Le voleur et l'assassin

Chapitre 9 : Faiblesse

999 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/09/2019 10:07

        Katarina frissonnait dans l’air de la nuit. Sa combinaison la protégeait du vent, mais pas de la morsure du froid ambiant qui régnait sur la plaine. Seule sa monture, entre ses deux cuisses, lui procurait un peu de chaleur. Au loin se dressait la silhouette sombre du moulin. Pas loin derrière, elle savait pouvoir prendre une piste qui s’enfoncerait dans les marécages. On ne pourrait leur donner poursuite dans ces méandres boueux, ou du moins pas avec suffisamment de personne pour l’inquiéter sérieusement.

Seul le pas des deux chevaux venait troubler le silence de la nuit. Elle avait hésité à s’encombrer d’une monture pour l’autre. Puis, elle y avait vu une possibilité de brouiller les pistes et ses doutes avaient été balayés. Elle avançait sereinement, laissait derrière elle une scène macabre. Elle n’osait imaginer l’horreur qui ne manquerait pas de saisir les garçons d’écurie en ouvrant les box au petit matin. Garen s’était figuré que cinq soldats suffiraient à l’arrêter, il avait eu tort. On était en ville, dans SON élément. N’en déplaise aux Demaciens, elle n’était pas encore une bête aux abois en fuite éperdue.

La silhouette du moulin s’affina. Elle pouvait presque distinguer clairement les quatre pales. Soudain, son cheval renâcla. Elle tira un coup sec sur la bride, les sens aux aguets. Puis elle comprit. A quelques mètres devant eux, l’explorateur se tenait avachi. A vrai dire, elle n’aurait même pas été sûre qu’il s’agisse de l’explorateur, n’eût été la touffe blonde qui dépassait de la masse sombre qui était assise sur ce qui semblait être un banc. Son « otage » semblait ne pas plus réagir que cela aux bruits de chevaux. Elle sauta prestement de selle, une dague pointant de la manche. On n’était jamais trop prudent.


-Hey… Heu… Ez-truc ? Je t’ai pris un cheval en passant. Grimpe !


              Comme attendu, il fût aussi réactif que les cinq cadavres qu’elle avait laissés. Dans un soupir, elle glissa hors de selle.  Elle s’approcha du corps étendu. A y regarder de plus près, il n’était pas complètement immobile, il tremblait légèrement. Le froid sans doute. L’explorateur était donc toujours en vie. Elle le saisit par l’épaule pour le faire basculer sur le côté. Il avait les yeux ouverts mais immobile. Les bras crispé contre le corps. Avec un frisson, elle le secoua un peu en l’appelant. Sans succès. Elle recula, une moue dégoûtée crispant son visage.


La mort ne la dérangeait pas. Les bien vivants, rarement. Ou alors ils étaient bien vite transférés dans la catégorie des morts. Mais entre ces deux extrêmes s’étendait un vaste champ de nuance qui la répugnait. La faiblesse. La maladie. L’agonie. En tant que bonne Noxienne, elle avait toujours appris à réprouver ces avilissements. Et pourtant… Sans trop savoir pourquoi, elle se força à s’agenouiller à son côté. Le jeune homme était visiblement en état de choc. Elle posa sa main contre sa joue. Elle était froide, sans être glaciale. Ses bras se hérissèrent de chair de poule, alors qu’elle réalisait à quel point sa propre peau était froide elle aussi. Elle avait sous-estimé la chute de température. Elle n’était pas en tenue adaptée. La jeune femme retint un juron. Elle risquait d’y passer si elle s’aventurait dans la forêt.

Elle leva les yeux vers la silhouette du moulin, qui la dominait complètement. Fallait-il prendre le risque ? Elle laissait derrière elle la troupe de Garen privée d’une bonne partie de ses effectifs. Elle connaissait le Commandant, il n’allait sans doute pas épuiser ses maigres forces dans une battue des environs de la ville. Elle saisit l’explorateur des deux bras, le tirant par les épaules vers la porte du moulin.




              Des coups violent frappés sur du bois le réveillèrent en sursaut. Il sentait dans tout son corps une douleur sourde, tapie dans sa chair, qui attendait le moindre de ses mouvements pour exploser. Il était dans… une tour ? Le centre de l’enceinte de pierre était occupé par un imposant mécanisme de bois. Son esprit mit un instant à faire le lien.


-Le moulin…


Sa réflexion à voix haute fût récompensée par une violente bourrade à l’épaule, tandis qu’une main venait couvrir sa bouche pour étouffer son cri de protestation. Sa ravisseuse. Visiblement réveillée depuis bien plus longtemps que lui, elle mit un moment à relâcher son emprise sur Ezreal. Elle gardait son regard fixé sur la porte en bois, qui tremblait sous la force des coups qui y étaient assénés.


-Fraitzh ! Enflure ! J’sais que t’es là !


              La barre qui retenait la porte semblait solide. Epaisse, faite d’un bois sombre et dense, elle avait toutes les caractéristiques nécessaires pour rassurer les deux fugitifs sur sa capacité à résister aux assaut de leur visiteur. En revanche, les deux crochets de fer qui maintenaient cette barre plaquée au mur ne tenaient pas la comparaison : le deux étaient enfoncés dans une sorte de mortier qui semblait prêt à s’effriter à chaque instant. Et au vu de la vigueur de ses coups, il n’était pas impossible que leur assaillant le sache. 

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