Les goûts et les saisons

Chapitre 1 : Les goûts et les saisons

Chapitre final

2722 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/08/2022 16:52

Ce matin, Lulu s’était réveillée de bonne humeur. Comme tous les matins en fait, puisque Lulu était presque toujours d’excellente humeur. Elle se leva immédiatement, enthousiaste et pleine d’énergie dès le lever du soleil. Elle enfila sa robe préférée, la rouge et dorée avec des manches à rayures, et enfonça sur sa tête son chapeau assorti, en laissant dépasser ses grandes oreilles par les trous prévus à cet effet. Elle chaussa ses bottes pointues, saisit son bâton spiralé et elle était prête à partir.

Ses amis yordles n'étaient pas là. Corki et Heimerdinger étaient fourrés à Piltover, comme d'habitude. Quand à Tristana et Teemo, ils préféraient se la jouer solo. La canonnière était partie en patrouille et le scout s'était rendu à Freljord pour le badge 412 des éclaireurs de Bandle : faire des chatouilles à un troll. Peu importait. Lulu avait son meilleur ami Pix, la fée qui ne la quittait jamais. Ils allaient passer ensemble une belle journée amusante.

– Tu es prêt Pix ? On part en balade !

Toute contente dans la perspective de cette excursion, Lulu se mit en route en sautillant vers l’Arbre aux portails, Pix virevoltant tout autour d’elle. L’accès aux portails se faisait par une énorme branche qui formait comme un pont au dessus du vide et qui débouchait sur une plateforme où la branche se divisait en de nombreuses ramifications. Elles formaient des entrelacs complexes entre lesquels se trouvaient des sortes de bulles irradiants d’une légère lueur jaune : les portails. Bandle, lieu d’origine de tous les yordles, se trouvait dans un espace-temps à part et ces portails étaient le seul chemin qui le reliait à Runeterra. Il y avait des dizaines de portails rattachés à autant de lieu dispersés un peu partout dans le monde des humains.

Lulu en avait emprunté la plupart au cours de sa longue existence. Étant de nature très curieuse, elle prenait grand plaisir à explorer les différentes régions de ce monde. Elle nourrissait également l’espoir de retrouver un jour sa Clairière adorée, dont elle avait perdu le chemin.

– Où est-ce qu’on va aujourd’hui Pix ?

Pix s’approcha d’elle et lui montra la petite plume qu’il tenait.

– Ah, le jeu de la plume ? Bonne idée !

La fée lâcha le fin duvet dans les airs, et son amie souffla dessus. La plume virevolta portée par le petit courant d’air et vint se loger contre l’une des bulles jaunes.

– Chouette ! C’est un de mes portails préférés !

Ravie, Lulu se précipita vers le portail en question et y sauta à pieds joints, suivie par Pix.

Sur une des îles de l’archipel d’Ionia, au cœur d’une magnifique forêt, se trouve un petit rocher, semblable à n’importe quel rocher, hormis quelques étranges symboles gravés dessus. Il se mit soudainement à frémir, puis éclata dans une explosion de couleur jaune. Les cailloux résultants de cet éclatement se mirent en mouvement et s’alignèrent pour former un cercle parfait, laissant apparaître en son centre, une bulle aux reflets dorés dont surgirent Pix et Lulu. Comme si de rien n’était, les cailloux se rassemblèrent et le rocher fut reformé à l’identique. La journée venait à peine de commencer à Bandle, mais ici le soleil était déjà haut dans le ciel. Lulu aimait bien Ionia. C’était une région empreinte de magie. Certes pas autant que Bandle et moins encore que la Clairière mais tout de même.

Pix était de nature farceuse et, à ce moment, il eut envie de jouer un tour à son amie yordle. Il attrapa le chapeau de Lulu et s’enfuit avec en volant.

– Rends-moi mon chapeau !

Lulu lui courut après en riant. Elle avait essayé d’avoir l’air énervé mais en réalité cela l’amusait beaucoup. Mais Pix volait et Lulu était petite, elle ne pouvait pas l’attraper. Alors elle agita son bâton pour lui lancer des sorts. Des traits de lumières colorés jaillirent de l’extrémité de sa branche en direction de la fée. Pix les esquiva tous. L’un d’entre eux frappa malencontreusement un petit oiseau qui passait par là. Il fut soudain changé en un gros ours et retomba lourdement sur le sol. Les ours, ça ne vole pas. Lulu ne fut pas le moins du monde préoccupée par cet événement et poursuivit sa course après Pix tout en continuant d’envoyer des sorts dans tous les sens. Elle causa de multiples méfaits sur son passage. Un papillon fut transformé en escargot, une chenille augmenta de volume jusqu'à atteindre la taille d'un sanglier, un hérisson se retrouva empêtré dans une myriade de fleurs qui lui étaient poussées dessus. Bien d'autres encore furent victimes de la sorcellerie de Lulu si bien que toutes les créatures capables de se mouvoir se mirent à fuir devant elle, redoutant de subir un de ses sortilèges.

Après une longue course poursuite après Pix, Lulu s’arrêta, essoufflée. Elle ne parvenait pas à atteindre son voleur d’ami. Elle eut soudain une idée. Si elle ne pouvait pas viser Pix, elle pouvait en revanche se viser elle-même :

– Enormimus !

D’ordinaire mesurant 75 centimètres, Lulu domina soudainement le sol du haut de ses trois bons mètres et attrapa son chapeau des mains de Pix.

– Gagné !

Son précieux couvre-chef étant devenu beaucoup trop petit pour sa tête, Lulu reprit sa taille normale et le remit en place sur sa tignasse violette.

– On s’est bien amusé, pas vrai ?

*****

Ivern était resté immobile depuis des semaines. Complètement immobile. A tel point, qu’on aurait pu croire qu’il avait pris racine et s’était transformé en véritable arbre. De la mousse avait commencé à s’étendre sur ses jambes et une colonie de fourmi avait élu domicile sur son écorce, créant de l’agitation par leurs incessants allers et retours en file indienne. Cela plaisait à Ivern. En tant qu’Aîné de la forêt, il avait beaucoup à faire et il parcourait souvent le bosquet sacré Omikayalan en long, en large et en travers. Ses activités étaient diverses et consistaient entre autre à rendre visite aux champignons avec qui il avait de passionnantes discussions philosophiques, à donner des cours de toilettage aux bébés belettes, à faire des concours de chant avec les crapauds et à aider à résoudre les problèmes de voisinage entre deux buissons épineux qui se disputaient sans cesse. Mais de temps à autre, il appréciait particulièrement de s’arrêter et de prendre le temps de profiter de la vie comme seul les arbres savent le faire. Juste se fondre dans la vie frémissante des sous-bois. Cette passion particulière était sans doute due aux restes de son ancienne vie en tant que Dieu-Saule.

Passer tant de temps sans bouger pourrait paraître ennuyant pour la plupart des gens, mais pas pour Ivern. Il s’était épanoui à observer tout ce qu’il se déroulait devant lui, à écouter les bruits de la forêt, à sentir l’odeur du humus. En particulier, il s’était pris d’affection pour une toute petite graine d’arbre en train de pousser non loin de l’endroit où il s’était installé. Il l’avait regardée grandir et s’était émerveillé de ce miracle de la vie. Une petite pousse, si fragile, qui donnait toute son énergie pour grandir et se faire une place dans la forêt. Elle tendait ses minuscules feuilles d’un vert tendre, presque translucide, autant qu’elle le pouvait vers le soleil pour se nourrir de sa précieuse lumière. Sous la surface, ses racines en faisaient autant, s’étirant pour trouver les éléments nécessaires à sa survie. Il était très fier d’elle, c’était une brave et courageuse petite pousse, et il se promit de revenir la voir quand elle serait devenue un arbre splendide.

Outre la vie tranquille de la flore, Ivern pouvait également admirer les animaux de passage. Mikkus l’écureuil venait souvent lui rendre visite, s’amusant à sauter de branches en branches pour faire le spectacle pour son ami l’homme-arbre. Un jour, un jeune cerf passa devant Ivern. Ce dernier suivit du regard la paisible créature. Elle broutait de manière très gloutonne toutes les feuilles qui se trouvaient devant son museau tant et si bien qu’elle finit par croquer la petite pousse à laquelle s’était attachée Ivern. Il fut attristé de sentir la vie quitter sa nouvelle amie. Telle était la terrible loi de la nature, Ivern le savait bien. Il se consola en sachant que sa mort ne serait pas vaine, elle avait servie à la survie d’une autre créature et la place qu’elle avait libérée accueillerait bientôt une nouvelle petite pousse qui, à son tour, se lancerait vaillamment dans la grande aventure de la vie.

Arraché à sa contemplation par cet événement, Ivern décida qu’il était temps pour lui de reprendre mouvement. Son bois grinça quand il se releva et qu’il étendit ses membres noueux. Il avait envie de retrouver sa grande amie Marguerite. Il demanda son chemin aux papillons qui, c’est bien connu, sont toujours les mieux informés de tout ce qu’il se passe dans la forêt. Il se mit en route d’un pas léger, tout en fredonnant et en saluant ses amis sur le passage. Il retrouva la golem de pierre sur le bord de la rivière. Pendant la retraite d’Ivern, elle avait poursuivi le travail de son ami en prenant soin de la forêt à sa manière. Quand ils se retrouvèrent, Marguerite était occupée à surveiller la migration des poissons dans le cours d’eau.

– Marguerite !

Ils étaient tous les deux très contents de se revoir après toutes ces semaines. Ils étaient en train d’échanger sur leur activités respectives de ces derniers temps quand Ivern sentit l'agitation dans la forêt. Il perçut le murmure des arbres, le bourdonnement frénétique des frelons, et le changement du parfum du lichen. Tout cela lui indiquait que quelque chose n’était pas normal. Alors il vit un petit oiseau qui fonçait sur lui, paniqué et qui vint s’écraser dans ses mains.

– Que t’arrive-t-il, mon ami ?

L’oiseau en piaillant tout ce qu’il pouvait, expliqua à Ivern ce qui lui était arrivé. Il avait soudainement été transformé en ours. Puis en scorpion, puis de nouveau en ours, avant de revenir à sa forme initiale quelques instants plus tard. Ivern fronça des sourcils. Ou plutôt des feuilles qui lui faisaient office de sourcils. Quel étrange phénomène. L’oiseau qui ne s’était pas encore calmé, continuait de s’époumoner en évoquant une yordle aux cheveux violets et vêtue de rouge qui gambadait en riant dans les bois.

Ivern avait déjà rencontré des yordles quand il parcourait Runeterra. Il les aimait bien, la plupart d'entre eux étant joyeux et pacifiques.

– Allons-y, Marguerite.

Ivern trouva la fautrice de trouble, riant aux éclats, devant un lapin immense. Le lapin lui ne riait pas du tout. Il cherchait à s'enfuir mais avec sa taille inadapté, il s’empêtrait dans les ronces et les fougères, et se cognait dans les arbres. 

Lulu fit un grand sourire en voyant approcher un arbre et un gros tas de cailloux qui marchaient. C’était peu commun mais cela n’étonna pas plus que ça Lulu. Il lui en fallait beaucoup plus pour être surprise. Elle n'était même pas impressionnée par les vers marins dévoreurs d'âme de Bilgewater. L’homme-arbre lui adressa la parole :

– Bonjour !

Un arbre qui marchait et qui parlait. Toujours imperturbable, Lulu lui répondit :

– Ravie de vous rencontrer !

– Tu sais, je crois que ce lapin aimerait retrouver sa taille originelle.

Lulu pencha la tête et l’étincelle dans son regard s'éteignit. 

– Ah… Bon…

Le lapin redevint un lapin ordinaire et s'enfuit sans plus attendre.

Ivern s'accroupit à la hauteur de Lulu.

– Si ça t'amuse, tu peux me transformer, moi. Je suis d'accord.

La lumière se ralluma dans les yeux de la yordle. 

– Vrai ? Chouette alors ! 

Elle pointa son bâton en direction de l'homme-arbre, et s'écria :

– Transmogulation !

Ivern se retrouva d’un coup au niveau du sol. Il avait l’impression d’être dans un monde différent, tout était si grand autour de lui. Il vit une sorte de rocher qui était sans doute l’un des pieds de Marguerite. De ce point de vue, elle était effrayante et il s’en éloigna rapidement, de la vitesse de ses huit pattes, de peur d’être écrasé. Il entendait ce qu’il supposa être le rire joyeux de la yordle, de manière lointaine et déformée. Il eut le temps de faire une petite exploration de ce monde étrange avant que la transformation ne prenne fin. Ivern était ravi.

– Alors c’est ça la sensation d’être un scorpion. Quelle passionnante expérience !

A ce moment, Lulu se mit à gargouiller.

– Ah ! Mon ventre est bavard !

Ivern négocia avec un framboisier qui accepta de lui céder quelques uns de ses fruits, qu’il offrit à sa nouvelle amie. Il s’assit avec elle et Lulu engloutit les baies avec gourmandise, n'oubliant pas d'en partager avec Pix.

– Tu t'es régalée ?

– Oui, ça avait un goût violet.

– Ma couleur préférée c'est le printemps.

Lulu hocha résolument la tête.

– C'est une belle couleur.

Lulu et Ivern passaient souvent pour des individus un peu perchés, voir complètement fous, bien qu'ils n'en aient pas conscience. Pour eux, c'était les autres qui avaient des comportements étranges. Mais pour une fois, chacun avait rencontré quelqu'un qui le comprenait.

Lulu s’exclama tout d’un coup :

– Amusons nous !

Elle brandit son bâton et fit pousser un joli massif de fleur.

A son tour Ivern fit croître un parterre d’herbe jusqu’à une hauteur d’environ un mètre.

– Pousse !

Lulu rajouta plein de fleurs bariolées dans les hautes herbes.

– Jolification !

– Germez !

– Utilisons toutes les couleurs !

– Floraison !

L’un après l’autre, Lulu et Ivern rivalisaient de sortilèges de toutes sortes faisant germer, bourgeonner et éclore une multitude de plantes et de fleurs. Il en résulta un imposant massif de végétation dense et luxuriante, avec tellement de couleurs chatoyantes que ça en faisait presque mal aux yeux. Un œil avisé pouvait cependant remarquer un détail intéressant. Ce qui n’échappa pas à Ivern :

– Pas de tulipes ?

– Ne regardez jamais une tulipe dans les yeux.

Ivern acquiesça. C'était un sage conseil.

Pendant que Lulu et Ivern jouaient aux jardiniers, leurs compagnons s’étaient installés un peu plus loin. Pix était assis sur l’épaule de Marguerite, ils semblaient en pleine conversation silencieuse. Visiblement ils s’entendaient bien.

Les enchantements finirent par s’estomper, la flore créée par Lulu et Ivern s’évanouit et tout revint à la normale. Ivern se releva et annonça.

– Je dois m’en aller maintenant. Je me demande ce que les canards complotent aujourd’hui.

– Souhaitez leur une belle journée !

– Je n'y manquerai pas. Tu es la bienvenue dans cette forêt.

– C’est la petite plume qui décide.

– Au revoir, yordle. Passe une merveilleuse journée !

Ivern s'éloigna avec Marguerite tandis que Lulu leur faisait au revoir par de grands gestes de la main. Une fois qu’ils furent partis, Lulu demanda à Pix :

– On rentre nous aussi ?

Et en sautillant, elle repris le chemin vers le rocher aux étranges symboles. Comme prévu, ils avaient passé une belle journée amusante.


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