Le texte d'éternité

Chapitre 1 : Prologue

651 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:10

Prologue

 

Je me souviens parfaitement de ce jour. Ce jour où ma vie a basculé.Memphis vivait de son agriculture et de son commerce de tissus, vendus et transportés dans l’Egypte entière par le Nil. La ville était prospère, riche. Le peuple était heureux, aimé par le Pharaon, aimé de la famille royale toute entière. Aucune guerre, aucun conflit n’ébranlait la solidarité du peuple. Khaméréria et Nitaria, femme et fille du souverain Menkaourê, offraient leur aide aux plus démunis, s’efforçant de leur trouver de quoi manger, et un lieu où coucher le soir. Chepses, le fils ainé, âgé de dix-neuf ans, apprenait l’art de se défendre aux enfants de soldats. Menkaourê, quant à lui, régnait sur l’Egypte, avec ce qu’il pensait être de la sagesse, et de la justice. La ville tournait le dos aux conflits extérieurs à elle. Tout allait donc pour le mieux. Tout le monde le pensait. Mais en vérité, Memphis était aveugle, sourde et muette. Elle rejetait les guerres, qui ne faisaient que s’amplifier au-dehors. Moi je le savais.Je m’aventurais parfois au-delà des frontières de la ville, après le couvre-feu. Et j’écoutais. J’entendais. Je voyais. J’observais, à la lueur de la lune, le désert sombre, glacé par des grandes ombres en colère. Et malgré mon jeune âge, je comprenais. Je comprenais qu’il y avait autour de nous des personnes qui n’acceptaient pas ce bonheur. Car ils n’y avaient pas accès. Mon frère était avec moi, bien plus de fois que je ne l’aurais souhaité. Il voyait, lui aussi. Et il s’inquiétait.Quelque chose se préparait là haut, et Menkaourê n’écoutait pas nos mises en garde. Je n’avais que douze cycles, mais je savais que l’Egypte souffrait de la pauvreté. Dans les petits villages grandissait la famine, la peur de l’abandon, de la mort. Et cette peur, semée partout dans les coins reculés des déserts de l’Occident et de l’Orient, se transformait en colère. Elle vibrait sur ma peau comme des milliers d’abeilles enragées. Lorsque ma peur devenait trop grande, j’agrippais le pagne de mon frère, qui serrait ses reins à lui en faire mal. Il s’emparait de ma main, l’étreignait, et m’aidait à monter sur notre cheval, pour rentrer à la maison. Je le savais au fond de moi. J’étouffais au milieu de toute cette haine et cette hypocrisie. Les malheureux, eux, n’avaient qu’à mourir en silence. Mais je ne disais rien. J’arpentais les couloirs du palais royal en profitant de mon insouciance et de ma jeunesse. Mais le soir tombé, les cris lointains d’un peuple à l’agonie me figeaient d’effroi.

J’essayais de raisonner mon père, Menkaourê. Ma mère, Khaméréria, ne m’écoutait guère plus. Quand à mon frère, il ne pouvait qu’observer avec moi son futur peuple qui pourrissait de l’intérieur. J’étais en colère, triste de ce dénouement.Moi, Nitaria de Memphis

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