Un combat de tous les instants

Chapitre 6 : Vivre ensemble

3666 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 13:58

- Comment s'est passée ta première nuit ici ? Le sol n'était pas trop dur ?

April servit à Marion un grand verre de jus de fruit pendant que celle-ci la rejoignait dans la cuisine et lui offrit un paquet de biscuits en guise de petit-déjeuner. L'adolescente prit place en face d'elle, avant de répondre :

- Non, ça va. J'ai perdu l'habitude de dormir sur un matelas depuis que nous avons dû quitter notre maison, alors ça ne m'a pas dérangé.

- Les ronflements de Michelangelo non plus ? C'est une véritable tronçonneuse, par moments.

- Je l'aime bien, avoua la nouvelle. J'ai toujours rêvé d'avoir un petit frère et je crois que, si j'avais eu cette chance, je n'aurais pas voulu qu'il soit autrement.

- C'est vrai qu'il est gentil, mais... En combat, son insouciance pose souvent problème. Il s'expose non seulement lui-même au danger, mais également les autres.

Marion prit une gorgée de la boisson aromatisée à l'orange, puis croqua dans un gâteau. Elle s'était très mal nourrie au cours des dernières semaines et retrouver de la nourriture un minimum consistante lui faisait plaisir. Elle déplorait que sa soeur n'ait pas la même chance qu'elle.

- Salut les meufs ! s'exclama joyeusement Casey en pénétrant dans la pièce. Rouquine, déjà canon à huit heures du matin, chapeau !

April eut un petit rire gêné et son amie fit mine de ne pas avoir entendu, bien qu'elle aurait pu difficilement y parvenir. Le jeune homme s'installa entre elles deux, piocha un biscuit dans le paquet de Marion, puis annonça la bouche pleine :

- Les tortues sont avec Splinter, il parait qu'il y a du nouveau.

- Du nouveau ? De quel genre ? Pourquoi n'es-tu pas allé avec eux ?

- Eh ! J'avais la dalle, moi !

L'adolescente aux cheveux roux repoussa sa chaise pour se précipiter hors de la pièce, sans doute dans le but d'aller s'enquérir de la santé de ce maître dont Marion avait déjà tant entendu parler, mais qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de voir. Elle interrogea Casey à ce sujet.

- C'est une tortue, lui aussi ? Ou un humain ?

- D'après ce que j'ai pigé, à la base, c'était un humain. Un jour, il est tombé sur les Kraangs et pouf ! Il s'est transformé en rat. Je hais les rats, confessa-t-il, mais lui, ça va. Il est plutôt du genre sympa. J'espère que tu n'as pas peur des grosses bestioles, parce qu'avec nous, tu risques d'en croiser souvent.

- Hum... Non. A part les scolopendres. Je trouve ces insectes répugnants.

- Rassure-toi, ma jolie...

- Marion.

- Marion, de ça, on n'en a pas encore croisé.

Elle acquiesça d'un hochement de tête soulagé, puis ils achevèrent leur petit-déjeuner en silence. L'adolescente insista pour laver la maigre vaisselle qu'ils avaient utilisée et elle était en train de l'essuyer avec un torchon à la propreté douteuse lorsqu'April revint, visiblement tout émoustillée :

- Il s'est réveillé ! Maître Splinter, il est réveillé ! Il est encore très faible, mais au moins, il est revenu à lui.

- Hum... Je ne sais pas vraiment quoi dire, avoua Marion. Euh... Je suis contente pour vous ?

- Merci. Les tortues sont folles de joie. Ils étaient tellement inquiets. Je suis revenue pour lui préparer quelque chose à manger. Après être resté si longtemps inconscient, il doit mourir de faim. Je crois que j'ai vu du fromage, par là. Ah ! Le voilà !

April avait du mal à dissimuler sa bonne humeur. Elle était soulagée que Splinter aille mieux, car elle n'aurait pas supporté qu'il lui arrive malheur. Il était son professeur de ninjutsu, de même qu'un mentor précieux. C'était lui qui avait réussi à faire d'elle une kunoichi. Elle lui en serait éternellement reconnaissante.

***

- Sensei ! C'est un tel bonheur !

Mikey étreignit farouchement le rat géant, mais se fit presque aussitôt sévèrement réprimandé par Léo, qui tenait à laisser à leur maître l'espace nécessaire pour reprendre ses aises. Il paraissait encore un peu sonné et absent, ce qui n'avait rien d'étonnant après l'épreuve qu'il venait de traverser.

- April vient de partir pour la cuisine, elle va vous ramener quelque chose, affirma Donnie. Nous allons prendre soin de vous, maître. D'ici peu, vous serez entièrement rétabli.

- Je vous remercie d'avoir veillé sur moi, mes fils, alors que ç'aurait pourtant dû être le contraire.

Splinter esquissa un geste pour se redresser du nid douillet dans lequel April l'avait installé dès qu'ils l'avaient retrouvé, mais il était encore trop faible pour y parvenir. Raphaël et Léonardo l'attrapèrent tous deux par un bras pour l'y aider, puis ils l'appuyèrent contre le mur.

- Nous vous avons cru morts, sensei, avoua Donatello. Lorsque nous avons vu Schredder vous jeter dans ce tourbillon, nous redoutions le pire et...

Sa voix se brisa, car il était encore sous le choc de ce souvenir. Le rat puisa dans ses maigres forces pour lever son bras et lui tapoter le poignet dans un geste réconfortant. Il se força à sourire, tout en déclarant :

- Tout va bien, je suis vivant. Grâce à vous.

- Comment vous en êtes-vous sorti ? Et que s'est-il passé ensuite ?

- Karai... C'est Karai qui m'a tiré de l'eau, sans quoi j'aurais certainement dérivé jusqu'à me nouer.

- Karai ? s'exclama immédiatement Léo, par réflexe. Vous voulez dire qu'elle était là ? Que vous l'avez vue ? Qu'elle va bien ?

- C'était il y a plusieurs semaines. Le temps s'est écoulé, depuis.

- Pourquoi n'est-elle pas restée avec vous ?

- Elle... Je n'étais pas conscient lorsqu'elle m'a sauvé. Je crois qu'elle a attendu un long moment que je revienne à moi. Dès que ça s'est produit, elle s'est enfuie, et comme j'étais encore très affaiblie, je me suis évanoui. J'ai passé des journées entières dans les égouts à la chercher, car j'étais convaincu qu'elle s'y trouvait encore, mais cela n'a rien donné de fructueux. A plusieurs reprises, j'ai été pris en chasse par les Kraangs, ainsi que par les robots de votre ennemi, Baxter Stockman. J'ai lutté de toutes mes forces, tout en continuant à essayer de localiser ma fille, jusqu'à ce que je ne m'écroule d'épuisement. La chance a voulu que vous ne mettiez pas longtemps à me retrouver, après ça.

Les explications de Splinter s'achevèrent à l'instant même où April pénétra dans la pièce, un plateau entre les bras. Quelques morceaux de fromage étaient disposés dans une assiette ébréchée, à côté d'un grand verre d'eau. Le rat lui adressa une expression bienveillante, qu'elle lui rendit.

- Nous étions si inquiet, maître. C'est une joie de vous revoir ainsi.

- Merci, tu es gentille. Maintenant, je vous en prie, expliquez-moi ce que vous avez fait pendant tout ce temps. Comment avez-vous échappé aux extraterrestres ?

- Etes-vous vraiment certain de vouloir entendre cette histoire maintenant, sensei ? s'enquit Raphaël. Ne désirez-vous pas simplement rester tranquille, à récupérer de vos blessures ?

- Je crois que j'ai suffisamment eu le loisir de rester inactif. Je veux entendre votre récit.

Léonardo prit une profonde inspiration, puis commença. Il évoqua leur fugue jusqu'à North Hampton, puis Michelangelo le relaya afin d'évoquer les nouveaux mutants qu'ils y avaient rencontrés, ainsi que les surnoms inspirés qu'il leur avait donné. Donatello conclut en racontant la découverte du vaisseau des Kraangs, dissimulé sous la maison.

Le cœur d'April se serra au souvenir de cette épisode. Ils avaient eu affaire à une créature horrible, ce jour-là, pourtant l'espace de quelques heures, elle l'avait prise pour sa mère. Elle lui manquait tant qu'elle serait prête à tout pour la revoir, ne serait-ce juste qu'une fois, quitte à se fier aveuglément à un montre pour se bercer d'illusions.

- Oh, et nous avons une nouvelle amie ! jugea utile de préciser Mikey, alors que le silence était retombé sur la pièce. Elle s'appelle Marion. Raphaël l'a sauvé des tentacules des Kraangs, du moins je crois. Leurs versions sont très différentes l'une de l'autre.

- Je ne voulais pas la garder ici, c'est lui qui a insisté, souligna la tortue au bandeau rouge. Par conséquent, elle est sous son irresponsabilité. C'est une peste, une insupportable capricieuse, une...

- Tu vois, même toi, tu l'apprécies déjà !

- Vous avez trouvé une humaine ? interrogea Splinter, qui avait un peu de mal à suivre. Et elle est ici, au repère ?

- Je ne pouvais pas la laisser remonter à la surface, maître. Les Kraangs auraient fini par l'avoir, d'autant qu'elle est déterminée à se venger d'eux. J'ai pensé qu'elle serait plus en sécurité avec nous et que nous pourrions allier nos forces.

- C'est une sage décision que tu as prise, Léonardo.

Dans le dos de ce dernier, Raphaël poussa un soupir que tous purent entendre. Aucun ne fit le moindre commentaire, cependant. Ils se contentèrent de souhaiter un bon appétit au rat, puis de quitter sa chambre afin de le laisser tranquille le temps pour lui de se repaître. Ils ne tenaient pas à ce que leur présence le fatigue davantage.

***

- Léo, tout va bien ? Voila des heures que tu n'as pas dit un mot.

Donnie avait délaissé son laboratoire et les réparations qu'il nécessitait quelques instants afin d'aller apporter à Splinter une cuillère d'antibiotique, destinée à éliminer les derniers risques d'infections, car certaines de ses blessures suintaient encore. Alors qu'il traversait la salle principale, son regard fut attiré par son frère assis, le regard perdu dans le vague.

- Je... Oui, je réfléchissais, c'est tout.

- À propos de Karai, n'est-ce pas ?

- Hum... Oui. Lorsque Mikey et moi avons parcouru les égouts, nous ne l'avons pas croisée, mais le réseau de tunnels s'étend sur des kilomètres. Elle peut très bien s'y trouver encore, d'autant que l'atmosphère sombre et humide convient tout à fait à la créature mutante qu'elle est devenue.

- Et tu songes à aller la chercher ?

- Elle a sauvé Splinter, ce qui m'emmène à penser qu'elle est toujours un peu elle-même, dans le fond.

- Elle nous a attaqués, également, rappela Donnie. Sa conscience refait peut-être surface de temps en temps, mais elle n'en reste pas moins à moitié serpent, désormais, un être qui se laisse essentiellement régir par son instinct. C'est trop risqué.

- Alors quoi ? Tu suggères de la laisser tomber ? C'est la fille de maître Splinter, c'est l'une des nôtres. Nous n'avons pas le droit de l'abandonner. Qui plus est, Schredder va certainement faire tout son possible pour la récupérer. Nous devons la retrouver avant lui.

- Je n'ai jamais parlé de la laisser tomber. Je pense simplement qu'il faut réfléchir avant d'agir. Lorsqu'il est question de Karai, tu es encore plus inconscient que Raphaël. Il serait peut-être tant que tu te reprennes, Léo.

L'intéressé ne répliqua pas. Donatello avait raison et tenter de le contredire serait mentir. Il se conduisait toujours de façon stupide et irréfléchie dès lors que la kunoichi était concernée. S'il ne réfrénait pas ce trait de son caractère, il risquerait de mettre tout le monde en danger, comme cela avait déjà été le cas à maintes reprises par le passé.

- Qu'est-ce que tu proposes ? interrogea-t-il d'un ton qu'il espérait neutre.

- Je pense qu'il faudrait commencer par le commencement. A moins de capturer Karai et de l'enfermer pour une durée indéterminée dans une cage, ce qui serait relativement barbare, nous aurons besoin de rétro-mutagène.

- Le rétro-mutagène, c'est ton rayon, je te rappelle.

- Même en m'en tenant à la formule de base, je n'ai plus les ingrédients adéquats. J'ai quasiment gaspillé tout ce que j'avais emporté avec moi à North Hampton pour mes expériences et j'ai également épuisé mes réserves de mutagène, or tu sais qu'il m'en faut des quantités pour parvenir à mettre au point le serum.

- Autrement dit, nous allons devoir en dérober aux Kraangs, c'est bien ça ?

- Si tu veux que j'ai une chance de rendre à Karai son apparence normale, oui.

Léonardo s'accorda quelques secondes de réflexion. Il n'avait aucune envie de retourner à la surface dans l'immédiat, pas avec tous les risques que cela représentait, mais d'un autre côté, il aurait fait n'importe quoi pour ramener la kunoichi à son état normal.

- Très bien. Je vais voir ce qu'il est possible de faire.

***

- ... Sauf que l'arbre a pris feu. Heureusement, toutes les grenouilles ont pu être sauvées, même si ça ne s'est pas fait sans mal. Elles sont parties en Louisiane, je crois. Je me demande si je reverrai Napoléon un jour. C'était un type sympa.

- C'est passionnant ! s'exclama Marion, enjouée. Tu as vécu des tas d'aventures, Mikey.

- C'est quand je l'entends s'extasier devant ses récits que je me dis qu'ils se sont bien trouvés, ces deux... souffla Raphaël à l'oreille de Casey, qui pouffa de rire.

- Je ne suis pas sourde, tu sais. Je t'en prie, raconte-nous donc une histoire, si ça peut te faire plaisir. Je n'aurais pas envie que tu te mettes à bouder de chagrin parce que l'espace de quelques petites minutes, tu n'as pas été au centre de l'attention.

- Je pourrais t'en raconter des tas. Je te signale qu'en combat, je suis la meilleure des tortues. Je m'en tire toujours parce que je suis le plus fort, pas parce que j'ai de la chance, contrairement à Michelangelo.

- Il n'a pas que ça. Il a un cœur, lui aussi, ce qui n'est visiblement pas à ta portée.

- Ouah ! souffla Casey, admiratif. Vas-y, tape m'en cinq ! Même moi, je suis incapable de le rembarrer avec autant de style à chaque fois, et pourtant j'ai de l'expérience en la matière.

Marion se pencha par-dessus la table pour frapper la paume que l'adolescent lui tendait. April restait silencieuse, en retrait, mais elle observait la scène d'un air amusé. Elle veillait à ce que la jeune fille se sente bien intégrée à leur bande. Raphaël aurait sans doute fait fuir n'importe qui en courant, mais la gentillesse de Mikey contrebalançait son mauvais caractère.

Le sérieux revint dans la cuisine lorsque Donnie et Léo y firent irruption. La pièce commençait à paraître exiguë à présent qu'ils s'y trouvaient tous les sept. Les deux tortues avaient un air grave, comme si elles s'apprêtaient à leur annoncer de mauvaises nouvelles. April s'inquiéta aussitôt :

- Que se passe-t-il ? C'est maître Splinter ? Qu'a-t-il ?

- Il va bien, rassure-toi.

Donatello lui frotta l'épaule dans un geste amical et rassurant que l'adolescente parut apprécier, au contraire de Casey qui lui jeta un regard meurtrier. Marion fut un peu surprise par cette scène. Apparemment, April se trouvait au cœur d'un triangle amoureux, partagée entre un jeune homme et un mutant. Elle jugeait la situation légèrement cocasse.

- Au terme de mes réflexions, j'en suis venu à penser que nous devrions nous rendre chez les Kraangs, indiqua Léonardo.

- Quoi ? C'est pas vrai ! tonna Raphaël. Depuis que les Foots sont au courant de notre retour, tu prétends que la surface est dangereuse et qu'il faut éviter d'y mettre les pattes. Et maintenant, tu te contredis tout seul ?

- Est-ce que tu veux dire que nous allons nous lancer à la recherche des habitants de New-York disparus ? interrogea Marion, la voix vibrante d'espoir.

- Euh... Non. Enfin, pas encore. Même s'il n'est pas exclu que nous trouvions des indices sur l'endroit où les extraterrestres les retiennent prisonniers, notre objectif sera avant tout de ramener des fioles de mutagènes afin que Donnie puisse fabriquer de nouvelles quantités d'antidotes.

- Ça va, j'ai pigé. C'est pour Karai.

Raph se leva de la chaise sur laquelle il était affalé pour se diriger vers la sortie. Son frère aîné voulut le retenir, mais il se dégagea de son emprise d'un coup sec. Le bandeau bleu se heurta au bandeau rouge, qui lui jeta un regard mauvais.

- Lâche-moi, tu veux ? Il faudrait que tu arrêtes de changer tes plans dès que ça t'arrange, mon vieux.

- Ce n'est pas...

- C'est justement ce que je crois, si tu t'apprêtais à prétendre le contraire. L'autre voue peut-être une obsession aux Kraangs pour retrouver sa soeur, mais tu es exactement pareil avec Karai.

- Je suppose que l'autre, c'est moi ? souffla Marion à Michelangelo, qui acquiesça.

- Je lui ai déjà fait la moral à ce sujet, informa Donnie. En fait, l'idée de se rendre au T.C.R.I. est la mienne. Il faut que je reprenne mes expériences le plus vite possible. Elles seront utiles pour tout le monde, pas seulement pour elle. Je vous rappelle que nous aurons des milliers de gens à retransmuter le moment venu.

Bien que Raphaël tourne le dos, il n'avait pas perdu une miette des paroles de son frère. Il n'eut d'abord aucune réaction, avant de finalement hausser les épaules. D'un ton dédaigneux, il capitula :

- De toute façon, c'est Léo le chef, alors puisqu'il dit, j'imagine que nous ferons.

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