Beyond the Stars

Chapitre 19 : Chapitre dix-neuf

11061 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:32

Chapitre dix-neuf

« Qu’est-ce que c’est que cette… chose ? murmura Kaidan qui s’était soudainement arrêté de tirer tellement sa stupeur était grande.

— Je n’en sais rien, répondit Shepard sur le même ton, ne pouvant détacher ses yeux de la créature qui était apparue à l’écran.

— Ca réattaque ! » James fit faire une embardée au Kodiak qui dérapa dans les pierres noires. Un hurlement déchira l’air, un cri d’une créature mutilée, d’un être torturé. Et quelque chose dans cette lamentation était terriblement familier…

Féminin.

Shepard n’eut plus aucun doute. Ces créatures faméliques, difformes, aux membres allongés, au ventre nu qui se mouvait d’une manière quasiment obscène… Ces visages déformés par la douleur d’une transformation d’un être millénaire… Ce qui devait être une Asari à l’origine était devenu un monstre de chair boursouflée, au visage hideux. Et ce gémissement qui glaçait le sang précédait le tir d’une décharge d’énergie qui dévastait tout sur son passage.

Le Commander pensait que les Husks étaient la pire chose qui pouvait exister parmi ses ennemis. Les Reapers étaient hors catégorie. Mais ces abominations, ces… Banshees, étaient bien au-dessus du lot. Elles semblaient se mouvoir lentement mais chaque coup qu’elles portaient réduisait la zone de tir en chaos. Si jamais le Kodiak subissait une de ces attaques, elle ne donnait pas cher de leur peau. Elle doutait que les barrières kinétiques du Shuttle puissent encaisser le choc.

« James… Il ne faut pas qu’elles nous aient.

— Je m’en doute, Commander, je m’en doute. » Le Lieutenant serrait les dents à chaque manœuvre d’évitement. La sueur perlait à son visage et dégoulinait le long de sa nuque. Il n’était pas à la meilleure place.

Demandant aux autres de s’accrocher, James fit piler le véhicule. Sans attendre, il effectua une marche arrière à pleine puissance, faisant gémir le moteur du Kodiak. Manœuvre salvatrice, pourtant. Un tir de Banshee rasa le canon du véhicule, activant le bouclier.

« On s’arrache ! »

Partant à vive allure dans l’autre sens, l’engin subit l’assaut de Husks qui grouillaient dans le périmètre occupé par le Reaper.

« Ca devient critique, dit sombrement Garrus, alors qu’ils esquivaient de justesse une autre salve de Banshees. On ne va pas tenir longtemps à ce rythme. Le Reaper ne nous cède pas un mètre de terrain. »

Le Turian avait raison. Shepard ne pouvait que se rendre à l’évidence. Leur tactique d’approche était vouée à l’échec. Il fallait se replier. Le Commander pesta entre ses dents. Elle savait que cela n’allait pas être facile. Fixant le Reaper sur l’écran, elle maudissait la situation.

Que faire ? Il fallait agir vite. Très vite. Elle n’avait pas le temps de penser posément à une stratégie plus poussée. Le temps leur était compté. La jeune femme croisa les bras, pianotant de ses doigts sur l’intérieur de son coude. Elle observa les radars, fit le tour des images données par les caméras extérieur du Kodiak. Des milliers de Husks grouillaient, pulvérisés par les tirs de la première Flotte turienne, mais aussi vite remplacés. Il y avait des Brutes tout aussi atteintes, mais infiniment remplaçables. Et ces Banshees… La dernière invention des Reapers, sans doute une conséquence de leur invasion de Thessia.

Ce Reaper…

Il avait d’ailleurs cessé de tirer, pensant sans doute qu’il pouvait s’économiser, puisque ses troupes arrivaient très bien à s’en sortir sans son soutien. Shepard pesta entre ses dents, serrant le poing. Ils n’arriveraient jamais à s’approcher de cette manière ! Jamais !

« Shepard, la surchauffe du canon devient ingérable ! » Kaidan n’avait cessé de tirer, alternant roquettes et mitraillettes. Le canon principal du Kodiak commençait à devenir inutilisable, le temps nécessaire à son refroidissement n’étant pas respecté. Au vu de la masse des ennemis, c’était compréhensible.

Que faire ?

« Etat de la situation, Kaidan ? »

Terminées les querelles et autres ressentis. S’il le fallait, elle n’hésiterait pas à se reposer sur lui pour prendre la meilleure décision. Comme sur Virmire.

« Les clips de refroidissement du canon général sont presque H.S. La mitraillette est O.K, mais les roquettes ne vont pas tarder à manquer. Au pire, on peut tenir encore un quart d’heure. Pas plus.

— Que fait-on, Shepard ? demanda Garrus, visiblement inquiet à son tour. Si on se retirait ? Je pense qu’une approche aérienne serait peut-être une option à envisager. »

Non. C’était hors de question. Hors de question de risquer le Normandy. Même si elle concédait volontiers que Joker était un excellent pilote, le meilleur qu’elle n’avait jamais vu, la probabilité d’un échec était trop importante. Pour une fois, elle faisait confiance aux calculs d’EDI. Depuis quand était-elle devenue aussi prudente ? N’y avait-il pas une autre raison pour qu’elle craigne de perdre ainsi son vaisseau ? Elle secoua la tête. Pas de place pour des pensées parasites, elle s’était faite la promesse de ne pas se laisser influencer par ses sentiments.

Et la prudence, Shepard n’en était pas une adepte.

« J’y vais. » dit-elle abruptement en se levant.

« Comment ça, vous y allez ? » s’exclama James, lâchant des yeux une fraction de seconde les écrans avant de se faire rappeler à l’ordre par une collision avec un Husk.

« Je vais lui coller ce truc au train. » continua le Commander en s’emparant du prototype et du dispositif rudimentaire qui servirait à l’arrimer au Reaper.

« Shepard ! Je connais vos tendances suicidaires, mais c’est beaucoup trop dangereux ! » Garrus avait pâli en se levant, prêt à retenir la jeune femme par la force s’il le fallait.

« Commander ! Vous ne pouvez pas y aller ! »

La détresse dans la voix de Joker était palpable. Un grésillement lui fit comprendre que Shepard avait éteint le son de son oreillette. Il retint un juron, réfréna le gémissement inquiet qui avait failli lui sortir des entrailles et ne put assister qu’en spectateur impuissant à la discussion qui opposait Shepard à ses trois coéquipiers qui, fort heureusement, ne voulaient pas la laisser sortir. Entendre la jeune femme arguer qu’il n’y avait rien d’autre à faire à renfort de jurons lui fendait le cœur.

« Lucy, qu’est-ce que tu fais ? » Si seulement elle pouvait attendre un peu. Le Destroyer commençait à montrer des signes de faiblesse. Bientôt, le Normandy pourrait venir aider son Commander. Il fallait juste qu’elle attende un peu. A voir le visage tendu des autres, il sut qu’il n’était pas le seul à penser cela. Même Jack était pâle et ne pipait mot depuis un bon moment.

« Qu’est-ce que vous voulez, Shepard ? » s’écria Kaidan, laissant éclater une inquiétude certaine. « Vous voulez mourir, c’est ça ? Qu’est-ce que ça prouvera ?

— J’ai rien à prouver, Kaidan. Je ne vous demande pas de venir, que je sache !

— Replions-nous et réfléchissons à une autre approche, on a juste besoin de temps pour y penser, je vous en prie !

— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous !

— Ce n’est pas la question d’obéir à un ordre ! Shepard ! Vous êtes complètement folle !

— Si ça peut nous faire avancer dans ce combat, je veux bien l’être. » Shepard balança l’injure d’un geste agacé. Elle avait pris sa décision. Il n’y avait rien d’autre à faire.

« Ne vous en faites pas, dit-elle en fixant Kaidan droit dans les yeux. Je ne mourrais pas. »

Le Major allait sans doute répliquer, mais son regard exprimait l’inquiétude et il était si mortifié qu’il n’arriva pas à articuler quoique ce soit.

« J’ai horreur de faire attendre les gens. »

Dans le cockpit du Normandy, Jeff savait que cette phrase lui était destinée. Lucy lui avait promis de revenir. Et maintenant qu’il la savait prête à prendre un risque inconsidéré, il pensa qu’il n’arriverait pas à survivre si elle ne tenait pas parole. Son cœur manqua quelques battements pour repartir de plus belle. Il avait l’estomac noué et la bile lui remontait dans la gorge. Un tir frôla le Normandy, le rappelant à l’ordre. Lui aussi avait une parole à tenir.

« Je viens avec vous. »

Garrus avait fini par se poster à côté de Shepard comme pour lui faire comprendre qu’il ne changerait pas non plus d’avis. Il sortit un fusil d’assaut et l’arma.

« Je ne vous l’ai pas demandé, dit doucement le Commander.

— Oh, je ne suis pas du genre à obéir à des ordres inconsidérés. Et puis, je n’ai pas envie que l’on chante vos seules louanges dans les générations futures. Il y aura aussi tout un passage sur la bravoure de Garrus Vakarian, le Turian qui affronte les Banshees sans peur. »

Il sourit avec sa manière particulière de bouger ses mandibules.

« Il n’y a pas de Shepard sans Vakarian. J’aimerais que l’Histoire retienne cette phrase. »

« Putain, je savais pas que Garrus en pinçait pour Shepard. »

Cela venait de Jack. Heureusement que la liaison n’était pas activée.

Ce fut au tour de Lucy de sourire. « Alors pas de Vakarian sans Shepard. » Le Turian se mit à rire.

Jeff, lui, ne riait pas du tout. C’était quoi ça ?

C’était quoi cette ambiance ? Ce sentiment de jalousie qui venait à lui tordre tellement les entrailles qu’il grimaçait de douleur ? C’était à lui d’être en bas, à lui d’avoir la place de celui qui défendrait la vie de la jeune femme, quitte à laisser la sienne. Qu’est-ce qu’il foutait là ?

« Je… Je viens aussi ! »

La phrase maladroite de Kaidan aurait pu le faire rire dans d’autres circonstances. Dans un univers parallèle où sa relation avec Shepard n’existait pas.

Même sentir que finalement, le Kaidan qu’il avait connu n’avait pas totalement disparu, ne lui fit rien.

Ils étaient donc devenus fous tous les trois ? Il n’y avait donc personne de sensé dans ce véhicule ? Jacob, agrippé au fauteuil de Joker, penché sur les écrans, tenta de persuader Garrus de revenir à la raison. Ils ne pouvaient se permettre de perdre Shepard ni personne, s’empressa de rajouter l’officier, mais tout le monde savait bien que les autres représentaient une perte négligeable aux yeux de l’Alliance et de ses alliés.

Shepard hocha la tête à l’injection spontanée de Kaidan. Ce dernier fixait Garrus avec insistance. Il n’allait pas lui laisser le beau rôle !

« Le principal objectif, c’est le Reaper. C’est sur son rythme que nous devons nous caler. » Le trio synchronisa son Omnitool. « La cadence des tirs est assez soutenue. James, il faudra nous approchez le plus possible. Ensuite, je compte sur vous pour faire un peu de ménage. »

Shepard utilisa le module de communication du Shuttle pour prévenir Orinia de leur nouvelle stratégie. Il ne fallait pas qu’ils soient pris pour cible, il ne manquerait plus que ça ! Le Primarch ne fit pas de remarque particulière quant à l’annonce de la décision d’y aller à pieds. Sans doute avait-elle compris qu’il ne restait pas d’alternative. De plus, Orinia n’était pas aussi liée à Shepard que tous les autres membres de son équipe. En des temps aussi désespérés, toute solution était bonne à prendre.

James retenta donc une percée. Il fit vrombir le moteur du Kodiak. Le chaos ambiant ne diminuait pas. Entre les tirs du type Harbinger, les salves de créatures monstrueuses, la couverture aérienne diminuante de la Deuxième Flotte, il était difficile de manœuvrer. James s’en sortait plutôt bien pour la situation. Pendant qu’il essayait d’avancer au plus près de la cible, Garrus, Kaidan et Shepard bricolaient un nouveau système pour arrimer le prototype. Ayant mis la main sur l’arme la plus lourde qui se trouvait dans l’arsenal du Kodiak, ils arrimaient l’engin à un lest qui serait, l’espéraient-ils, projeté par le lance-roquette.

« Et pour la manœuvre d’extraction ? » demanda James, évitant un énième tir.

Le Commander ne répondit pas. Elle n’avait pas vraiment envie d’y penser. Comment James allait-il les récupérer en plein chaos ? Où ils se trouvaient encore, ce n’était qu’une vague idée de ce qui les attendait entre les pattes du Reaper.

« Vous battrez en retraite et attendrez mon signal. » Elle ne pouvait rien lui dire de plus. Si l’engin fonctionnait, ils ne savaient pas à quoi s’attendre. Au mieux, tout s’arrêterait et ils pourraient revenir sains et saufs. Si c’était un échec… Elle n’osa pas le dire à haute voix mais les autres purent aisément deviner que fuir à toutes jambes en priant pour qu’ils s’en sortent serait la solution à envisager.

« Je savais que Shepard était jetée, mais à ce point… »

Jack était pourtant toujours partante pour les missions les plus extrêmes, incluant notamment des explosions, mais là… Même elle ne se serait pas risquée à affronter un Reaper de plusieurs kilomètres de long à pieds et armée d’un lance-roquettes. Elle avait beau être nihiliste, il y avait des limites.

Jeff commençait à trouver le nombre de mains agrippées à son fauteuil un peu trop important. Difficile de se concentrer sur son propre combat avec tout ce monde dans son dos, respirant à peine, les yeux fixés sur le spot de Shepard qui progressait à vitesse folle vers le Reaper.

Shepard… Il comprenait à présent pourquoi elle ne l’avait pas fait rejoindre la deuxième flotte d’Orinia. Elle avait voulu qu’il se concentre sur autre chose qu’elle. Qu’il puisse rester professionnel malgré sa situation à elle. Toutefois, cela ne l’autorisait pas à prendre autant de risques. Ca, jamais.

Le pilote n’avait qu’une hâte : en finir avec cette saloperie qui se mettait entre son Commander et lui.

Lucy n’avait pas à penser qu’elle devait toujours tout faire toute seule. Lui, était là pour elle. Depuis le début. Rien ne changerait ça.

Et surtout pas des ordres à la con.

Le Kodiak progressait de plus en plus difficilement. Chaque choc encaissé l’approchait de plus en plus de la destruction. Pourtant, James savait qu’il lui fallait approcher le plus possible. Il avait repéré l’endroit où il pourrait sortir Shepard en toute sécurité.

Le Commander avait le visage fermé, concentrée sur la suite. Elle tentait de visualiser. Mais comment entrevoir quelque chose que personne n’avait fait ? Quelque chose qui n’existait sur aucune simulation d’entraînement, une stratégie qui n’avait été écrite par personne ?

A chaque embardée, elle fermait les yeux, se reconcentrant. Elle devait faire abstraction du reste. Seul son objectif comptait. Se recentrer. Se focaliser sur sa propre respiration. Là, dehors, elle n’aurait pas le temps de ça. Elle devait atteindre le calme et la froideur avant de se jeter dans la bataille. Elle compta les secondes nécessaires à une expiration. Inspiration. Expiration. Apaiser son rythme respiratoire pour ne pas laisser s’emballer son cœur. Ne pas se laisser atteindre par la peur des autres. Par le chaos ambiant. Trouver le silence intérieur.

« Commander ! » La voix de James parvint à percer la bulle qu’elle s’était construite. Elle ouvrit les yeux, comme si elle se réveillait d’un seul coup. Tout à coup les bruits éclatèrent dans ses oreilles, provoquant une douleur aiguë. Un sifflement. Puis elle distingua ce que James lui hurlait.

C’était là. Maintenant. Le moment d’y aller. De se jeter à corps perdu dans la gueule du loup. Plus le temps d’hésiter, de douter. Elle l’avait voulu, non ? C’était sa décision.

Elle happa une goulée d’air, trop vite, ce qui la fit grimacer.

« OK. OK, James. » Elle disait ça plus pour elle-même, en fait. Elle fit un signe de tête vers Garrus et Kaidan. Tous trois se mirent en position vers la porte latérale du véhicule, prêts à sauter en marche.

« James. Maintenant. »

Le fracas extérieur leur explosa à la figure tandis que la porte s’ouvrait. Shepard ne laissa pas son regard dévier sur les multiples éclairs lumineux qui déchiraient le ciel de Menae. Elle donna une impulsion dans ses jambes et sauta. Le choc fut rude, mais elle profita de sa perte d’équilibre pour courir le plus vite possible vers l’objectif. Elle ne le quittait pas des yeux. Le Reaper. L’immensité du monstre était telle qu’elle n’arrivait pas à en voir le sommet. Il était trop tard pour reculer. Elle fila à travers les tirs et les monticules rocheux suivie de près par ses deux coéquipiers.

« Foutez le camp, James ! »

Elle n’avait pas le temps de se retourner pour vérifier qu’il quittait bien la zone. Mais elle n’avait pas besoin de s’en assurer, elle savait que James saurait s’en sortir.

« Banshee ! »

Elle eut à peine le temps de se jeter au sol. Le rayon produit par la créature difforme lui rasa le dos. Elle se retourna et vit Garrus projeté dans les airs, l’aura bleutée de son bouclier brillait intensément.

« Garrus ! »

Elle se mit à courir dans la direction où il avait touché le sol. Elle entendit le râle de la bête que Kaidan arrosait copieusement de tirs. Le Turian se releva lourdement quand elle arriva. Il fit un geste pour la rassurer. Il fallait plus qu’un tir de Banshee pour avoir sa peau.

« Nous devons aller plus vite. » ajouta-t-il et il avait raison. Plus le temps passé dans la mitraille passait, plus ils allaient subir un feu nourri et leurs chances d’arriver à l’objectif s’amoindriraient.

Ils rejoignirent Kaidan qui avait trouvé un moment de répit dans un repli rocheux. Ils ne devaient pas s’y attarder longtemps, deux brutes arrivaient par les flancs et ils allaient se retrouver pris en tenailles. Ne manquaient plus que les Marauders s’approchent et la fête serait finie.

Shepard visualisa une brèche.

« Go. » Ils se ruèrent droit devant. Les tirs ricochaient sur les parois rocheuses. Le Commander sentait son bouclier encaisser chaque attaque. A ce rythme-là, il n’allait pas tenir longtemps. Elle commençait à penser qu’il leur faudrait un miracle. Puis, elle chassa cette idée. Elle ne devait pas flancher.

« Attention ! » Kaidan se jeta sur elle, la plaquant au sol tandis que le rayon lancé par le Reaper leur passait au dessus. Celui-là les désintégrerait immédiatement s’il les touchait.

Et pourtant il fallait avancer. Malgré tout. Malgré le tumulte qui sifflait à leur oreille, la mort à chaque pas. Aller droit devant. Vers cet ennemi massif qui n’apportait que la destruction et dont la probabilité de le vaincre était quasiment nulle. Mais il fallait tenter. Parce que personne d’autre n’allait le faire à leur place.

Cela n’effleura qu’une fraction de seconde Shepard, mais elle pensa tout de même que s’ils échouaient, elle savait que peut-être, la génération suivante prendrait le relais avec leurs connaissances que Liara avait sans doute caché quelque part. Mais cette pensée ne dura qu’un instant. Elle avait fait une promesse. Elle ne voulait pas y déroger. Cliché. Sincèrement, elle s’en foutait. Si cela pouvait la faire avancer, elle prenait. Il lui fallait du courage. Et une bonne dose d’inconscience.

De plus, elle avait embarqué Garrus et Kaidan dans sa folle échappée. Elle ne pouvait faire n’importe quoi, même si elle ne leur avait rien demandé ! Elle ne pouvait se résoudre à savoir Garrus mort ou quoi que ce soit. Même cet imbécile de Kaidan méritait qu’ils y arrivent !

Elle vit venir le second rayon. D’un saut, elle fut à terre. Dans son dos, Kaidan et Garrus s’aplatirent également.

« Ca n’est pas passé loin. » commenta Garrus sans rire. Il commençait sans doute à trouver le chargement encombrant. C’était lui qui s’était proposé de porter le prototype. Shepard fit signe à Kaidan de prendre le relais. Même s’il n’était qu’un biotique, il pouvait bien prendre un peu de poids pour un moment.

De toute façon, ils n’étaient plus très loin de la cible.

Plus ils s’approchaient, plus le Reaper leur paraissait gigantesque. Et plus cette sensation d’inconfort persistait. C’était quelque chose de diffus mais présent. Lucy ne savait pas comment l’expliquer ni le décrire. Mais elle sentait quelque chose d’étranger.

La brute la percuta de plein fouet. Elle se retrouva à terre, le bouclier endommagé.

« Merde ! »

Elle se redressa difficilement, juste assez rapidement pour éviter la seconde salve de la bête en roulant sur le côté. Elle sortir son fusil d’assaut. Pas son arme de prédilection, mais un fusil de précision n’était pas l’arme la plus appropriée pour cette mission. Le temps d’armer et la Brute était à nouveau sur elle. Première salve. L’ennemi ne semblait pas plus perturbé que ça par ses tirs. Shepard se contracta pour encaisser le choc.

Il ne vint pas.

Kaidan venait de faire choir le monstre de quatre balles de bon calibre bien placées dans sa tête. Il tendit la main pour aider Shepard, elle ne put se résoudre à la refuser. Elle lui en devait une sacrée.

« Allez, on y est presque ! » hurla Garrus qui les couvrait d’un tir nourri. Sa voix parvenait à peine à surmonter le tumulte.

Quant au Reaper, il redoublait sa cadence de tir depuis quelques temps. Lucy avait réussi à compter le nombre de secondes entre chaque salve. C’était assez restreint.

Le trio trouva quelques instants de répit à l’abri d’une épine rocheuse.

« Quatre-vingts secondes. » C’était dans ce laps de temps qu’ils devaient agir. Court, mais faisable s’ils agissaient de concert.

« Je vais me charger du tir. » précisa-t-elle. C’était la partie la plus risquée, mais elle ne voulait pas que quelqu’un d’autre le fasse. Il fallait de la grande précision et c’était son domaine de prédilection. Garrus et Kaidan n’avaient pas le temps de répliquer. Ce n’était ni le moment, ni l’endroit. De toute façon, ils savaient, en voulant la suivre, qu’ils n’auraient pas leur mot à dire. Autant qu’ils remplissent leur part du marché. La protéger à tout prix.

Ils attendirent la prochaine salve qui ébranla sévèrement le pic rocheux. Il fallait sortir de la couverture au plus vite. Le décompte mental commença. Boostée par l’adrénaline, Shepard se propulsa en avant, Garrus et Kaidan à ses côtés. Elle pouvait sentir le frottement de ses muscles, le grincement de ses os, l’air emplir ses poumons.

« Trente-quatre, trente-cinq… »

Elle se campa à bonne distance, la juste distance pour une arme de cette portée. Elle n’avait pas le droit à l’erreur. Elle déploya le prototype. Les tirs de Garrus et Kaidan résonnaient dans ses oreilles. Elle devait rester concentrée. Elle fixa l’équipement au sol, activa la machine fabriquée par Presalia. Une poignée de secondes s’écoula encore.

Elle se mit en position de tir, supportant le poids de l’arme en s’accroupissant fermement sur le sol. Un tir la percuta, renvoyé par son bouclier. Ses anges gardiens étaient en difficulté. Il restait une trentaine de secondes. Déjà, elle pouvait voir les reflux d’énergie affluer vers le noyau d’où provenaient les tirs du Reaper.

Elle tira.

Le contrecoup du tir se fit vite sentir et elle chancela sous l’impact. Elle suivit des yeux le projectile qui vint se planter exactement à l’endroit où elle l’avait voulu. Mais elle n’avait pas le temps de s’extasier. Il ne restait que dix secondes avant la prochaine salve.

« On dégage ! » hurla-t-elle aussi fort qu’elle le pouvait à ses compagnons. Ils ne se le firent pas dire deux fois et la suivirent. Le rayon meurtrier rasa leurs pas.

Maintenant, ils devaient mettre le plus de distance possible entre le Reaper et eux. Peu importait le reste, il fallait foutre le camp. Ils ne savaient les effets qu’allait avoir le prototype sur la cible et ils n’avaient pas envie de voir ça de trop près si ça tournait mal.

Mais ils n’étaient pas seuls. Les centaines d’horreurs que le Reaper avait apporté avec lui continuaient leur assaut destructeur. Kaidan fut touché par le tir d’un Maradeur et son bouclier affaibli ne put le protéger davantage. Cela stoppa leur fuite. Il fallait malheureusement envisager un combat rapproché. Shepard était la seule à avoir son bouclier quasiment intact. Elle se mit entre Kaidan et l’ennemi et commença à tirer pendant que Garrus mettait le Major en sécurité relative. A ce rythme-là, ils ne tiendraient pas longtemps.

Et ce putain de prototype qui ne semblait pas fonctionner.

Rien.

Rien n’avait changé. Ils étaient toujours la proie du Reaper et de ses créatures ?

Où était le miracle ?

Où était l’espoir ?

Merde, ils avaient donc fait tout ça pour rien ?

Et tout se passa en même temps.

La salve qui devait venir du Reaper ne vint pas. Les tirs cessèrent. Venant de nulle part, le Kodiak percuta tout ce qui se mettait en travers de son chemin avec une facilité déconcertante. Le Normandy arrosa toute la zone, inconscient de ce qu’il se passait, que l’ennemi avait cessé le feu. Et parmi tout ce tumulte et ce silence simultanés, Lucy s’effondra.

La première chose qu’elle ressentit fut une douleur intense au niveau des yeux. La lumière était trop forte. Sa main chercha dans le vide, quelque chose qui put éteindre la lumière, qui put la plonger dans le noir où, elle en était persuadée, la douleur s’en irait.

« Calmez-vous, Commander. »

La phrase sonnait de manière discordante dans ses oreilles, mais elle reconnut la voix de Chakwas. Et ce fut là le premier soulagement. Elle tenta de parler mais ne sortit qu’un son coassant. Elle avala difficilement sa salive, passa la langue sur ses lèvres qu’elle sentit être desséchées.

« Lumière… Eteindre la… lumière. » supplia-t-elle doucement.

Et le Docteur exauça son vœu. La douleur disparut. Laissant place à quelque chose de plus sourd, qui lançait dans son cerveau. Comme la sensation qu’elle avait éprouvée sur le sol de Menae.

Menae !

Elle se redressa violemment et il fallut tout la poigne du médecin pour qu’elle se force à se recoucher.

« Que s’est-il passé ? »

Le docteur soupira et demanda à EDI de faire entrer Kaidan.

Shepard se força à ouvrir les yeux. La luminosité réduite à son minimum était supportable. Elle arrivait à distinguer le contour des objets au fur et à mesure que sa vision s’accoutumait à l’obscurité. Au moins était-elle rassurée de ne pas avoir perdu la vue. Maintenant, elle se demandait ce qui avait bien pu se passer. Elle se rappelait avoir couru pour fuir la masse grouillante qui leur courrait après. Garrus qui s’était stoppé net et avait crié quelque chose.

Après, plus rien.

Chercher dans ses souvenirs ne fit qu’empirer son mal de tête. Elle espérait que quelqu’un lui en apprenne plus. Pour le moment, elle était en sécurité, tout le monde semblait sauf… Mais le reste… Est-ce que leur folle équipée avait servi à quelque chose ? Et le prototype ?

Elle aurait préféré que Chakwas appelle Liara plutôt que Kaidan qui n’allait servir à rien d’autre qu’à lui faire la morale. Pourquoi Garrus n’était-il pas là ? Il était tout à fait capable de lui faire un débriefing. De plus, elle lui faisait plus confiance. Elle savait qu’il ne lui cacherait rien ou ne chercherait pas à la manipuler en omettant des informations. Kaidan, depuis bien longtemps, la mettait mal à l’aise. Elle s’en méfiait. Elle ne savait pas ce dont il était capable, seul parmi tout un équipage qui n’était certainement pas de son côté.

Le Commander vit la doctoresse se lever pour accueillir le nouvel arrivant. Chakwas le prit par le bras avant qu’il ne la dépasse, lui murmura quelque chose que Shepard ne parvint pas à entendre. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien pouvoir se dire ? Elle sentait que le Docteur était tendu. Elle ne distinguait pas ses traits mais ressentait sa raideur dans sa posture et la rigidité de son geste. Comme une mise en garde.

Puis, Chakwas lâcha le Major et se rassit à son bureau. Kaidan s’approcha doucement et Shepard serra malgré elle ses mâchoires. Il semblait hésiter et fugacement, Lucy revit le jeune Lieutenant qui agissait gauchement en sa présence, quand il était gêné, qu’il avait quelque chose à dire qui n’avait rien de professionnel. Cela la surprit puis elle se souvint qu’il avait eu une attitude similaire dans le Kodiak à bredouiller qu’il venait lui aussi. A quoi jouait-il ?

Il ouvrit la bouche pour parler, se ravisa. Il s’éclaircit la gorge, reprit contenance.

« Il semblerait que la mission sur Menae soit un succès. » dit-il avec assurance. Le ton était très formel. Le Major était de retour.

« Bien. Je pourrais avoir un point de la situation après avoir perdu connaissance ? »

Kaidan hocha la tête. « Vakarian termine son rapport, mais je peux faire un topo général. »

Garrus, faire un rapport ? C’était quoi, ce délire ? Comment se faisait-il qu’il se plie à un exercice qu’elle n’avait jamais demandé de lui ? Comment Kaidan s’y était-il pris ? Dans quel but ? En général, elle débriefait oralement avec son compagnon de terrain.

Shepard serra les dents, mais ne voulut pas ouvrir la bouche, ne pas donner à Kaidan le plaisir de la voir décontenancée.

« Lorsque vous avez perdu conscience, les tirs du Reaper se sont arrêtés. Les troupes ennemies ont stoppé leur progression. Le Lieutenant Vega est arrivé immédiatement sur zone pour nous extraire. En dépit des ordres donnés, le Normandy a quitté son poste et s’est dirigé vers la cible. Le reste des deux Flottes du Primarch Orinia a fait feu sur le Reaper. Les dégâts ont été importants mais l’ennemi est parvenu à fuir. Quand aux troupes, elles se sont mises à errer dans toutes les directions une fois le Reaper hors zone et nous avons procédé à leur élimination en bombardant le secteur. Quelques individus ont été mis à la disposition du Docteur Presalia pour une étude complète sur le phénomène dont nous avons été témoins. »

Cela faisait beaucoup d’informations à assimiler et Shepard passa une main sur son front. La douleur sourde commençait à refaire surface. Alors… Cela avait fonctionné. Aussi fou et désespéré que cela avait paru, ils avaient réussi. Elle avait vraiment du mal à y croire. Le prototype semblait agir de manière négative sur les Reapers. Ils avaient pu attaquer un Reaper de type Harbinger. L’endommager. Le forcer à fuir. Et là, c’était quelque chose de formidable.

« Je pense que cela suffit pour le moment. » Chakwas s’était relevée et s’approchait des écrans affichant les constantes de Shepard qui s’affolaient un peu.

« Un peu de repos ne vous fera pas de mal. Après, tout, vous venez d’affronter un Reaper avec un simple lance-roquettes. » Ces derniers mots avaient une teinte d’ironie mêlée à de la lassitude. Lucy savait qu’elle causait de nombreux tracas à la doctoresse qui n’exprimait pas seulement une inquiétude professionnelle. Elle voulut protester, mais elle n’en n’eut pas la force, Chakwas venait de la plonger dans un sommeil artificiel.

Quand elle reprit conscience, la douleur n’était plus là. Elle sentit deux présences dans la pièce. Est-ce que Kaidan l’avait veillée ? Non, c’était ridicule. Elle sentit une main sur son bras. Jeff ? Non, il ne pourrait pas agir de cette manière en présence de quelqu’un d’autre. Elle se demanda s’il allait bien. Il devait être en colère après elle. Après tout, elle l’avait ignoré royalement, elle n’avait pas voulu entendre son inquiétude. Elle savait qu’elle avait bien agi pour la réussite de la mission. Elle espérait qu’il voie ça d’un point de vue professionnel et qu’il passe outre ses sentiments. Ils ne devaient pas interférer sur le travail. Il devait bien le savoir, non ?

« Shepard. »

C’était la voix de Liara. Et cette main sur son bras était donc la sienne. Shepard tourna la tête vers l’Asari, les sens encore brumeux sous l’effet du sédatif que lui avait administré le docteur. Elle distingua pourtant, non loin d’elle, la silhouette massive de Garrus.

« Sacré frousse, encore une fois, Shepard. Je n’arrive décidément pas à m’y habituer. » commenta le Turian. Même s’il cherchait à faire de l’humour, Lucy sentit qu’il y avait un certain soulagement dans ses paroles. Elle réussit à lui adresser un sourire.

Chawkas avait laissé la lumière au minimum. Le Commander demanda à remonter un peu le niveau lumineux. Elle n’avait plus mal aux yeux, c’était bon signe. Elle posa le regard sur le Turian. Et ne put manquer le bandage qui lui couvrait une bonne partie de l’épaule. Ce dernier suivit son regard et haussa son épaule valide comme pour dédramatiser sa blessure.

« Oh, les Banshees sont assez coriaces… Ce sont des Asaris, à la base, rien d’étonnant. »

Shepard ne manqua pas la grimace dégoûtée de Liara ni son regard triste. C’était quelque chose de terrifiant. Savoir que sa propre espèce pouvait être transformée en abomination hideuse. Les Asaris, si gracieuses, si charismatiques… devenant un amas de chair immonde et obscène.

« Heureusement pour eux que les Turians ont la peau dure. » répondit finalement Shepard en se redressant. Elle n’aimait pas être complètement allongée, elle avait l’impression d’être une mourante que l’on veillait et elle trouvait cette sensation particulièrement désagréable.

« Mise à part cette frayeur que vous nous avez faite, on peut dire que les humains sont bien plus solides qu’ils ne paraissent, renchérit Garrus.

— Seulement, les têtes brulées comme moi peuvent y laisser la peau. Beaucoup de chance et la réussite de Presalia y ont beaucoup joué. Sans ça, on était bons pour finir comme ces monstres. »

Le sérieux était revenu. Shepard se tourna alors vers Liara qui lui fit un petit compte rendu, plutôt épuré de tous les termes compliqués qui auraient pu raviver sa migraine. Les données qu’elle avait pu recueillir le temps que le prototype émette un signal proche avaient été transmises sur Sur’Kesh, où Presalia avait déjà entamé l’analyse. Elle avait programmé le module de collecte de données de façon à ce qu’il n’émette plus à partir d’un moment, histoire que les Reapers ne remontent pas vers le destinataire des informations. Un coup de poker, quand même, que ce petit module qui avait eut un effet inespéré. Il semblait que ses effets soient de paralyser le signal nerveux du Reaper qui ne parviendrait plus à contrôler ses troupes. Cela avait bel et bien un effet sur l’endoctrination en modifiant le signal émit par les Reapers vers leurs marionnettes.

Le fait qu’il se soit arrêté de tirer n’avait rien à voir là-dedans. Sans doute avait-il été surpris par l’attaque surprise de quelques mouches, quelques êtres insignifiants pour lui. En tout cas, cela avait donné une chance au Normandy de récupérer leur équipe à terre de manière rapide.

Garrus lui parla de la partie plus martiale. Les dégâts fait au Reaper n’avaient été que superficiels, ce qui douchait un peu l’enthousiasme des troupes. La structure de ces entités gigantesques était telle qu’il était difficile pour des armes conventionnelles d’en venir à bout. Là, s’il fallait détruire à l’ancienne les Reapers, ils allaient y perdre de l’énergie, du temps et surtout des vaisseaux.

Que faire alors ?

Shepard rejeta la tête en arrière, réfléchissant. Si seulement, elle avait quelqu’un qui pourrait les aider. Si seulement… Tali était là.

Ils n’avaient plus eux de nouvelles depuis de longues semaines et à chaque fois, Lucy rejetait la pensée qu’il ait pu lui arriver quelque chose. Mais il y avait de quoi s’inquiéter.

Legion pourrait être de bon conseil, mais sa manière de répondre de manière quasi énigmatique était frustrante. A croire qu’il n’était pas préoccupé plus que ça par ce qui se passait.

C’était quelque chose d’insoluble pour l’instant.

EDI interrompit le fil de ses pensées moroses.

« ETA pour la Citadelle : une heure. »

Cela fit sursauter tout le monde, Shepard la première.

Ainsi, ils se dirigeaient vers la Citadelle…

« Une idée de Kaidan, je suppose. » constata-t-elle à mi voix. Le petit chien-chien d’Udina était sans doute pressé de faire son rapport à son maître. Après avoir constaté de ses propres yeux que Shepard n’était pas un ennemi, mais avait réussi à rassembler suffisamment de personnes pour trouver des solutions, il se méfiait encore ? A vrai dire, la réciproque était vraie mais le Commander se dit qu’elle avait bien fait de ne pas lui faire confiance.

D’un air désabusé, elle se fit la réflexion que si cela était nécessaire pour que le Conseil lui foute la paix alors, c’était pas chez payé. Mais l’idée de savoir que Joker avait obéi à un ordre autre que le sien était quelque chose qu’elle avait du mal concevoir. Etait-il à ce point en colère après elle ?

« Nous n’avons pas le choix, dit doucement Garrus, lisant certainement ses pensées sur son visage. Si nous voulons revoir Wrex, il nous faut jouer le jeu du Conseil.

— Je ne m’inquiéterais pas trop pour lui, argumenta Liara avec un sourire amusé, notre ami Krogan a du tout faire pour leur rendre la vie impossible. Ils vont nous le rendre avec un soulagement certain. »

Oui. Pour Wrex, Lucy s’inquiétait moins. Mais elle avait hâte de le revoir, de lui dire qu’ils avaient enfin une lueur d’espoir. Une lueur qu’il fallait à tout prix faire grandir.

Ça, elle voulait que le Conseil le comprenne. Qu’ils avaient un début de plan. Qu’il fallait que tout le monde s’y mette pour que cela fonctionne. Ça, ils pouvaient bien le comprendre, non ?

Shepard décida que le moment n’était plus au repos et demanda à Liara de la mettre sur pieds. L’Asari savait qu’elle n’avait pas le droit de la contredire ou de lui faire entendre raison.

« En tout cas, s’il faut aller faire entendre raison au Conseil, je préfère y aller moi-même. Je n’ai pas envie de laisser Kaidan se tailler la meilleure part.

— Je suis tout à fait de cet avis. J’ai aussi droit à mon moment de gloire », ajouta Garrus en soulevant prudemment son bras blessé.

Shepard eut un rire amusé. Elle regarda son ami dans les yeux et lui murmura un merci sincère. Garrus inclina la tête puis se ressaisit.

« Je ne vois absolument pas de quoi vous voulez parler. »

Aidée par Liara, Shepard fit quelques pas. Elle était encore groggy à cause des anti-douleurs qui étaient encore dans son système.

Elle ne voulait pas passer cette heure à se reposer encore. Elle avait eu son compte de sommeil, même artificiel. Elle voulait le point sur tout ce qu’il s’était passé et dit dans le Normandy pendant le temps où elle avait été non-opérationnelle. Liara ne pouvait pas lui fournir plus que ce qu’elle avait fait avec Presalia. Garrus avait sans doute fait profil bas en écoutant Kaidan pour ne pas mettre tout le monde en position délicate. Jacob pourrait lui faire un brief rapide. Elle demanda où le trouver.

« Sans doute dans le cockpit. » la renseigna Garrus, expliquant que l’ancien officier de Cerberus n’était pas très à l’aise en présence de leur invité et évitait de se retrouver seul avec lui. Le seul allié qu’il avait trouvé pour ne pas se retrouver en situation délicate avait été Joker. Kaidan semblait voulait l’éviter également.

« Une histoire de loyauté et d’opinions divergentes à votre sujet », précisa le Turian, ce qui fit dresser l’échine du Commander. Espérons que ce ne soit pas allé plus loin que quelques piques bien senties. Au moins la présence de Jacob évitait toute montée en puissance.

« Je vais contacter Presalia afin de voir notre approche lors du compte-rendu au Conseil », indiqua Liara avant de se diriger vers la pièce qui lui était réservée tandis que Garrus et Shepard s’engouffraient dans l’élévateur.

« Il va falloir être prudents. Nous avons une lueur d’espoir, mais ce n’est pas une victoire assurée non plus. Nous devons convaincre le conseil de créer une alliance durable et plénière qui doit englober bien plus que les races qu’il représente. »

Shepard ne put qu’acquiescer. Elle fronça les sourcils, réfléchissant à quelques alliés potentiels. Les quatre races qui composaient le Conseil étaient les plus puissantes, les plus avancées mais il ne fallait pas négliger les oubliés, les non représentés.

« Les Volus… finit-elle par dire. On n’a aucune nouvelle de La Flotille Nomade. Si on doit chercher des autres spécialistes en technologies, ce sont bien eux. Je sais qu’ils sont plutôt commerçants, mais ce sont les meilleurs pour dénicher les armes de pointe. »

Garrus hocha la tête. « Les Volus ont été un support non négligeable lors des Rebellions Kroganes.

— Hum… Malgré tout, le Conseil n’a pas jugé utile de leur proposer un siège.

— Il n’a jamais eu grande considération pour ceux qui aiment le profit. Les Volus adorent énormément les Crédits. Tout se marchande, tout a un prix avec les Volus. Le Conseil a dû juger qu’ils manquaient d’abnégation. »

Cette dernière phrase arracha un rire moqueur au Commander. Comme si le Conseil ne voyait pas son propre profit à diriger la Citadelle. L’abnégation ne faisait pas forcément partie de leur travail.

« Négocions d’abord l’idée avec le Conseil. Sinon, nous pourrons toujours nous tourner vers l’Ambassadeur des Volus, Din Korlack.

— Il ne sera pas facile à convaincre sans contrepartie sonnante et trébuchante. Vous avez un héritage caché, Shepard ? »

Cette dernière secoua la tête. Qu’est-ce qu’un Volus pourrait trouver d’intéressant à se jeter dans cette folle bataille. ? Même leur parler de survie ne suffirait pas.

« Argumentons une place au Conseil, alors.

— Sans en parler aux membres concernés ? C’est un coup de bluff. »

Le Commander haussa les épaules. L’archaïsme du système était vraiment un frein à la résistance contre les Reapers. S’ils n’avaient pas à composer avec quelques races qui représentaient qu’une partie des habitants de la Galaxie… Ils n’en avaient rien à foutre. En tout cas, ils montraient cette impression.

Les Volus n’agiraient pas gratuitement. Ca, Shepard le savait. Cela la faisait rager, de voir que le profit prenait toujours le pas sur tout, mais qui pouvait blâmer ceux qui ne récoltaient que les miettes ? Même si l’influence des Volus sur l’économie galactique n’était plus à démontrer, ils n’en étaient pas moins peu considérés par le Conseil ou les autres races. Aux yeux de la majorité, ce n’étaient que de petits personnages cupides, incapables de s’adapter aux autres environnements que le leurs, obligés de s’enfermer dans des combinaisons qui les rendaient encore plus grotesques. Pour avoir frayé avec certains représentants de cette race, Shepard pourrait se rallier à cette idée commune, mais elle savait bien qu’elle n’avait pas fréquenté le beau monde volus. Comme dans n’importe quelle société, les volus avaient leurs petites frappes, leurs escrocs à la petite semaine. Il ne fallait pas pour autant généraliser.

Le Conseil, lui n’accepterait pas un Volus à son côté. Etant inaptes au combat, les Volus ne représentaient pas une force militaire et donc aucun apport sécuritaire pour la Citadelle.

C’était là que ça coinçait pour Shepard. La primauté de l’Armée pour asseoir une gouvernance. En tant que militaire, elle était bien consciente qu’une force armée était nécessaire pour protéger les individus. Qu’au vu de l’hostilité de l’espace, il fallait être fort militairement. Mais le Conseil était, pour elle, quelque chose d’autre. Si c’était un organe de décision pour les milliards de milliards d’habitants de la Voie Lactée, il fallait qu’il les représente pleinement. C’était cette inégalité de traitement entre les différentes races qui générait des conflits.

Le Commander soupira. L’heure n’était pas, encore une fois, à la philosophie. Pour l’instant, il fallait tenter de négocier avec le Conseil. La victoire n’était que partielle. Il y avait encore tant à faire pour vraiment aborder une réelle stratégie d’attaque des Reapers. Au moins, y avait-il, maintenant, une direction à suivre.

Peut-être que de son côté, le Conseil avait pensé à quelque chose, ayant sans aucun doute bien plus de ressources que le petit équipage d’un soldat de l’Alliance renégat.

Garrus et Shepard remontèrent silencieusement le CIC. Le Commander s’arrêta un instant. Inconsciemment, elle retarda son arrivée dans le cockpit. Son regard fut attiré par un mouvement sur le côté. Kaidan se tenait près de la carte de la Galaxie, plongé dans ses pensées. Il leva la tête, son regard se posa sur elle et il la salua d’un petit mouvement du menton. Pas un mot.

Elle répondit à ce geste puis poursuivit son chemin vers la passerelle. Quitte à choisir, elle préférait subir les foudres déguisées de Joker plutôt que de rester face à Kaidan, sans rien dire de peur de déraper verbalement.

A son arrivée, Jacob se leva et la salua chaleureusement. Il s’était inquiété visiblement. Il ne put s’empêcher de faire une remarque sur son action suicidaire mais payante. Joker, lui, n’avait pas bronché.

Lucy tiqua. Cela ne s’annonçait pas bien. Jeff était très doué à ce jeu : feindre la concentration extrême, trouver l’excuse d’un passage délicat de Relais de Masse pour l’ignorer. Elle le connaissait bien assez pour savoir ce que cela voulait dire. Il lui en voulait.

Elle préféra donc se concentrer sur Jacob, ne voulant pas montrer que le mutisme du pilote la touchait plus que nécessaire, et demanda à l’officier un topo de la situation.

« Le Major Alenko a suggéré fortement de se rendre sans attendre à la Citadelle. Montrer au plus vite les résultats obtenus par le prototype du Docteur Presalia permettrait une mise en œuvre sans délai de la suite.

— A-t-il détaillé cette « suite » ? » demanda le Commander.

Jacob eut un sourire résigné et haussa les épaules. Ce n’était pas difficile de deviner que Kaidan n’avait aucune idée de la suite. A croire qu’il n’avait que des ordres partiels. Cela ne l’étonnait pas vraiment. Personne ne savait quelle était la suite. Et le Major n’aurait pas dévoilé ses pensées à un ancien de Cerberus. Il fallait compter sur lui pour avoir la rancœur tenace. Lucy concéda tout de même qu’elle était pareille.

« Comment vont les autres ? »

Cette question, elle aurait pu la poser à Chambers, mais elle n’avait pas vraiment envie de l’entendre. Elle était assez perspicace, mais…

« Jack est retournée dans ses quartiers après qu’on vous ait remontée à bord. Je crois bien que vous lui avez foutu la frousse. Même elle, vous voyez. James n’a pas quitté le hangar. Il répare les dégâts fait au Kodiak. Il est un peu secoué. Il va vraiment falloir qu’il prenne l’habitude ! » ne put s’empêcher d’ajouter Jacob avec amusement.

« Je crois que vous avez vu Liara tout à l’heure. Elle est très enthousiaste quand aux résultats reçus, mais elle a déjà dû vous faire part de ses constatations. Ah, Orinia a demandé à être contactée dès votre remise sur pied.

— Je pense que nous pouvons lui parler. Nous n’allons pas tarder à arriver à la Citadelle. EDI, tu nous mets en contact ? Je vais en salle de Réunion. »

Elle n’osa pas parler à Joker, même pour le remercier. Mais il fallait bien qu’elle lui dise quelque chose sinon, cela paraîtrait suspect aux autres. Elle se décida donc à lui tapoter maladroitement le bras en lui adressant un « bon boulot ».

« Pas de quoi. » marmonna-t-il. Lucy ne put s’empêcher de sentir son cœur se serrer. Elle souhaitait qu’ils puissent se parler tranquillement à un moment où à un autre.

Elle redescendit la passerelle en compagnie de Jacob et Garrus.

« Joker est finalement un type sensible, remarqua Jacob à mi-voix. Je crois qu’il a vraiment eu peur. Je sais pas comment vous dire ça autrement, mais il était à deux doigts de se mettre à hurler.

— Il culpabilise encore de la perte du premier Normandy, justifia Shepard. Ma mort lui pèse sur la conscience. »

Elle savait bien que Jeff n’apprécierait pas qu’elle ait dit ça mais elle n’avait pas d’autre alternative. De plus, elle se doutait fortement que ce n’était un secret pour personne qu’il s’en voulait pour avoir agir aussi égoïstement. Elle n’avait pas pu savoir ce qu’il s’était vraiment passé les deux années où Cerberus était en train de la reconstruire, mais elle savait que cela n’avait pas été facile pour les autres. Tous avaient été témoins de la scène où Kaidan avait mis son poing dans la gueule du pilote.

Les sentiments du Major n’avaient pas non plus été un secret.

Ils recroisèrent d’ailleurs ce dernier en se dirigeant vers l’élévateur. Évidemment, le Commander se sentit obligé de l’inviter à se joindre à eux pour converser avec le Primarch.

« Le Conseil va nous recevoir rapidement ? demanda-t-elle sur le chemin.

— Pas vraiment. Le Conseiller Udina nous donne rendez-vous dans son bureau d’où il contactera les autres membres. »

C’était une manière assez courante pour Udina de procéder de la manière. Il avait ainsi la primauté des informations et il les transmettait aux autres après. C’était sans doute un moyen pour lui de leur montrer qu’il était capable de retenir des renseignements si les autres ne lui accordaient pas assez de crédit. Il n’était pas étonnant, en sachant ça, que les trois autres Conseillers se méfiaient autant de leur collègue humain. Toutefois, Shepard pouvait bien comprendre ce qui poussait le représentant de l’espèce humaine à se résoudre à de telles extrémités. Udina était un politicien et il savait jouer leur jeu.

« Primarch Orinia en ligne. »

Shepard demanda à EDI d’initialiser la connexion.

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