Le début du jeu

Chapitre 4 : Battre les cartes

7728 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 19/04/2020 22:21


Bonjour, ou bonsoir,

Je suis désolée du retard de ce chapitre, et remercie les quelques-uns qui auront eu le courage de continuer à lire cette histoire ! Bien entendu, le prochain chapitre ne mettra pas autant de temps à paraître !

Je tiens également à remercier BakApple, qui a eu la gentillesse de bien vouloir corriger le texte !

Sur ce, bonne lecture tout de même, j’espère !


Battre les cartes


Une fine bruine glacée s’écoulait lentement des bas nuages gris aux courbes veinées d’un ébène profond, lourde d’un mélange de pollution et de tensions issues d’un orage disparu aussi soudainement qu’il fut venu. S’abattant sur la ville encore endormie, choquée des évènements de la veille, en un rideau aussi dense qu’il se révélait fin, elle occultait toute possibilité de voir à plus de trente pas devant soi. Les silhouettes des rares personnages osant s’aventurer à l’extérieur tels les badauds venant s’enquérir des dernières nouvelles croustillantes en visitant les restes encore tièdes de la Tour Stark, ou forcés de quitter le confort de leur chez-soi pour se rendre à leur travail ou quelconque autre tâche ne pouvant attendre, transperçaient soudainement ce voile moite, comme surgies de nulle part. Tout aussi brutalement, elles retournaient dans les méandres du brouillard matinal, le son de leur pas pressé étouffé par l’atmosphère ouatée.

Depuis la destruction de la Tour Stark, la veille, pas un rayon solaire ne parvint à percer l’opaque couche nuageuse, celle-ci ne cessant de détremper le goudron. Craquelé par endroits, ce dernier disparaissait presque entièrement aux alentours de la catastrophe, laissant à nu les réseaux souterrains de câbles, égouts et autres participants à l’activité sous-jacente de la ville, comme autant de plaies ouvertes béantes à la vue des passants accélérant prestement le pas, seuls témoins encore visibles de la violence des récents évènements. Le silence régnait en maître, la circulation ayant été coupée sur plusieurs kilomètres à la ronde, le temps de déblayer la zone et réparer les dégâts causés. Seuls quelques écrans à travers les vitres d’un café, ou d’un habitant trop sourd pour garder sa vie privée personnelle, le troublait en diffusant en boucle les dernières nouvelles. La disparition de Tony Stark occupait toutes les chaînes, parfois entrecoupée d’images choc de l’effondrement de sa Tour, puis une flopée d’interviews de spécialistes en climat, terrorisme, et même un philosophe venant compléter le tableau. Néanmoins, par moments, le bruit du moteur d’un journaliste venu en moto, en quête de croustillants inédits, déchirait l’engourdissement ambiant, rapidement poursuivi par des exclamations furieuses venues des gorges d’agents de sécurité furieux autant de l’entrave, que de s’être fait avoir.

Assez incongrûment, Steve eut l’impression que les frimas du mauvais temps matinal semblaient adresser un avertissement muet aux immenses immeubles de New York, dont les imposantes masses métalliques semblaient vouloir tutoyer de plus en plus exagérément le ciel, en leur retirant la possibilité d’être « admirés » par le commun des mortels. Probablement une manière d’empêcher son cerveau de surchauffer, tant nombre de sujets envahissaient son esprit.

Les Skrulls, la mission confiée par Tony, Laurence Spyglass, l’orage frappant précisément la Tour… Et maintenant, la brume qui paraissait ne jamais vouloir se lever… Il n’aurait su l’expliquer, seulement il sentait que quelque chose clochait, et pas seulement parce que la météo se trouvait détraquée. Une impression des plus naïve, rien n’allant depuis son arrivée à New York, mais partagée par ses camarades. Bien qu’ils n’aient eu l’occasion d’en parler entre eux, à l’exception de quelques phrases et conjectures maladroites.

Poussé par un coup de coude entre les côtes, généreusement offert par Natasha, il cessa de dévisager la carcasse restant de la demeure du plus célèbre des milliardaires, releva au maximum la capuche de son sweat afin de protéger son visage (autant de la pluie que pour éviter que sa présence ne soit découverte dans cette rue précisément). À ses côtés, l’espionne rousse fit de même, tandis que Clint, sur sa droite, marmonnait entre ses dents sur la bruine devenant de plus en plus froide. Si Steve avait vraiment eu le choix, il aurait laissé l’un des deux anciens agents du SHIELD pour couvrir leurs arrières. Cependant, Tony fut très clair à ce sujet : toutes les forces ramenées par le Captain de leur exil devaient se joindre à lui, car le directeur de SHIELD ne comptait pas répéter cent fois ses explications. Quelles que puissent être ces explications, justement, la promesse de plus amples explications une fois sur les lieux lui ayant été faite.

Trempé jusqu’aux os, il ressassa une fois encore les quelques paroles échangées la veille avec l’ingénieur, quelques heures à peine après la destruction de la Tour et sa soi-disant disparition. Une voix grave demandant s’il était libre pour le lendemain matin, dès que possible. L’adresse donnée, dans un petit quartier trop éloigné pour se trouver réellement atteint par les évènements de la veille, tout en restant suffisamment proche pour se tenir presque en direct du déroulement des opérations de secours. S’il fut légèrement surpris d’avoir la preuve irréfutable de la survie de l’homme, Steve ne s’en trouva pas non plus excessivement retourné, réalisant que jusque là il préférait nier les informations relayées en boucle dans les médias afin de ne pas y croire. Par contre, être contacté si tôt, et pour prévoir la suite des opérations sans tarder, cela le faisait s’interroger sur la résistance de Tony Stark. À croire que l’homme était increvable.

– Et comment va-t-il réagir quand il verra que nous ne sommes que trois, sans Wanda ni Lang ? fit Natasha, aucune émotion particulière ne filtrant sur son visage.

En réalité, si Steve se fiait uniquement aux réactions de sa camarade, il aurait pu croire que la pluie n’était que fruit de son imagination, tant elle semblait ne pas s’apercevoir que ses vêtements étaient assez mouillés pour que le froid transperce la couche de tissu pourtant épaisse.

Une constatation n’étant guère partagée par Clint, l’archer soufflant sans cesse sur ses poings serrés.

– Je me demande plutôt quand est-ce que l’on arrive, marmonna ce dernier. Encore quelques degrés de moins, et ce sera de la neige qui tombera sur nos têtes. Encore que, je suis presque certain que les flocons seraient bien plus supportables que ce froid.

Si les Skrulls infiltrèrent les forces du SHIELD des mois auparavant, qu’est-ce qui lui prouvait que Tony en personne n’était pas un agent infiltré, ayant profité de la confusion pour prendre la place du plus fervent opposant de leur peuple ? Peu probable, à moins que les extraterrestres n’aient récupéré le téléphone portable que le soldat confia à Tony, quelques années auparavant. Ce qui supposait au minimum une attaque au corps-à-corps avec le milliardaire. Auquel cas ce dernier aurait préféré supprimer toute chance de contacter le super-soldat en détruisant l’appareil, plutôt que de le laisser aux Skrulls.

Oui, mais s’il n’eut le choix, mis à terre par un contingent de ces envahisseurs ? À supposer que ceux-ci aient été disposés à se sacrifier, conscients de ne pouvoir s’échapper du chausse-trappe réservé à l’ingénieur avant la destruction de son habitat. En échappant aux journalistes et aux innombrables badauds ?

Secouant la tête, Steve se força à penser à autre chose. Hors de question de se laisser envahir par le doute. Cela détruisait de l’intérieur le SHIELD, il ne laisserait pas la même chose lui arriver. Même si d’un ordre donné à la bonne personne, il pouvait se retrouver derrière les barreaux, tout comme Clint et Natasha…

– Encore cette satanée extraterrestre, soupira justement l’archer.

Arrêté au beau milieu du trottoir, en dépit de la pluie qu’il invectivait depuis son lever, l’ancien agent du SHIELD observait l’un des écran géant diffusant les dernières actualités, une colère mêlée de frustration contractant douloureusement sa mâchoire. Se passant une main sur le front, grimaçant, Steve retint fermement sa capuche, menaçant de se retrouver abaissée par un brutal coup de vent venue du fond de la ruelle. Cependant, il ne fit pas même mine de se tourner vers la lumière blafarde projetant son aura artificielle sur les façades les plus proches, créant des ombres fantasmagoriques proches des croque-mitaines issus des contes pour enfant. Il savait déjà ce qu’il y verrait. L’espionne rousse partageait visiblement son avis, sauf qu’elle observait avec un intérêt calculateur les images défilant sur le plasma, comme cherchant le moindre indice pouvant faire avancer leur enquête.

À l’aide de force gestes réservés, que les deux espions habitués aux manigances devinaient des plus calculés, Laurence Spyglass hochait affirmativement la tête à l’intention du présentateur d’un talk-show médiocre, qui profita de cette inopinée invitée pour doubler, voire tripler ses taux d’audience. Avant de reprendre d’une voix tremblante, mais déterminée, ses allégations concernant l’implication du trio dans les évènements de la veille, les yeux légèrement écarquillés comme si elle-même ne parvenait à totalement croire ses paroles. Le hors-la-loi Captain America, accompagné de deux complices, venant s’en prendre à une consultante juridique du SHIELD alors qu’elle prenait un repos bien mérité suite à une lourde journée de travail, juste avant l’attaque du leader des Avengers. Tony Stark (un portrait le représentant s’affichant à l’écran, occupant une bonne moitié de l’espace, avant de revenir sur l’invitée du jour, Spyglass faisant le tour des plateaux de télévision depuis des heures), l’homme les ayant poursuivis trois ans plus tôt pour les confier à la justice. Devant son refus de faire pression sur les tribunaux en utilisant son accréditation au SHIELD, Captain tenta d’employer une méthode plus directe afin de parvenir à ses fins, terrorisant au passage une vieille servante à trois mois de la retraite, désormais affreusement choquée. Parvenant à s’enfuir, la courageuse blonde appela à l’aide les autres clients de la maison de thé, qui n’hésitèrent pas à s’interposer entre son agresseur et elle, malgré les talents réputés du super-soldat et des deux espions. Une solidarité qui ne fut suffisante, hélas. Quelle chance qu’une femme, fuyant la férocité des assaillants, parvint à prévenir la police avant de se faire à son tour capturer !

– Peut-être aurais-je dû décliner mon identité, soupira Natasha sans réelle conviction.

– Cela ne servirait à rien, à part crédibiliser le discours de Spyglass, affirma Steve. Et nous ne pouvons pas parler de la possible invasion Skrull à la police, pas encore.

Reniflant bruyamment, Spyglass baissa piteusement le museau, détournant son visage des caméras tout en essuyant « discrètement » une petite larme ayant échappé à son contrôle. Le présentateur venant lui serrer l’épaule en l’encourageant à continuer, une spécialiste en politique américaine conseillant même une infusion de camomille pour calmer ses futures crises de nerfs, et l’aider à dormir le soir. Remerciant ses bienfaiteurs, la Skrull déguisée affirma avoir vu sourire le trio infernal lors de la destruction de la Tour, affirmant que leur travail était fait et qu’ils pouvaient partir. Avant d’ajouter, un index pensivement déposé sur ses lèvres relevées d’un trait de gloss, que peut-être le bruit de l’effondrement déforma les paroles des protagonistes. Elle ne pouvait croire que les héros de la nation soient devenus si versés dans le terrorisme ! Personne n’ayant prononcé ce mot jusque là, la spécialiste politique, une certaine Laura d’Atuan, sauta sur l’occasion de définir précisément ce qu’était le terrorisme, débattant avec les autres invités de la nature de cet attentat contre Tony Stark. Une revendication fut-elle déposée ? Laurence avait-elle entendu plus de détails ?

Déplorant son ignorance, et son manque de professionnalisme impardonnable, l’intéressée ferma péniblement les paupières, les rouvrant presque immédiatement comme pour ne plus voir d’horribles images. Rassurée une fois de plus, elle tenta un timide sourire, se demandant une nouvelle fois si Captain America, symbole patriotique par excellence, pouvait basculer du mauvais côté.

– On devrait revenir dans ce repaire de Skrulls, pour en faire prisonnier autant que possible. Comme ça, nous aurons quelque chose à interroger quand nous serons devant Tony, plaida Clint.

Se détournant des informations, encore occupées à déterminer si l’adjectif terroriste était approprié, l’archer rejoignit ses compagnons en trois enjambées souples, enfonçant les poings au fond de ses poches.

– Le plus problématique étant que New York est désormais au courant que nous sommes de retour, et nous croit responsables de ce désastre, soupira amèrement Steve.

Manipuler l’opinion publique fut une tactique considérée comme lâche par le super-soldat, qui abhorrait ce type de coups bas. Et hors de question de faire un démenti, tant qu’ils n’auraient de preuves irréfutables en leur possession, sans parler des risques encourus par Tony en les soutenant publiquement. Quelque chose que Steve ne lui demanderait jamais de faire, trop conscient du poids des responsabilités pesant sur seulement deux épaules. Le directeur du SHIELD se fiait à lui, et à sa discrétion, offrant une chance aux renégats de revenir dans les sentiers de la loi ; ayant trahi une première fois ses engagements en laissant Spyglass répandre son venin, il n’avait guère l’intention de le décevoir une nouvelle fois. Et encore moins d’abandonner sa mission sous prétexte que les autorités étaient contre lui. N’était-ce pas exactement sa vie depuis trois ans ? Plus jamais il ne fuirait, à présent que ses compagnons de galère avaient été libérés de leur prison. Enfin, autant que possible, mais Steve s’efforçait de remplir ses obligations vis-à-vis d’eux.

– C’est certain, mais tant que les médias resteront braqués sur Spyglass et les restes enfumés de la Tour, les promesses de venir nous mettre derrière les barreaux resteront des vœux pieux. Il suffit de rester prudents en évitant les lieux fréquentés, pendant que tout le monde s’indigne, pour nous faufiler sans être remarqués, fit remarquer Natasha, sa démarche chaloupée n’attirant pas un seul regard masculin, braqués sur l’écran géant.

Clint ricana, levant les yeux au ciel en jetant un regard mauvais au ciel.

– Ouais, ben je ne vais pas non plus remercier cette garce et ses petits copains de détourner l’attention.

– À moins que ce ne soit justement son but. Comme ça, la population se concentre sur notre traque, répondit faussement distraitement Natasha.

Au contraire, elle observait Steve du coin de l’oeil, le super-soldat ne parvenant à déchiffrer son expression.

– Raison de plus pour rendre une petite visite à la maison de thé, pendant qu’ils sirotent leur eau chaude en nous croyant occupés à fuir, argumenta vivement l’archer, tapant le poing contre sa paume.

Avant de rentrer une nouvelle fois les doigts bien à l’abri dans les poches de son pantalon d’un bleu foncé passe-partout. Personne ne se retourna seulement suite à l’éclat de l’homme, pianotant à une vitesse folle sur leurs téléphones portables, ou tenant au courant leurs proches en pause de travail.

– On ne boit pas de thé, dans une maison de thé, corrigea distraitement Steve.

Il ne prêta guère attention au grognement agacé de son vis-à-vis. Sous son regard s’étalait, en lettres noires sur lesquelles la peinture s’écaillait par endroits, le nom de la « rue des Martyrs ». À partir de cet endroit, avait dit Tony, il leur suffisait de trouver un bâtiment de granit, aux murs blanchis à la chaux, à quelques pâtés de maison de l’église. Tendant le cou, Steve repéra le clocher pointue de l’édifice religieux, imité par Natasha. Reprenant sa marche, il se dirigea résolument vers son point de repère.

En quittant l’artère goudronnée aux larges trottoirs, ils débouchèrent sur une petite avenue longea les quartiers aux nombreux toits-terrasses s’agglutinant les uns contre les autres, apostrophés par des vendeurs de hot-dogs traînant leurs chariots colorés en tons criards parfaits pour attirer l’attention, leurs baratin persuasif rapidement couvert par le bruit de marteaux-piqueurs résonnant dans le lointain. De chaque côté de la rue s’étendaient d’imposantes façades dans les tons ocre et sable, déclamant leur appartenance à tel magasin de vêtements, concurrencé par un petit restaurant typique à l’enseigne débordant sur celle de son voisin. Un groupe de touristes parlant un anglais d’un accent coupé au couteau se pressait devant l’étal d’un vendeur à la sauvette proposant les traditionnelles figurines miniatures de la statue de la liberté, jouxtant toute une panoplie de t-shirt et chapeaux géants aux couleurs du drapeau américain. Seul l’un d’entre eux se désintéressa des folles rumeurs ambiantes, circulant avec passion au sein de ses camarades, pour jeter un coup d’œil aux trois andouilles continuant de marcher sous la bruine devenant de plus en plus dense. S’attardant un peu plus sur la silhouette élancée de Natasha, un regard d’avertissement de la part de Clint le persuada de revenir à ses préoccupations premières, une attitude bravache n’ayant eu pour effet que d’attiser le ressenti de l’homme qui menaçait de venir le trouver pour s’expliquer face-à-face.

Bien évidemment, l’espion n’aurait jamais pris ce risque, cependant il se savait assez impressionnant, en dépit de sa petite taille, pour dissuader la plupart des indélicats. Un sourire au coin des lèvres, Natasha croisa les bras d’un air néanmoins désapprobateur qui n’atteignit pas ses yeux.

– Je n’ai pas besoin d’un preux chevalier. À te comporter ainsi, tu vas attirer l’attention.

– Qui te parles d’un vieux croûton médiéval ? rétorqua Clint, vérifiant une dernière fois que l’opportun abandonnait la partie.

– Sûr que Laura adorerait te découvrir aussi gentleman avec d’autres femmes.

– Laisse mon épouse en-dehors de ça, soupira l’archer, le regard se perdant dans le vague.

Comprenant la réaction de son ami, Steve vint lui serrer amicalement l’épaule.

– Je suis certain que bientôt, vous serez réunis, ces trois dernières années derrière vous.

– Que ton dieu t’entende, fit simplement l’autre, lui signifiant ainsi qu’il ne souhaitait s’étendre sur le sujet.

Forcés d’attendre une poignée de minutes devant un WALK interdisant de traverser la route, ils pénétrèrent dans une rue perpendiculaire, plus étroite encore que la précédente, entrant dans ce qui ressemblait à un bloc d’habitations. Le béton et le verre agrémentés d’une flopée d’affiches publicitaires cédèrent lentement la place à des maisons avec lucarnes et balconnets, possédant un charme désuet qui mit Steve bien plus à l’aise que les quartiers populaires bardés d’immeubles culminant tous plus haut les uns que les autres, la silhouette gothique de l’église projetant son ombre sur le ciel encore chargé de nuages si fins qu’ils paraissaient s’effilocher au moindre coup de vent ; pourtant, il n’en était rien.

– Je crois bien que c’est là, fit soudainement Clint, pointant le doigt vers l’une des rares façades de granit, parmi un ensemble de maisons majoritairement composées de bois légèrement penchées.

D’un hochement de tête, Steve adhéra à la déclaration de son ami, consultant brièvement Natasha du regard. Remarquant le mince trouble voilant ses prunelles, il fronça les sourcils, intrigué.

– Clint a raison, déclara-t-elle d’une voix exempte de tout doute.

– Que t’arrive-t-il, Nat’ ?

– Il s’agit d’une des planques que j’ai partagé avec Fury, il y a bien une éternité…

– Quoi ? Et comment ça se fait que je n’ai jamais entendu parler de ça ? s’étonna Clint.

Aucune colère ou vexation dans sa voix, constata Steve, simplement une curiosité honnête. Intérieurement, il l’admira de se montrer si serein en apprenant que sa camarade lui cachait ce genre de choses, alors que les deux espions étaient censés faire équipe depuis des années. Avant de se rappeler qu’en tant qu’espions, ils devaient bien accepter que certaines choses restent secrètes, même entre eux. Pour autant, la réaction instinctive montrait qu’il pensait avoir une plus importante intimité professionnelle avec la rousse. Si seulement Tony et lui avaient pu se montrer si sereins face à leurs propres secrets…

– Nous surveillions un hangar, à quelques pâtés de rue, contenant le prototype d’un missile balistique plus destructeur encore que ses prédécesseurs. Un piège que nous étions censés avoir tendu, répondit-elle évasivement. Seulement, nous nous sommes fait doubler, à cause de caméras trafiquées par un logiciel espion nous montrant la même image en boucle le temps que l’appareil se fasse voler. Heureusement, nous avons fini par le récupérer un jour ou deux après.

– Voilà pourquoi Fury ne s’en est pas vanté, ricana Clint.

– Mais pourquoi nous l’avouer si facilement ? demanda pour sa part Steve.

– Cela n’a plus d’importance, répondit la rousse en haussant les épaules, pragmatique.

Arrivés au pied du bâtiment, un immeuble de taille moyenne, ils vérifièrent l’absence de trop nombreux témoins, ne croisant que des silhouettes se précipitant pour rejoindre la station de métro avoisinante, pestant contre le mauvais temps quand elles marchaient dans une flaque à l’eau brunâtre. Précaution prise, Clint se précipita à l’intérieur, ses compagnons lui emboîtant le pas.

– Je vous préviens, sourit Natasha, il n’y a pas d’ascenseur.

Par une sombre matinée orageuse, le hall d’entrée, qui débouchait directement sur des escaliers en béton des plus classique contrastant avec le granit, ressemblait davantage à une caverne des contes d’antan, qu’à un abri pour des voyageurs trempés jusqu’aux os. S’engageant sur la première des marches, Steve évita soigneusement de s’agripper à la rambarde, peu confiant sur la propreté des mains l’ayant tripoté auparavant.

– Quel étage ? demanda-t-il à la jeune femme.

– Le deuxième.

– Suffisamment bas pour sauter si besoin, remarqua Clint. Les pièces doivent être bien petites…

– Tant que l’une d’elles abrite Tony, je veux bien me rendre dans un mouchoir de poche, rétorqua Steve.

Arrivant sur un palier semblable en tout point au précédent, suffisamment exigu pour donner des cauchemars à un claustrophobe, le super-soldat frappa à la porte en face des escaliers, d’un jaune réussissant à être discret par sa couleur, et voyant par son originalité. Il dut réitérer son geste plusieurs fois, avant d’entendre le son lourd des pas heurtant le plancher, quelques avant que les battants ne viennent s’ouvrir.

Jean parfaitement ajusté d’un noir tranchant néanmoins avec sa peau sombre, un pull marron presque aussi sombre venant comme à son habitude couvrir son buste, Nick Fury délaissa néanmoins le long manteau qu’il affectionnait du temps où il était encore directeur du SHIELD, le cache recouvrant son œil gauche mettant plus en valeur encore la lueur amusée brillant dans son autre iris. Pourtant, ses lèvres restaient tirées, comme mues par une contrariété que l’homme parvenait fort imparfaitement à dissimuler.

Steve commença à se demander si Tony pensa à prévenir Fury avant d’inviter le trio à le rejoindre.

– Dépêchez-vous d’entrer, fit l’homme en s’écartant de la porte d’entrée.

Sans se faire prier, le trio obéit, refermant soigneusement le battant derrière eux. L’isolation semblait bien peu efficace, songea le Captain, comment discuter l’esprit en paix dans ces conditions.

– Vous alors, on peut dire que vous ne traînez pas, soupira Fury. À peine une semaine depuis votre retour, et vous faites déjà la une des journaux. Accusés par une Skrull, qui plus est. (se tournant vers les deux espions, son front se plissa un peu plus) Je croyais que le SHIELD vous avait mieux entraînés que cela.

– Nous avons simplement été piégés, déclara Steve, croisant les bras sur son torse. Une situation que vous comprendrez, je pense. Où est Tony ?

Ancien directeur ou non, Fury devait comprendre que Clint et Natasha (qui paraissaient pour l’un contrarié, pour l’autre vaguement honteuse suite à la déclaration de l’homme) ne suivaient plus ses directives. Qui plus est, Steve avait un devoir envers eux, qui lui permirent d’échapper aux forces de Tony à l’aéroport. Et il ne se sentait pas d’humeur à laisser ses troupes se faire remonter les bretelles, alors qu’ils ne firent que ce qui était en leur pouvoir, avec le peu de latitude leur étant accordée.

Fury le toisa un bref instant, avant de hocher la tête en signe de capitulation, comme satisfait.

– Dans la pièce juste à côté. Il a de la visite.

Se tournant à demi, Steve avisa le lit de camp apposé contre le mur, près duquel se tenait une poche de sang vidée abandonnée sur le sol avec négligence, le cathéter relié pendant encore sur l’assise, la petite table recouverte de bandages, pour une part encore tachés de sang virant au brun, le feu brûlant dans une petite cheminée coincée dans le coin à droite de la porte, les flammes de la flambée récemment allumée terminant de consumer ce qui ressemblait à d’autres compresses indésirables.

– Très efficace, la cheminée, commenta-t-il, ses yeux se posant sur une seconde porte sur sa gauche.

– Pas celle-ci, fit Fury en désignant son exact opposé. Vous regardez le chemin menant au cabinet d’aisance. Et à la salle de bain, également, bien que ce soit moins important.

– Vous avez laissé Tony se lever ? Est-il blessé, d’ailleurs ?

– Assez sérieusement, oui, mais heureusement les dégâts sont plus impressionnants que réellement dangereux. Il a eu beaucoup de chance cette fois. Et pour répondre à votre première question, avez-vous déjà empêché un Stark de n’en faire qu’à sa tête ? acheva le Colonel d’un ton laissant transparaître son agacement.

Donc, non, Tony n’avait guère jugé utile de le prévenir de la venue prochaine d’invités jusqu’à récemment, en conclut le Captain. Décidément, rien ne pouvait épuiser bien longtemps l’ingénieur… Pourtant, le militaire et l’homme en lui parvenaient, pour la première fois depuis un moment, à s’accorder en désapprouvant ce comportement. Le premier, parce que Tony Stark était l’une des personnalités les plus importantes de cette planète, plus particulièrement encore à cause de l’invasion Skrull couvant. Le second, parce qu’un être humain ne devrait jamais dépasser ses limites, une transgression que le milliardaire franchissait déjà allègrement du temps où Steve vivait à quelques chambres de lui.

Il ne fallait pas que Tony Stark ne périsse, surtout pas maintenant, et encore moins par péché d’orgueil.

– Pourquoi ne pas le faire asseoir dans ce fauteuil, par exemple, au lieu de le laisser changer de pièce ? questionna de nouveau la bannière étoilée, désignant une horreur au cuir défoncé près du lit de camp.

– Il déteste ce fauteuil, répondit Fury.

– Et alors ?

– Vous avez déjà essayé de forcer Stark à faire le contraire de ce qu’il veut ?

Seul un long soupir échappa au Captain, un rire léger venu de Clint ponctuant cette sommaire explication.

Soudainement, la porte dextre s’ouvrit en trombe, attirant tous les regards. Figé un instant d’être le centre d’attention, un adolescent aux cheveux entre le châtain et le brun désordonnés, les yeux d’un marron pétillant d’une étrange excitation, détailla les nouveaux venus, la main encore sur la poignée. Sa bouche s’ouvrant et se refermant, sans qu’aucun son ne s’échappe de ses lèvres, il mit une bonne minute à retrouver suffisamment de parole pour balbutier quelques incompréhensibles sons.

Inspirant à fond, le jeune garçon se tourna vers l’intérieur de l’autre pièce, sans cesser de dévisager aussi discrètement que lui permettait sa position le trio nouvellement arrivé.

– Monsieur Stark, ils sont là ! Vous aviez raison, ils sont venus !

D’un signe, Steve fit signe aux deux espions de le suivre, s’engouffrant dans le petit espace rapidement dégagé par l’adolescent qui s’écarta vivement en voyant la haute silhouette obscurcir son champ de vision.

– Je vois ça, Peter, marmonna Tony, un sourire narquois fleurissant au coin de ses lèvres.

Se tenant derrière une table ronde de pin patinée par les années, l’ingénieur réajusta en grimaçant la position du gant de cuir noir porté à sa main droite, sur lequel tombait une veste ample d’un vert sombre rayée de safran sur les côtés. Confortablement installé sur une chaise à barreaux munie d’accoudoirs, le brun rassembla les quelques papiers traînant sur le plateau devant lui, les triant en deux petits tas distincts.

– Vous êtes en retard, commenta-t-il en roulant avec ostentation les yeux.

– Je ne me souvenais pas que nous ayons convenu d’une heure précise, rétorqua Steve.

Voir en chair et en os le directeur du SHIELD, dusse-t-il paraître éprouvé par les récents évènements, le rassura bien plus efficacement qu’une voix au travers du parloir d’un téléphone. Il ne lui dit pas être ravi de le savoir vivant. En plus de son inutilité, cette déclaration attirerait une remarque exagérément dépitée de l’homme, qui se ferait un plaisir de vanter son incroyable capacité à survivre à tout et n’importe quoi.

Un Stark ne pouvait pas mourir, songea le Captain en se mettant à sourire à son tour.

– Et je ne suis pas sûr que vous puissiez me critiquer sur ce point précis, ajouta-t-il.

– Certes, mais vous n’êtes pas moi, fit moqueusement l’ingénieur. Personne ne peut l’être, d’ailleurs, je suis absolument inimitable !

Resté en retrait, l’adolescent – plus il l’observa, plus Steve fut certain de l’avoir déjà vu auparavant ; en particulier, la voix lui rappelait quelque chose – franchit le cercle formé autour de Tony, venant se poster résolument à sa droite, un éclat désapprobateur passant au fond de ses pupilles.

– Vous ne devriez pas vous agiter comme ça, pas avec vos blessures !

– Voilà un point sur lequel nous sommes d’accord, confirma Fury, comme s’il parlait de la recette de pancakes de sa grand-mère. Tout comme vous devriez retourner au lit, maintenant.

– À ce propos, si nous pouvions en savoir plus sur votre miraculeuse survie, intervint Clint.

N’accordant guère plus d’un regard à l’adolescent, enfin Peter, l’archer se concentra davantage sur l’ingénieur, celui-ci tentant de paraître aussi impassible que possible, tout en restant plongé dans une intense réflexion. Pianotant sur son biceps, Fury paraissait peiner à ne pas répondre à la place du brun, ses instincts de dirigeant profondément ancrés en son être. Natasha, quant à elle, hésitait entre ses anciennes allégeances au colonel, et la nouvelle hiérarchie plaçant Stark en tête des personnes à qui obéir. Sans oublier Steve, désigné comme le chef implicite des renégats, en dépit de la distance.

– Ce n’est pas important, finit par répondre le directeur du SHIELD. Nous avons d’autres chats à fouetter, et le plus vite possible. Vous connaissez déjà Peter Parker, rencontré à la bataille de l’aéroport, trois ans auparavant.

Ainsi donc, le Captain ne se trompait pas, il connaissait bien ce gamin gêné par quelques paires d’yeux braquées sur sa personne, semblant rêver de disparaître six pieds sous terre.

– C’est moi, Spiderman. Vous vous souvenez ? reprit-il à l’attention plus spécifique de Steve. Le super-héros qui a réussi à vous dérober votre bouclier ? Je vous avais dit venir du Queens.

– Je me souviens, oui, confirma l’intéressé.

Malgré l’opposition de leurs camps, trois ans auparavant, il ne put s’empêcher de se trouver impressionné du courage du gamin lui faisant face tout en déclamant être fan de sa personne. Mettant plus encore en exergue l’absurdité du face-à-face entre super-héros, le faisant déplorer de devoir combattre un si jeune adversaire. Car enfin, la voix aiguë de ce Spiderman ne laissait guère planer de doute sur son aspect juvénile.

– Une petite minute, réalisa-t-il, tu ne comptes tout de même pas embarquer un enfant dans cette histoire ?

– Eh ! L’enfant a réussi à vous tenir tête ! répliqua immédiatement l’adolescent.

– Crois-moi, Steve, répondit l’ingénieur en faisant signe à Peter de le laisser parler, ça ne me plaît pas plus que toi. Mais nous manquons cruellement d’effectifs, et il peut se révéler des plus efficaces. Il me l’a déjà prouvé par le passé, et à toi aussi, tu viens de le reconnaître implicitement.

– Suis-je la seule à me demander pour quelle raison cet enfant va nous accompagner ? fit Natasha. Cela a sans aucun doute un rapport avec notre présence ici.

L’enfant en question plissa les lèvres, arborant une fraction de seconde une moue boudeuse. Avant de comprendre que cela contribuerait à souscrire aux propos de l’espionne, aussi reprit-il son observation à la dérobée du trio. Tony était-il vraiment sérieux ? Il comptait envoyer ce petit avec eux, alors qu’il parvenait seulement à soutenir leurs regards sans tapoter du pied ? Une bataille entre super-héros ne désirant pas réellement se faire de mal plus que nécessaire, ce n’était pas la même chose que de faire face à une équipe d’extraterrestres métamorphes n’hésitant pas à employer des armes pour tuer !

Ouvrant la bouche pour exposer ses arguments à l’ingénieur, ce dernier anticipa ses protestations, lui fauchant l’herbe sous le pied en glissant sur le bois de la table un dossier conséquent en direction du Captain.

– Qu’est-ce que c’est ? fit le super-soldat, tandis que Natasha s’emparait de la pochette cartonnée carmin.

– Vous n’avez rien remarqué d’étrange quand ma Tour s’est… (Tony inspira un grand coup, l’air d’avaler un médicament particulièrement amer) effondrée ?

– À part les badauds, la fumée, et les éclairs frappant le toit comme s’ils étaient vivants ? demanda sarcastiquement Clint.

– Exactement, fit Tony des plus sérieusement. Comme la moitié de New York, et la plupart du monde doit s’en douter, ce phénomène n’a rien de naturel.

– Et l’autre moitié ? fit Clint, faussement intéressé.

– Elle pleure le plus grand génie de tous les temps sans pouvoir s’en empêcher, répondit l’ingénieur avec un parfait sourire de sale gosse ravi de sa bêtise.

L’espionne retint de justesse un soupir, Steve se sentant malgré lui vaguement amusé par la réplique. Au fond, voir l’incorrigible Tony Stark faire son numéro ne manquait pas de le rassurer.

– Des « bosons » ? intervint Natasha, interrogeant visuellement le brun du regard.

– Une des dernière création d’un laboratoire scientifique estampillé Stark, au Brésil.

– Sérieusement, vous vous implantez partout, commenta l’archer, blasé. Et donc ? Quel rapport avec nous ?

Toute trace d’hilarité disparut du visage du directeur du SHIELD, qui s’assombrit considérablement. Si Steve ne connaissait pas tant son vis-à-vis, il pourrait croire voir de la culpabilité tordre ses traits, derrière la soudaine gravité. De plus en plus mal à l’aise, Peter croisa les mains derrière son dos, ne quittant pas des yeux son mentor. Tony se passe une main sur le visage, paraissant tout à coup terriblement fatigué. Marmonnant dans sa barbe, il tritura un instant le revers de son gant, permettant au super-soldat d’apercevoir le blanc caractéristique d’un bandage dissimulé par l’accessoire.

– Suite à l’invasion des Chitauris, vous savez que nombre de leurs vaisseaux se sont écroulés sur notre bonne vieille planète. Pour la plupart, ils ne contenaient rien de véritablement intéressant, enfin, quand on exclut la fabrication d’armes (Tony lança un regard accusateur au colonel Fury, celui-ci ne bronchant guère). Le SHIELD, et d’autres organisations, ont délaissé tout ce qui ne pouvait pas servir à la destruction massive des peuples (cette fois, l’ingénieur s’attira un grognement désapprobateur). Et c’est là que Tony Stark entre en jeu, cherchant dans ce qui a été mis au rebut ! Au sein de l’une des baleines mutantes ayant envahi le ciel, nous avons retrouvé de minuscules particules, presque invisibles à l’œil nu. Probablement conçues pour anéantir toute résistance, comme la plupart des choses en rapport avec les Chitauris, ces particules parvenaient à contrôler l’air autour de la baleine pour la faire voler, de manière infiniment précise ! Je le sais, j’ai procédé aux tests moi-même ! En reprenant le schéma de base, j’ai tenté de créer d’autres éléments, semblables mais dépourvus de toute intention hostile, capables de contrôler les éléments.

– Ne me dites pas que vous avez réussi, souffla Clint.

Steve approuva sa réticence. Vouloir maîtriser les forces naturelles revenait à se prendre pour l’équivalent de dieu, et nombre de fous causèrent destruction et souffrance en pensant atteindre cet objectif.

– Pas exactement, mes laboratoires ont pu fabriquer des particules capables de, comment expliquer ça simplement ? Réorganiser les forces en présence, des intelligences artificielles capables de manipuler les conditions climatiques durant un bref moment.

– C’est donc ça qui a provoqué cet espèce d’orage ? comprit Steve.

Tony approuvant silencieusement, il poussa un gros soupir. Une très mauvaise nouvelle, néanmoins guère suffisante pour lui faire abandonner la partie.

– Mais les Bosons – les intelligences artificielles si vous préférez – mettent quelques minutes à se réunir, et encore, déclencher un orage n’est guère difficile pour eux. Et il n’est pas possible de les mobiliser pendant environ quarante-huit heures après leur utilisation. Je voulais m’en servir pour régler une bonne fois pour toute les problèmes tels que la sécheresse, pas créer une catastrophe ! Si j’avais eu, à l’époque, le moindre doute sur la présence d’espions extraterrestres dans mes locaux, je ne serais jamais allé aussi loin.

– Hélas, tous les peuples de l’Univers ont tendance à détourner chaque objet en arme, déclara sentencieusement Fury.

– Es-tu certain… Je veux dire, êtes-vous certain que la fuite vient de ce laboratoire brésilien ? reprit Steve.

– Absolument, c’est le seul travaillant sur ce projet. Puisque vous êtes grillé pour le moment à New York – ne croyez pas que les autorités vont attendre le dégel pour vous pourchasser, l’immunité offerte par la monopolisation de Spyglass ne durera que quelques jours –, je vous demande d’aller enquêter au Brésil, afin de déterminer qui est le traître Skrull, ou l’humain ayant pactisé avec ces créatures. Il s’agit de la seule piste sérieuse que nous avons.

– Et tu veux toujours que nous emmenions le petit avec nous ?

Dire que Steve était incrédule serait un euphémisme. Autant par l’étrangeté de cette idée, que parce que cela ne correspondait pas à l’image qu’il se faisait du milliardaire, et enfin, le dénommé Peter paraissait des plus fier de cette soudaine promotion… qui pouvait lui valoir un aller simple pour le trépas.

– Je n’emmènerais pas quelqu’un de si jeune avec moi, affirma-t-il.

– Écoute-moi bien, Steve, je n’ai pas de temps à perdre en discussion stérile ! J’ai déjà dû me convaincre moi-même, puis Fury, avant de décider de l’emmener. Encore que Fury n’est pas dérangé par l’idée d’employer un môme en couches s’il peut être utile. Tu n’es plus le chef des Avengers, cesse de l’oublier ! Alors je ne vais pas en plus me coltiner ta bonne morale ! Que je sache, elle ne nous a pas aidé il y a trois ans. À moins que tu ne veuilles débattre de sa subjectivité ? termina l’ingénieur, presque sifflant.

Choqué, Steve ne répondit rien, se contentant de le fixer. Puis, doucement, il hocha négativement la tête. Un instant, il se laissa prendre à l’impression que le conflit larvé entre eux fut mis à l’écart à cause de la gravité des évènements en cours. Et Tony venait de lui rappeler des plus sèchement qu’il n’en était rien. Il fut contacté uniquement en désespoir de cause, le super-soldat ne devait pas l’oublier, bien que cela lui soit pénible. Mais comment pourrait-il en vouloir au directeur du SHIELD, à la fois écrasé par les responsabilités et la culpabilité engendrées par l’invasion Skrull ? D’autant plus qu’il était difficile de protester… quand on se trouvait à la fois d’accord avec les paroles de l’homme, et les sous-entendus, nombreux.

– Très bien, capitula Steve, la mort dans l’âme. Mais je continue à dire que c’est une mauvaise idée. Et ne comptes pas sur moi pour l’emmener en première ligne.

– Je peux très bien gérer, protesta Peter, visiblement agacé que l’on parle de lui comme s’il ne pouvait les entendre, ou encore répliquer.

De fait, Clint parut véritablement surpris de l’entendre.

– Bien sûr, temporisa Tony, la voix lasse. Mais tu as tout intérêt à me le ramener en un seul morceau, fit-il en braquant ses pupilles chocolat dans le turquoise des yeux de Steve. Il reprend l’école dans deux semaines.

– Et si nous n’avons rien trouvé d’ici là ?

– Ça ne change rien, s’il lui manque plus de trois cheveux, je t’en tiendrais personnellement responsable.

Aucune trace de l’ironie caractérisant habituellement Tony Stark, au contraire. Et Steve commençait à comprendre ce que pouvait éprouver un poulet devant la broche destinée à le faire rôtir. Pris au piège d’un homme n’ayant plus grand-chose à perdre, envers qui il contracta une dette morale terrible, le choix s’offrant à lui fut des plus évident.

– Une seconde, fit Tony en les comptant muettement. J’avais demandé que toute l’équipe vienne ce matin. Pas seulement vous trois. Qu’est-ce que ça veut dire, Captain ?

Natasha lui jeta un regard furtif, imitée par un Clint pour la première fois véritablement mal à l’aise. Et l’intéressé devait admettre ne pas se sentir beaucoup mieux que l’archer. Mais il ne pouvait pas se permettre de faiblir maintenant. D’accord, il se devait de se mettre temporairement sous les ordres du directeur du SHIELD, et pas seulement pour retrouver son statut de super-héros de la Nation. Seulement, il ne fallait pas non plus laisser trop d’emprise sur sa personne à l’ingénieur ; emporté par son caractère, celui-ci risquait de vouloir tester toujours plus loin les limites de ce qui deviendrait de la servitude. Un statut que Steve refusait en bloc.

– Tu nous as nous trois, répondit-il fermement, et seulement nous. C’est ça, ou rien.

Se laissant aller, Tony s’affaissa sur le dossier de sa chaise, l’expression d’une douleur brève mais intense passant fugitivement sur ses traits. Néanmoins, il se reprit très vite, redressant son buste de toute sa hauteur.

– Je n’ai pas le choix, tu le sais très bien. Mais n’en profite pas trop.

Pour un peu, Steve aurait éclaté de rire. Exactement ce qu’il pensait lui-même…


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