Un combat de tous les instants

Chapitre 69 : Le flambeau

2683 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 31/08/2020 21:44

- Continue comme ça, Donnie, plus que deux !

- Et le bouclier ?

- Il vient de tomber sous la barre des quinze pour cents.

En abattant deux soucoupes supplémentaires, Donatello avait réduit la puissance de feu qui se déchaînait sur le champ de force, mais le laboratoire était toujours dangereusement exposé. Cela l’inquiétait cependant moins que Marion et Léo, seuls face à l’armada kraang, et qui attendaient son secours.

S’il décrochait maintenant, reviendrait-il à temps pour arrêter les vaisseaux furtifs ennemis avant qu’ils franchissent leur protection ? Et s’il n’y parvenait pas, quels dégâts causeraient-ils à l’infrastructure ? Toujours moins que s’il avait laissé les six navettes intactes derrière lui.

- April, Marianne... Mettez-vous à l’abri.

- Quoi ? gronda l’aînée de Marion. Ce n’est pas le moment de faire preuve de pessimisme. Statistiquement parlant, tu as toutes tes chances de les neutraliser avant que...

- Je vais chercher Raph et Casey. Plus je tarderai, plus ta sœur et mon frère seront en danger, alors que le labo a une chance de tenir jusqu’à mon retour, même si le bouclier lâche.

Marianne ne répondit pas. Donnie, bien qu’il ne puisse la voir, l’imaginait le front plissé par le doute et l’hésitation. Son instinct de scientifique donnait la priorité au laboratoire, mais le peu de chaleur qu’elle avait dans son cœur devait la pousser à songer également aux intérêts de Marion.

- Je quitte le site, annonça-t-il. Bonne chance, les filles.

***

- Tu es plus rapide que moi, essaye d’atteindre le canon, suggéra Marion à Léo. Je m’occupe de les empêcher d’approcher des garçons.

Le ninja ne se donna pas la peine d’acquiescer. Il s’élança en direction de l’arme de destruction kraang, mais aussitôt, le mur se reforma devant lui pour lui barrer le passage. Chaque fois qu’un androïde ennemi tombait, un autre prenait sa place. Les quelques Foot-bots qui avaient résisté jusqu’ici furent réduits en miette par les extraterrestres, et Léo, malgré ses assauts frénétiques, ne parvint pas à gagner du terrain.

- Tu es plus forte, lança-t-il à Marion. On échange les rôles.

L’adolescente jeta un regard aux diverses plaques métalliques qui jonchaient le sol, résidus du vaisseau furtif détruit. Après tout, pourquoi ne pas essayer ? Elle en saisit une et la tordit légèrement, de manière à y enfoncer la lame de son épée à deux reprises. Armée de ce bouclier de fortune, elle chargea.

Les tirs résonnèrent contre la surface argentée, sans la transpercer. Marion accéléra l’allure et, de toutes ses forces, percuta de plein fouet le rang des Kraangs. Ce ne fut qu’alors qu’elle prit conscience de son erreur, car elle avait sacrifié son arme pour fabriquer son écu.

- Lé...

Elle n’eut même pas le temps de prononcer le nom du ninja en entier qu’un sai volait déjà vers elle. Elle s’empara du trident et l’enfonça dans le crâne du droïde le plus proche, non sans une grimace. Elle n’était pas habituée à manier un accessoire aussi court, et cela ne deviendrait pas son outil de prédilection.

Elle réussit, à coups de pointe et de bouclier, à franchir la première ligne, mais deux autres se dressaient encore derrière. Et l’énergie accumulée par le canon s’accroissait de seconde en seconde. Le combat était perdu d’avance. Jamais Marion n’arriverait à franchir les obstacles assez vite pour l’atteindre et neutraliser les Kraangs qui le faisaient fonctionner.

Elle recula de son propre chef jusqu’à Léonardo, tandis que les androïdes extraterrestres s’écartaient derechef, prêts à laisser passer le tir dès qu’il serait chargé. Les yeux rivés sur la machine de mort, Marion lança à la tortue :

- Tu n’es pas obligé de rester. Tu peux encore essayer de t’enfuir.

- Toi aussi.

Marion songea à Marianne. Si elle devait périr, sa sœur s’en remettrait-elle ? Sûrement. Elle était bien trop intelligente pour se laisser abattre. En revanche, cela éteindrait sans doute la dernière parcelle d’humanité qui subsistait encore en elle. Et Mikey... S’il était là, il les aurait sûrement déjà tirés d’affaire. Il avait des solutions à tout, dans la dimension X, même aux situations les plus désespérées.

- Je n’abandonnerai pas Raph, déclara-t-elle. Toi, rien ne te retient ici.

- Je le déteste, parfois. Souvent, même. Mais il n’empêche que c’est mon frère.

- Dans ce cas, tu ne crois pas que le moment serait bien choisi pour t’excuser ?

- M’excuser ? Tu ne veux pas plutôt dire lui pardonner ?

Marion leva les yeux au ciel. Même dans leurs derniers instants, Léonardo restait incorrigible. Un sourire triste étira ses lèvres lorsqu’elle songea que Raph, à sa place, n’aurait pas agi autrement.

- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Léo. On se tient la main ?

Marion haussa les épaules. C’était toujours mieux que de mourir seul. Elle saisit la patte que le ninja lui tendait, alors que le canon semblait désormais sur le point de cracher son feu sur eux. Ils fermèrent les yeux, serrèrent les dents...

Et l’explosion retentit.

***

- Plus que huit pour cent ! s’affola April.

- Je sais, je le vois bien, c’est écrit en gros sur l’écran, répliqua Marianne.

La jeune femme enfouit son visage entre ses mains et repoussa ses mèches rousses vers l’arrière. Donatello avait intérêt de ramener les quatre autres vivants, quoi qu’il se passe, sinon elle le transformerait en soupe de tortue. Elle n’était pas très bonne cuisinière, mais elle avait dû apprendre à préparer des plats consistants à partir de rien pour nourrir Marion, et accessoirement se nourrir elle-même, aussi devrait-elle y parvenir.

- Sept pour cent !

- Ce n’est pas le Nouvel An, arrête de décompter, ça ne servira à rien.

April plaqua une main sur son crâne. La panique la rendait encore plus migraineuse qu’à l’accoutumée, et elle abandonna soudain le sol de la salle informatique sur lequel elle était affalée pour se ruer à l’extérieur. Elle savait que cela équivalait à se jeter dans la gueule du loup, à s’exposer telle une cible offerte aux tirs des Kraangs, mais elle ne supportait pas de rester assise à attendre, peut-être en vain.

Elle alla se placer à ras du second champ de force, qui vacillait sous la puissance des salves ennemies. Le temps qu’elle l’atteigne, il était sûrement descendu à cinq pour cent. Peut-être même quatre. Il n’était pas encore trop tard. Elle pouvait faire demi-tour, rentrer s’abriter avec Marianne et croiser les doigts pour que les murs du bâtiment tiennent jusqu’au retour de Donnie.

Elle n’en fit rien, cependant. Elle pencha la tête vers l’arrière et poussa un cri de douleur, avec l’impression que son cerveau allait éclater.

***

Léonardo battit doucement des paupières. Il avait passé un bras autour des épaules de Marion, qui n’osait toujours pas regarder. Ils n’avaient pourtant qu’une fraction de seconde pour se ressaisir, car les Kraangs s’étaient remis en mouvement et fondaient sur eux, piétinant les décombres du canon que Donatello, aux manettes de la navette furtive, était arrivé à temps pour détruire.

Léo asséna un coup de coude à Marion pour la pousser à passer à l’action et se jeta sur les extraterrestres les plus proches. Donnie, porté par sa vitesse, avait poursuivi son vol, mais était déjà en train d’exécuter une volte pour revenir à l’endroit où les deux blessés attendaient d’être récupérés.

Il tira sur les androïdes qui étaient en train d’escalader la carcasse du vaisseau de Raph et Casey et se posa en catastrophe dessus, pendant que Marion balayait d’un mouvement du bras tout un groupe d’adversaires.

- Je te couvre, indiqua-t-elle à Léo. Aide Donnie à les embarquer.

Léo empala un dernier robot et saisit Raph par les épaules, pendant que son frère se chargeait de Casey. Les Kraangs concentraient à présent leurs tirs sur la soucoupe, afin de l’empêcher de redécoller. Elle était assez solide pour résister aux lasers des pistolets, mais pas indestructibles pour autant. S’ils ne se hâtaient pas, leurs ennemis finiraient par l’endommager sérieusement.

- Marion, rapplique ! Vite !

La jeune fille jeta son ultime cristal explosif aux pieds des Kraangs adjacents et sauta en l’air pour saisir le bras tendu de Léonardo, qui la hissa à bord de la navette déjà en train de prendre de l’altitude. Sans une parole, sans même un regard, ils mirent le cap sur le laboratoire.

Donatello poussa le moteur de la navette au maximum, mais ils arrivèrent malgré tout trop tard. Huit unités de distance kraang les séparaient encore de leur quartier général quand le bouclier céda.

- Eh, mais..., souffla Léo. Qu’est-ce qui se passe ?

Marion, agenouillée auprès de Raph et de Casey pour leur tenir la tête et leur éviter d’être trop ballotés, se redressa promptement. Elle rejoignit les deux ninja et remarqua aussitôt ce qui venait d’interpeler Léonardo.

Au lieu de descendre en piqué sur le laboratoire pour le mitrailler, les vaisseaux furtifs se rapprochaient dangereusement l’un de l’autre. Si dangereusement qu’ils finirent par se percuter, disparaissant dans un nuage de fumée, à l’instar de la soucoupe de Raph et de Casey un peu plus tôt.

- April ! s’écria Donnie.

Il plongea en direction de la plateforme, où il avait repéré la silhouette de l’adolescente. Alors qu’ils frôlaient le sol, elle vacilla et s’effondra, inconsciente, le visage d’un blanc crayeux.

Sous l’effet de l’anxiété, Donatello ne réussit pas à poser l’appareil juste à côté d’elle, mais s’arrêta quelque mètres plus loin et s’empressa d’en sortir pour se précipiter vers April. Léonardo le remplaça aux commandes, afin de se rapprocher le plus possible du bâtiment et ainsi ne pas avoir à transporter les grands brûlés sur une trop longue distance.

Marianne les attendait sur le seuil, les bras croisés, le visage aussi hermétique qu’à l’accoutumée. Elle ne cilla pas lorsqu’elle vit Marion et Léo extraire les corps calcinés de leurs amis. D’un ton parfaitement détaché, elle se contenta d’ordonner :

- Laissez-moi vingt secondes d’avance pour faire de la place et conduisez-les au labo. Vous les allongerez sur les tables de travail.

Ces vingt secondes parurent interminables à Marion, mais elle prit tout de même son mal en patience. Parvenue au terme du décompte, elle souleva Casey et le transporta dans la salle de prédilection de sa sœur, Léo se chargeant de Raph. Ils suivirent les instructions de Marianne en les étendant sur le mobilier qui, d’ordinaire, était à peine visible sous ses piles de notes.

- Je m’occupe d’eux, indiqua la jeune femme. Tâchez de trouver une solution pour les Kraangs.

- Une solution ? répéta Marion. April vient de faire un malaise, on n’est plus que trois ! Le bouclier a lâché, une armée arrive...

- Tu es la meilleure amie de Michelotto, non ? Et il n’est pas censé avoir des idées de génie dans cette dimension ? Alors arrête de geindre et réfléchis à ce qu’il ferait à ta place.

Marion ouvrit les yeux et la bouche sous l’effet de la surprise, loin de s’attendre à une telle remarque de la part sa sœur.

- Allez, fichez le camp, intima Marianne. Ça ne servira à rien que je soigne vos amis si on meurt tous dans l’heure à venir.

Marion et Léo quittèrent donc la salle, mais ne s’en éloignèrent pas. Sitôt la porte du laboratoire refermée dans leur dos, le ninja s’y adossa, pendant que l’adolescente se mettait à arpenter le couloir de long en large.

Penser comme Mikey, penser comme Mikey... Marianne croyait que c’était facile, peut-être ? Ses idées étaient toujours aussi loufoques qu’imprévisibles. Comment Marion arriverait-elle à raisonner à sa façon ? Elle était impulsive comme Raph, pas imaginative comme Michelangelo, bien qu’elle soit effectivement celle qui avait le plus de facilité à le comprendre.

- Qu’est-ce qu’il ferait, bon sang ?

- Il s’empiffrerait avec une pizzax en affirmant que s’il vit ses derniers instants, il ne veut pas les passer le ventre vide, répondit Léo sur un ton blasé.

- On n’a pas le temps de préparer de la pizzax. L’armada atteindra bientôt notre plateforme, et je ne parle même pas de ce qui se passera si on essuie une nouvelle attaque aérienne.

Marion accéléra le rythme de ses allées et venues. Léonardo la suivit du regard jusqu’à ce qu’elle finisse par lui donner le tournis. Loufoque. Imprévisible. Impossible à anticiper. Unique. Comme Mikey.

Marion resserra le nœud du bandeau orange qu’elle portait autour des yeux. Elle n’en prit conscience qu’à cet instant, mais elle venait d’être indirectement promulguée à la tête du groupe par Marianne. Comment en était-elle arrivée là ? Elle était tout sauf une meneuse. Et Léonardo ? N’avait-il pas été le chef pendant longtemps, avant que tous ces bouleversements ne surviennent ? N’était-il pas mieux placé qu’elle pour...

- Je sais !

L’inspiration s’abattit sur Marion comme un éclair et la parcourut toute entière, électrisant en particulier son cerveau. Un plan commença à germer dans son esprit, plan dont, elle en était certaine, Mikey n’aurait pas été peu fier.

- Va chercher Donnie, dis-lui de remonter à bord de la navette furtive et de couvrir le périmètre. Et ramène April, accessoirement.

- Je peux savoir ce que tu as en tête ?

- Pas le temps de t’expliquer, tu le verras bien assez tôt. Ça va être un véritable feu d’artifice !

- Et... Euh... Ça a des chances de marcher ?

Marion haussa les épaules.

- La probabilité de réussite est un tantinet plus élevée que si on reste ici à attendre notre fin.

- C’est... censé me rassurer ? hoqueta Léonardo.

- Non. Vas-y, maintenant. Et dépêche-toi !

Le ninja bleu, quoique perplexe, obtempéra. Marion se mit elle aussi en mouvement et fonça dans la salle informatique, où elle repéra Mikey en train de déambuler sur le tableau de commande de l’un des ordinateurs principaux. Des lignes de chiffres et de données incompréhensibles défilaient sur l’un des écrans numériques.

Marion effleura la tête de son ami au passage, mais le temps qu’il réagisse, elle avait déjà poursuivi son chemin jusqu’à une pièce annexe, plongée dans les ténèbres. Elle activa l’interrupteur, qui diffusa une lumière magenta sur le contenu de cet endroit qu’ils avaient baptisé la réserve.

- Désolée, Marianne, mais après tout, c’est toi qui m’as incitée à mettre au point une nouvelle stratégie.

Devant Marion s’alignaient leurs derniers androïdes.

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