L'Obscurial

Chapitre 17 : Le rêve et la réalité

758 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/04/2020 11:23

AUDREY


La fête avait duré jusque tard dans la nuit. Les émotions successives et opposées que nous avions tous ressenties au cours de cette journée avaient inhibé d'une étrange manière tout sentiment de honte ou de retenue, Norbert et Tina avaient même temporairement oublié leur timidité pour danser ensemble toute la nuit. Avoir vu Norbert passer si près de la mort nous avaient tous fait prendre conscience de manière plus ou moins explicite de la vitesse à laquelle tout pouvait changer. Seul l'épuisement mis fin aux festivités.

Lorsque nous nous quittâmes nous étions tous dans une sorte d'état second, provoqué à la fois par l'allégresse prolongée et la fatigue. Je marchais juste derrière les jeunes mariés qui nous conduisaient à travers New-York. Malgré l'heure avancée la ville continuait de murmurer. Je ne faisais pas vraiment attention au chemin que nous prenions. Les magasins fermés et les bars encore ouverts passaient devant mes yeux sans que je ne les vois. La valise de cuir qui tapait à intervalle régulier contre ma jambe ne m'aidait pas à éloigner le sommeil mais créait plutôt un rythme monotone qui aidait la torpeur à me gagner.

Tina et Norbert marchaient silencieusement un peu derrière nous. L'un des deux avait glissé sa main dans celle de l'autre en partant emporté par le mouvement de la fête et puis l'air frais de la nuit avait chassé les dernières mélodies qui nous avaient accompagné. Aucun d'eux ne parlait comme si parler aurait briser le charme et les auraient forcé à se séparer.

Dans cette ballade nocturne une heure aurait pu paraître une seconde mais l'inverse étaient aussi vraie. Donc lorsque Queenie s'arrêta pour entrer dans un immeuble j'étais incapable de dire combien de temps nous séparait de la salle du mariage. Elle se retourna pour me dire de ne pas faire de bruit et monta un escalier suivit de près par Jacob. Tina qui avait été brutalement ramené à la réalité avait vivement ôté sa main de celle de Norbert et s'engagea à ma suite sans un regard vers lui. Elles nous amenèrent jusque dans leurs appartements. L'endroit était sûrement charmant, joliment décoré et agréablement spacieux mais j'étais beaucoup trop fatiguée pour y prêter attention.

A peine entrée, je posais la valise à terre et faisant un signe de main vague sans regarder personne je descendis l'échelle qui menait jusque dans l'atelier de Norbert. Je me déshabillais en même temps que je me dirigeais vers la chambre. En chemin je me tapais l'orteil contre quelque chose qui traînait par terre et poussant un juron je fondis en larmes. La journée avait été longue. Je me traînais en boitant jusqu'au lit et me glissais sous les couvertures. Notre vieux Croup me rejoint bientôt et se roula en boule contre moi. Respirant profondément sa fourrure, je m'endormis.


La chose bouillonnait au fond d'une vieille chambre dans un hôtel délabré. Elle écoutait avidement les bruits du dehors qui perçaient par une fenêtre brisée avec un mélange de peur et d'envie. Un éclat de lumière éclaira soudain la pièce. La chose avait une forme floue comme une brume concentrée, une fumée épaisse, opaque et informe. Elle ne flottait pas mais était comme recroquevillée dans un coin. Les murs contre lesquelles elle s'était réfugiée étaient plus abîmés que nul part ailleurs. Le papier peint avait été lacéré et gisait à terre en lambeaux. Le parquet sale portait des marques donnant l'impression que le bois lui-même avait cherché à l'éloigner du coin. Soudain des yeux étaient apparus dans la fumée lançant un regard de terreur, injectés de sang.


Je me réveillais en sursaut. J'avais l'impression d'être en feu. La langue râpeuse de mon Croup remonta le long de cou. C'est lui qui m'avait réveillé. Je soufflais tout l'air de mes poumons et grattais celui qui m'avait offert un réveil si prompt, mais l'image des ces yeux ne voulait pas me quitter. Je sentis Norbert se retourner dans son sommeil à côté de moi. Je fis un geste à mon chien et nous sortîmes ensemble du lit. Le murmure rassurant de toutes nos bêtes parvint alors à mes oreilles. Quelle que soit l'heure qu'il était ma journée venait de commencer. 


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