Au-delà des Mers

Chapitre 31 : Pas avec ça !

1609 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/06/2021 11:22

La conversation avait été, comme prévue, des plus houleuses. Mendoza ne voulait pas trop en dire, comme à son habitude, et Marinchè, fatiguée du mutisme mystérieux de son homme (ça va deux minutes !), avait décidé d’attaquer la muraille à coup de pioche, tout en subtilités. L’avantage, c’est que ça avait permis de percer l’abcès et d’enfin parler à cœurs ouverts. Il y avait eu des reproches (beaucoup !), des cris, des pleurs, des rires même, mais aussi des « je t’aime » et des « je suis désolé » (principalement)… Les mises au point de ces deux là avait des allures de chorégraphie de flamenco : « Je t’aime / moi non plus ! », « Ne me touche pas / prends-moi ou je te mords ! », « Ouiii, comme ça / mais lâche-moi ! » , « Je vais te tuer ! / mais je meurs si tu meurs… », « Sors d’ici / mais où tu crois aller ? »… « Olé ! »

Cette danse, haute en couleurs, s’était terminée dans une étreinte mêlant passion et règlement de compte acrobatique…

Surprenant.

A présent qu’ils étaient totalement épuisés et que leurs émotions violentes les avaient quittés, ils étaient enlacés à même le sol, recouverts à demi d’un drap que Mendoza avait tiré à eux en fin de partie, soucieux qu’il était de préserver leur corps des regards indiscrets, on ne sait jamais, dans de telles maisons, les murs avaient parfois yeux et oreilles !

Tandis qu’elle tournicotait distraitement les poils sur le torse de son hidalgo, Marinchè essayait de faire le point. En gros, Mendoza avait promis que sitôt la mission « De Messy » réglée, ils reviendraient en Espagne et que retrouver leur fille serait, alors, leur priorité, quelle que fut l’endroit où les mèneraient leurs recherches ! Et l’Inca avait accepté ce détour, après tout, elle se voyait mal partir à la recherche de ses enfants toute seule. En plus, elle souhaitait du fond du cœur que là où se trouverait María, Martín ne serait pas trop loin, sans quoi ça compliquerait encore les choses.

Il lui avait aussi promis que si la mission tournait au vinaigre, il planterait la sombre aristocrate en chemin et qu’elle aurait beau lui faire miroiter toute la fortune du monde, il ne risquerait pas sa vie, de façon insensée, pour cette dernière.

Marinchè était donc satisfaite. Ce n’était pas parfait, certes, mais connaissant Mendoza, cette promesse était une concession énorme, preuve d’un attachement profond de sa part vis-à-vis d’elle. Et ça valait tous les « je t’aime » de l’univers. Forte de cette certitude, un sourire apaisé aux lèvres, elle posa un baiser dans le cou de son Espagnol et s’y blotti doucement en fermant les yeux. Avec tendresse, Mendoza lui rendit son baiser et posa ses lèvres sur son front, remontant, de sa main droite, un peu plus haut le drap, de peur qu’elle ne prenne froid.

Il voulait l’entretenir d’un autre sujet, mais était-ce le bon moment ? Notre navigateur n’était pas franchement convaincu. Il hésita longuement avant de se lancer.

 – Cariña, commença-t-il doucement, il faut que te parle d’une affaire qui me turlupine, je me disais que tu en savais peut-être plus que moi.

Marinchè lui offrit son plus parfait étonnement, relevant son joli nez pour entrevoir le visage de son interlocuteur.

– A quel propos ?

Il caressa ses cheveux, encore très courts, mais atteignant à présent le dessous de ses oreilles, en une sorte de petit carré décoiffé. Pensif.

– J’ai eu un échange étonnant avec Calmèque il y a quelques jours.

L’Inca se redressa légèrement, appuyée sur un coude.

– Étonnant dans quel sens ?

– Il m’a parlé de lui et de son enfance à Apuchi.

– Sérieux ? s’étonna Marinchè. Mais vous devenez super copains, s’amusa-t-elle.

L’Espagnol sourit discrètement sans s’attarder.

– Il m’a expliqué que Menator se servait de lui, d’une façon que je n’ai pas bien saisie, afin de retarder son vieillissement. Il a utilisé le terme « Fontaine de jouvence sur pattes » en parlant de lui-même.

A présent, Marinchè était tout à fait redressée et elle regardait son amant avec concentration.

– Il a vraiment dit ça ?

– Mot pour mot. Et hier, il s’est énervé parce qu’il pensait que j’allais lui demander d’immuniser tout l’équipage avec son sang, contre l’épidémie…

– Hein ?

– Je n’invente rien, je t’assure !

– Il pourrait faire ça ?

– Bah, tu me connais, j’ai pas trop insister, en plus l’idée l’avait singulièrement mis sur la défensive, il n’était pas à prendre avec des pincettes. Mais… dans le contexte actuel, difficile d’ignorer une telle information. Tu imagines ?

– Et qu’est ce que je suis sensée imaginer ?

– Bah, si comme il l’entend, il peut nous immuniser contre la suette, on pourrait traverser des zones particulièrement infectées et distancer nos poursuivants. Ce serait inespéré !

– Ouhlaaaa, fit l’Inca en écarquillant les yeux. C’est dangereux ton plan.

Mendoza fit la moue et parut partir dans ses pensées.

– Donc ? fit-il au bout d’un moment, il ne t’a jamais parlé de ce genre de choses ?

– Non ! assura vivement l’Indienne. Jamais.

Elle réfléchit et sembla soudain de souvenir d’une chose.

– Mais maintenant que tu m’en parles, j’ai remarqué un truc étrange le concernant.

Le navigateur prit un air amusé.

– Un seul ?

Elle poursuivit sans relever la plaisanterie.

– As-tu remarqué, commença-t-elle, comme la texture de sa peau est différente de la nôtre ?

Soudain, les yeux de Mendoza s’étrécir et une brusque mine suspicieuse s’invita sur son visage. L’envie de plaisanter s’était évanouie.

– Je sais pas, siffla-t-il, moi je ne l’ai jamais caressé…

L’Inca lui assena une petite tape sur l’épaule.

– Mais arrête, c’que tu peux être bête ! On a dormi ensemble pendant des semaines, t’as vu la largeur de la couchette ? Tu crois qu’on faisait comment ?

L’Espagnol se boucha les oreilles à la façon d’un gamin.

– Je sais pas, je veux pas le savoir et j’essaye de l’oublier ! Alors je crois qu’on va en rester là pour cette conversation.

– Tonto… , lui lâcha-t-elle atterrée.

Les dents serrées, Mendoza regardait obstinément dans une autre direction en soufflant bruyamment.

Un peu jaloux notre Espagnol ?

– Mendoza, mi amor, mais que vas-tu t’imaginer ? Tu te fais du mal. Je te l’ai déjà dit, plus platonique que ma relation avec Calmèque, tu meurs.

– Mouais, concéda l’Espagnol de très mauvaise grâce. Ca me reste quand-même en travers de la gorge alors évite de t’étendre sur le sujet à l’avenir, menaça-t-il d’une voix devenue aigre.

– Ok, comme tu voudras. Mais donc, ce que je voulais dire, se hasarda-t-elle en cherchant les termes adéquats et en évitant soigneusement de s’étendre sur la douceur exceptionnelle de la peau de l’Olmèque, j’ai remarqué qu’il cicatrisait anormalement vite.

A ces mots, Mendoza se décrispa instantanément pour se souvenir que, lui aussi, avait trouvé que les plaies infligées aux oreilles du petit homme s’étaient très vite résorbées. Il en avait, d’ailleurs, été surpris. Comment avait-il pu ne pas faire le rapprochement ? Maintenant ça lui semblait d’une telle évidence !

– Faudrait qu’on en ait le cœur net, déclara le navigateur.

– On pourrait le lui demande tout simplement, proposa-t-elle.

Mais l’Espagnol objecta, se souvenant de l’émotion dans laquelle ça semblait plonger l’Olmèque.

– Le sujet est sensible en ce qui le concerne, à mon avis, si tu lui demande tout de go, il va se braquer.

Marinchè prit alors un petit air aguicheur et laissa courir lentement ses doigts le long de la jambe de son amant, faisant mine de l’embrasser et passant le bout de sa langue sur la peau frissonnante de ce dernier.

– Je pourrais, souffla-t-elle langoureusement à son oreille en en mordillant doucement le lobe devenu très sensible, ses doigts poursuivant leur exploration, mettre Calmèque à l’aise, me coucher avec lui dans un lit et le caresser longuement avant de le lui demander…

La douche froide !

Mendoza se raidit, et blanc comme un linge, il se tourna vers son amante comme un automate, à mi-chemin entre l’envie de meurtre et la crise cardiaque.

– Mas je plaisaaaaaante ! s’esclaffa Marinchè en découvrant la mine déstructurée de l’Espagnol.

– Ha oui ? s’insurgea l’autre, furibond. Alors pourquoi je ris pas ?

La belle Indienne se renfrogna.

– Si on peut même plus plaisanter, bougonna-t-elle. 

– Pas avec ça ! hurla l’Espagnol.  PAS  AVEC  ÇA !!!

Et il se détourna en croisant les bras, la mâchoire contractée au possible et le teint écarlate, tandis que notre Inca le regardait, incrédule, toujours ahurie de constater à quel point il était simple d’asticoter un homme.


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