Un combat de tous les instants

Chapitre 75 : Allô la Terre

2800 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 18/12/2020 22:51

- Booyakasha !

- Michelangelo ! s’exclama Leatherhead. Quelle joie de te revoir, mon ami.

- Et toi aussi, Raph, renchérit Slash. Content que tu sois rétabli. Enfin, presque...

Donnie avait prévenu ses frères qu’il avait un peu édulcoré leur situation lors de sa dernière conversation avec les Mutanimaux, et il s’en était remis à eux pour ne pas trahir ses omissions volontaires.

- Il me fallait bien une blessure de guerre digne de ce nom, commenta le ninja rouge en coulant un regard à Marion, qui s’était assise hors du champ de la caméra et qui lui adressa un clin d’œil. Vous en êtes où, de votre côté ?

- Plus qu’une base à faire sauter. Ce sera terminé demain ou après-demain... si tout se passe bien. Je ne crois pas que les Kraangs vont nous laisser faire si facilement. Ils ont renforcé leurs effectifs au fil de nos assauts, et puisque c’est la dernière ligne droite, ils vont avoir concentré toutes leurs forces pour nous arrêter.

- Vous pensez quand même y arriver ? interrogea Mikey.

- On n’a pas vraiment le choix, si ? grogna Rahzar.

Personne ne releva. Effectivement, ils ne l’avaient pas. Ils étaient trop proches du but, sur Terre comme en dimension X, pour renoncer maintenant. Quels que soient les risques encourus, ils devaient les prendre afin d’écraser les Kraangs.

- Et vous ?

- Le technodrome qu’on... que Marion, April et... grumpf... Léo ont volé sera bientôt opérationnel, indiqua Raph. Le choléra travaille dessus avec Donnie, et on met tous la main à la pâte. On devrait bientôt être prêts, nous aussi.

- On s’est procuré du matériel dans l’une des bases avant sa destruction, dont un portail portatif, révéla Slash. Si vous nous envoyez les coordonnées précises de l’offensive finale, on pourrait vous rejoindre sur place.

- Vous pouvez compter sur le choléra pour ça. À part pianoter sur un clavier et larguer le mutagène, elle n’aura rien d’autre à faire que se tourner les pouces pendant qu’on se coltinera tout le travail, comme d’habit... Aïe.

Raph se massa le crâne à l’endroit où un morceau de métal l’avait heurté. Il feignit néanmoins de ne pas remarquer le regard noir avec lequel Marion le foudroya. Il avait conscience d’être de mauvaise foi, car Marianne avait fourni énormément d’efforts sur le plan scientifique, mais plutôt perdre son autre œil et deux de ses membres que de le reconnaître !

***

- Panneau de contrôle principal ? lança Marianne.

- Ok, confirma April.

- Panneau secondaire ?

- Ok aussi.

- Armement ?

Elle se tourna vers Léonardo, qui activa une à une les différentes armes dont avait été pourvu le technodrome, en plus de celles qu’il possédait initialement. Le communicateur de Marianne crépita pendant que Casey, placé à l’extérieur du vaisseau, confirmait :

- Tout roule, ma poule !

- Les commandes internes ?

April changea de place dans la salle de pilotage et déverrouilla la plupart des sas du technodrome. Elle entendit la respiration saccadée de deux personnes en train de courir dans son propre communicateur, avant que Mikey et Marion lui assurent que tout était en ordre.

- Boucliers d’énergie ?

- J’envoie la sauce ! annonça Raph depuis la navette furtive dans laquelle il se trouvait.

Des voyants rouges se mirent immédiatement à clignoter, tandis que retentissait une alarme stridente. April afficha le niveau de protection du vaisseau. Cette attaque ne lui avait même pas coûté un pour cent. Marianne avait vraiment accompli un ouvrage irréprochable.

- Et enfin... Fonctionnement du labo ?

- J’ai testé le système d’ouverture des cuves et fait un essai avec un reste de rétromutagène non affiné, indiqua Donnie. Tout a l’air de fonctionner, c’est parfait !

Des murmures enthousiastes s’élevèrent dans les différents secteurs du technodrome où ils s’étaient éparpillés, mais Marianne ne l’entendait pas de cette oreille. Sur l’aspect technologique, ils étaient aussi opérationnels qu’ils pouvaient espérer l’être. Malgré cela, la victoire était encore loin de leur être acquise.

- Si tout est en ordre, allez contacter les Mutanimaux, et s’ils sont prêts eux aussi, dites-leur que nous passerons à l’action dès demain. Qu’ils préparent leur portail pour nous rejoindre. Quant à vous, reposez-vous. Vous aurez besoin d’être au meilleur de votre forme pour ce qui nous attend.

- Elle croit quoi, celle-là ? Qu’on l’a attendue pour savoir comment se préparer au combat ?

- Machiavel, quand tu veux dire du mal de moi, coupe d’abord ton communicateur, sauf si tu tiens à rester en dimension X même en cas de réussite...

- Comme si...

« ... ta sœur allait te laisser faire », acheva mentalement Raph. Il fit atterrir la navette furtive à côté du technodrome, d’où Mikey et Marion étaient déjà en train d’émerger. Casey les attendait à l’extérieur, et ils se frappèrent dans les mains pour célébrer ce nouveau pas vers la libération de New York et de ses citoyens.

Donatello les rejoignit en même temps que Raph descendait de son propre vaisseau, puis Léo, Marianne et April apparurent à leur tour. À voir leurs traits tirés, ils avaient effectivement besoin de repos. Ils avaient tous travaillé d’arrache-pied pour préparer le technodrome à la tâche qui l’attendait.

- Qui se charge de faire réchauffer la pizzax pendant qu’on appelle les Mutanimaux ? interrogea Mikey. April ?

L’intéressée acquiesça, et une fois dans le laboratoire, ils se séparèrent. Léo la suivit jusque dans la salle où ils prenaient leur repas, tandis que Donatello accompagnait Mikey pour établir une ébauche de stratégie concernant l’arrivée des Mutanimaux en dimension X.

Marion hésita un bref instant entre assister au « combat de convalescents » que Raph et Casey avaient prévu de se livrer, comme chaque jour, ou emboîter le pas à sa sœur qui s’était engouffré dans son laboratoire. Qu’avait-elle encore à faire là-bas ? N’avait-elle pas mérité un peu de repos, elle aussi, après avoir passé le plus clair de son temps dans cette pièce ?

Cessant de tergiverser, Marion pénétra à l’intérieur pour voir Marianne en train de s’affairer autour des plans de travail. Elle avait rassemblé ses notes et les divers croquis qu’elle avait réalisés pour les réparations et améliorations du technodrome. Les documents formaient deux piles de taille impressionnante : elles lui arrivaient presque sous le menton.

- Qu’est-ce que tu mijotes, encore ? interrogea Marion.

Marianne sursauta. Comme elle n’avait plus de raison de s’enfermer, elle avait laissé les portes du laboratoire ouvertes, mais ne s’était pas attendue à ce quelqu’un l’y rejoigne. Les autres détestaient sa compagnie autant qu’elle exécrait la leur. Sauf sa cadette, évidemment.

- Qu’est-ce qui te fait croire que je mijote quelque chose ? répliqua Marianne.

- Je disais ça un peu au hasard, mais il faut croire que j’ai visé juste, sinon tu ne serais pas autant sur la défensive. Alors ? Tu nous prépares un super plan de dernière minute, au cas où les choses tourneraient mal ?

- C’est le boulot de Michelotto, ça, pas le mien. Mais si tu tiens vraiment à le savoir... Oui, je prépare un cadeau d’adieu pour les Kraangs.

Marianne donna un coup de pied contre la paroi devant laquelle elle se tenait, et une plaque métallique coulissa pour laisser apparaître un compartiment secret, pourvu de plusieurs étagères. Sur chacune d’elles reposait ce que Marion identifia comme des pistolets kraangs.

- Tu as gardé tout ce que Léo et moi avons rapporté ? Pourquoi ? Tu crois que ceux qu’on a chargés à bord du technodrome ne suffiront pas ?

- Ils ne sont pas destinés à l’offensive finale, mais au laboratoire, rectifia Marianne. En fait, j’ai trafiqué leurs composants pour les transformer en explosifs programmables.

Marion mit quelques secondes à comprendre ce que sa sœur entendait par là, et lorsque ce fut le cas, elle resta pantoise. Après plusieurs clignements d’yeux surpris, elle parvint à bredouiller :

- Tu... Tu as l’intention de...

- De faire sauter cet endroit, oui. Je vais emporter les clés USB contenant toutes les recherches que Botticelli et moi avons effectuées, mais le reste doit disparaître. Tu ne voudrais pas que les Kraangs retournent nos propres travaux et inventions contre nous ?

- Et si on échoue ? Si on a besoin de revenir ici et de...

- Il ne va rester personne pour protéger les lieux, coupa Marianne. L’un des pistolets sera relié au moniteur central. Si le bouclier lâche pendant notre absence, le système entraînera une réaction en chaîne qui provoquera la destruction complète du bâtiment, et surtout de ce qu’il renferme.

- Et si, pour une raison ou pour une autre, le labo cesse d’être alimenté en énergie ? souligna Marion. Comment le processeur donnera l’ordre aux pistolets d’exploser ?

Au regard condescendant que Marianne lui jeta, sa cadette comprit qu’elle avait posé une question stupide. Non, ce qui était stupide, c’était d’avoir pensé à quelque chose en songeant que cela aurait échappé à sa sœur. Tout ce que Marion pouvait imaginer avait forcément déjà traversé l’esprit de son aînée.

- Ils ont une batterie, expliqua Marianne. Là encore, ce sera automatique. S’ils cessent d’être alimentés par le circuit...

- Ça explosera aussi. Bien sûr. Tu as tout anticipé, comme toujours.

La rousse ne releva pas, mais détailla Marion de la tête aux pieds. Non, elle n’anticipait pas tout. Jamais, même quand elles pensaient avoir touché le fond, elle n’aurait pu croire qu’elles en arriveraient là un jour. À se battre contre des extraterrestres. Avec des mutants. À passer leurs derniers instants ensemble.

Elles devraient en parler. Aborder le sujet. Pour dire quoi, cependant ? Marianne pensait sincèrement ce qu’elle avait dit à Donatello, qu’elle ne retiendrait pas sa cadette à la surface, d’une manière ou d’une autre. Elle savait pourtant que Marion serait sensible au chantage affectif, mais ce n’était pas le genre de quelqu’un qui avait acquis au fil des semaines une réputation de robot.

- Tu avais une autre question à me poser ? biaisa finalement Marianne, comme Marion demeurait aussi silencieuse qu’elle.

- Non. Enfin... Non.

Elles replongèrent dans le mutisme, et l’aînée nota que c’était la première fois que cela leur arrivait, cette incapacité à communiquer. Jadis, elles n’avaient même pas besoin de mots pour se comprendre. Il leur suffisait d’un geste, d’un regard... À l’époque, cependant, elles étaient liées l’une à l’autre, ce qui n’était plus le cas, désormais. Le séjour de Marianne en dimension X n’avait pas fait que les éloigner physiquement. Ils les avaient éloignées irrémédiablement.

- Tu devrais aller rejoindre les autres dans la salle de restauration, dans ce cas, suggéra la jeune femme. Avant que ton ami Michelotto ait englouti toutes les parts de pizzax.

- Et toi ? Tu ne viens pas ?

- Essaye de m’en garder une. Je dois finir de ranger et m’assurer que tout a bien été numérisé sur les clés USB kraangs.

Marion n’insista pas, mais elle fixa sa sœur un peu plus longtemps que nécessaire. Rêvait-elle ou croyait-elle distinguer un soupçon de mélancolie dans le regard de Marianne ? En tout cas, son visage n’était pas aussi hermétique qu’à l’accoutumée, même s’il était difficile de le déchiffrer.

Son aînée pouvait-elle regretter de quitter la dimension X ? De dire adieu à la technologie kraang, bien plus avancée que celles qu’ils avaient sur Terre ? Ce ne serait pas dans l’appartement misérable qu’elles occupaient avant l’invasion de New York que Marianne aurait les moyens et le matériel de mener des travaux aussi poussés que ceux qu’elle avait effectués ici.

Il y aurait toujours le laboratoire de Donnie, bien sûr, mais Marion ne se faisait pas d’illusion. Si le ninja accepterait sans hésiter de continuer à le mettre à disposition de Marianne, celle-ci refuserait. Elle avait œuvré dans les égouts avec les tortues uniquement parce qu’elle n’avait pas le choix, mais elle les méprisait trop pour continuer. Des créatures des bas-fonds, comme l’avait affirmé Raphaël. Ils n’étaient rien d’autre à ses yeux.

À présent qu’ils étaient à un combat de regagner New York – ou de périr –, Marion repensait de plus en plus souvent à ce que le ninja rouge lui avait dit à propos de la barrière qui se dresserait tôt ou tard entre eux, celle-là même qui séparait Donnie et April. Et elle se demandait surtout si elle ne l’avait pas déjà devant les yeux, sous les traits de Marianne.

***

- Ce combat m’a ouvert l’appétit ! s’exclama Casey en se laissant tomber à côté d’April.

Il passa nonchalamment un bras autour de ses épaules, sans remarquer sa crispation. Personne, autour de la table, ne s’en aperçut. Léo avait les yeux rivés sur sa part de pizzax, évitant ainsi d’avoir à les poser sur Raphaël, et celui-ci délassait les muscles de ses bras en s’étirant.

- Qui a gagné ? demanda April d’une voix qu’elle espérait neutre.

- Moi, naturellement !

- Toi, c’est sûr, si par gagner, tu entends « mordre la poussière », répliqua Raph. Même avec une patte en moins et la carapace arrachée, tu n’aurais aucune chance de me battre.

Léonardo avala une nouvelle bouffée de pizzax pour contenir un soupir, tandis que Marion pénétrait dans la pièce. Son visage n’exprimait rien, mais son regard semblait lointain, comme lorsqu’elle se perdait dans ses pensées, ou plutôt dans son passé. Elle se servit sans prononcer un mot et prit place à côté d’April, qui se tourna aussitôt vers elle, trop heureuse d’avoir une bonne excuse pour échapper à Casey.

Raph, qui l’observait du coin de son œil valide, remarqua qu’elle picorait plus qu’elle ne mangeait sa pizzax. Cela lui rappela la perte d’appétit dont elle avait souffert après la rétromutation de Michelangelo, et il présuma que c’était dû à l’imminence de leur ultime affrontement en dimension X.

- Marianne n’a pas l’intention de se joindre à nous, je suppose ? interrogea April.

- Elle est en train d’ordonner deux ou trois trucs dans le labo, mais elle m’a demandé de lui garder une part de pizzax. Vous pensez que Mikey et Donnie s’en sortent avec les Mutanimaux ?

- Ils ne nous ont pas appelés à l’aide, alors j’imagine que ce doit être le cas, commenta Léo. J’espère plutôt que les Mutanimaux n’auront pas eu de problèmes avec la dernière base kraang.

- Navré de te décevoir, frérot.

Léonardo se redressa, pendant que Marion, April et Casey, qui tournaient le dos à la porte, pivotaient sur leur siège. Mikey pénétra dans la pièce en traînant les pieds, une attitude qui allait de pair avec la mine déconfite de Donatello, sur ses talons.

- Qu’est-ce qui se passe ? réagit aussitôt Raph. Ils ont échoué.

Mikey secoua la tête en signe de dénégation, mais lorsqu’il voulut reprendre la parole, sa réponse resta coincée dans sa gorge. Marion savait combien il était attaché à Leatherhead. Était-il arrivé malheur au crocodile ? Il avait beau paraître fort et robuste, il n’était pas invincible pour autant.

- Non, pire. Enfin, pas exactement, mais... s’embrouilla Donnie.

- En fait, on n’en sait rien, parvint à formuler Mikey. On n’a pas réussi à les joindre. Et c’est justement ça qui nous inquiète.

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