Blanche Neige et les treize nains

Chapitre 1 : Blanche Neige et les treize nains

Chapitre final

6922 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/08/2017 16:31

Une immense forêt touffue. Les arbres sont parés de mille couleurs chaudes, de l'or au brun en passant par toutes sortes de nuances de rouge et d'orangé. Le sol est couvert d'un tapis de la même couleur, et le crépuscule donne une atmosphère irréelle à la clairière dans laquelle je me trouve. Je n'y suis pas seule: des dizaines d'hommes et de femmes gracieux, aux visages bienveillants, heureux et vêtus de vêtements somptueux y chantent et y dansent au son d'instruments merveilleux. Un jeune elfe blond au front ceint d'une couronne fine me tend la main et m'entraîne sous le couvert des arbres, non loin du reste du groupe. Son sourire merveilleux éclaire son visage magnifique et sa voix claire rejoint celle du chœur alors qu'il me fait tournoyer sous une pluie de feuilles dorées...


Un violent coup dans le bras me tire brusquement du sommeil. Mes yeux sont agressés par une lumière puissante qui provient de l'extérieur.

- Debout, espèce de paresseuse! me crie la comtesse en me tirant par le bras pour me relever de force. Va nourrir les cochons tout de suite!

Comme je ne bouge pas assez vite à son goût, elle me gifle avec une baguette de bois censée servir à faire avancer les moutons lorsqu'on les emmène paître dans les prés. Les larmes me montent aux yeux instantanément, mais je les retiens. Le moindre gémissement me vaudrait un autre coup, plus violent cette fois...

Je me dirige vers la porcherie en tentant d'éponger le sang qui me macule le visage du bout de ma manche crasseuse. Je me maudis intérieurement : j'aurais dû voir venir ce coup et l'éviter... Maintenant, ma joue est balafrée et me fait souffrir, comme tout mon corps, d'ailleurs. Comment en suis-je venue à être haïe à ce point? Je l'ignore...

Tout en nourrissant les cochons, je repense à mon rêve. Tous ces gens possédaient des oreilles pointues comme les miennes... Je me prends souvent à penser que je ne suis pas une simple humaine malformée, comme me le répète la comtesse, mais une de ces créatures incroyables dont les légendes racontent l'existence... Mais je me doute bien que je ne fais que rêver. Les elfes existent, mais ils vivent bien trop loin de mon petit village pour que je puisse être l'une des leurs... Et si j'en crois les légendes de Ranolf le Barde, jamais ils ne laisseraient un de leurs enfants tomber entre les mains d'une femme aussi sadique que la comtesse...

Je ne l'ai pas dit? J’ai été adoptée. Le comte m’a secourue alors que j'étais à moitié morte de froid dans la neige, un hiver. Je n'étais alors qu'un bébé. Depuis, je vis avec eux, dans une petite ville perdue en plein milieu de la Terre du Milieu. Et s'il est vrai que la première femme du comte avait été comme une mère pour moi, la seconde, qu’il a épousé après sa mort, est une véritable sorcière...

Notre chien de berger me tire de mes pensées. Elle me lèche la main comme pour me dire de me dépêcher et je termine de nourrir les cochons avant d'aller chercher de l'eau au puit. Ce dernier est situé à un quart d'heure de marche de la maison, et ramener de l'eau pour faire la vaisselle ou nettoyer le sol est très dur quand on ne possède que peu de force, comme moi. Sans compter la chaleur accablante au dessus de ma tête...

En chemin, je croise un certain nombre de villageois. Plusieurs se proposent pour m'aider, mais je décline chaque offre gentiment. La comtesse me frapperait si elle apprenait que quelqu'un m'aide... Mais les seaux sont si lourds que je suis obligée de m'arrêter au bout de quelques minutes. Un jeune chasseur s'approche de moi et me prend les seaux des mains, sourd à mes protestations essoufflées.

- Ce n'est pas à une enfant aussi adorable que toi de porter un seau aussi lourd, me dit il en m'aidant à me relever.

Il passe devant moi et me ramène près de la ferme avant de me redonner les seaux. Puis il pose un doigt sur ses lèvres et disparaît sans un bruit. Je ne peux m'empêcher de sourire et le remercie intérieurement. Il m'aide souvent quand les tâches que la comtesse me confie sont trop dures pour moi... Et je le remercie à chaque fois.

La journée se termine sans aucun autre incident notable, juste une gifle que la comtesse me donne à cause d'une chèvre blessée. Quand, enfin, je pense pouvoir aller me coucher, des murmures dans la cuisine m'en empêchent. Je tourne sans pouvoir trouver les sommeil, incapable de comprendre qui parle avec le comte et la comtesse et pourquoi ils parlent si bas et à une heure si tardive. Soudain, la comtesse entre dans ma chambre en trombe et me jette littéralement en bas de mon lit.

- Dépêche toi, me dit elle. Tu vas faire un tour dans la forêt... Il nous faut de la viande pour demain et tu sais très bien que les cochons sont trop maigres pour être mangés.

Je m'habille donc en vitesse et descends dans la cuisine, où j'enfile une paire de bottines un peu fatiguées. Le chasseur qui m'aide souvent est là, le visage masqué par une capuche sombre. Pour la première fois de ma vie, je le trouve inquiétant, d'autant plus qu'il porte une épée acérée et un arc de chasse avec lequel vont une dizaine de flèches accrochées dans son dos.

Il m'entraîne à l'extérieur, en direction de la forêt. La ville disparaît rapidement derrière les arbres et les buissons touffus et nous nous retrouvons dans l'obscurité quasi-totale, entourés d'arbres et de créatures invisibles et inquiétantes. Un hibou hulule quand nous passons sous un arbre, et je perds rapidement mes repères entre les troncs, les branches et les inégalités du terrain. Visiblement, le chasseur semble s'y retrouver car il m'entraîne toujours plus profondément entre les arbres, loin de la ville et de la maison, et encore plus loin de la sécurité des murs de pierres et du toit de cette dernière. L'angoisse commence à me serrer la gorge quand je réalise que je n'ai jamais été aussi loin dans les bois, et de nuit de surcroît !

Enfin, le chasseur s'arrête dans une petite clairière au centre de laquelle un rayon de lune forme un petit cercle lumineux bordé par l'ombre des arbres. Il retire sa capuche et me jette un couteau, quelques flèches et me tend son arc. Je le regarde avec des yeux ronds, complètement paniquée. Il me dit alors, visiblement inquiet et rongé par la culpabilité :

- Il faut que tu ne reviennes jamais en ville, compris?

Je suis incapable de répondre, complètement paniquée. Il poursuit, cette fois d'un ton plein de colère et de peine:

- La comtesse te hait, je suppose que tu l'as remarqué. Elle m'a demandé de t'emmener ici et de te tuer.

Je me crispe, ce qui le fait sourire. Un sourire ironique.

- Non seulement elle est cruelle, mais en plus elle est lâche... Tu veux savoir pourquoi elle te déteste tant?

Il prend mon silence pour un assentiment et continue:

- Elle est jalouse de toi. Ta beauté, ta gentillesse et ton incroyable don pour ne pas lui en vouloir malgré le traitement qu'elle t'inflige... Ça peut paraître dingue, mais c'est comme ça. Elle veut t'eliminer parce que tu lui fais de l'ombre, et elle ne le supporte pas.

Il fait un pas vers moi. Je recule, effrayée par la révélation qu'il vient de me faire. Mais au lieu de me menacer, il lâche son poignard et continue de parler.

- Elle s'est adressée à la mauvaise personne, pour ce plan. Je ne peux pas te tuer... Tu es trop innocente, tu n'as jamais voulu ou fait de mal à qui que ce soit... Ce serait lâche de te tuer alors que tu ne sais même pas te défendre.

Il me glisse une dernière arme dans la main: une dague fine, aux allures à la fois familières et étrangères...

- Maintenant, cours et ne te retourne surtout pas, compris? Va vers le sud, toujours devant toi. Tu sais te repérer par rapport au soleil?

Je hoche la tête, le coeur battant si fort que j'ai l'impression qu'il me compresse les poumons à chaque battement. Le chasseur pose une main sur mon épaule.

- Parfait. Quand tu atteindras une rivière large et tumultueuse, remonte son cours. Tu finiras par arriver à une petite ville. J'y ai envoyé un message, tu devrais y être bien accueillie. Maintenant, sauve toi! Je dirai à la comtesse que tu as réussi à m’échapper en te débattant, mais que je t’ai blessée mortellement et que les animaux sauvages vont te dévorer.

Il me faut quelques instants pour réaliser ce qu'il fait: il ramasse son poignard et se coupe profondément le poignet avant de se retourner et de partir en direction du village. Dès que je le perds de vue, la panique me gagne: je suis seule dans la forêt, de nuit, sans personne pour m'aider... Et les bruits inquiétants autour de moi n'arrangent rien. Chaque frémissement des feuilles, chaque léger bruissement de plumes, le moindre cri animal ou même encore le son de branches qui s'entrechoquent prennent la forme de créatures démoniaques et de bêtes sauvages prêtes à me tuer. Quand une branche morte craque, je m'imagine que le chasseur est revenu pour me tuer, ou même qu'il s'agit de la comtesse venue s'assurer de ma mort... Je me mets alors à courir à l'aveuglette entre les branches, dans la direction approximative du Sud, si terrorisée que je m'imagine être poursuivie pendant quelques instants. Le vacarme que je fais en glissant, en me cognant et en tombant n'arrange rien à ma peur...

Je cours ainsi jusqu'à l'aube et ne m'arrête que lorsque le soleil est haut au dessus de ma tête. Je suis épuisée, affamée et assoiffée, mais je n'ai ni nourriture ni eau, et j'ignore quelles plantes sont mangeables ou encore comment chasser... Je continue donc à marcher entre les troncs, plus doucement maintenant que je peux voir où je vais, en espérant arriver rapidement à la rivière afin de pouvoir boire...



Trois jours plus tard, je n'ai toujours rien trouvé. Le seul changement est celui du décor: j'ai quitté la forêt pour marcher dans une vaste plaine, mais rien n'y fait. Je trouve de tout, mais je ne sais pas quoi manger sans risquer de m'empoisonner. J'ai pu boire à un petit ruisseau, que j'ai rapidement quitté en voyant un ours y arriver à son tour, puis j'ai gagné la montagne. Je suis épuisée et je ne sais absolument pas quand je verrai enfin cette rivière... Je trébuche de plus en plus sur le sol dur et herbeux, pourtant plutôt plat. Mes yeux se ferment d'eux mêmes, mes jambes ne me portent plus... Je finis par me coucher au pied d'un gros rocher et ferme les yeux. C'est étrange, j'ai l'impression de bouger...


Je suis réveillée par des clameurs suraigues et des coups répétés contre ma peau. Je hurle de terreur en voyant les créatures immondes qui me tiennent prisonnière : ce sont des gobelins hideux et visiblement ravis de m'avoir capturée. L'un d'entre eux est particulièrement terrifiant : gros et gras, avec une barbe de graisse qui remue à chacun de ses mouvements, il est assis sur une sorte de trône et tient un sceptre fait d'un bout de bois grossièrement taillé. Et je ne suis pas seule: un groupe de nains se tient non loin, visiblement moins effrayés que moi et bien plus sûrs d'eux. Le gros gobelin ne semble pas faire attention à moi: il chante à tue tête une chanson aux paroles cruelles et barbares pendant que ses troupes préparent des machines terrifiantes. Puis il se tourne vers moi et m'adresse un sourire à moitié édenté et cruel.

- Et bien! dit il avec un accent traînant. La petite elfe est enfin réveillée... Qui souhaite l'entendre hurler?

La peur m'empêche d'émettre le moindre son. Les gobelins crient et frappent leurs armes contre le sol, surexcités à l'idée que je sois torturée. Les nains me regardent d'un air un peu dédaigneux, mais ne font aucun commentaire. L'un d'eux a même l'air ravi de me voir ainsi bloquée par les gobelins... Quand soudain une clameur toute autre résonne derrière nous: un vieil homme vêtu d'une robe grise et portant un chapeau pointu tient tête aux gobelins. Le roi lui lance, l'air amusé :

- Que compte-t-il faire, le magicien?

Ce dernier brandit son bâton à deux mains et frappe le sol avec. Une déflagration se propage dans l'air, propulsant les gobelins un peu partout et semant la panique dans leurs rangs. Les nains saisissent leurs armes et le magicien se précipite pour m'aider à me relever.

- Suivez moi, vite! lance-t-il aux nains en m'entrainant dans un couloir proche.

Nous nous mettons à courir pour échapper aux gobelins. Le magicien et les nains se battent sans problème, mais nos assaillants sont beaucoup plus nombreux et connaissent mieux les lieux. Notre guide nous entraîne dans un dédale de petits tunnels étroits où les gobelins nous suivent, mais ne peuvent nous prendre d'assaut par les côtés. Nous passons ensuite sur des ponts suspendus où les soldats gobelins nous attendent, mais qui volent sous la charge des nains. Je suis terrorisée et j'ai un mal fou à suivre le groupe à cause de ma fatigue due à mes quelques jours de marche sans manger, mais la peur me donne la force d'avancer. Et ma seule chance de m'en sortir est de les suivre...

Au bout d'un très long moment, alors que je pense ne plus pouvoir réussir à bouger, nous voyons enfin de la lumière au bout d'un tunnel. L'espoir remonte en flèche dans le groupe et nous sortons en plein soleil, au milieu d'une pente boisée. Je tombe au sol au pied d'un arbre et tente de reprendre mon souffle. Les nains semble eux aussi épuisés, mais heureux. Seul le magicien semble soucieux.

- Où est notre Hobbit? demande-t-il aux nains.

Ces derniers se mettent à appeler un nom. Bilbon, si je comprends bien... L'un des nains semble suspicieux.

- Il a dû rentrer chez lui, dit il. Il ne pensait qu'à sa maison et à sa sécurité...

Le magicien prend sa défense. Les autres nains les écoutent quand soudain une voix s'élève derrière nous:

- Je suis là !

Un homme tout petit, plus petit même que les nains, sort de derrière un arbre. Les nains se précipitent vers lui, heureux de le revoir vivant. Je n'y comprends absolument rien, mais je n'ai pas le temps de réfléchir à leur histoire car le magicien vient vers moi et me tend une gourde. J'attrape cette dernière et avale son contenu. Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais si soif... Et faim. Le magicien sourit et me tend une lanière de viande fraîche, qui semble être du cerf, et me laisse l'avaler. Je le remercie en souriant et gobe presque la viande, qui me semble alors être le mets le plus délicieux au monde. Puis le magicien me demande:

- D'où viens-tu, jeune elfe?

- D'une petite ville isolée, au nord, je réponds en frissonnant. J'ai été forcée de m'enfuir parce que la comtesse voulait me tuer...

- Les elfes ne tuent pas leurs enfants, réplique l'un des nains, le même qui mettait en doute la survie de Hobbit. Que fais-tu ici, gamine?

- Allons, Thorïn, le gronde le magicien, cette enfant est épuisée et était entre les mains des gobelins... Un peu de compassion, bon sang!

- Les elfes ne laissent pas leurs enfants seuls, lui rétorque le nain. Je suis sûr que c'est votre ami Elrond qui l'a envoyée pour nous surveiller...

Le magicien se met à rire.

- Elle ne vient pas de Fondcombe, ça se voit! répond il en se tournant vers moi. Elle est bien trop maigre... Et Elrond ne mettrait jamais en péril la vie des enfants de son peuple !

- Moi, je la crois, lance un autre nain en s'agenouillant près de moi. Elle ne ressemble pas aux elfes de Fondcombe... Comme l'a dit Gandalf...

- Vous êtes Gandalf, le magicien gris? je demande en lui coupant net la parole, ce qui fait rire les autres nains à cause de sa mine choquée. Oups, pardon... je murmure en me rendant compte de mon impolitesse.

- Oui, je suis Gandalf! répond le magicien en souriant. Et toi, tu es...?

- Je m'appelle Anaëlle, je réponds en souriant.

- Anaëlle... répète le magicien d'un air songeur. La fille de Grimlar Toiledacier?

- Vous connaissez le comte ? je m'étonne.

Gandalf sourit.

- Oui, et ça m'étonne que tu sois menacée de mort... C'est un homme plutôt sympathique… mais tu l'appelles par son titre? C’est étonnant...

- C’est la comtesse qui m’y force… je réponds en frissonnant en repensant à sa cruauté. Elle a forcé le comte à faire de moi une simple servante, parce qu’elle me déteste. Elle voulait même me faire tuer par un chasseur de la ville... Il m'a emmenée dans la forêt comme prévu, mais au lieu de me tuer, il m'a fait promettre de partir et de ne jamais revenir...

- Comment s'appelle ce chasseur? me demande le magicien.

- Tristan. Il a toujours été gentil avec moi.

Le magicien hoche la tête.

- S'il t'a dit cela, c'est que c'était probablement vrai, dit-il. Il a toujours été sincère.

- Et que comptez vous faire d'elle, Gandalf? demande le dénommé Thorïn en coupant notre discussion.

- Elle vient avec nous, répond le magicien. Elle est très jeune et ne survivra pas deux minutes dans cette forêt.

Un cri retentit au loin. Les nains se redressent aussitôt et brandissent leurs armes.

- Azhog nous a retrouvés, lance Thorïn.

- On fait quoi? demande celui qui semble être le plus jeune du groupe.

- Courez! lance Gandalf en commençant à descendre la montagne au pas de course.

Les nains le suivent et je suis forcée de courir. Qui que soit Azhog, les hurlements de loups qui résonnent au dessus de nous me font peur et je sens qu'il s'agit d'un ennemi. Je suis donc les nains, complètement terrifiée.

    Nous arrivons bientôt au bord d'une falaise. Je hurle en voyant les orques surgir derrière nous : montés sur des loups immenses et agressifs, ils tentent d'attraper les nains. L'un des orques semble particulièrement meurtrier: monté sur un loup blanc, il lance des ordres en langue orque aux autres. L'un de ses bras est remplacé par une lame...

- Anaëlle, dépêche toi!

Je réussis à quitter la créature des yeux en entendant la voix de l'un des nains. Je regarde au dessus de moi: il est perché dans un sapin et me tend la main pour m'aider à monter. Comme je suis trop petite pour l'atteindre, il demande à l'un de ses compagnons de lui tenir les pieds pour arriver à ma hauteur et m'attrape juste au moment où les orques arrivent à notre niveau. Il me hisse dans l'arbre juste à temps. Les loups tentent alors de déraciner les arbres pour nous faire tomber. Les nains se dépêchent de passer d'arbre en arbre jusqu'à celui qui se situe le plus au bord de la falaise, mais se retrouvent bloqués sur ce dernier, et moi avec eux. Les loups donnent de grands coups pour le faire tomber, et l'arbre commence à pencher dans le vide, de plus en plus entraîné vers le précipice autant par son poids que par celui des nains... Quand les racines commencent à craquer dangereusement, plusieurs nains menacent de tomber. Puis l'arbre est agité par une violente secousse et l'un des nains glisse. Il est rattrapé par les autres, mais ils n'ont pas assez de force pour le retenir et bientôt, ils lâchent prise. Je ferme les yeux en espérant qu'il s'agit d'un horrible cauchemar...

    Soudain, un glapissement retentit au dessus de nos têtes, et en dessous de l'arbre. Le cri des nains virent à l'émerveillement et je rouvre les yeux pour voir la cause de ce soudain changement d'émotion. Des aigles immenses font des ravages parmi les orques pendant que d'autres cueillent les nains sur les branches pour les laisser tomber sur le dos de leurs congénères. Je pousse un cri de surprise quand l'un d'entre eux me saisit entre ses serres immenses, mais quand je me retrouve perchée sur le dos de l'oiseau géant, la peur cède la place à un émerveillement total. Le magicien me lance un sourire par dessus son épaule et je me mets à rire. Moi qui pensais mourir, je me retrouve à voler, et la sensation est si incroyable que j'en oublie toutes mes angoisses depuis mon départ...


    L'orque regarde les aigles s'enfuir avec rage. Il donne un ordre furieux et fait demi-tour, ses soldats sur les talons. Écu-de-Chêne a encore réussi à lui échapper... À cause de ce semi-homme! Mais il n'était pas la seule personne qu'il devait tuer... La magicienne du Nord a demandé à ce qu'il tue la fillette elfe, et il la tuera coûte que coûte.




    Nous sommes maintenant loin des orques. Les aigles nous ont déposé il y a deux jours dans une immense zone montagneuse, que nous avons dû descendre pour continuer notre route vers je ne sais où. La plupart des nains semblent m'apprécier, sauf leur chef, Thorïn. J'ignore pourquoi, mais chaque regard qu'il me lance est haineux ou méfiant. Je ne l'aime pas beaucoup non plus… il me fait peur, peut être à cause de son air perpétuellement sérieux ou à cause justement de sa méfiance envers moi. Mais ses neveux, Kili et Fili, passent leur temps à me faire rire et à tenter de me faire accepter par lui. Ils me racontent leurs batailles, leurs voyages et leurs aventures, me décrivent les mille merveilles des grottes naines, les immenses forêts où j’aurais dû vivre… puis ils me parlent des elfes: leurs descriptions me rappellent les récits de Ranolf, mais me semblent plus réelles, comme s’ils avaient vu les elfes de leurs propres yeux…

    Quelques temps plus tard, alors que Bilbon, l'étrange petit homme plutôt sympathique qui est en fait un Hobbit, est en train de vérifier si les orques ne nous ont pas suivis, ils me parlent de Fondcombe. Je leur pose en permanence des questions sur les elfes, les faisant rire ou sourire et attirant la curiosité des autres nains. Le plus vieux d’entre eux, Balin si je ne me trompe pas, prend souvent part aux récits des deux plus jeunes et m’explique bien des choses que je ne pensais être que des histoires lorsque j'étais encore au village…

    Quand le Hobbit revient, il nous parle d’une créature semblable à un énorme ours brun. La peur me saisit, surtout quand Gandalf nous dit qu’il risque de nous tuer… mais je me calme quand il parle d’une maison où nous pourrions nous réfugier, plus loin. Nous nous mettons à courir vers la maison. Soudain, un grognement d’ours si fort qu’il résonne dans la montagne me fait peur. Nous accélérons la course, et bien que je sois déjà épuisée par la marche à travers les montagnes, je réussis à suivre les nains jusqu’à la maison. Je hurle en y entrant, quand les nains tentent de fermer la porte contre laquelle un immense ours vient frapper, puis sens mon coeur battre à toute allure contre mes côtes. Je ne me calme que lorsque l’ours s'éloigne, une fois la porte fermée. Le magicien nous invite à dormir et je m’allonge donc sur un tas de paille, épuisée par le voyage.


   La magicienne du Nord est là, devant l’orque. Elle sait que l’enfant est vivante et qu’il a failli à sa mission. Après avoir hurlé à s’en casser la voix, elle lui tend un petit peigne doré.

-Arrange toi pour qu’elle le trouve, lui dit elle en l’emballant pour que l’orque ne le touche pas. Il est magique. Il causera sa mort immédiate si elle le trouve.

L’orque acquiesce.

-Et ne me déçois pas, cette fois ! lance la femme avec colère.

L’orque s'élance dans la nuit, à la recherche de la fillette...



Des coups répétés sur le carreau me réveillent en sursaut. J'aperçois un oiseau qui frappe de son bec sur la vitre. Un homme immense lui ouvre et l’oiseau vole vers les poutres en piaillant joyeusement, vite rejoint par d’autres oiseaux. Une abeille passe sous mon nez, presque aussi grosse qu’une de mes phalanges. Autour de moi, des boeufs, des chevaux, des vaches et bien d’autres créatures de la ferme broutent tranquillement la paille sur laquelle je suis allongée, pendant que d’autres animaux paissent dans la prairie autour de la maison. Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est l’homme qui s’agenouille près de moi, un bol fumant dans les mains: il est immense, poilu et musclé. Pour tout dire, il me fait penser à un ours…

-Que fait une enfant elfe avec un groupe de nains? demande-t-il au magicien en remarquant mes oreilles.

-Elle a échappé à la mort de justesse, répond ce dernier. Encore un peu et elle se faisait tuer par les gobelins.

Je me désintéresse vite de la conversation pour jouer avec un chat qui traîne dans les parages. Il sort dans l’herbe et je le suis. Je tente de l’attraper, mais il m'échappe en miaulant. Je râle quand il s'éloigne sous un arbre… puis aperçois un éclat lumineux au pied de ce dernier. Je me dirige vers la source de la lueur et m’agenouille au pied de l’arbre, curieuse. Un magnifique peigne doré traîne sur le sol. Émerveillée, je le ramasse et l’observe. De fines arabesques s’enroulent autour du manche et dessinent des motifs compliqués dans le métal doré. Après l’avoir bien observé, je dénoue mes cheveux emmêlés et commence à me peigner. Je démêle soigneusement les pointes blondes, qui brillent sous l’éclat du soleil, puis commence à remonter jusqu’aux racines. Mais, en démêlant une mèche particulièrement rebelle, je me blesse avec l’une des dents de l’objet. Aussitôt, une vive douleur me saisit et je lâche un cri avant que des points noirs envahissent mon champ de vision. Puis je sombre dans l’inconscience sans comprendre ce qu’il m’arrive.


-Anaëlle ? réponds, Anaëlle !

J’ouvre les yeux péniblement. J’ai horriblement mal au crâne, comme si un nid de frelons avait élu domicile à l'intérieur de ce dernier. Le visage du magicien apparaît dans mon champ de vision, visiblement inquiet. Je sens mon coeur battre plus vite.

-Que s’est-il passé ? je demande en me frottant les yeux.

-Où as-tu trouvé ça? me répond Thorïn d’un ton grave en me montrant le peigne.

Je désigne l’arbre.

-Il y avait quelqu'un dans les parages ? me demande le magicien, les sourcils froncés.

Je secoue la tête. Gandalf me dit:

- Encore un peu et tu mourais, jeune fille… ce peigne était empoisonné. Il n'était sûrement pas là par hasard…

J’écarquille les yeux, effrayée.

-Tu sais qui aurait pu faire ça ? gronde l’homme ours, le visage transformé par la colère.

-La comtesse… je murmure en tremblotant. Elle veut me tuer…

Thorïn pose une main sur mon bras et me force à le regarder dans les yeux. Son expression semble sérieuse et très sévère.

-À partir de maintenant, ne ramasse plus aucun objet inconnu sans nous le montrer, compris? me dit il d’un ton autoritaire.

Je hoche la tête en tremblant. Quelques minutes plus tard, le magicien me fait monter en selle devant lui sur un grand cheval, le reste de la troupe chevauchant des poneys à leur taille. Je ne cesse de repenser à la tentative de meurtre de la comtesse… j’ai peur, je suis même terrifiée, mais la présence de Gandalf me rassure. Après tout, c’est le magicien gris, le deuxième meilleur mage de la Terre du Milieu !

    


La magicienne hurle de rage en voyant la fillette partir au galop avec le magicien gris. L’orque n’est pas revenu, probablement occupé à obéir aux ordres du Nécromancien… elle se décide à agir seule, puisque personne ne semble pouvoir tuer cette fillette à la beauté surprenante et à la gentillesse encore plus extraordinaire. Cette fois, elle mourra, grâce à une pomme aux couleurs attirantes qu’elle a empoisonnée magiquement…



    Nous arrivons en vue d’une immense forêt aux arbres entièrement noirs. De près, je me rends compte qu’ils ont l’air malades, comme si quelque chose les empoisonnait… Gandalf nous fait descendre de nos montures. Seul lui reste en selle.

- J’ai à faire, dit-il à Thorïn. Je vous laisse Anaëlle, elle sera plus en sécurité avec vous. Et ne quittez surtout pas le sentier!

Sur ce, il s'élance au galop. Nous entrons dans la forêt, tous aussi inquiets les uns que les autres. Fili et Kili m’encadrent, prêts à me protéger en cas de besoin.

    Nous marchons longtemps. Très longtemps, même. Si longtemps que je commence à avoir faim… soudain, quelque chose d'étrange se produit: les nains ont disparu, je suis seule dans la forêt en dehors du sentier qui semble avoir totalement disparu… une vieille femme s’approche de moi. Elle est très laide, mais ne semble pas méchante… dans ses mains, elle porte un panier fermé par un torchon. Elle m'interpelle en me voyant:

-Et bien jeune fille, que fais tu seule dans cette forêt ? C’est dangereux, tu sais. De nombreuses créatures rôdent dans le coin.

- Je… je suis perdue, je crois, bégayai-je, un peu effrayée.

La vieille femme affiche une mine étonnée.

-Perdue? demande-t-elle d’un ton avenant. Laisse moi te guider…

Je secoue la tête.

-J'étais avec des nains… ils vont revenir me chercher,j’en suis sûre.

La vieille femme hausse les épaules.

-Si tu y tiens tant… tu veux une pomme? J’en ai tellement que je ne sais plus quoi en faire. Tu dois avoir faim, seule dans cette forêt.

Elle me tend un fruit rouge magnifique. La pomme semble juteuse à souhait, mais les menaces de Thorïn tournent dans mon esprit. Je secoue la tête.

-Désolée, mais les nains ont tout ce qu’il faut avec eux, n’ayez crainte.

-Tu es sûre ? insiste la vieille. Elle sont délicieuses, tu verras!

Je m'apprête à répondre lorsqu’un craquement dans les branches retentit. La vieille lève les yeux, puis hausse les épaules.

-Je ne vais pas te forcer, alors. Je vais y aller, mes deux chats m’attendent sûrement à la maison…

Elle disparaît dans les fourrés avant que je n’aie eu le temps de lui demander quoi que ce soit. Soudain, quelque chose me projette violemment au sol et je m'évanouis sous la violence du choc.



    La vieille femme sort de la forêt, frustrée. Ces maudites araignées ont gâché son plan! Toutefois, elles dévoreront la fillette… Tout est bien qui finit bien, tout compte fait.



    Un autre violent choc me réveille. Je remarque, paniquée, que je suis ligotée dans une toile collante, puis une épée découpe la toile et plusieurs mains me relèvent.

-Cours, Anaëlle! me crie Bilbon en passant devant moi.

Je remarque l’origine de sa terreur: des araignées immenses nous encerclent de partout… je le suis en criant sous l’effet de la peur. Un groupe d'araignées m'encercle rapidement et menace de me dévorer…

Deux flèches en transpercent deux. Les autres regardent autour d’elle, pour découvrir d'où vient la menace, mais trois autres meurent, cette fois transpercées par des épées. Mes sauveurs sont incroyables : un profil parfait, une agilité hors normes et des cheveux longs qui dansent pendant que les guerriers tournoient… quand les araignées sont mortes, l’un d’eux s’approche de moi. Ses longs cheveux blonds encadrent son visage princier, et ses yeux bleus traduisent une curiosité mêlée d’un profond étonnement.

- Qu’est-ce qu’une elfe fait donc ici, seule avec des nains? Ces barbares t’ont enlevée?

Je secoue la tête et lui raconte mon histoire. Il semble sincèrement surpris. Je remarque alors ses oreilles, pointues comme les miennes.

-Vous êtes un elfe? je demande sans y croire.

Sa surprise me fait croire que je me suis trompée. Je me mets à rougir.

-Désolée, je murmure rapidement. Je…

-Oui, je suis un elfe, répond l’homme en même temps. Je suis le prince Legolas, et je peux t'assurer que personne ne cherchera à te nuire tant que tu seras sous ma protection.

Il se tourne vers une femme rousse et lui dit quelque chose dans une langue mélodieuse que je ne comprends absolument pas, puis il m'entraîne avec eux le long du chemin. Les nains suivent, ligotés et sous bonne garde.

    Nous arrivons bientôt devant une immense colline où deux portes ouvertes semblent attendre notre passage. À l'intérieur, tout m'émerveille : l’architecture, l’immensité du palais et la présence d’elfes partout autour de moi…

    Le prince m'entraîne jusqu'à un trône magnifique. Sur ce trône, un elfe est assis, majestueux. Je me doute aussitôt qu’il s’agit du roi. Le prince lui explique mon histoire, qui l'étonne aussi, puis il lui demande ce qu’il doit faire de moi.

-Elle reste ici, avec nous! répond le roi comme si c’était évident. Cette enfant est visiblement orpheline. Elle sera mieux ici qu'à errer à travers la Terre du Milieu en compagnie de ces barbares…

Me voilà donc nourrie et logée par le roi des elfes en personne! Je ne sais qu’en penser. Je suis heureuse, mais en même temps… je me rends compte que j’ai envie d’aider les nains à s’enfuir. Finalement, je n’ai pas besoin de les aider: ils réussissent à fuir seuls, avec l’aide de Bilbon. J’apprends que Kili est blessé par Legolas, suite à mes questions sur leur départ particulier qui a fait le tour du château. Finalement, lui aussi part, pour rattraper son amie rousse qui est partie à la recherche de Kili… sans lui, je m’ennuie un peu dans cet immense château où personne ne semble vouloir s’occuper vraiment de moi.

   Le roi met fin à cet ennui plusieurs jours plus tard, lorsqu’il m’annonce qu’il m'emmène avec lui à Dale. Il espère que je pourrai l’aider à parlementer avec les nains, puisque j’ai voyagé avec eux. Je suis si heureuse de partir…

   Nous atteignons la cité quelques jours plus tard. Sur la route, le roi me raconte qu’un dragon l’avait dévastée, bien longtemps auparavant. Je l'écoute attentivement me conter que les nains voulaient reprendre la montagne qui fait face à la cité, là où le dragon avait élu domicile… je frissonne en me demandant si la bête était aussi cruelle que la comtesse.

    Les habitants de la ville nous accueillent avec joie, surtout les chargements de nourriture que le roi apporte avec lui. Je suis ravie de découvrir cette ville et d’entendre les exploits de celui qui a tué le dragon… mais je suis triste d’apprendre que les nains se sont retranchés dans la montagne et refusent d’en sortir, ce qui amène Barde et le roi à tenter de parlementer avec lui. Il refuse de leur donner ce qu’ils veulent, ce qui irrite le roi… et Thorïn est furieux de me voir. Ses paroles se montrent blessantes et me font pleurer… même si Bilbon tente de me réconforter en m'expliquant qu’il n’est pas dans son état normal. Le roi m’envoie alors dans la ville, derrière les remparts, pour que je n’assiste pas aux combats dont la clameur retentit malgré tout derrière les murs. Visiblement, plusieurs armées s’affrontent. Des orques sortent de terre, guidés par cet Azhog qui nous a poursuivis, et elfes, hommes et nains sont forcés de s’allier contre eux.

    Pour le moment, nous sommes en sécurité dans la ville. Perchée sur un balcon, j’assiste au début des combats. Je sens alors dans la poche un objet rond et sors une pomme colorée… j’ignore comment elle est arrivée là, mais je ne m’en étonne pas plus que ça. Elle est si belle et semble si juteuse… je croque dedans. Aussitôt, j’ai l’impression d’étouffer, ma vision se trouble et je sombre dans l’obscurité…



    Barde retrouve la fillette inanimée une fois les combats terminés. Il la ramène au roi, qui regarde le corps de l’enfant avec surprise, comme s’il n’y croyait pas. Bilbon, puis Gandalf et les nains, accourent pour tenter de la sauver… rien n’y fait, elle ne se réveille pas. Personne ne comprend ce qui lui est arrivé, sauf la comtesse, qui jubile en voyant enfin sa rivale morte dans son miroir magique. Oui, maintenant, c’est elle la plus belle femme au monde!

    Les nains lui construisent un cercueil de cristal pur, que le roi des elfes emmène avec lui jusqu’en Lórien, où elle repose en paix depuis maintenant si longtemps… elle n’est pas morte, Galadriel le sait: c’est pour cela que la fillette, malgré le sommeil, a continué de grandir pour devenir la merveilleuse jeune femme qu’elle est aujourd'hui.

    Dans la forêt, des chants funéraires retentissent entre les arbres: les Galadhrim chantent la mort de Gandalf, ils pleurent le magicien gris. Mais un elfe blond, un prince venu d’une autre forêt, guidé par Galadriel, découvre le cercueil de la jeune femme… envoûté par sa beauté, il ouvre le cercueil et l’embrasse doucement. Il met ainsi fin à son sommeil.



    J’ouvre les yeux péniblement. Le visage de Legolas apparaît dans mon champ de vision. Il semble différent… mon coeur se met à battre plus rapidement quand je remarque son expression étonnée.

- Anaëlle ? me demande-t-il, surpris.

- J’ai dormi longtemps ? je demande en me redressant sans comprendre où je me trouve.

- Très longtemps… me répond il.

Il m’embrasse tendrement. Je ne me suis jamais sentie aussi heureuse, et je sais que j’ai trouvé ma place à ses côtés.

    Une fois la guerre terminée et l’Anneau détruit, d'après les explications de Legolas sur les évènements, nous nous marions dans la forêt Noire, heureux d'être ensemble pour l'éternité et enfin à l’abri de tout danger...






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