Dîner chez Smaug !

Chapitre 4 : Joie, cauchemars et révélations

1532 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/01/2023 17:53

"Bordel, faut que je me bouge", marmonna sombrement un Smaug somnolent.


Ne sachant pas où trouver un dîner, il avait fini par se rendormir, par habitude. Parmi tous les dragons de la Terre du Milieu, il était probablement le plus flemmard... Il espérait juste que ce futile défaut ne gêne pas son futur rencard.


En songeant à ce dernier, Smaug consulta son Portable Draconique, et...


... il avait une notification...


... Drogon avait répondu !


Et il disait "Oui" !


(Enfin, plus exactement, il lui avait envoyé un selfie draconique avec plein de petits cœurs : plutôt explicite.)


Smaug était tout excité et commença à se rouler dans son trésor comme un gros chat tout en ronronnant. Il en oublia même son problème du dîner.


*°*°*


"Nous sommes attaqués !" hurla Babush d'une voix suraigue.


Il faisait nuit noire, personne ne voyait à plus de deux mètre devant soi. Paniqués, les aventuriers se redressèrent de leur camp de fortune et s'emparèrent maladroitement de leurs armes - de son couteau de cuisine, en ce qui concernait Lomya.


"Arrière, vil tapageur nocturne ! s'écria théâtralement Gulpil, son torse maigre bombé du mieux qu'il le pouvait, les doigts crispés sur la garde rouillée de la "fille d'Andúril".


- Bordel, je vois rien, je sais pas où viser ! couina désespérément Dianys.


- Ils sont là ! hurlait Babush en agitant épileptiquement ses membres dans tous les sens.


- Penninor, vous ne pourriez pas user de votre magie ? proposa Lomya.


- Non. Taper. Mieux", énonça gutturalement Karrthable.


Penninor venait de se relever, son chapeau pointu sur la tête.


"Je ne suis pas sûre que ma magie vous soit utile en cette situation, fit-elle.


- Taper. Mieux.


- Karrthable a raison, je pense", continua l'elfe en témoignant son assentiment aux arguments du barbare.


Des bruits se rapprochaient des aventuriers, qui resserrèrent leurs rangs, inquiets. Babush commençait à respirer avec difficulté, complètement tétanisé.


"Au moins un sort, préventivement ! supplia presque Lomya, tout aussi terrifiée que le chef du groupe. Votre magie elfique est certainement très puissante ! Nulle créature de l'ombre n'oserait approcher !


- Elle n'a pas tort, intervint Gulpil, la gorge serrée, les yeux luisant de peur. Tu nous as déjà montré certains sorts, et c'était impressionnant ! Prends confiance en toi, Penninor, je sais que tu peux y arriver !"


L'elfe émit un long soupir las.


"Très bien, vous l'aurez voulu. Mais ne vous attendez pas à un miracle."


Tous se tournèrent à demi vers elle pour observer avec émerveillement sa magie. Tout d'abord, elle prit son chapeau, le posa sur le sol. Ensuite, elle fit quelques gestes alambiqués, dit "abracadabra !" et releva le chapeau avec un "ta-daaaaa !" victorieux.


En dessous du chapeau se tenait à présent une espèce de gros lézard moche avec des yeux globuleux et la queue enroulée en spirale.


"Un... un caméléon ? s'étonna Lomya.


- Oh, ça va, je vous l'avais bien dit, marmonna Penninor. Ma magie n'est pas toujours efficace en toute situation...


- Mais qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'un lézard ? s'écria Dianys tandis que Babush s'arrachait une touffe de cheveux en pleurant.


- Eh, ce n'est pas un lézard ! C'est un caméléon ! répliqua sèchement l'elfe. Ça peut être très utile d'avoir un caméléon, surtout quand on veut se débarrasser des insectes dans une maison !


- Oui... mais là, ce n'est pas vraiment pertinent...


- La dernière fois, t'avais fait apparaître un lapin ! se lamenta Gulpil. Au moins, lui, on avait pu le manger... mais un lézard... ?


- C'est pas un lézard !"


Un bruit sourd d'os qui craquent suivi d'un couinement pitoyable interrompit leur dispute. Ils se tournèrent d'un geste vers Karrthable, qui tenait le crâne écrabouillé d'un porc dans son poing.


"Cochon. A voulu me mordre. L'ai tapé. Mort."


Il y eut quelques secondes d'un silence perplexe, avant que Gulpil ne s'écrie :


"Victoire ! Nous avons vaincu notre assaillant !"


Et ce soir là, ils mangèrent tous goulument des saucisses.


Le lendemain s'annonça moins joyeux que la nuit : des gros nuages avaient profité de l'obscurité pour se faufiler discrètement au-dessus de la région désolée entourant la Montagne Solitaire, et maintenant il pleuvait.


Lomya ramena un pan de sa tunique sur sa tête pour se protéger de l'humidité avec un air maussade au visage. Elle n'aimait pas l'eau, bien qu'elle habitât littéralement sur un lac. Son dégoût provenait probablement de là, d'ailleurs... En tous cas, elle espérait qu'ils arriveraient enfin à destination, bien que d'après le chef, il leur restât encore deux ou trois jours de marche avant d'atteindre la porte d'entrée principale du royaume d'Erebor.


Elle décida de discuter avec Gulpil tout en marchant, pour se distraire un peu. L'homme à la face fourbe se tenait juste derrière elle et grommelait quelque chose dans sa barbe. Elle se retourna vers lui et l'invita d'un signe de tête à venir à côté d'elle.


"Pourquoi est-ce que vous avez décidé de venir, vous ? lui demanda-t-elle d'emblée, curieuse. D'après ce que j'ai cru comprendre, vous n'êtes pas réellement un maître épéiste du Gondor... ni même un vrai guerrier, d'ailleurs. Vous venez d'un village, vous étiez fermier ?


- Vos paroles sont assez abruptes, mademoiselle, commença prudemment l'homme. Mais elles sont vraies, hélas... en effet, j'étais fermier. Enfin, en quelques sortes...


- En quelques sortes ?


- Disons que je me suis professionnellement reconverti. À cause de la concurrence économique, vous savez : dans un village, neuf personnes sur dix sont des fermiers, c'est pas évident de percer dans le milieu...


- Et donc ? Vous êtes devenu quoi ?


- Je me suis redirigé vers un secteur d'activité plus... plus lucratif. Je suis devenu vendeur d'armes."


Lomya haussa les sourcils, surprise.


"Vendeur d'armes ? Dans un village ? C'est... original !


- Eh bien... oui... "


Gulpil jetait des coups d'yeux nerveux à droite et à gauche.


"Enfin, ça a fini par me causer quelques soucis...


- Sans blagues ?


- J'imagine qu'ici, je ne risque rien à en parler... Dianys est bourrée et les autres n'en auraient rien à faire de toutes façons... Disons qu'il se peut que j'aie accidentellement vendu quelques armes défectueuses...


- Dans le style de la "fille d'Andùril" ?


- Oui, dans ce style là... Je les repeignais pour cacher la rouille - parfois ce n'étaient même pas de vraies armes mais des outils agricoles usés - et je les vendais très cher. Et il se peut qu'un jour, un homme me soit tombé dessus après s'être fait rouler et ait demandé à être remboursé au centuple... Et il se peut que j'aie alors décidé de risquer ma vie pour aller dérober le trésor de Smaug..."


Lomya s'empêcha avec peine d'éclater de rire. En vérité, elle s'attendait un peu à une histoire de ce genre, ça ressemblait bien à Gulpil.


"Pourquoi ne pas simplement avoir déguerpi ?


- Ha ! C'est là que l'histoire se complique...


- Alors, éclairez mes lumières je vous prie !


- Eh bien... il se peut que la personne qui m'ait contrainte à rembourser soit un capitaine de guerre du Rohan... et il se peut aussi qu'il ait envoyé l'un de ses soldats avec moi, pour me surveiller... en fait, il se pourrait tout à fait que ce soldat soit Dianys..."


Lomya poussa un petit cri de surprise en jetant un coup d'œil à l'archère, à une dizaine de mètres devant eux.


"Non ?! Sérieusement ?


- Oui... ne lui dites pas que je vous l'ai dit, elle n'a pas envie que les autres l'apprennent, et moi non plus. En fait, son capitaine voulait surtout se débarrasser d'elle en l'envoyant me surveiller parce qu'elle ne servait à rien, vu qu'elle était tout le temps bourrée... et moi, je n'ai littéralement aucune compétence en combat... Si les autres l'apprennent, ils risqueraient d'être démoralisés...


- Pourquoi me l'avoir dit, alors ?


- Vous ne savez pas combattre non plus. Entre non-combattants, faut qu'on se soutienne... Et puis, aussi, vu que vous êtes riche..."


Lomya soupira, voyant où il voulait en venir. Elle l'interrompit d'un geste et secoua la tête en signe de dénégation.


"Mon père est riche, pas moi. Le seul moyen pour que vous mettiez la patte sur sa fortune, ce serait de m'épouser et de prendre ma dot... et sachez que ça ne risque pas vraiment d'arriver. "


Gulpil haussa tristement les épaules et riva le regard sur le sol.


"Oui, je m'en étais douté... mais bon, qui ne tente rien, n'a rien..."


Et il s'éloigna tristement de quelques pas. La jeune fille ne chercha pas à le faire revenir, bien qu'elle ait pitié de lui : d'un certain côté, il avait un peu mérité ce qui lui arrivait ! Mais il avait raison sur un point : entre non-combattants, ils allaient devoir se soutenir.


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