Spectres

Chapitre 4

2251 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/02/2022 20:05

-Comment ça, ils sont encore là-bas ?

Moira MacTaggert fixa Hank McCoy d’un air incrédule.

-C’est bien ce que je dis, ils sont toujours là-bas, insista Hank. Charles, les X-Men, les autres enseignants et élèves… ils n’ont jamais quitté le manoir. Ils y sont toujours.

-Mais dans ce cas, où sont-ils ?

Hank et Illyana étaient revenus et se trouvaient maintenant assis dans la cuisine du bâtiment annexe avec le docteur MacTaggert, à discuter de leurs découvertes.

-La question n’est pas de savoir où ils se trouvent, mais plutôt à quelle période. Un énorme bouleversement temporel a eu lieu à l’intérieur du manoir, d’une ampleur massive. Le bâtiment, les meubles et les installations sont imprégnés d’énergie, comme si tout avait connu… comme une sorte d’accélération dans le temps.

-Mais qu’est-ce que ça veut dire ? questionna Moira. Où sont-ils ? Dans le passé ? Dans le futur ? Comment allons-nous faire pour les ramener ?

-Je regrette, Moira. Je n’en ai aucune idée. Je n’ai jamais été confronté à une situation pareille. Tout cela dépasse mes compétences. Et, avant que vous ne me le demandiez : non, je ne sais pas inventer de machine à voyager dans le temps qui permettrait d’aller les chercher. Mais je suis tombé sur quelque chose qui me donne une bouffée d’espoir.

-Et qu’est-ce que c’est ?

-Quoique puisse être ce phénomène, il semblerait qu’il soit en train de se résorber. Le peu de temps qu’Illyana et moi avons passé au manoir nous a permis de récolter tout un tas de données différentes, et le changement chronologique a montré un très léger décalage par rapport aux premières et aux dernières informations. J'y retournerai demain pour en récolter d’autres afin de vérifier mon hypothèse. Si elle s’avère exacte, alors il se peut que nous n'ayons même pas besoin de faire quoi que ce soit, si ce n’est d’attendre.

-Mais est-ce qu’ils sont en vie ? demanda Illyana, son expression affichant clairement qu’elle appréhendait la réponse.

Hank lui offrit un sourire rassurant :

-Oui, Illyana. Je pense qu’ils sont vivants. Tes téléportations ont causé une rupture suffisamment importante pour nous donner un aperçu de la localisation temporelle où ils se trouvent.

-Comme lorsque j’ai vu Katya dans le miroir.

Hank hocha la tête :

-Pour Kitty, tu es simplement apparue soudainement dans le reflet de son miroir, comme de nulle part. Si j’ai raison, non-seulement Charles, les X-Men et tous les autres vont bien, mais il est possible qu’ils n’aient aucune idée de ce qu’il leur arrive.

-Mais qu'est-ce qu'on peut faire pour les ramener ? demanda Moira.

-Lorsque le phénomène se dissipera, ils devraient tous réapparaître sans que nous ayons besoin de faire quoi que ce soit. Dans ce cas, il serait bon de visualiser le temps comme un élastique tendu. Lorsque cet élastique est relâché, il reprend sa forme et sa position de base. J’ai l’impression que c’est ce qu’il se passe. Une fois que j’aurai récolté d’autres données demain, j’aurai une meilleure idée de ce que pourrait représenter cet intervalle. Illyana, j’espère que tu ne vois pas d’inconvénient à ce que je te sollicite à nouveau.

-Non, pas du tout.

Moira se rassit sur sa chaise et poussa un lourd soupir.

-Eh bien, s’ils sont encore en vie et qu’ils vont bientôt revenir, on ne pouvait pas espérer de meilleures nouvelles. Vous avez une idée de ce qui aurait pu causer un truc pareil ?

Hank resta pantois :

-Je suis comme vous, Moira. J’ai vu de nombreux phénomènes étranges durant mon existence. Mais celui-ci n’en fait pas partie.

-Vous croyez que c’est délibéré ?

-Voilà une excellente question. Je n’ai aucune donnée me permettant d’affirmer quoi que ce soit mais j’ai la sensation que oui. Les humains sont un peu comme les habitants d’une plaine en ce qui concerne la notion du temps. Je veux dire par là que nous percevons le temps d’une façon linéaire, et son mouvement dans une seule et unique direction. Mais les X-Men et les Avengers ont rencontré des êtres pour qui sa perception et manipulation excédaient, de loin, nos habilités et notre compréhension. Ce genre de manipulation ne semble pas être quelque chose de naturel. Même si vous vous teniez près d’un trou noir, vous ressentiriez de nombreux signes indiquant des perturbations, en dehors de la compression du temps. Il s’agit donc de quelque chose qui a été voulu. J’en mettrais ma main à couper.

-À des fins malveillantes, vous croyez ?

Hank haussa les épaules :

-Aucune idée.

-Alors, qu’est-ce qu’on peut faire ?

-Collecter plus d'informations, analyser, émettre des théories, répondit le mutant qui sourit en voyant le regard désespéré de Moira. Oh, allons, Moira... Je suis sûr que vous vous attendiez à cette réponse.

-N’y a-t-il vraiment rien d’autre que nous puissions faire ?

-Pour l’instant, non. Mais lorsque j’aurai plus de données, je partagerai mes découvertes avec vous.

-Pardon, docteur MacTaggert ? Professeur ? fit Dani en toquant délicatement à l’entrée de la cuisine. Désolée, je me doute que vous êtes en pleine conversation privée. Mais est-ce que je peux entrer ?

-Oui, bien sûr, Dani, je t’en prie, répondit Hank. La cuisine est ouverte à tout le monde. Si le docteur MacTaggert et moi-même avions besoin d’avoir une conversation confidentielle, nous serions allés dans nos bureaux et aurions fermé les portes.

-Oh, parfait. Je voulais juste être sûre de ne pas vous déranger, répondit-elle en entrant dans la pièce avant de s’asseoir à la table. En fait, c’est bien que vous soyez là, tous les trois. J’ai quelque chose à vous demander ; quelque chose d’important.

-Qu’est-ce que c’est, Dani ? demanda Moira.

-Je veux essayer de m’entraîner avec mon pouvoir, et… je crois avoir trouvé un moyen pour y arriver. Enfin, pour l’instant.

-Veux-tu bien nous expliquer ? fit Hank en se penchant en avant sur sa chaise.

Dani jeta un œil à Illyana, et les deux filles échangèrent un rapide sourire.

-Illy a accepté de m’aider pour... une session d’entrainement. J’aimerais essayer d’invoquer intentionnellement une de mes illusions. Mon but, c’est de voir si j’arrive à la contrôler, à constamment tenir les rennes et à la faire disparaître. J’ai demandé à Illy de m’aider au cas où je perdrais le contrôle car c'est la plus douée pour se défendre et riposter contre mes invocations.

-Ça a l’air terriblement dangereux, Dani, murmura Moira avec inquiétude.

-Je sais. C'est pour ça qu'il faudrait le faire en étant isolés ; seulement nous quatre. Je ne veux pas que les autres soient à proximité, au cas où j’aurais des difficultés avec mon pouvoir. Je pourrais entrer dans leurs têtes et commencer à faire ressortir leurs pires cauchemars.

-Qu’est-ce qui te dit que ce ne sont pas les nôtres que tu feras ressortir ?

-Ben… dans le pire des cas, vous n’aurez qu’à me piquer avec une fléchette tranquillisante, suggéra Dani en essayant de ne pas grimacer à cette éventualité. Ça empêcherait que d’autres projections se manifestent. Ensuite, Illy serait totalement capable de s’occuper de celles qui seraient encore actives après que j’aie perdu connaissance. Après, j’espère qu’on n’en arrivera pas là, ajouta-t-elle rapidement en voyant l’échange de regards inquiets entre les deux chercheurs. L’idée, c’est d’arriver à me concentrer sur une seule projection tout en empêchant qu’autre chose se manifeste.

L’expression de Moira fut telle qu’on aurait dit qu’elle avait avalé quelque chose de répugnant :

-Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, Dani.

-Si vous avez une meilleure idée, j’adorerais l’entendre. J’ai besoin d’apprendre à maîtriser mon pouvoir, docteur MacTaggert. Autrement, je devrais passer le reste de ma vie dopée. Ce n’est pas ce que je veux. Vous non plus, j’imagine.

-En effet, tu as raison, acquiesça Moira.

-Au moins, avec vous trois, il y a plus de chance pour que ça marche. On pourra mettre en place des mesures de sécurité. On mettra au point un plan pour tout arrêter si jamais mon pouvoir me dépasse.

Hank se tourna vers sa collègue.

-Dani est la seule élève dont vous ne disposez d’aucune information détaillée de première main sur le pouvoir, lui rappela-t-elle. Une expérience comme celle-ci serait l’opportunité idéale pour établir et collationner une base fiable.

Moira réfléchit un long moment à cette phrase.

-Hank, je pense que le moment est parfait pour avoir une conversation dans mon bureau.

-Oui, bien sûr.

Tandis qu'ils se levèrent, Moira se tourna vers ses deux élèves.

-Ne bougez pas, leur dit-elle. Nous n'en avons pas pour longtemps.

Après que les adultes eurent quitté la pièce, Illyana patienta quelques instants avant de se tourner vers Dani :

-Je viens de réaliser que tu n’as pas dit un mot à propos de l’Ours.

-Illy, si le docteur avait entendu ce mot sortir de ma bouche, sa seule et unique réponse aurait été « NON » et j’aurais pu faire une croix sur mon idée.

-T’as sûrement raison, acquiesça la jeune blonde.

-Puis, des fois, il vaut mieux demander pardon plutôt que la permission. Encore une belle leçon que je tiens de toi.

-J’ai dit ça ? fit Illyana en feignant la surprise.

Dani sourit.

-Oui. Mot pour mot.

-Ouah, laissa échapper la Russe en hochant la tête d'un air approbateur. J’m'étonne, parfois.

 * * *

Tandis que Moira et Hank pénétrèrent dans le bureau, ce dernier ferma la porte derrière eux.

-Je sais que vous n’êtes pas à l’aise à cette idée, Moira, mais…

-Pas à l’aise ? répliqua Moira. Hank, les filles ont envie de s’affronter ! Dani veut invoquer sa créature pour qu’Illy la taille en morceaux ! Vous ne connaissez pas ces filles. Moi, si. Je sais ce qu’elles ont derrière la tête ! C’est trop dangereux, je ne peux pas le permettre.

Hank s’assit en face d'elle et lui sourit.

-Je me souviens quand Charles a ouvert l’école pour la première fois ; notre « Salle de Danger » n'existait pas encore, lui raconta-t-il. Par conséquent, nous n’avions pas vraiment de site d’entrainement, et absolument rien à la disposition d’un mutant à des fins pratiques. Vous savez comment Charles nous entraînait ? Il nous laissait carte blanche pour que nous défoulions les uns sur les autres. Nous allions sur le terrain de basket ou au gymnase, et nous nous bagarrions pendant des heures. Nous en revenions avec tout un tas d’hématomes, d’égratignures, d’écorchures, de coupures, d’yeux au beurre noir, d’articulations disloquées et luxées, avec en prime des nez cassés. Je pense que parmi tous les premiers X-Men, Jean a été la seule a ressortir diplômée sans avoir eu la cloison nasale déviée.

Il soupira, plongé dans ses souvenirs, avant de revenir au sujet actuel :

-Elles nous implorent notre aide, Moira. Peut-être qu’elles ont en tête de se déchaîner l’une sur l’autre. Mais elles demandent que nous les surveillions et les supervisions. Ce qui me fait dire qu’elles ont déjà pris en compte les risques et qu’elles sont sensibles et conscientes des dangers. En toute franchise, je suis convaincu que c’est le genre de comportement que nous devrions encourager et récompenser. Si elles désirent mettre leurs pouvoirs en pratique, c’est justement la raison d’être de cette école. Je préférerais que nous appliquions ce genre de méthode plutôt que d’avoir la mauvaise surprise d’apprendre que ces deux filles testent leurs pouvoirs dans notre dos pour qu’elles s’attirent potentiellement des ennuis dont nous ne pourrions pas réussir à les en sortir.

-Vous avez raison, concéda Moira avec réticence. Je suis d'accord avec vous...

-Les ecchymoses et les coupures guérissent. Ce genre de blessures constituent un compromis parfaitement acceptable pour acquérir le savoir et l’expérience. En réalité, je suis très impressionné, et même soulagé, de constater que Dani requiert ouvertement des figures autoritaires adultes pour empêcher que les choses ne tournent mal. Vous avez raison : cette fille est vraiment mature pour son âge. Il est temps de la récompenser, dit-il en offrant un sourire narquois à sa collègue Puis, nous ferons notre possible pour les empêcher de s’entretuer.

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