La chandelle éternelle

Chapitre 1 : La chandelle éternelle

Chapitre final

1343 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/07/2023 22:13

Le soleil impitoyable écrasait l'archer sous ses rayons brûlants. Le Darkin progressait à travers les dunes sableuses, et les ombres des ruines dont il se rapprochait promettaient de lui offrir un répit bienvenu. 

Varus détestait ce corps, limité, fragile, sensible au froid comme à la chaleur, à la soif, à la faim et à encore tant d'autres choses. Mais pour être tout à fait honnête, il devait admettre qu'il aurait pu plus mal tomber. Il était grand, fort, musclé et doté d'une bonne endurance. Et il y était incomparablement plus mobile que lorsqu'il était enfermé dans son arc.

La bâtisse face à Varus, créée en l'honneur des Transfigurés, s'élevait autrefois fièrement, digne de la grandeur de l'empire Shurimien. Le temps et le sable avaient fait leur œuvre, tel un gigantesque sablier, et à présent seul le sommet érodé dépassait encore de l'océan d'ocre. 

Varus s'y infiltra à la faveur d'une brèche, et s'enfonça dans les étages inférieurs. Il avait passé une éternité dans les ténèbres, le peu de lumière qui filtrait de la surface lui suffisait amplement. Un épais tapis de sable recouvrait le sol. Sur les murs, des gravures représentaient des humains à tête d'animaux : celle d'un chacal, d'un crocodile, d'un chat… Ces images le ramenaient à une époque lointaine, dont il n'avait presque plus aucun souvenir. Il ne se rappelait même plus de la forme qui avait été la sienne. 

Son regard s'arrêta sur une femme à tête de fennec. 

Valeeva. 

Si ses propres souvenirs étaient perdus dans un épais brouillard, ceux qui concernaient sa sœur étaient en revanche parfaitement intacts.

Comment aurait-il pu l'oublier ?

« Kai… Il y a quelque chose que je voulais te dire… Je sais que ce n'est pas ce que tu aurais voulu. Ce n'était pas ton choix, je t'ai imposé ma décision et tu en subis les conséquences. La culpabilité me ronge, et pourtant si c'était à refaire, je le referai sans aucun doute. Te perdre m'était insupportable. »

Un bruit résonna dans l’enceinte du monument. Varus n'était pas seul. 

« C'est vrai, ce n'est pas ce que j'aurais voulu. Mais je ne t'en veux pas, Val. Je sais que j'aurais fait la même chose à ta place. Et je te suis reconnaissant d'être toujours en vie. Je ne crains rien tant que je suis avec toi. La seule chose que je regrette, c'est de ne plus jamais pouvoir te serrer dans mes bras. »

Un frisson de dégoût parcourut Varus. Comment était-il possible d'être aussi niais ? Il choisit de les ignorer et se lança dans le dédale de couloir, en direction du bruit.

« Soulage ton esprit, cette deuxième vie n'est certes pas celle dont nous avions rêvé, mais nous sommes ensemble, et cela me suffit. »

Le Darkin leva les yeux au ciel. Il était difficile de faire abstraction des voix qui parlaient directement dans sa tête.

« Merci, Kai. »

Varus parvint dans une grande salle éclairée par la lueur vacillante d'une torche. Un pillard était occupé à creuser dans l'épaisse couche de sable et en extirpait d'anciens trésors.

« Tu peux compter sur moi pour te remonter le moral. Je serai toujours là pour toi. Je n'ai jamais dit ces mots à la légère, mais cette fois est sans doute encore plus véritable que les autres. »

Trop occupé à son pillage, l'homme ne vit Varus que beaucoup trop tard. A son apparence, il comprit immédiatement qu’il n’avait pas affaire à un humain. Il déduit que son intrusion dans ce temple avait éveillé quelque chose. Un Darkin ? Était-ce possible ? 

Il avisa l'arc qui se trouvait dans sa main. Le pillard courrait vite, mais la pièce où il se trouvait était vaste et dégagée. Si cet individu savait se servir de son arme, et il n’y avait aucun doute là-dessus, toute tentative de fuite se terminerait par une flèche dans le dos. Et au vu de sa taille et de ses attributs physiques, un combat au corps à corps n’était pas plus envisageable. Il ne lui restait plus qu’à prier les dieux pour que ses intentions ne soient pas belliqueuses, puisqu'il s'avançait vers lui et qu'il ne l'avait pas simplement abattu.

« L'oracle de Shojin avait dit vrai. Nos âmes ne font plus qu'une. »

La mâchoire de Varus se serra, sa patience venait à bout. Était-ce sciemment qu'ils décidaient de faire abstraction de sa présence dans leur unité ? Il reporta son agacement sur le pillard. Il l’attrapa brutalement par le col et son regard suffit à avertir son adversaire sur le sort qui lui serait réservé s’il tentait de se débattre ou de s’enfuir. 

– Où est Valeeva ?

– Valeeva ? bégaya l’homme. Vous… vous voulez parler de la guerrière Transfigurée ? 

« Tu crois qu'il savait que c'était un sens littéral ? »

– Tai - sez vous ! explosa Varus.

Le souffle manqua soudain au pillard. Il resta figé, bouche ouverte, ne sachant plus s'il devait inspirer ou expirer, parler ou se taire. Il craignait que le moindre pas de travers n'entraîne une réaction indésirable de son interlocuteur.

Varus attendit un instant, savourant le silence, satisfait de ne plus percevoir aucune mièvrerie dans sa tête. 

– Continue, reprit-il sèchement, comme si de rien n’était. 

– Je… je... 

– Continue ! rugit Varus. Où est Valeeva ?

– Je n'en sais rien. Les Transfigurés, les Darkins, personne n'en a entendu parler depuis des siècles. Je croyais que ce n'était qu'une légende.

– Une légende !? 

La colère déforma les traits du Darkin. Sa main jaillit pour attraper le pillard par la gorge avant de le soulever comme s'il ne pesait rien. Le pauvre homme agitait frénétiquement ses pieds dans le vide, tandis qu'il tentait sans succès de desserrer la poigne qui l'asphyxiait. 

– Alors c'est de la main d'une légende que tu vas mourir. 

Il resserra sans pitié sa prise sur l'infortuné, le regard aussi froid que la mort. 

« Oui, sans doute. Les oracles peuvent voir toutes sortes de choses. Il devait savoir que notre amour était suffisamment fort pour affronter tous les obstacles. »

– J'ai. Dit. Silence ! hurla Varus.

Son poing se serra sur son arc jusqu'à s'en faire blanchir les phalanges. De rage, il relâcha son autre main et l'homme s'effondra dans une quinte de toux irrépressible. 

« Varus, libre à toi de rester dans ton monde froid et triste, rempli de haine et de vengeance, mais laisse-nous au moins vivre notre union tranquille. »

Varus, tête baissée, bras ballants, poussa un long soupir. 

– Vous me fatiguez… 

Dans l'esprit du pillard, les pensées se bousculaient. Le comportement chaotique, aléatoire et incompréhensible de son assaillant l'angoissait au plus haut point. A qui parlait-il ? Devait-il profiter de ce semblant d'état de faiblesse pour essayer de s'enfuir ? Ou cela risquait-il de l'enrager davantage ? Avait-il la moindre chance de s'en sortir vivant ? 

– De toutes façons, il n'y a rien ici et cet idiot n'a rien à m'apprendre, abdiqua Varus. Je vous le laisse.

Varus s'accroupit alors au niveau de l'homme, et releva la tête. L'expression sur son visage avait changé à tel point qu'il semblait s'agir d'une tout autre personne.

– Tu n'as plus rien à craindre, déclara-t-il. 

Les paupières du pillard papillonnèrent.

– Cela dit, tu ferais mieux de ne pas traîner dans le coin, qui sait combien de temps nous pourrons te protéger contre sa folie meurtrière. 

L'homme s'enfuit sans demander son reste, toujours incertain sur ce qu'il venait de vivre, et une nouvelle conviction gravée en lui : il était préférable de croire aux légendes. 


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