Secret Satan

Chapitre 1 : Secret Satan

Chapitre final

4988 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/12/2023 13:48

Cette fanfiction participe au défi d'écriture du forum "Des fanfics sous le sapin" (novembre décembre 2023). Elle est offerte à tous les lucifans urbi et orbi.

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SECRET SATAN

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Une main dans la poche, Lucifer tournait en rond dans l'open space gris et vitré de l'un des commissariats appartenant à la police de Los Angeles. Désœuvré depuis une heure, il patrouillait entre le distributeur de cochonneries grasses et sucrées, le frigo collectif et les salles d'interrogatoire, déployant ses sourires séducteurs à la moindre jolie personne qu'il croisait. Présentement, il était en train de jouer avec les lattes du store assurant la confidentialité des échanges dans le bureau de leur cheffe Olivia Monroe, qui avait bien trop d'indulgence envers lui. Bien bien trop.

Il était intenable. L'inspectrice Chloé Decker avait parfois l'impression d'être en charge d'un grand enfant atteint de TDAH. Mais elle, elle avait un bureau. Et du travail qui allait avec. A quelques jours de Noël, elle aurait aimé pouvoir se consacrer à autre chose mais tout devait être bouclé avant le 31 décembre. L'idée de devoir confier Trixie à son irresponsable mère ne l'enchantait pas, mais d'une part, la Mairie attendait des statistiques à présenter à ses administrés, et d'autre part, les malfrats ne pratiquaient pas la trêve des confiseurs. Plusieurs collègues étaient dans le même cas qu'elle, à taper frénétiquement sur leur clavier, ce qui rendait les lieux passablement animés.

Quand elle releva le nez de son formulaire, la cornée sèche d'avoir trop fixé l'écran, la haute silhouette élégante de son coéquipier avait disparu de son champ de vision. Elle pria brièvement le ciel pour qu'il n'ait pas réussi à entrer dans le local des pièces à conviction et y barboter la dernière prise de « neige récréative ». A cause de lui, elle risquait presque tous les jours sa carrière, mais c'était également grâce à lui si son taux d'élucidation caracolait devant tous ceux des collègues.

Cherchant discrètement, elle n'aperçut nulle part sa chevelure de jais, ni n'entendit le moindre écho de sa voix précieuse à l'accent anglais distingué, capable de sortir les pires des horreurs avec classe et entrain… Après un petit soupir, elle se força à revenir à sa tâche en récitant comme un mantra « Rapport de mission, rapport de mission, rapport de mission ».

Elle contint un petit rire. Plus jamais elle n'entendrait ces mots de la même manière à présent. Une heure plus tôt, il s'était encore évanoui dans la nature pendant dix minutes, et avait surgi derrière elle sans faire de bruit. Il s'était penché sur son épaule pour lire ce qu'elle tapait, avec zéro sens de l'espace personnel.

Après avoir sursauté, elle lui avait demandé où il était passé, d'un ton bas et peut-être un peu sifflant, ce qui avait pourtant eu l'air de le ravir. Il avait répondu à son oreille (si près qu'elle pouvait sentir son eau de Cologne) « Vous voulez mon rapport de miction, inspectrice ? ». Il avait souri comme un débile, les yeux pétillants d'amusement bien content de sa blague. Bien bien trop.

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― Qu'est-ce que tu fais ici, Béatrice ?

Lucifer venait de pénétrer à l'improviste dans la salle d'interrogatoire. La fille échevelée de l'inspectrice portait un glorieux anorak rouge constellé de poinsettias et était assise devant la table qui lui arrivait juste sous les bras. Quelqu'un avait peint un museau de renne sur le visage de la pauvre gamine.

Alors que d'habitude, l'enfant se montrait très heureuse de le voir, cette fois, elle ne lui fit pas l'aumône d'un regard. Il n'aimait pas du tout les enfants mais là, il se sentait… un peu vexé.

La réponse tardait. Elle rejeta ses tresses derrière ses épaules et continua à crayonner consciencieusement.

― Maman m'a amenée.

Il leva les yeux au ciel. À question idiote, réponse idiote…

― Oui, mais pourquoi faire ?

― Pareil que pour toi !

― C'est à dire ?

― Me surveiller pour voir si je ne fais pas de bêtises, répondit-elle très sérieusement. Après, on va chercher des cadeaux.

Avant même qu'il ait eu le temps de savoir ce qu'il devait penser de cette remarque passablement clairvoyante, elle leva la feuille vers lui. Il y voyait le concept d'un énorme sapin vert pomme orné de boules gigantesques, qui s'étalait sur presque toute la place. A dix contre un, elle avait saigné le Stabilo à blanc en une fois. Au pied du catastrophique résineux, s'empilaient des petits cubes criards criblés de points jaunes, tout près d'un smiley planté sur un bibendum raide et surmonté d'un triangle. L'individu, vraiment pas gâté par la nature, tendait ses petits bras frêles vers le haut où la fillette avait inscrit "joïlleu noele" en grosses lettres tremblées.

― Pas mal, hein ? dit-elle fièrement. Ils vont être super contents. Bon, maintenant, la lettre.

Parce qu'il mourait d'ennui, Lucifer tira une chaise en plastique très inconfortable et s'y installa. Le dos droit, les mains posées à plat sur la table, il se pencha en avant sans prévenir, ses yeux noirs écarquillés et un sourire diabolique à la bouche.

― Béatrice Espinoza, vous avez été reconnue coupable de crime contre l'orthographe, et vous venez d'avouer sans contrainte que vous avez l'intention de récidiver. Est-ce que vous reconnaissez les faits ?

La petite dodelina ses tresses brunes et se gratta la nuque avec le capuchon de son feutre, affichant un petit air fataliste.

― En même temps, j'ai commencé l'ecriture il n'y a pas très longtemps, hein ? Mais il faut bien faire la lettre au Père Noël, sinon on n'a rien.

― Tu ne vas pas me dire que tu crois à cette ridicule mascarade. Le père Noël n'existe pas. C'est un mythe vaguement basé sur Saint Nicolas. Moi je l'ai connu et je peux te dire qu'il n'avait rien de très saint. Même si je suis très ouvert d'esprit, la façon dont Nicky appréciait les jeunes enfants ne me…

― Nan, bien sûr que j'y crois plus ! l'interrompit-elle. Mais maman oui. Elle m'en parle tous les ans depuis… des néons ! dit-elle en essayant de l'imiter. Moi, je ne veux pas lui faire de peine alors je fais semblant... Est-ce que tu crois que je peux faire une liste sans écrire tout le début et la fin ?

― Le début et la fin de quoi ? Je ne comprends rien à ce que tu dis.

― C'est très bizarre. Pour un grand, tu ne captes pas grand-chose. Alors je t'explique : je dois faire une lettre où j'écris ce que je veux comme cadeau, et puis on la met dans la boîte aux lettres. Ce n'est pas une boîte aux lettres normale, du dehors. C'est une boîte à chaussures avec un trou découpé au-dessus. Quelqu'un va piocher ma lettre, et devra trouver une des choses que j'ai écrites dessus. Je l'aurai après le 25, mais c'est pas grave.

Il leva encore les yeux au ciel, rajusta ses boutons de manchettes pour la forme et puis reprit encore son jeu.

― N'essayez pas de détourner l'attention, inculpée Espinoza… Vous avez une cagoule noire, et seuls les coupables en ont ! dit-il en la voyant prendre une nouvelle feuille, sans doute escamotée dans un tiroir de la photocopieuse complice. Bon allez, fais un effort, je m'ennuie et ta mère lambine sur ses dossiers. Tu n'as pas besoin de faire une liste, tu sais ? Tu peux me dire… quel est ton plus grand désir et que tu n'as jamais dit à tes géniteurs, mmh ?

― Oh bah, ça n'a pas changé. C'est comme d'habitude.

Nuque raide et sourcil haussé, Lucifer plissa les yeux en cessant de sourire. Mais comment ? Le truc du « plus grand désir » ne marchait pas non plus sur la fille de l'inspectrice ? Tout foutait le camp, décidément.

Pourtant pas décidé à s'avouer vaincu si vite, il réessaya encore avec une voix encore plus enveloppante et grave qui aurait fait frémir les entrailles de n'importe quelle femme qui passait à trois mètres de portée.

― Mais je t'ai dit, c'est comme d'ha-bi-tude. Du chocolat, clarifia-t-elle avec un large sourire heureux. Mais il faut que je mette aussi d'autres trucs. Comment ça s'écrit bien « couronne de princesse » et « déguisement d'astronaute » ?

La porte s'ouvrit brusquement derrière eux et le visage d'ange presque soulagé de maman Decker se défronça en apparaissant dans l'encadrement.

― Ah mais vous étiez là, Lucifer ! Je vous croyais parti en oubliant de prévenir. Vous n'embêtez pas Trixie, au moins ?

Elle contourna la table et vint se placer près de sa fille en lui déposant un baiser sur la tête. La petite ne fit pas durer le câlin plus de quelques secondes et rempoigna son stylo.

― Non pas du tout, t'inquiète pas, répondit-elle. Il joue à « faire parler le suspect », et moi pendant ce temps, j'ai fait un truc pour décorer et j'ai essayé d'écrire la liste. Je peux mettre « calendrier des pompiers » en plus, tu crois ?

Chloé fit voler sa queue de cheval blonde en lançant une œillade on ne peut plus suspicieuse à son consultant. Ce dernier leva les deux mains en l'air pour signifier qu'il n'y était pour rien mais son rictus plaidait pour le contraire. Elle mit gentiment la main sur l'épaule de sa fille, en murmurant « Fais-moi voir ».

― En ce qui me concerne, sachez que je valide totalement ce choix…

― C'est pas pour moi, maman, c'est pour Maze. Si j'en ai un, je lui donne… Elle m'a dit qu'elle n'avait jamais de cadeau à Noël.

― Mais c'est parce qu'elle n'est pas sage du tout, expliqua le Diable avec une triple couche de sous-entendus.

― Ah, je comprends mieux. C'est très gentil de ta part de penser à elle, approuva Chloé en pliant la feuille plusieurs fois très soigneusement. Viens ma puce, dépêchons-nous, on est dans les dernières. Après le tirage, on ira aider le père Noël en lui indiquant les cadeaux possibles, d'accord ?

En descendant de sa chaise, la fillette adressa un regard entendu à Lucifer assorti d'un petit mouvement de tête vertical (Tu vois ce que je t'avais dit ? Elle y croit !) et emboita le pas à sa mère en portant son œuvre picturale enroulée comme un parchemin.

.°.

Nerveux et impatienté, Lucifer s'agitait depuis cinq bonnes minutes. Il s'était adossé contre le mur du fond, tout près de la sortie et cherchait désespérément une échappatoire. Hélas pour lui, tout le monde se pressait pour entrer.

Quelques minutes plus tôt, Monroe lui avait fait promettre de rester, en affirmant haut et fort que tous les membres du poste étaient les bienvenus et cordialement invités. Même lui.

Un bureau vide avait été aménagé avec un sapin chichement décoré de toutes les navrantes babioles pas comestibles du calendrier de l'Avent. Enguirlandé par des loupiotes électriques bon marché, il présentait effectivement quelque ressemblance avec le dessin de la petite. Pour enfoncer le clou du mauvais goût, une trentaine de chaises en plastique maussade, extraordinairement similaires à celles des salles d'interrogatoire, étaient disposées en cercle autour d'un caisson à roulettes. Cette triste chose, en véritable insulte à la gent mobilière, manquait déjà cruellement de standing à la base, mais avec le napperon ridicule de la standardiste de nuit qui s'étalait dessus, c'était innommable… Et dire que les mioches béaient devant avec admiration !

En voyant la pièce bondée, il recommença à ronchonner et Chloé dût lui intimer le silence.

― Mais, est-ce que vous pouvez me dire pourquoi on attend ici, inspectrice ?

Elle le considéra avec étonnement et plus de douceur. Dans le bleu fascinant de ses yeux patients, il capta une once d'inquiétude, ou de regret, il ne sut pas très bien le définir.

― Mais… on ne vous a pas expliqué ? C'est l'Arbre de Noël du poste. Il a lieu tous les ans. Je sais que ça va vous paraître paranormal mais certains agents ont des revenus très modestes… Le matin, il y a la distribution : les enfants en dessous d'un certain âge vont recevoir un cadeau, et l'après-midi, il y aura une sortie, une petite attraction ou un spectacle. C'est toujours un merveilleux moment. Regardez, Trixie a posté !

Lucifer fit la grimace et sortit sa flasque de poche pour s'accorder une lampée de liqueur, histoire de porter quelques toasts à son endurance.

― Bon, si vous voulez ; mais moi je n'ai pas d'enfants, alors je peux y aller ?

― Rien ne vous oblige à rester, répondit-elle avec déception. Pour Dan et moi, c'est différent. Nous pouvons mourir dans l'exercice de nos fonctions, n'importe quand. Le sort des orphelins de la police nous affecte forcément. L'idée que la maison prendra soin de Trixie, si par malheur ça se produisait ; qu'elle aura une bourse pour payer ses études ; ou tout simplement qu'elle puisse avoir peut-être une fois dans l'année un témoignage de soutien et un petit moment de joie, c'est… C'est très réconfortant pour moi. Il n'y avait pas ça à mon époque.

Le rappel brutal et déplaisant de sa condition de mortelle le piqua à vif, tout comme le constat qu'elle envisage la possibilité de disparaître sans laisser voir plus qu'une fugitive émotion. Le Diable afficha un sourire de façade crispé et déglutit.

― Mais il n'y a pas à avoir peur, inspectrice, votre rejetonne n'aura jamais à vivre ça. Vous savez comment ça se passe, je prends les balles et vous… vous survivez.

Elle lui adressa un petit coup d'œil troublant qui le laissa désemparé. Qu'est-ce qu'il avait encore bien pu dire ? Elle baissa un peu les paupières, effaçant un pâle sourire et une roseur délicate pour murmurer en direction du sapin :

― Chut, ça commence.

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La cheffe divisionnaire passa parmi eux tous pour leur faire piocher un papier. Le Diable reprit un coup de gnole pour supporter le spectacle interminable, pestant à chaque tirage qu'il perdait son temps et qu'il avait du travail qui l'attendait au Lux. Au bout de quelques instants, Chloé prit sur elle, croisa les mains et se tourna vers lui en demandant avec un charmant sourire - impatienté :

― Dites-moi Lucifer, est-ce que vous avez lu Dickens ? Parce que sinon j'ai peut-être une idée de livre à vous offrir.

Quand ce fut son tour, Chloé tendit la main pour récupérer une liste. Dan arriva en courant sur ces entrefaites, s'excusant d'avoir été retenu lors d'une audience préliminaire. Il piocha l'une des trois dernières, la capitaine en garda une et donna celle qui restait à Lucifer. Indigné, ce dernier ouvrit la bouche mais Chloé lui donna un vigoureux coup de coude dans les côtes pour que rien n'en sorte. Le Diable lui adressa un petit coup d'œil de travers et accepta avec un sourire de façade.

― Allez, l'encouragea-t-elle pendant que les policiers sortaient, ça ne mord pas, ouvrez-le. Ne faites pas l'enfant.

― Dites, maintenant que j'y pense, j'ai été abandonné par mes deux parents, ça me donne droit à quelque chose ?

Dan prit connaissance des vœux indiqués sur ce qu'il venait de piocher et secoua la tête en s'esclaffant. Puis il marcha jusqu'à Lucifer, arracha la feuille des mains de ce dernier et lui plaqua celle dont il avait écopé sur ses pectoraux recouverts d'une fine popeline.

― Désolé vieux, celle-là t'est adressée personnellement, je vais plutôt m'occuper de celle-ci, dit-il en agitant ce qu'il venait de subtiliser. Trixie ma puce, bonne nouvelle, ce n'est pas moi qui ai eu la tienne comme la dernière fois !

― Cool ! commenta la petite en se disant qu'elle n'aurait sans doute pas de gâteau.

Lucifer décolla la feuille de sa poitrine en se demandant ce que l'inspecteur Ducon avait encore inventé comme crétinerie, et ses yeux tombèrent sur le début du courrier :

"Dear Satan, I hope this letter will find you well…"

― Ha-ha-ha. Très drôle. C'est la journée des petits analphabètes… grinça-t-il, surtout parce qu'il n'aimait pas que Dan l'appelle « vieux ».

― Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? demanda Trixie.

― Le petit garçon ou la petite fille a dû se tromper en écrivant « Santa ». Mais Lucifer ne lui en tiendra pas rigueur, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ? répéta-t-elle en le fixant avec insistance. Allons-y maintenant, tant qu'il reste encore quelque chose dans les magasins.

Lucifer les regarda partir, mi-figue mi-raisin, pratiquement décidé à jeter ça dans la première poubelle dès qu'elles auraient le dos tourné. Mais il sentit les regards d'Olivia Monroe sur lui alors qu'elle s'approchait pour le remercier chaleureusement en se disant ravie qu'il ait bien voulu jouer le jeu.

Il s'abstint de lui répondre qu'il y avait bien d'autres jeux auxquels il aurait préféré rejouer avec elle, sourit encore hypocritement et fourra la lettre dans sa poche. Saluant à la cantonade, une fois revenu dans l'open space, il quitta les lieux.

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Sa précieuse corvette noire rutilait sous les lampes glauques du parking. Une fois au volant, il alluma le moteur puis la radio... à peine plus de trois secondes, pour couper court à l'omnipotente Mariah Carey qui s'époumonait en trilles sirupeuses. Il sortit le bout de papier de sa poche pour le froisser en boule.

Mais son œil fut accroché par une esquisse présente sur la deuxième moitié de la feuille. Elle représentait un visage de femme, plutôt bien exécuté. C'était un talent qu'il n'avait pas mais il savait reconnaître un bon coup de crayon.

"... J'espère que tu vas bien.

Alors je m'appelle Simon Kartenhalter et je ne veux pas de choses chères pour Noël ou des cadeaux sous le sapin. Je ne sais pas si tu peux réaliser plutôt un vœu, je voudrais juste que tu retrouves ma maman. Elle a disparu et elle me manque beaucoup.

J'espère que ça ne sera pas trop difficile parce que les anciens collègues de papa, ils n'y arrivent pas du tout. Je t'ai fait un dessin pour la reconnaître. Merci beaucoup,

Simon.

PS : au fait, j'habite à Los Angeles. Va voir l'assistante sociale qui sait où. Le GPS de ton traîneau devrait trouver."

Lucifer considéra le portrait sous tous les angles. Avec un peu de chance, Mme Kartenhalter était charmante… Peut-être se montrerait-elle reconnaissante aussi ? Ce serait mieux que rien.

Même s'il n'était pas du tout né en décembre, l'anniversaire de son jeune frère, le petit chouchou de Papa, mettait toujours Lucifer d'humeur exécrable. La perspective de ne plus voir l'inspectrice pendant plusieurs jours de vacances aussi.

Il ralluma la radio avec un soupir et manœuvra pour sortir et regagner son penthouse, nid d'aigle pour un ange pas sage dominant toute la ville. Et tandis que s'épanouissaient contre les murs les roucoulements célestes de la diva, sans qu'il ne sût pourquoi, il entama malgré lui un contrechant.

All I want for Christmas, is youuuuuuuu!

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Le lendemain matin de bonne heure, Chloé seulement venue pour prendre des dossiers qu'elle avait l'intention d'étudier de chez elle, trouva son partenaire à son bureau à elle, le nez sur l'écran, qu'il ne lâchait du regard que pour taper laborieusement à deux doigts sur le clavier.

― Lucifer ? Vous pouvez me dire ce que vous faites ici, un 23 décembre, à huit heures moins le quart du matin ?

― Oh, bonjour inspectrice. Rien… Enfin, j'utilise la base de données de la Police pour chercher quelqu'un. Ne vous inquiétez pas, je ne renommerai pas tous vos fichiers comme la dernière fois… Je ne devrais pas en avoir pour longtemps.

― Mais… Vous n'êtes absolument pas habilité à faire cela, voyons ! Et… où avez-vous eu mon mot de passe ?!

― Je pensais que vous apprécieriez que je suive bien la procédure, commenta-t-il avec un coup d'œil à la fois surpris et chagriné.

― Je vous accorde que cela partait d'un bon sentiment mais vous seriez mis en prison si ça se savait, donc fermez ça immédiatement avant qu'on ne vous voie.

― A-a-a, ma très chère inspectrice, vous m'empêcheriez de tout mettre en œuvre afin de satisfaire le vœu de Noël d'un pauvre petit orphelin ?

Et avant qu'elle ne proteste encore, il leva la lettre du petit Simon pour qu'elle en prenne connaissance. Elle affichait un mince sourire quand elle la lui rendit. Les beaux yeux sombres de ce diable d'homme reflétaient sa malice habituelle mais aussi quelque chose d'autre de plus troublant. Une quête d'approbation ? Qu'avait-il dit, la veille, à propos de ses parents qui l'auraient abandonné ?

Une partie d'elle se répondit aussitôt par « On se demande bien pourquoi ! », une autre plus compatissante émit un « Voilà expliquerait bien des choses ». Mais elle chassa l'idée qu'il puisse faire tout cela pour cacher qu'il en avait souffert. C'était trop banal et il détestait la banalité.

― Bon, d'accord, je vous accorde trois heures, mais attendez au moins que je sois là pour prétendre que vous agissez sous ma supervision. Je dois être rentrée à midi et j'ai des dossiers à lire.

― Qu'à cela ne tienne ! Lisez-les ici où je serai soumis à votre plus totale, insistante et tatillonne supervision…

Elle soupira. Jamais elle n'arriverait à se concentrer s'il continuait ses pitreries. Elle se laissa tomber sur une chaise toute proche et croisa les jambes pour y poser un premier dossier en équilibre.

Et contre toute attente, pendant plus d'une demi-heure, il sembla éplucher les avis de recherche, les dossiers des personnes disparues, les entrées à la morgue, les mises en garde à vue et incarcérations avec le plus grand sérieux… Elle était ravie et presque impressionnée.

Voyant qu'elle parvenait à lire car il restait tranquille, elle ouvrit son tiroir et se saisit d'un bloc-notes et d'un crayon, pour résumer les dépositions contradictoires qui émergeaient sans cesse sur leur dernière affaire.

― Inspectrice, vous me déconcentrez, protesta-t-il au bout d'un moment. Vous n'arrêtez pas de croiser et décroiser les jambes, de mordiller le bout de votre stylo et d'être terriblement sexy… Je n'arrive pas à penser à autre chose et c'est un supplice. Vous ne voudriez pas vous installer plus loin là-bas, à la table de votre ex ?

Elle allait réagir avec humeur face à un tel toupet quand soudain, son sourire s'élargit.

Qu'il sache un peu ce que ça faisait ! Elle se pencha tout près de lui, pour attraper son agrafeuse en effleurant sa main, et resta un bref instant à quelques centimètres de sa joue râpeuse. Puis, elle répondit lentement tout bas d'une voix grave, et non sans perversité :

― Non.

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Vers midi, elle déclara que c'était assez. Elle était touchée par son air un peu sombre qui sentait le « même pas mal » à plein nez, lorsqu'il dut reconnaître que tout cela n'avait conduit à aucune piste concluante. Elle l'assura qu'il avait fait de son mieux mais qu'il n'allait certainement pas résoudre en trois heures l'affaire des collègues d'un autre service qui patinait depuis des semaines.

― Ce n'est pas suffisant, répondit-il, songeur.

― Mais non Lucifer, je vous ai vu procéder exactement comme il fallait et dans le bon ordre, au point que je finirais par croire que vous prêtez réellement attention à ce que je fais quand je le fais…

― Inspectrice, sachez bien que je suis extrêmement attentif à chaque chose que vous pouvez dire ou faire. Mais vous devez rentrer pour préparer vos vacances en famille... Je suppose qu'on se voit le 26 ?

En le regardant partir vers sa voiture noire et allumer la radio à fond avec l'air de quelqu'un qui va commettre un mauvais coup, elle se demanda si elle n'avait pas eu tort de prétexter une obligation qui l'oblige à rentrer tôt. Son bain moussant relaxant aux huiles essentielles, aurait pu attendre une demi-heure de plus. Il fallait la comprendre. Jamais elle n'allait mentionner cela devant lui, sous peine qu'il se mette à ressasser sans fin la fois où, au sortir de sa douche, elle l'avait pris pour un cambrioleur, tenu en joue avec son arme de service et où sa serviette avait glissé.

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Veste à l'épaule, Lucifer descendit allègrement les escaliers menant au bar du Lux silencieux, fermé à cette heure de la journée. Le principe d'un night-club, comme son nom l'indiquait, c'était de fonctionner grâce aux oiseaux de nuit… Derrière le comptoir, l'œil velouté d'abord orageux puis luisant de désir en voyant son maître arriver, Maze faisait semblant d'être occupée. Comme elle le connaissait bien, elle déduisit vite qu'il avait quelque chose à fêter, sortit un verre et lui versa son poison favori. Il la remercia avec un large sourire, avant de tout avaler en faisant claquer sa langue, puis le verre à whisky sur le comptoir.

― Maze ! déclara-t-il avec une infernale bonne humeur. J'ai passé la matinée à suivre la méthode ennuyeuse de l'inspectrice pour retrouver une personne disparue. Ça n'a rien donné !

Il se frotta les mains de satisfaction, irradiant d'excitation rien qu'en anticipant ce qui allait venir.

― Maintenant, on va faire les choses à ma façon. La chasse est ouverte !

Toute vibrante, la démone brune à la sombre beauté posa sa main sur sa hanche revêtue de cuir noir. Haussant son sourcil tailladé, elle mordit sa lèvre inférieure toujours peinte d'un rouge intense. Evidemment qu'elle allait être intéressée !

― Et… je peux aider ?

― Ah, mais c'est pour faire une bonne action, l'avertit-il d'un air faussement contrit. Toujours partante ?

― A priori… non. Mais est-ce qu'il y aurait une possibilité de violence au menu ? Ou au moins de l'intimidation musclée ?

― Certainement. Il y en a qui vont essayer de me tromper par cupidité ou de me prendre pour un imbécile. On pourrait partager équitablement pour leur faire entendre que c'est une grave erreur de calcul.

Maze creusa ses joues avec une moue de délectation.

― Banco ! ronronna-t-elle.

― Très bien. Fais passer le mot aux bonnes personnes que je recherche une détenue évadée dont la tête est mise à prix, mettons, à dix mille. Elle m'a volé quelque chose de précieux auquel j'accorde une valeur sentimentale. Précise bien que je la veux vivante et en un seul morceau, bien entendu et… que j'offre euh… cinq cents de plus à toute personne qui donnera une info sûre permettant de la retrouver. Je double la mise pour qui me la ramènera en personne, je triple si elle est là dans deux jours… Je n'y crois pas trop mais je t'autorise à laisser entendre que je quadruple si c'est demain. Compris ?

― Limpide. J'ai le droit de jouer moi aussi ?

― Ne t'en prive pas.

Lucifer s'accouda au bar en la regardant lascivement grimper les marches, et absolument certain qu'elle ferait son possible. Elle dépassait toujours ses attentes.

Il ferma les yeux et frissonna en imaginant la surprise de Chloé quand il reviendrait au poste avec Beth Kartenhalter au bras, et que mère et enfant pleureraient de soulagement et de bonheur en tombant dans les bras l'un de l'autre, devant tout le commissariat réuni qui applaudirait...

Il espérait juste que son « mandat d'amener » n'ait pas été lancé trop tard et que la jolie maman soit toujours en vie et pas en train de moisir dans un tonneau.

Il frissonna aussi à l'idée de toute la brochette des vénaux indignes qu'il allait pouvoir « tancer ». Du cinglé abusif qui la séquestrait peut-être. Du proxénète qui l'avait peut-être déportée pour faire du trafic d'humains… Délations, coups en traître, entre-exécution des concurrents – ce qui ferait toujours moins de travail pour sa chère inspectrice. Oui, la journée promettait d'être passionnante.

Que cela ait été par erreur ou pas, il avait été invoqué comme Satan, le grand accusateur. Un être lui avait avoué son plus grand désir. Pas de chance, c'était le vœu d'un enfant pur, on ne gagnait pas à tous les coups… Mais comme il avait l'intention de garder sa BA secrète, le contrat était valide et il était tenu de l'honorer. Car s'il était une chose fort intéressante et méconnue à son sujet, c'était que le Diable respectait toujours sa parole.

Bien trop souvent.


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Notes

J'ai pioché ce trop séduisant titre-concept dans une fanfiction anglaise plus longue, lue il y a des années. Hélas, je n'arrive plus à la retrouver sur FFnet et ne puis rendre à Cesar... Mais comment résister à l'idée d'utiliser ce titre et d'en écrire une en cette période ?


Le livre que Chloé voudrait offrir à Lucifer est "Le drôle de Noël de Scrooge" où un vieux grincheux égoïste peste contre cette fête qu'il veut passer seul. Un classique.


Le début de la lettre du petit Simon est tiré de la chanson de Mariah Carey "All I want for Christmas". Jugez plutôt : I don't want a lot for Christmas / There is just one thing I need / I don't care about the presents underneath the Christmas tree / (I just want you for my own / More than you could ever know) / Make my wish come true...





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