Le Rempart des Hommes

Chapitre 4 : Chapitre Quatrième

951 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/12/2020 18:13

Le Rempart des Hommes

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Chapitre Quatrième

- Au plus noir de la nuit -

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Un mois passe et l’hiver s'amplifie.


Désormais, les vents ne cessent plus de souffler.


Les nuits sont si longues que les journées paraissent bien futiles pour revigorer le corps et l'esprit.


Depuis qu'Ännaberen a pris le commandement, les hommes reprennent quelque peu courage bien qu'une grande faim les tenailles.


Les parjures s'étaient emparés des vivres avant de fuir et ceux qui restent en sont réduits à creuser la terre, à la recherche de racine pour se nourrir et de neige à fondre pour en boire l'eau.


La maigre ration restante disparaît en silence et les ventres crient famine.


À cette épreuve déjà bien cruelle, une autre réapparaît à chaque nuit.


En bas, les ombres des bêtes reviennent les hanter et leurs hurlements occis toute promesse de répit.


Devant chaque coucher de soleil, le nouveau capitaine prend un arc et lâche une flèche de feu pour les éloigner.


Cela ne les arrête pas.


Leurs esprits vicieux n'y voient qu'un jeu et s’approchent au plus près de la colline brumeuse.


Leur amusement ne dure pas longtemps car l'un d'entre eux est tué par un certain Lamringa.


En feignant la mort, cachant sa lance sous sa cape et la neige, il perce la poitrine de la bête.


Les yeux des hommes ne voient plus ses congénères mais leurs oreilles elles continuent de les entendre.


Cela n'eut cependant plus aucune importance. Pour la première fois depuis le début de l'hiver, ils se retrouvent autour des feux sans animosité.


Lamringa devient un exemple, son exploit un sujet de conversation qui leur plaît de raconter.


Enfin leurs esprits trouvent un repos tant souhaité, sans même qu'ils n'en eurent conscience. Un rire vient ponctuer les conversations par deux fois.


Leur jeune capitaine s'en réjouit pour un moment, jusqu'à ce que cette vision ne lui rappel ses êtres aimés.


Il les voient dans leur maison, réunis autour de la cheminée.


Il les entend raconter leurs propres exploits de l'année qui s'achève et ceux qui viendront avec le prochain.


Soudain prit de tristesse, ses yeux vont jusqu'à laisser s'échapper des pleurs.


Il se sent loin de ce qu'il aime et, le regard planté sur ses hommes, donnerait sans hésitation tout pour les rejoindre.


Son souhait n'est pas exaucé.


Sa solitude continue.


Alors la nuit s'éternise.


Un silence s'installe.


Brisé par un cri, suivit d'un cor qui résonne.


Les ombres attaquent.


Elles surgissent en nombre de la forêt mais les yeux humains ne peuvent en déterminer le nombre.


Les premiers combats ont lieu.


Depuis le haut de la colline, les défenseurs leur jettent des flèches et des feux. D'abord par volée de deux puis par dizaines.


Toutefois la panique en surprend plus d'un, rends les autres maladroits et peu de projectiles touchent leurs cibles.


Les feux ne résistent pas et s'éteignent progressivement. Un voile blanc brumeux, anormalement épaisse émerge, se mêle à la nuit noire et cache tout jusqu'à la cime des arbres.


La région est plongée dans l'obscurité et le cœur des hommes sombre dans la peur.


Maintenant invisible aux yeux de tout être vivant, les ombres escaladent la colline et amènent leurs outils de mort à son sommet.


C'est là, sur les murs, au travers de leurs brèches que les combats deviennent désespérés.


À chaque minute qui passe, la compagnie perd de précieux membres ainsi que de précieuses parties de la tour.


Lentement, ce qui reste des remparts tombe et les hommes perdent ce qu'il leur reste de courage.


Tétanisé, une grande partie d'entre eux se transforme en statue, privée de toute volonté.


Les secondes qui suivent sont les dernières pour beaucoup.


Les armes de fer s’abattent et des têtes tombent.


Alors l'orage éclate.


Ännaberen tire Arbreged hors de son fourreau pour l'abattre avec fougue.


Empli de colère, il met les assaillants en mauvaise posture.


«À bas la peur! Cri t'il en levant son épée. Haut les cœurs!»


Il répète son cri trois fois. Trois fois ses adversaires reculent de six pas.


Puis, avec l'aide de lances, de boucliers et de leur nombre, les ombres tentent de l'encercler pour l'abattre, comme ils le fient avec son prédécesseur.


Mais cette fois, aucune vie n'est prise.


Les hommes accourent, combattent à ses côtés avec autant de vaillance.


Ils ne sont plus solitaires mais solidaires, pareilles à un rempart de corps et de lames.


Leurs propres armes d'acier rencontrent celles de fer des assaillants et la confrontation devient violente et indécise.


Lorsque l'un d'entre eux faiblit, ils lui portent secours, allant jusqu’à se battre pour l'extirper des affrontements.


D'autres ont moins de chance.


Il en est ainsi pendant des heures.


De longues heures où les ombres ne laissent aucun répit, attaquent inlassablement et avec acharnement.


Cependant la peur de leurs proies a disparu, remplacé par un courage faisant briller leurs yeux d'une flamme ardente.


Inconscient, la mort leur fait toujours peur mais cette flamme en a éclipsé toute trace.


Les ombres le comprennent.


Peu à peu, elles se retirent dans la forêt, laissant les défenseurs seuls.


Les hommes laissent tomber leurs armes, certains les accompagnent tant ils sont épuisés.


Ils se reposent, au milieu des corps sans vie de leurs compagnons, laissant exprimer leurs chagrins qu'ils leur brûlent les yeux.


La journée sans aube leur est enfin acquise.

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