, non, j’avais peur que… Je ne sais pas, que tout ça, cette journée, soit un peu trop pour toi.

-Trop… »


La brune sourit et hocha légèrement la tête. Son regard se porta vers les branches du saule, toujours éclairées.


« Trop de liberté, trop de joie, trop de bonheur, trop de gens heureux, partout. De la musique, de la nourriture, des familles et des personnes qui prennent soin les unes des autres, des enfants qui s’amusent. Trop de vie, en fait. Trop d’une vie que je n’ai plus connue depuis si longtemps que je ne me souvenais même plus à quel point elle me manquait. »


Elle se laissa bercer par la musique un instant.


« Mais ce n’est pas la soirée pour parler de ça.

-Et pourquoi pas ?

-Parce que maintenant, il est temps d’en profiter. »


Laceli se leva, elle tendit la main à Elsa.


« Allons rejoindre les convives, veux-tu ?

-Oh… Je… »


Les mots avaient trébuché sur ses lèvres quand son regard avait croisé les pupilles rouges de son amie. La brune n’avait besoin de rien pour la troubler, parfois même un simple mouvement dans son sommeil lui provoquait des frissons. Laceli en avait parfaitement conscience, Elsa le savait. Sa conversation avec Anna lui revint en mémoire et l’innocence d’Olaf aussi. Elle souffla doucement.


« D’accord. »


Elle glissa sa main dans celle tendue pour se remettre debout. Mais lorsque Laceli s’éloigna pour remonter l’allée, Elsa la retint et la ramena vers elle.


« Chaton ? »


La blonde sourit, même le surnom qui s’était voulu moqueur avait pris une toute autre dimension au fur et à mesure du temps qu’elles avaient passé ensemble.


« Nous sommes à Arendelle. »


Laceli haussa les sourcils, perdue face à cette affirmation. Elsa poursuivit :


« J’ai peur. Tu n’as pas idée à quel point j’ai peur… »


Cette déclaration déclencha automatiquement une alarme chez l’esprit du feu qui se rapprocha de la blonde, elle posa sa main libre sur le bras de son amie.


« Elsa, qu’est ce qui se passe ? Tu m’inquiètes.

-Je ne veux pas que tu partes, Laceli. Je ne veux pas que tu montes sur ce bateau, pas maintenant.

-Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a sur ce bateau ? Explique-moi, s’il te plait, de quoi as-tu peur ? »


La brune était perdue au milieu des différents messages mais son appréhension était réelle. L’ancienne reine souffla doucement, à cet instant elle en était certaine, même Kristoff aurait fait mieux qu’elle.


« Il n’y a rien de dangereux sur ce bateau, Laceli. Il n’y a rien de… Il n’y a rien… »


Pourquoi les mots sortaient-ils si maladroitement ? Et pourquoi son cœur battait si fort ?


« Simplement, je n’ai pas envie que tu partes. Et j’ai peur, j’ai peur parce que… Je ne me suis jamais autorisée à ressentir ou à me rapprocher de quelqu’un, de n’importe qui. J’ai toujours été effrayée par mes pouvoirs et même si maintenant, les choses sont différentes, j’ai toujours cette inquiétude que la situation m’échappe. »


Elle tournait autour du pot et elle pouvait dire au regard de son interlocutrice qu’elle commençait, peut-être, à comprendre, mais il y avait tant d’incertitude, tant de prudence et cette crainte évidente d’être rejetée.


« Et j’ai peur aussi parce que… Ma sœur est… Anna est la reine d’Arendelle, j’ai été la reine d’Arendelle et tous les regards sont sur nous, qu’on le veuille ou non. Notre attitude, nos décisions comptent et le peuple pourrait ne pas accepter.

-Ne pas accepter quoi, Elsa ? »


Elle y était, c’était maintenant qu’il fallait faire le grand saut et accepter la part d’inconnue qui allait avec. Elle prit les mains de Laceli dans les siennes, jamais elle ne s’était sentie aussi peu sûre d’elle.


« J’ai très envie de t’embrasser, Lace. »


L’espace de quelques secondes il n’y eut plus que le battement sourd de son cœur dans les oreilles de la brune. Le monde venait de se réduire à deux pupilles bleues glaces qui la fixaient intensément. Elle glissa sa main sur la hanche d’Elsa et se rapprocha d’elle, si proche qu’elle pouvait sentir le souffle de la blonde sur sa peau.


« Moi aussi, Elsa. »


Et puisqu’il était évident que la glace était pétrifiée par les incertitudes, Laceli déposa ses lèvres sur celles de la blonde, savourant enfin ce goût qu’elle avait si longtemps imaginé et la douceur infinie qui s’en dégageait. Leurs doigts s’entremêlèrent, Laceli sentit le contact froid de la main d’Elsa contre sa joue brûlante, elle gémit doucement. Elle caressa de sa langue les lèvres de la blonde pour y quémander une autorisation qu’elle reçut sans peine. Sa main quitta la hanche d’Elsa pour remonter le long de son dos jusque dans ses cheveux. Leur baiser devint plus profond, plus intense au fur et à mesure qu’elles se découvraient. Elsa gémit à son tour, submergée par une foule de sentiments et de sensations nouvelles. Elles finirent par se séparer, haletantes, front contre front, leurs mains se joignirent et leurs doigts s’enlacèrent. Pendant un instant il n’y eut rien d’autre que la tranquille acceptation de ce qui venait de se passer, chacune perdue dans ses propres émotions. Elles partageaient un silence confortable où elles savouraient leur nouvelle proximité. Elsa se blottit davantage contre Laceli.


« Dis-moi que tu ne vas pas monter dans ce bateau, s’il te plait.

-Je ne vais pas monter dans ce bateau. Je partais uniquement parce que tu ne voulais pas de moi.

-Ce n’était pas…

-J’ai compris. Le discours était un peu difficile à suivre mais le baiser… Wow… »


Elsa rit doucement, un monde de tension avait quitté ses épaules.


« Et je ne t’ai pas blessée. Mon pouvoir est resté sous contrôle.

-Je n’en ai jamais douté. Par contre, je crois qu’il neige. »


Et c’était vrai, quelques fins cristaux s’accrochaient dans leurs cheveux et saupoudraient leurs épaules. Laceli caressa la joue de la blonde avec une infinie tendresse. Elle voulait profiter de chaque seconde de cet instant, ne surtout pas briser la magie, consciente que ce qu’Elsa venait de lui donner, elle pouvait aussi le reprendre en un instant.


« Est-ce que… ça va ? »


Il y avait un monde de non-dit dans cette question, mais c’était plus fort qu’elle, Laceli s’inquiétait. Pour toute réponse, Elsa vint chercher un nouveau baiser, une main dans les cheveux de la brune, son corps réclamait plus de proximité tandis qu’elle se collait contre elle. Elle ne sut pas dire qui de l’une ou l’autre gémit doucement, mais rien ne l’avait préparé à ce qu’elle découvrait ce soir. Rien de tout ce qu’on lui avait dit ne pouvait décrire l’avalanche d’émotions, tout ce qu’elle avait tenté de maintenir sous contrôle ces derniers jours était en train d’exploser en elle. Elsa se sentait transportée, elle ne savait pas dire si c’était de joie, d’allégresse, ou d’autre chose, un sentiment nouveau, une attirance forte à laquelle elle n’avait jamais été confrontée jusqu’à maintenant. Elle voulait l’embrasser, encore et encore, avec avidité, la sentir contre elle et ne plus jamais la laisser s’éloigner. Elles se séparèrent à contre-cœur, faute d’avoir assez d’oxygène. Si l’arbre brillait de milles feux, il ne s’était pas embrasé. La neige continuait de tomber, trop légère pour vraiment recouvrir le sol. Elsa sourit, une main sur la joue de la brune dont elle goûtait la chaleur.


« Oui, je vais bien, Lace. »


Mais elle pouvait voir toujours ce voile d’incertitude et cette crainte discrète dans le regard de l’esprit du feu. La blonde déposa un léger baiser, furtif celui-ci.


« Je ne vais pas reculer, je ne vais pas renoncer à ce que je viens de découvrir, à ce que tu viens de m’offrir. Et je suis désolée d’avoir pris la fuite si souvent pour te laisser dans l’incertitude. »


Elsa prit les mains de Laceli dans les siennes et y déposa un autre baiser.


« Je suis désolée si je t’ai fait du mal. J’aimerai te promettre que je ne t’en ferai plus jamais mais… »


La blonde baissa la tête.


« Je crains d’être très maladroite et très… hum… novice sur les relations. »


L’esprit du feu lui releva le menton avec douceur et le sourire qu’elle trouva en réponse l’était tout autant.


« J’ai le cuir solide et nous irons à ton rythme.

-Mais si quelque chose ne te convient pas ?

-Je te le dirais, nous en discuterons et nous aviserons. Nous ne sommes qu’au début Elsa.

-Mais j’ai tendance à tout gâcher.

-Tu n’as définitivement pas gâché cet instant. »


Elsa cligna des yeux de surprise lorsqu’elle se trouva dans l’étreinte très protectrice de la brune, et elle fut la première étonnée tandis que son corps réagissait instinctivement en la faisant se blottir davantage. Laceli reprit.


« Et si tu veux que notre relation reste… notre secret pour l’instant parce que tu ne te sens pas prête, alors j’attendrai.

-Tu ferai ça, pour moi ?

-Je ne peux pas te promettre que je serai capable d’attendre des années mais avant d’en arriver là, nous pouvons juste essayer et voir. »


Elsa eut un sourire incrédule, quelques mots tout simples et pourtant un si grand pouvoir : « juste essayer et voir ». C’était un poids supplémentaire qu’on venait d’enlever de ses épaules.


« Peut être juste avec ma famille pour commencer ? Anna est déjà au courant.

-J’avais cru comprendre après le piège qu’elle nous a tendu. »


Elles rirent ensembles. La blonde sourit tendrement.


« Merci d’être si compréhensive.

-J’aimerai juste en parler à Lenjo.

-Bien sûr. Ce ne serait pas juste de ma part de t’en empêcher.

-Je préfère que tu le saches, Chaton.

-J’aime bien ce surnom.

-Moi aussi. »


Elles se perdirent un instant dans le regard l’une de l’autre. Laceli finit par rompre le charme.


« Nous devrions rejoindre la fête.

-Oui, tu as raison, c’est le mariage de ma sœur après tout.

-Et puisque je ne prends plus le bateau demain, nous avons du temps devant nous. »


Elles dansèrent en bonne compagnie et profitèrent des festivités jusqu’au bout de la nuit et ce n’est vraiment que lorsque le soleil se leva timidement sur l’horizon que la fête s’acheva.


Laisser un commentaire ?