Beyond the Stars

Chapitre 15 : Chapitre quinze

7462 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/09/2014 14:52

Chapitre 15

Une semaine. Une semaine sans rien.

C’était affolant.

Merde, c’était la guerre !

Il y avait tant à faire. Les Reapers progressaient désormais en dehors du Système solaire. Trois autres systèmes étaient tombés. Les nouvelles, bombardées de partout, étaient si nombreuses que l’on peinait à faire le tri.

 

Shepard et son équipe était passée tout près de la catastrophe quand le Normandy avait été pris en chasse par la Première Flotte de l’Alliance.

Hackett lui avait ordonné un repli vers une base fantôme pour attendre que ça se tasse. Elle avait hurlé après l’Amiral mais Hackett avait fini par devenir ferme. Shepard était la meilleure chance de survie qu’ils avaient, ils ne pouvaient pas se permettre de la perdre. Il l’avait suppliée d’attendre qu’il puisse ménager une porte de sortie pour qu’elle puisse enfin agir. Il lui fallait du temps. Son réseau personnel s’étendait mais il lui fallait réussir à gagner la confiance de personnes plus gradées que lui. Ce n’était pas une mince affaire.

 

C’était d’ailleurs en partie grâce à ses « amis », ses connaissances qu’elle devait encore sans doute le fait de ne pas avoir été capturée. Vega, Orinia y avaient fait allusion : nombre de personnes la suivraient jusqu’au bout, malgré tous les dégâts collatéraux qu’elle avait bien dû causer. C’était une révolte sourde que le Conseil n’aurait pu réprimer. Aider Shepard. Liara lui avait glissé une fois qu’un mouvement paramilitaire avait pris comme ligne directrice de tout faire pour venir en aide au Commander. Toutefois, l’Asari n’avait pas trop insisté là-dessus, voyant à quel point Shepard avait piqué un fard. C’était trop pour elle. Elle n’avait jamais voulu être une icône à suivre aveuglément. Elle avait tourné le dos aux écrans, priant Liara de s’occuper prioritairement de toutes les informations concernant Cerberus ou les Reapers. Ce n’était pas qu’elle se moquait de ce qu’un mouvement de masse pouvait faire mais cela la mettait profondément mal à l’aise.

Parallèlement à ce genre de comportement, il y a avait aussi nombre de détracteurs qui se demandaient bien où Shepard pouvait se terrer. Les Reapers étaient bel et bien là et où était Shepard ? Elle passait pour une lâche et elle le savait. Elle bouillait de reparaître au grand jour, sur la première ligne de front. C’était sa place. Elle aurait tué pour y être. Toutefois, elle savait que ce n’était pas encore le moment. Les Reapers étaient le genre d’ennemi qu’on ne pouvait affronter tête baissée. Il fallait une véritable tactique, un plan. Quelque chose d’infaillible. Elle avait contacté tous ses amis partout, elle savait que des énergies avaient été secoués, que quelque chose s’était mis en branle. Thane n’avait pas donné de nouvelles mais il devait sûrement avancer. Tali était encore aux abonnés absents mais elle savait que la Quarienne se battrait de toutes ses forces pour que la Flottile les rejoigne.

Shepard avait profité de ce temps de calme imposé pour faire la liste de ses alliés. Les Krogans étaient en train de se rassembler. Elle savait que ces têtes brûlées n’attendraient pas longtemps avant de se jeter dans la bataille quitte à tout perdre. Les Quarians… Elle espérait qu’ils s’occupent des Geths. Elle savait que le Conseil avait un argument de poids pour les convaincre. Bien plus que ce que Tali pourrait leur dire. Le Conseil tenait désormais leur planète natale en otage. Orinia tentait de mettre en place quelque chose du côté des Turians. Quand aux Salarians, le fait même de savoir qu’elle avait convaincu l’un des leur de trouver un remède au génophage ne jouait pas en sa faveur. C’était une courte liste. Celle des ennemis était plus inquiétante. Les Reapers, bien sûr était la menace la plus importante. Toutefois, les Batarians n’étaient pas du tout à négliger. La Seconde et la Cinquième Flotte s’en occupaient mais face à une horde de guerriers sauvages qui n’avait rien à perdre, l’Alliance ne ferait pas le poids longtemps.Cerberus… Cerberus ne s’occuperait d’elle que jusqu’à ce qu’ils lui mettent la main dessus. Par Orinia, elle savait que la menace que l’organisation terroriste représentait était bien plus insidieuse. Ils étaient maîtres en coups bas. Ils n’attaqueraient jamais de front l’Alliance. C’était d’ailleurs bien plus redoutable. Les Geths étaient partis rejoindre ceux qu’ils considéraient comme leurs Dieux. Ils étaient sans doute mêlés avec les hordes de Husks qui entouraient en permanence les Reapers. Shepard pensa qu’il faudrait s’en occuper qu’au moment où ils seraient face à leur plus redoutable ennemi. Le problème des Geths était leur capacité à hacker les systèmes de communication. Ils pouvaient très bien rendre muette toute la Galaxie.

Le grand problème actuel résidait dans la multiplication des fronts. Sans parler que bientôt, Shepard en était persuadée, tous les relais de masse seraient inutilisables. C’étaient de cette manière qu’ils avaient réussi à venir à bout des Prothéans. Ils allaient exactement utiliser la même tactique et si les différentes races ne réagissaient pas, ils allaient réussir une fois de plus.

Shepard avait passé la semaine à ronger son frein, visionnant le plus d’informations possibles sur les divers combats qui déchiraient la Voie Lactée. Une colonie hanar avait été pulvérisée par un astéroïde. Les Batarians affrontaient la Quatrième Flotte. Quand Lucy en avait plus qu’assez de voir Kaidan porté aux nues avec de magnifiques images de sa personne au front, elle éteignait de rage son écran et passait ses nerfs sur Vega ou Jacob.Jeff aussi les frais de son énervement et jamais il n’aurait pu croire que Lucy était si endurante. Comme si elle voulait rattraper le temps perdu avec lui. Il n’allait pas s’en plaindre.

 

Au cinquième jour, Shepard finit par recevoir un appel.« Enfin ! » se put-elle s’empêcher de s’exclamer en se ruant vers EDI pour prendre la communication. Elle avait passé la matinée dans l’armurerie à nettoyer ses armes en compagnie de Garrus et Jacob. Ce dernier eut un sourire. Il n’était pas contre un peu d’action. Le comportement de Shepard mettait d’ailleurs tout le monde sur les nerfs. Quand le Commander était tendu, tout l’équipage l’était aussi. Mimétisme de base.

« Commander Lucy Shepard ? »

La voix semblait inconnue. Shepard se tendit immédiatement, sur la défensive. Qui était-ce ?

« Ca dépend de qui la demande. »L’interlocuteur marqua une hésitation.

« Je suis Bathan Odalis, vous vous souvenez de moi ? »L’image du Drell qui les avait accueillis sur Kahje lui revint en mémoire. Elle eut soudainement un mauvais pressentiment. S’il se permettait de la contacter, ce ne pouvait-être que pour une seule raison.

« Thane Krios est mort. Il est désormais sous la protection de Kalahira. » Kalahira était la déesse des Océans et du Royaume des Morts chez les Drells.Shepard eut l’impression qu’on venait d’aspirer tout l’air de ses poumons, comme un coup reçu dans le plexus. Thane était mort. Finalement, sa maladie avait fini par le vaincre.

« Quand ? » fut tout ce quelle parvint à dire, la voix cassée. Elle devait se ressaisir. Ce n’était pas comme si elle ne s’y était pas attendue. Than le lui avait dit plusieurs fois. Il était mourant. Ce combat contre les Reapers… C’était sa manière à lui d’aller chercher la mort. Finalement, c’était elle qui l’avait rattrapée.

« Dans la nuit.

— A-t-il souffert ? » C’était bien la dernière chose à espérer pour lui. Elle ne connaissait pas les détails de la maladie qui ravageait les Drells.Le silence d’Odalis n’était guère rassurant.

« Je ne vais pas vous mentir, dit-il enfin. Ses derniers jours ont été difficiles. »

Un soupir douloureux s’échappa des lèvres de Lucy. Elle ferma les yeux, serrant le poing. Odalis poursuivit. « Il a tenu à vous aider jusqu’au bout, faisant fi de sa souffrance. Conformément à son souhait, je vous envoie ce qu’il a pu trouver. »EDI clignota, signe qu’elle recevait les données. Ainsi, jusqu’à ce que la douleur lui soit insupportable, il avait cherché des informations sur l’endoctrinement. Tenant parole. Comment ne pas se sentir touchée par un tel don de soi ? Elle avait toujours estimé Thane, travailler en sa compagnie n’avait rien de désagréable. Son efficacité l’avait impressionnée. Leurs relations s’étaient un peu tendues lorsqu’il lui avait fait part de son intérêt pour elle mais il avait accepté avec sagesse le fait qu’elle lui ait dit avoir d’autres priorités. Au moins n’avait-il pas été rancunier.

« Je ne vous promets pas de pouvoir être aussi efficace que lui mais je tenais à vous informer que je continuerai ses recherches. »Thane avait donc parlé de Shepard à son ami. Son discours avait fait mouche, le Drell promettait de l’aider à son tour. Elle le remercia avec un sourire teinté de tristesse.Garrus s’approcha de Shepard. Il lui signala qu’il était temps de couper la conversation. Ils allaient devenir repérables. Elle hocha la tête, les traits défaits. Odalis les salua. Puis, ce fut le silence.

Shepard était penchée sur un plan de travail, cherchant à ne pas se laisser submergée. Bien sûr qu’elle était triste pour Thane. Tout comme elle l’avait été à la mort de Zaeed, percé de plusieurs balles alors qu’elle cherchait à lui ouvrir une porte dans la base des Collecteurs. Kasumi avait subi un sort similaire. Le fait de n’avoir pas réussi à attraper la main de Samara lors de la chute du Reaper humain l’avoir révoltée contre sa propre faiblesse. Son impuissance avait été tout aussi grande quand elle avait découvert Grunt transpercé par une poutrelle après qu’elle ait perdu connaissance à la suite de leur victoire contre le Reaper.

La mort de Thane était plutôt lointaine. Elle ne l’avait pas vécue directement mais cela la touchait tout autant que celle de ses quatre compagnons morts durant la mission suicide. C’était un peu brutal de l’apprendre ainsi mais les choses étaient compliquées. Shepard soupira. Sa gorge se serra. Thane n’était pas le premier de ses équipiers à mourir. Sa liste était longue. Certes, il y avait des morts qui la touchaient plus que d’autres. Celle d’Ashley avait été particulièrement difficile à admettre.Elle sortit de l’armurerie d’un pas lourd. Dvoir sacrifier l’un de ses hommes avait été une décision difficile à prendre. Ashley lui avait dit qu’elle était foutue, que ce n’était pas la peine. Elle était morte de manière héroïque, faisant sauter la bombe qui avait détruit les installations tenues par Saren. Mourir avec honneur. Elle avait réalisé le souhait d’Ashley. Thane était un peu semblable. Mourir en ayant la possibilité de racheter ses crimes. Mourir pour la bonne cause. Mourir par devoir. Et elle ? Pour quoi était-elle prête à mourir ?

 

Elle remonta la passerelle. C’était quand même difficile à encaisser. Thane ne serait pas le premier à mourir dans cette bataille. Elle en était persuadée. Pour certains, ce serait quelque chose de douloureux. Garrus, par exemple. Ele savait que cela lui serait difficilement surmontable. La jeune femme s’installa à côté de Joker qui faisait ses calibrations de routine. Lui aussi était quelque peu fatigué d’attendre même s’ils avaient trouvé un moment plutôt agréable de passer le temps. Ils ne savaient si cela allait être possible après.

« EDI, ouvre tous les canaux internes. »

Comme elle l’avait déjà fait en d’autres circonstances, Shepard prit la parole.

« Faisons silence pendant une minute en l’honneur de Thane Krios. » dit-elle simplement. Il n’y avait pas besoin de plus. Tout le personnel avait compris.

Elle se redressa, le regard perdu dans le vague, fixant ses pensées sur autre chose. Elle sentit la main de Jeff prendre doucement la sienne. Il lui coula un sourire doux. Elle soupira à fendre l’âme, ses épaules s’affaissant. Bien sûr qu’elle était triste. Que ça lui faisait un vide. Elle regretterait sans aucun doute leurs discussions philosophiques sur la vie et la mort, sur le sens de l’honneur. Son efficacité à abattre les cibles en fondant sur elles sans un bruit. Bien sûr que sa silhouette distinguée allait lui manquer.

Elle repensa à leur rencontre dans cette pièce oppressante. A l’aide qu’elle lui avait apportée pour qu’il puisse faire la paix avec son fils. A sa façon unique de l’appel avec ce respect qui n’était en rien de l’obséquiosité. A la manière dont il l’avait arrachée au tribunal.

Elle sentit les larmes couler doucement sur ses joues. Larmes qu’elle essuya bien vite. Thane aurait sans doute été surpris de la voir pleurer pour lui.

« Je vous remercie. »

La minute de silence s’était terminée par ces paroles. L’activité reprit dans le Normandy.

 

Lucy retira lentement sa main de celle de Jeff. Elle le remercia doucement.

« Je vais voir si Kolyat est joignable. »

Elle ne savait pas si elle était en mesure de le faire mais si elle pouvait lui annoncer le décès de son père, elle aurait au moins servi à quelque chose pour Thane. Ne pouvait retourner sur Kahje, c’était le moins qu’elle puisse faire.

 

 

Après sept jours, Hackett donna enfin le feu vert pour que le Normandy sorte de sa cachette. Il était temps, Shepard allait devenir folle. Elle commençait à ressentir les effets de l’enfermement et était prise de nausées sur les derniers jours. Rien de pire que l’inaction pour commencer à tomber malade. La base fantome commençait à lui sortir par les yeux. Elle n’avait pu rien faire d’autre que de regarder les informations, apprendre de manière bien impuissante la mort d’un compagnon puis l’annoncer à son fils. Elle n’aimait pas jouer ce rôle là. C’était une femme d’action pas quelqu’un qui puisse supporter de vivre en retrait par rapport au front.

 

Dire que durant ces sept jours, elle n’avait eu aucune nouvelle de Tali. Elle espérait qu’elle allait bien. Elle avait bien tenté d’obtenir de Legion un indice qui aurait pu leur permettre de situer la position des Geths mais c’était impossible de lui faire dire quoique ce soit. Les Geths n’étaient réapparus sur aucun radar, Liara n’avait aucune nouvelle d’eux. Les Reapers continuaient leur progression monstrueuse. Chaque nouvelle rapportée à ce sujet mettait Shepard dans une rage folle. L’Alliance lançait bêtement ses vaisseaux contre l’envahisseur mais cela ne servait juste qu’à alourdir le tribut en vies.Tout ceci était étrange. Quand le Normandy revint sur les circuits de circulations normaux, ils ne croisèrent aucune menace. Cela durant une journée. Shepard réfléchissait à la suite. Hackett ne lui avait rien précisé de plus. Sa propre flotte était en train d’en découdre avec les Batarians. Finalement, elle aurait mieux fait d’attendre à l’abri. Elle aurait au moins eu une raison d’attendre.

 

C’était le calme avant la tempête.

Puis soudainement, Liara avait accouru jusque dans le mess où Shepard se restaurait en compagnie de Vega. Deux jours après avoir quitté la base fantôme. Presalia avait enfin réussi à trouver quelque chose. Quelque chose qui devait être vraiment important car le docteur avait quitté la relative sécurité de sa planète natale pour Omega. Elle n’avait rien voulu dire. Shepard ne voulait pas s’avancer mais elle pensa qu’il était enfin venu, le moment où elle reprendrait les rênes de la bataille, où toute cette attente allait enfin se finir. Où elle quitterait l’ombre pour la lumière.

Une fois informée par Liara, elle avait planté Vega en plein repas et s’était précipitée vers le CIC pour annoncer elle-même à Joker leur future destination et échanger leur point de vue sur la signification du rendez-vous. Sans doute avait-elle remonté un peut trop précipitamment la passerelle car une sorte de haut le cœur la prit. Elle s’appuya à une paroi, reprit son souffle, secoua la tête avant de repartir aussi sec vers le cockpit.

 

« Ce sourire semble en dire beaucoup. » commenta Joker à son arrivée. Parfois, certaines phrases étaient suffisamment évasives pour que chacun puisse y voir le degré d’intimité qu’il voulait.

« On va revoir ce bon docteur Presalia, expliqua Shepard. Lieu de rendez-vous : Omega. 

— Pourquoi ça ne m’étonne pas ? » railla le pilote en entrant les nouvelles coordonnées. Shepard se contenta de hausser les épaules.

« Alors ? On va enfin avoir de quoi leur botter le cul à ces salauds ? Pas que je m’ennuie mais presque !

— Je l’espère… »

Nouveau haut-le-cœur. Elle n’avait sans doute pas assez mangé. Elle fit signe à Joker qu’elle redescendait la passerelle, évitant son regard intrigué.

Elle redescendit dans le mess. Vega était parti. Il était sans doute à l’arsenal avec Jacob. Ces deux-là avaient l’air de bien s’entendre. Haussant les épaules, elle fit signe à Gardner qu’elle voulait bien le reste de sa ration. Le coq soupira d’un air amusé et lui tendit les reliefs de son repas. Elle s’installa donc seule. Cela lui donna l’occasion de réfléchir à la suite des événements. Elle se doutait grosso-modo de ce que Presalia avait tenté de mettre au point pour anéantir les Reapers. Si cela s’avérait fonctionner, il serait sans doute temps pour elle de négocier avec Hackett afin qu’elle puisse enfin agir au grand jour, sous couvert de l’Alliance. Kaidan pouvait bien tenter de l’épingler, Cerberus pouvait bien la poursuivre, elle ne les craignait pas. Elle savait qu’elle saurait leur faire face si l’occasion se présentait. Elle avait réussi à rallier nombre de personnes, de différents horizons. Avoir roulé sa bosse dans pas mal de systèmes avait ses avantages.

Se levant pour prendre son café, elle fit le point sur les dernières semaines.

Cela allait faire un mois depuis l’invasion. Elle peinait à y croire. En trois semaines, les Reapers n’avaient pas encore fait tomber tout la Galaxie ? Comment cela était-il possible ? Ils avaient des alliés disséminés partout. Cerberus avait joué un grand rôle dans leur invasion à ne pas en douter. Pourquoi une progression si lente pour un ennemi aussi fort ? Avec le merdier provoqué par les Batarians, cela aurait dû être facile pour eux. Aucune coalition parmi les peuples, une zizanie plutôt. Rien de mieux qu’un ennemi désorganisé pour le mettre à genoux. Mais là, rien. Ils avaient stagné près de deux semaines et demie dans le système solaire avant de commencer à bouger. Pourquoi ?

Tout dépendait de leur objectif. L’idée de départ était que les Reapers ciblaient les humains. Cela avait basé sur le fait que les Collecteurs avaient enlevé de nombreux êtres humais sur un bon nombre de colonies. Le prototype de Reaper humain n’avait qu’entériné cette hypothèse. Ensuite, les Reapers avaient envahi d’autre planète, notamment Tuchanka. Pourquoi ? Aucun humain ne vivait sur la planète native des Krogans.

Shepard porta le gobelet de carton reconstitué à ses lèvres. Elle tentait de comprendre le cheminement de pensée de l’ennemi mais elle avouait que cela la laissait perplexe. Ils n’étaient pas non plus en train de procéder à une invasion massive. Si cela avait été le cas, ils seraient arrivés en masse au cœur de la Galaxie, aurait coupé directement toutes les communications et aurait dépêché des troupes sur les points stratégiques. Que cherchaient-ils ?

Elle grimaça. Le café avait un goût détestable. Elle jeta un coup d’œil à la machine, se demandant si elle ne s’était pas trompée en appuyant sur le bouton. Non… c’était la même chose que d’habitude.Elle tenta de reprendre le fil de ses pensées. Elle fit quelques pas dans le mess. Elle savait que Gardner l’observait d’un air goguenard. Les intenses réflexions de Shepard étaient un sujet d’amusement parmi l’équipage. Elle commença à arpenter le mess d’un pas lent, le regard fixé vers le sol.

Quel serait leur prochain mouvement ? Elle serait les Reapers, elle paralyserait le système où se trouvait Thessia. C’était le nœud économique de la Galaxie. Un endroit stratégique qui, si pris par l’ennemi, ferait bien chier tout le monde. De plus, les Asaris étaient la plus sage des races présente parmi le Conseil. Ancestraux, âgés. Bien plus matures que la plupart des races qui paraissaient bien jeunes et impétueuses à côté d’elle.

Elle entamait son second aller-retour quand soudainement, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. Le vaisseau venait de s’incliner brutalement.

« Hé là ! » s’exclama Gardner en agrippant son comptoir dans un fracas d’ustensiles de cuisine. Sans attendre, une sonnerie stridente retentit. Shepard se remit sur pied, prenant des appuis plus sûr en attendant une nouvelle embardée. Que se passait-il ?

EDI répondit immédiatement à sa question muette.

« Vaisseau en approche. Attaque imminente. »

Ils étaient donc pris en chasse. Une fois encore, le vaisseau fit un soubresaut et Shepard sentit son équilibre s’étioler. Elle progressa le plus rapidement possible alors que l’équipage se précipitait aux postes de combat. Garrus fit irruption dans le mess, délaissant ses calibrages. Il se précipita vers Shepard, l’aida à se remettre d’aplomb et ils montèrent ensemble au CIC.

« Qui cela pourrait-il être ? demanda le Turian d’un air préoccupé.

— N’importe qui. »

Au vu de l’attaque directe, elle penchait en faveur de Cerberus.

Les portes de l’élévateur s’ouvrir. La sonnerie était bien plus stridente à hauteur du CIC. Talonnée par Garrus, Shepard remonta la passerelle. Elle aurait meilleure vue du cockpit.

« Alors ? » demanda-t-elle sans préambule à Joker qui fit faire une nouvelle embardée au Normandy, esquivant un tir.

Elle n’attendit même pas la réponse. Le flamboyant logo ne pouvait tromper personne.

Cerberus.

« Ils nous ont enfin retrouvé ces enfoirés. » pesta-t-elle entre ses dents.

« La question est : est-ce un hasard ? » se permit de commenter Garrus, les mains jointes derrière le dos, jaugeant le vaisseau ennemi.

Personne n’était supposé savoir où se trouvait le Normandy.

« Je pense que oui, marmonna Joker. On s’est retrouvé sur la même trajectoire d’un seul coup. Désolé pour le rodéo. »

Il pianota sur ses claviers. Pour l’instant, sa maîtrise du pilotage avait permis de ne pas être touché.

« Permission de tirer, Commander ? » demanda-t-il.

Il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme, la cadence de tir de l’ennemi avait augmenté.

Shepard lui fit signe d’armer les deux canons principaux. Peu lui importait qui se présentait face à eux, elle devait préserver son vaisseau.

« Pulvérisez-le » précisa-t-elle tout de même. Tant pis pour eux si les terroristes persistaient. Ce n’était pas de son ressort. Elle n’allait pas faire dans la dentelle alors que l’ennemi était prêt à tout pour la faire disparaître. Il fallait de plus dégager au plus vite. Cerberus les avait repérés et elle ne serait pas étonnée de voir plus de vaisseaux les rejoindre. Il ne fallut que peu de temps pour voir le vaisseau de Cerberus sombrer dans le néant.

Shepard fronça les sourcils. Elle n’aimait pas ça. Cela sentait le traquenard. Il fallait foutre le camp. Et vite.

Elle pressa Joker de pousser la vitesse du Normandy au maximum. Il ne fallait pas se rendre directement sur Omega. Un détour serait nécessaire. Il faudrait leurrer quelques relais de masse.

Elle échangea un regard avec Garrus. Cerberus allait vraiment devenir un problème. Plus qu’une épine dans son pied. Tout ceci commençait sérieusement à lui peser. Trop d’ennemis à affronter. La chance n’allait pas tarder à les quitter. Plus le temps passait, plus ils allaient devenir vulnérables.« J’ai dû recalculer un trajet plus sûr, dit EDI. Cela va prendre plus de temps pour atteindre Omega. ETA cinq heures. »

Allons bon. Encore une perte de temps. Enfoirés de Cerberus.

 

Plus de cinq heures avant qu’elle ne revoit Presalia. Elle espérait une véritable avancée, quelque chose qui puisse enfin faire que les choses aillent dans le bon sens. Elle n’en pouvait plus de cette errance. Ce n’était ainsi qu’elle avait envisagé cette guerre, cette bataille ! Elle aurait tellement voulu être en première ligne, à motiver les troupes, dirigeant sa propre unité, au cœur de la bataille, dans le sang et la sueur. Une vraie guerre, quelque chose comme Elysium. Certes, elle était libre de ses mouvements, comme Hackett lui avait garanti mais elle savait que cela ne servirait pas à grand-chose de se lancer dans le front contre les Batarians. Le véritable ennemi n’était pas cette espère qui hurlait vengeance. Alors il lui fallait ronger son frein. Elle soupira encore. Il lui semblait ressasser sans cesse les mêmes pensées. Le manque d’inaction. Le fait de rester cloîtrée ne lui faisait pas du bien.

Pourtant, le seul sursaut d’adrénaline, la vraie première bataille depuis la mission suicide l’avait plongée dans une terreur sans nom. Jamais elle n’avait ressenti une telle horreur qui l’avait paralysée. Cela avait pire que tout. Elle n’avait pas ressenti une telle peur face aux Reapers. Non, cela s’était déclenché après alors qu’elle avait été arrachée à Tuchanka, qu’elle avait été mise à l’abri dans le Normandy. Il ne comprenait pas. Cela ne lui était jamais arrivé. Quand elle était une bleue, elle avait eu quelques moments où elle avait craqué, une fois la tension du combat retombée. Juste la peur au ventre d’une jeune recrue qui savait à peine tenir un fusil. Puis elle avait fait ses classes, avait acquis de réelles habilités sur le terrain, au combat. Elle avait appris à contrôler ses émotions, à garder son sang-froid en toutes circonstances, qualité indispensable à tout sniper. Comment faire mouche avec les mains tremblantes et l’esprit tétanisé par la peur ? Etait-elle devenue si faible ? Elle ne pouvait s’y résoudre. Elle devait se reprendre. Et elle se dirigea d’un pas sûr vers l’armurerie, sachant soudainement comment mettre efficacement à profit ces quelques heures qu’il restait avant d’arriver sur Omega. Elle devait se refocaliser sur ses objectifs, ses priorités.

Shepard sortit d’un pas souple du sas du Normandy, suivie de Garrus et Liara. Cette dernière semblait tendue mais ne souhaitait pas faire part de ses préoccupations. « Pas avant d’être sûre », avait-elle expliqué lorsque Shepard lui avait fait remarqué son attitude. Le Commander n’avait pas insisté. L’Asari devait sûrement avoir ses raisons.

Omega ne semblait pas avoir changé. Comme si les tumultes extérieurs ne l’atteignaient pas. Toujours le même vivier de sales vermines, les mêmes magouilles, le même trafic. La récente présence des Krogans avait à peine modifié l’ambiance. On croisait simplement plus d’habitants de Tuchanka. Shepard le savait, ce n’était qu’une apparence. Elle sentait qu’il y avait dans le cœur de la colonie, une force qui travaillait. Elle espérait croiser Wrex mais n’était pas venue pour lui. Elle n’avait pas forcément de temps à perdre à le chercher. Elle savait que le Krogan viendrait la voir s’il le souhaitait. Il devait être suffisamment occupé à mettre en œuvre son plan. Elle ne doutait pas de ses ressources.

Presalia l’avait invité à la rejoindre à l’Afterlife. C’était la seconde fois en peu de temps que Shepard y remettait les pieds depuis Omega-4. Décidément, elle allait avoir affaire à Aria bien plus qu’elle ne l’avait pensé. La maîtresse des lieux était garante de sa sécurité. Elle savait donc que les Batarians résidants sur la station ne lui feraient aucun mal même si ce n’était pas l’envie qui leur manquait. Mais Aria avait été claire. On ne touchait pas à Shepard.

Escortée par un des gros bras de la gérante de la boite de nuit, le Commander rejoignit Presalia dans une alcôve privée. Le Docteur se leva d’un bond, un air de panique sur le visage. Jamais Shepard n’aurait pu croire que quelqu’un qui possédait autant d’assurance qu’elle puisse avoir une telle expression.

Presalia confirma ce que Liara craignait. Thessia venait de tomber. L’invasion avait rapide. Elle avait eu à peine le temps de fuir avant que les premiers Reapers n’arrivent. Liara pâlit. Elle l’avait su, au fond. La perte de contact avec ses informateurs ne pouvait être expliquée que par ce fait. Thessia avit été envahie par les Reapers. Garrus vint poser une main réconfortante sur l’épaule de l’Asari qui tentait de maîtriser ses émotions.

 

« Le Conseil ? » demanda Shepard sans trop y croire. Si l’un des cœur de la Galaxie avait été touché, il était temps qu’ils interviennent.

Presalia secoua la tête.

« Ils sont complètement dépassés par les événements. C’est trop rapide, trop imprévu. Rien ne les arrête. » Ses épaules s’affaissèrent. »

Elle prit une profonde inspiration, expliqua qu’elle avait réussi à emporter la majeure partie de ses recherches mais qu’il lui fallait encore du temps et des moyens pour finaliser sa découverte. Elle était confiante.

« Il me faut un laboratoire et des assistants. »

Elle semblait compter sur Shepard pour l’aider. Le Commander se mit à réfléchir. Comment faire pour que Presalia soit à l’abri un temps suffisamment long pour finir ses recherches ?

« Les Salarians ont de grandes connaissances scientifiques, continua le Docteur. Il faudrait que je me rende sur Sur'Kesh. »

Sur’Kesh n’avait pas encore été envahie. Shepard ne pouvait qu’approuver l’idée mais auraient-ils le temps de se rendre sur la planète salarienne avant que les Reapers ne l’envahissent ? Tout n’était qu’une question de temps à ne pas perdre. De plus, elle se savait poursuivie par le Conseil. Les Salarians n’allaient peut-être pas l’accueillir bras ouverts. Elle avait bien un contact à qui elle pouvait se fier mais…

Aria s’avança. Elle avait cet air supérieur que pouvait parfois arborer les Asaris et qui les rendaient si agaçantes aux yeux des autres races.

« Shepard. » dit-elle posément. « Ne serait-il pas temps que vous sortiez de l’ombre ? Je suis certaine que vous en avez assez de vous cacher, n’est-ce pas ? »

Shepard dévisagea l’Asari.

« Je ne pense pas que la Voie Lactée entière vous pourchasse. Vous avez des alliés. Vous avez de nombreuses personnes qui vous suivraient. Vous avez prévenu que les Reapers arrivaient. Ils sont là. N’est-ce pas une preuve de votre intégrité ? Le Conseil est dépassé. Personne ne peut les vaincre. Il n’y a que vous qui les ayez affrontés par le passé. Je ne pense pas que vous dévoiler vous mettra automatiquement en danger. Sans vouloir vous offenser, si toute la Galaxie avait vraiment voulu vous capturer, ce serait déjà fait. »

Aria ne pouvait qu’avoir raison. Elle avait eu de la chance, certes mais une bonne partie de cette chance avait sans doute été due au manque de conviction d’une grande partie de ses « poursuivants » à ne pas vraiment la chercher. Cerberus avait bien réussi par deux fois à la trouver.

Puis, il était temps de cesser cette stupide comédie. Il fallait qu’elle agisse sans entrave. Qu’elle se dévoile. Hackett ne lui avait pas formellement interdit de la faire. La situation était suffisamment désespérée. Elle ne voyait pas ce qui pouvait être pire. Sans les découvertes de Presalia, l’espoir de vaincre les Reapers était plus proche de zéro qu’avec. C’était le meilleur atout qu’elle avait. S’il fallait que les Salarians s’y mettent…

 

Elle avait l’impression de ne pas se donner à fond alors que c’était la seule chose à faire. Ce n’était pas une question de tactique ou de plan. C’était se battre pour survivre. Et si elle n’allait pas arracher des moyens de parvenir à leurs fins, autant se jeter directement sur un Reaper. Ce n’était pas elle. Ce n’était pas la Shepard qu’elle était. Depuis combien de temps passait-elle à côté de sa mission ? Trop longtemps. Aria avait finalement été la gifle qui l’avait réveillée. C’était prétentieux de penser qu’elle était celle qui pouvait faire en sorte que la Galaxie vienne à bout des Reapers. Toutefois au vu de la progression fulgurante de ces derniers, il y avait bien là une preuve qu’elle était un rempart, peut-être bien le dernier rempart.

Elle hocha la tête, remercia Aria de l’avoir secouée et remis les idées en place.

 

Un des sbires de la tenancière de la boite de nuit débaroula à toute vitesse dans l’alcôve. S’il ne craignait pas le courroux de sa patronne, c’était qu’il devait se passer quelque chose de grave.

« Omega est attaquée ! »

Aria se mit sur pied d’un mouvement rapide, invitant son subordonné à donner des détails. Déjà l’alarme hurlait, recouvrant la musique assourdissante des lieux.

Les Reapers ?

Non…

Cerberus.

Shepard pesta et serra les poings. Décidément… Même l’habilité de Joker n’avait pas pu parvenir à bout, une fois encore.

Garrus sembla avoir la même pensée car il dit : « Ils arrivent bien vite… Trop vite…

— Comme s’ils avaient été prévenus… » termina Liara, le visage préoccupé.

« Orinia nous a prévenus que Cerberus essayait de mettre la main sur Omega.

— Ils auraient très bien pu nous attaquer pendant votre disparition », contra Aria.

L’Asari donnait déjà quelques ordres. Elle demanda à ses sbires de commencer à rassembler les hommes. S’il fallait combattre, alors Cerberus n’allait pas être déçu. Il ne fallait pas faire chier Aria.

 

Shepard croisa les bras, dubitative. Une taupe ? N’importe qui sur Omega qui voudrait se faire un peu de fric les auraient balancés malgré la protection d’Aria. Pourtant… En tenant compte du temps qu’il aurait fallu pour contacter la cellule terroriste, l’assaut ne serait pas arrivé si vite. Alors…

 

Il y avait un traitre dans leurs rangs.

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