Le texte d'éternité

Chapitre 3 : Chapitre 2

2236 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:29

La grande salle était bondée. Mes parents avaient invités des  nobles des quatre coins du pays, et ils s’entassaient joyeusement dans notre palais. Quelques enfants agités s’efforçaient de rester tranquilles aux côtés de leurs parents. Ma mère était déjà descendue, et elle faisait l’objet de toutes les conversations. Les égyptiennes s’extasiaient devant sa beauté, et les hommes murmuraient entre eux avec convoitise. En descendant l’escalier, je vis Chepses, qui attendait les mains croisées derrière le dos. Il me regardait en souriant.

J’arrivais à sa hauteur, et acceptais la main qu’il me tendait. Il la serra doucement. Il avait tiré ses cheveux en arrière, et son visage apparaissait encore plus beau sous la lumière des torches.

- Tu es très jolie.

- Merci, toi aussi.

Nous passâmes entre les invités, inclinant la tête en guise de salut, pour nous rapprocher du banquet. Chep me donna un coup de coude tandis que je m’emparais d’un verre de bière d’orge.

- Tu crois vraiment qu’une jeune fille devrait boire ce genre de chose. Tiens.

Il échangea mon verre contre un bol de lait de chèvre.

- Je déteste le lait ! S’il te plait, Chep…

Il m’offrit un baiser sur la joue.

- Ce soir, c’est moi qui décide. N’oublie pas que nous avons entraînement, demain.

- Si Mère ne t’as pas étripé avant, bien sûr.

Il m’adressa un clin d’œil, avant de se laisser entraîner par une foule de jeunes filles hystériques. Je soupirais, posais mon bol et optais pour un verre de vin. Celui-ci était beaucoup moins alcoolisé que la bière, et il m’aiderait à passer une soirée sans encombres. Je parcourus la salle des yeux, calmement, cherchant une personne avec qui discuter, un visage connu.

Chepses adressait des sourires doux à ses prétendantes, Mère était assise à une table et plaisantait avec Chefêt. Et mon père, mon père…

Il apparut au bout de l’escalier, et toutes les têtes se tournèrent vers lui. Nous nous inclinâmes respectueusement. Même si, à mon avis, sa manière de régner laissait à désirer. Mais je n’avais pas mon mot à dire.

- Bonjour à tous. Nous sommes ici aujourd’hui pour célébrer le dix-neuvième cycle de mon fils ainé. Dans quelques années, il régnera à son tour sur notre pays bien aimé. Je lui souhaite fortement de profiter de sa jeunesse d’ici là.

Il leva son verre, et trinqua à la santé de Memphis et à celle de Chepses. Je posais mon verre vide sur une table, et mangeais un peu des différentes viandes présentes sur la table. Je grignotais aussi une galette d’orge, et bus un verre d’eau en regardant par l’une des fenêtres. Le temps était long, et je n’avais qu’un hâte : pouvoir m’échapper de nouveau pour pouvoir contempler le désert.

- On s’ennuie ?

Je sursautais, et fis tomber mon verre. Une main inconnue le ramassa, et me le tendit.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous effrayer.

Je levais la tête pour regarder la personne qui m’avait surprise. Il était grand, et devait avoir l’âge de Chep. Peut-être un peu plus. Il avait de grands yeux bleu-gris qui me regardaient paisiblement, et ses cheveux châtains brillaient doucement.

- Aucun problème, dis-je en serrant mon verre entre mes mains, comme si j’avais peur qu’il ne m’échappe de nouveau.

Il était vêtu d’une grande tunique blanche qui accentuait la couleur miel de sa peau. Il était beau. Je me mis à rougir. Par Isis, je ne pouvais pas fantasmer sur un homme âgé de dix cycles de plus que moi !

- Vous vous ennuyez ?

Je me tournais de nouveau vers la fenêtre, vers l’extérieur. Cet extérieur qui paraissait si paisible.

- Non. J’observe.

- Qu’observez-vous ?

Je mis un temps avant de répondre. Puis je décidais de me confier. Après tout, il m’avait abordé, et je ne me sentais pas d’humeur cachotière.

- J’observe Memphis en train de sombrer.

Je n’osais plus le regarder. Je m’attendais à ce qu’il explose de rire, qu’il me dise que j’étais sotte. Mais les secondes s’écoulèrent, et il ne disait toujours rien. Je me tournais vers lui. Il m’observait. Une étincelle avait jaillit dans son regard bleuté. Quelque chose de féroce. Une détermination qui me coupait le souffle.

- Puis-je savoir à qui ai-je l’honneur ? murmura-t-il en se penchant.

- Nitaria.

Il releva les sourcils. Bon, apparemment, il n’était jamais venu ici. Sinon, il aurait vu mon visage, saurait qui j’étais.

- Une princesse ne devrait-elle pas profiter de ses avantages princiers ?

J’entrouvris les lèvres. Le jeune homme ne cessait de m’observer. Quelque chose de froid glissa sur ma peau, un pressentiment effrayant.

- Pas ce soir.

Les mots s’étranglèrent dans ma gorge, et je levais une dernière fois les yeux vers l’inconnu.

- Je suis désolée, je vais devoir vous quitter.

J’ouvrais la fenêtre, m’y faufilais, en ayant vérifié que personne ne m’avait vu, sauf lui. En partant dans l’air tiède de la nuit, je le regardais une dernière fois. Ses yeux étaient rivés sur moi. Je me rendis dans les écuries, là où je cachais mes armes. Je m’emparais de mon arc, de mes flèches, et grimpais sur Bât, mon cheval.

Les quelques minutes qui me séparaient des frontières de la ville furent très courtes, à mon goût. Tout au long du chemin j’avais ignoré les regards qu’on me lançait. J’étais la princesse. J’aurai dû me trouver auprès de mon frère pour sa majorité. Peut-être n’était-ce qu’une intuition futile, mais quelque chose ne tournait pas rond. Lorsque j’arrivais aux frontières, j’eu la surprise de voir qu’aucun garde ne gardait la Grande Porte. Celle par où les voyageurs et les marchandises entraient tous les jours. Je franchis la porte. De l’autre côté, c’était  le silence.

Devant moi s’étendait le désert Oriental, glacial et sans fin. Je respirais par à-coup guettant le moindre bruit.

Après ce qui me sembla durer une éternité. Je les entendis. Les chevaux au galop. Les cris de rage. J’ouvrais grand les yeux, et à la lumière de la lune, les ombres se dessinèrent, beaucoup plus nombreuses qu’auparavant. Elles étaient encore toutes petites à l’horizon, mais je sentais la colère qui émanait de ces gens. Paniquée, je fis demi-tour, et mis pied à terre pour refermer la porte.

Même si je n’étais pas assez forte pour fermer les verrous, j’espérais que quelqu’un le ferait à ma place. Je galopais entre les rues, m’égosillant auprès des rares personnes encore présentes.

- Rentrez chez vous !

Je fus arrêtée par une troupe de soldat en patrouille avant le couvre-feu.

- Votre Majesté ?

Ils devaient me prendre pour une folle, à voir mon air terrifié.

- Ils approchent, leur lançais-je. Nous sommes victimes d’une attaque !

Un des soldats sourit, et abattit sa main sur la tête du cheval.

- La fête est loin d’être terminée, Princesse. N’avez-vous pas abusé du vin ?

- Je ne vous permets pas…

Les premiers cris fusèrent. Puis un grand fracas. Personne n’avait refermé la porte derrière moi.

- Descendez de là, Princesse !

On me tira par le bras, on me porta.

- Attendez ! Mon arc !

Je récupérais mes armes, et me laissais guider.

- Qui sont-ils ? demandais-je au soldat qui m’avait adressé la parole.

- Les barbares du désert Occidental, murmura-t-il avant de se rendre compte qu’il avait parlé à voix haute. Ils sont contre l’autorité du pharaon.

Je serrais les lèvres, me dégageais de ses bras, et encochais une flèche.

- Prévenez le palais royal, ordonnais-je. Veillez à ce que tous les invités se réfugient dans les sous-sols. Empruntez les tunnels si cela est nécessaire.

- Mais, Princesse, les tunnels sont int…

- Faites ce que je dis !

Je plongeais en avant, me réfugiant dans une petite rue, juste au moment où un cavalier passait au galop. Si j’étais restée, j’aurais été écrasée. J’espérais que le soldat avait réussi à s’enfuir. Je sortais de ma cachette, pour évaluer les assaillants.

Ils étaient vêtus de noir. Leurs visages étaient cachés par un voile sombre, et on ne leur voyait que les yeux. Des yeux cruels, avides de sang, et de justice. Le souffle court, je les observais, horrifiée, égorger ceux qui se trouvaient en travers de leur route. L’angoisse me serra le cœur. Est-ce que ma famille avait réussi à se cacher à temps ? S’inquiétaient-ils pour moi ? Finalement, la dernière question ne se posait pas. Chepses s’inquiétait, j’en étais sûre. Il fallait que je les rejoigne au plus vite.

J’étais tellement plongée dans mes pensées que je ne vis pas le cheval s’arrêter devant moi. Je levais les yeux, pour croiser ceux, enragés, d’un des barbares. Je me mis à hurler, et déguerpis aussi vite que je le pus. J’atteignais la grande place, et vis que le carnage n’était pas moindre ici non plus. Le sang souillait le sable blond.

- Le démon ! hurla l’un d’eux. Trouvez le démon qui règne sur notre pays !

Je déglutis. Parlait-il de mon père ? Sans doute.

Je traversais la grand place, évitant les sabots de chevaux, et m’apprêtais à me cacher dans un coin. Mon regard dévia, et…

Quelqu’un courrait dans ma direction, cherchant visiblement à s’enfuir. Je ne voyais pas son visage, tellement il courrait vite. Un cavalier galopa jusqu’à lui, le sabre brandit comme pour…Je m’élançais en avant, et percutait l’homme dont la gorge avait faillit être coupée. Nous roulâmes sur le côté, et l’arme du barbare trancha le vide. Je me relevais rapidement, bandais mon arc et tirais une flèche, avant que l’assassin ne se retourne.

La flèche se planta dans son dos, et il tomba à terre. Génial. Pour une fois, je n’avais pas raté mon coup. Haletante, je me tournais vers celui à qui j’avais sauvé la vie.

Et restais coite. 

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