Beyond the Stars

Chapitre 23 : Chapitre vingt-trois

13004 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 18:50

Chapitre vingt-trois

Les quartiers où séjournait le C-Sec semblaient toujours aussi désagréables aux yeux de Shepard. Elle-même y avait séjourné, plusieurs semaines auparavant. Son procès lui semblait si loin désormais. Le calme avant la tempête… Maintenant, elle remontait le couloir en compagnie de Kaidan et Bailey. Ce dernier s’était confondu en excuses pour sa conduite lors de l’arrivée du Commander. Elle avait coupé court. Kaidan avait suffisamment fait de mea-culpa pour qu’elle en entende d’autres. Bailey avait répondu aux ordres, qu’avait-il pu faire d’autre ?

La cellule d’Udina était gardée par deux officiers lourdement armés. Deux Turians dont le faciès n’avait rien d’engageant. L’ancien Conseiller était assis sur une chaise, de solides menottes familières à Shepard lui entravant les bras. Malgré le fait qu’il ait été établi de sa haute trahison envers le Conseil, il ne semblait pas avoir été torturé ou maltraité.

L’Executor Chellick s’était chargé de son interrogatoire. Ce dernier avait été promu après le décès de Pallin, l’ancien Executor. Cette promotion allait bien à ce Turian massif, au caractère inflexible qui montrait une loyauté indéfectible à l’égard de la Citadelle. Un excellent produit de la Hiérarchie Turienne, qui avait grimpé dans les échelons dès qu’il en avait eu l’âge.

Chellick attendait sur le côté de la cellule, les bras croisés derrière son dos, sa haute silhouette dominant le Conseiller déchu. Le Turian ne semblait pas ravi du peu de coopération que son prisonnier montrait.

Bailey fit un signe à travers la baie vitrée auquel l’Executor répondit par un hochement de tête. Il délaissa son interrogatoire et sortit de la cellule.

« Commander Shepard, Major Alenko. » salua-t-il alors qu’il se mit à leur hauteur.

« Executor Chellick. »

Ce dernier soupira alors qu’il reportait son attention sur Udina qui n’avait même pas bronché à l’approche des deux visiteurs. Ses traits étaient tirés. Sans doute la fatigue due à un interrogatoire qui n’avait pas cessé depuis son arrestation. Toutefois, son expression était toujours aussi déplaisante et montrait toute son arrogance. Chellick n’était pas encore arrivé au stade des claques dans la figure, mais s’il devait en arriver là, Shepard aurait bien aimé regarder.

« Il n’a presque pas dit un mot depuis qu’il est là », dit doucement l’Executor. Il avait l’air aussi fatigué que son prisonnier. Sans doute n’avait-il pas voulu laisser à quelqu’un d’autre le soin d’extorquer des réponses à Udina. Aucune pause. Cela n’étonnait pas le Commander.

« J’ai mis une équipe de techniciens spécialisés pour décortiquer le moindre des fichiers de ses ordinateurs, la moindre conversation, la moindre transaction. Cela s’est révélé bien plus payant. Udina prenait ses précautions, certes, mais mes hommes sont persévérants. Je ne devrais pas tarder à avoir des résultats bientôt.

— Le Major et moi avons été chargé de nous occuper de ses « alliés », expliqua Shepard.

— Ah… Cerberus… Décidément, ce qui n’était un petit groupuscule terroriste qui se contentait de sabotages est vraiment devenu une pire menace pour la cohésion de notre système que prévu. C’est vraiment… dérangeant. »

Chellick n’exposa pas le fond de sa pensée mais Shepard savait pertinemment que le fait qu’elle ait coopéré avec eux n’était pas forcément en son honneur. Malgré le résultat. Ca, elle allait le porter encore longtemps sur ses épaules, elle devait faire avec. Si faire tomber la tête de l’Homme Trouble pouvait faire en sorte qu’on ne la voie pas comme une des leurs, elle n’hésiterait pas à se lancer à sa poursuite. Encore fallait-il savoir où ce gredin se cachait. Il était tellement précautionneux que le débusquer n’allait pas être simple. C’était comme dérouler une pelote. Et il fallait bien commencer par un bout.

Et ce bout, c’était ce qu’Udina avait bien à cacher. Il fallait qu’il parle et vite. Ou que ses données crachent le morceau. Cependant, elle n’allait pas attendre bras croisés que l’ancien Conseiller daigne leur adresser la parole. Si seulement… Les interrogatoires n’étaient pas son fort. Elle avait tendance à s’énerver très vite et les pains ou les menaces partaient assez rapidement. Le Commander n’était pas pour la torture, mais qu’on lui fasse perdre son temps ou qu’on la mène par le bout du nez avait tendance à l’exaspérer. Surtout quand il y avait un enjeu important.

Udina était un adversaire trop coriace pour elle. Ça, elle le savait. Pas la peine de se rendre ridicule devant l’Executor, ni de lui faire perdre un temps précieux. Même si Udina n’avait pas cédé d’un pouce, le Turian l’avait travaillé pendant des heures et il finirait par l’avoir à l’usure.

Kaidan, qui n’avait pas dit un mot et dont le regard n’avait pas décroché d’Udina depuis leur arrivée, se pencha vers l’Executor et lui murmura quelque chose à ce qui lui servait d’oreille. Le Turian hocha la tête. Il sembla être réticent à ce que le Major lui avait suggéré mais Kaidan sembla tenir bon. Shepard ne fit pas de commentaire, mais la sensation d’être mise à l’écart de leur petit conciliabule ne lui plaisait pas franchement.

« Allons, bon, Executor Chellick. Je pense qu’un peu de repos vous ferait du bien. Lui n’aura pas ce répit. Ne me forcez pas à user de mon autorité de Spectre. »

Le Turian fit remuer ses mandibules. Cette allusion ne semblait pas lui plaire. Shepard devina bien pourquoi. C’était Udina qui avait poussé le Conseil à nommer Kaidan. Sa légitimité était donc limitée dans l’esprit du responsable du C-Sec. Mais elle n’était toutefois pas inexistante. Après tout, le Conseil reconnaissait les capacités de Kaidan. Ils lui avaient donné leur confiance. Cela lui donnait bien plus de pouvoir que l’Executor était prêt à lui concéder.

« Très bien. Après tout… ajouta-t-il après un petit instant de pause. C’est vous qui avez déjoué sa tentative de coup d’Etat. »

Et ça valait bien tout ce que Kaidan aurait pu dire pour se justifier. La longue interview qu’il avait donnée avait un été véritable coup de communication pour l’ensemble de la Galaxie qui n’était pas trop occupée à se défendre et à survivre et qui pouvait encore se permettre de suivre ce qui se passait à la Citadelle.

Shepard approuvait cependant le Major. Chellick serait bien plus efficace une fois qu’il se serait reposé un peu. De plus, elle se mettait à la place de Kaidan et si elle avait été dans son cas, elle aurait aussi voulu prendre part à l’interrogatoire d’Udina. Kaidan avait suivi ses mouvements, avait cherché à le coincer depuis des mois. Cela aurait gâcher le plaisir que de ne pas pouvoir lui arracher les précieuses informations qu’il devait sans doute posséder.

Chellick laissa une heure à Kaidan avant de partir à pas pressé vers une autre aile du C-Sec, afin de s’y reposer. Le Major se tourna alors vers Shepard.

« Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, Commander, j’aimerais que vous n’assistiez pas à l’interrogatoire. »

La jeune femme ravala la réplique qui lui démangeait la gorge. Elle n’en revenait pas ! Comment pouvait-il lui ôter ce petit plaisir ? Elle se mordit la lèvre. Ravala la bile qui lui montait dans la bouche. Kaidan attendait qu’elle dise quelque chose. Il devait sûrement sentir qu’elle était prête à exploser.

« Je n’aimerais pas offrir une distraction à notre cher prisonnier, expliqua-t-il. Udina n’hésitera pas à vous titiller. »

Bien sûr qu’il avait raison. Qu’il fallait qu’elle ne fasse pas d’histoires. Udina était un politicien. Parler, et parler finement, était dans sa nature. C’était ça qui lui avait permis de monter dans les sphères de la politique humaine. Cela qui lui avait permis de berner tout le monde.

Un soupir remonta du plus profond de ses poumons. Elle devait se calmer. C’était juste qu’elle…

« Juste qu’il me semble qu’une fois de plus, je suis inutile… » Elle avait dit cela à haute voix sans le vouloir. C’était un ressentiment si profond, qui la rongeait depuis le début de l’invasion des Reapers.

« Ne dites pas cela, Shepard. Kaidan croisa les bras. Vous en avez fait bien plus que n’importe qui. Sans vous, qui sait… Nous serions déjà tous esclaves des Reapers. »

Il n’avait pas besoin de le lui rappeler. Cela n’était pas de l’arrogance, mais elle savait qu’elle avait fait beaucoup. Mais ce n’était toujours pas assez. Pour ça, elle tenait bien de ses deux parents.

« Je… » Elle ne put dire un mot de plus. Une migraine la frappa comme la foudre. Cela n’avait pas été si violent depuis qu’ils avaient arrêté Udina. Elle chancela et Kaidan l’attrapa avant qu’elle ne s’effondre sous l’effet de la douleur.

« Shepard ! » Le ton était concerné. Elle sentit qu’il la guidait jusqu’à un siège. « Vous êtes pâle. Ça va ? »

Elle n’avait même pas la force de lui répondre. C’était si douloureux à l’intérieur de son crâne que parler lui semblait au-dessus de ses forces. Depuis qu’elle avait perdu connaissance sur Menae, il lui arrivait d’avoir légèrement mal à la tête. A chaque réveil d’un temps de repos, elle avait de petites douleurs à la tempe, mais elle avait mis ça sous le compte du contrecoup. Là, elle n’arrivait même pas à penser. Fort heureusement, car elle commençait à échafauder quelques théories alarmantes.

Elle sentait Kaidan assis à ses côtés, qui la soutenait, inquiet. Il ne savait pas quoi faire. Sans doute tiraillé par le fait qu’il se sentait obligé de la reconduire au Normandy et le fait que Chellick ne lui avait donné qu’une heure pour interroger Udina. Il n’aurait pas de seconde chance.

Shepard trouva la force de mettre fin à son dilemme. Elle desserra la mâchoire et lui demanda d’appeler Garrus pour qu’il vienne la chercher. Qu’il aille tirer les vers du nez de l’ex Conseiller. Il n’y avait pas de temps à perdre et surtout pas pour se préoccuper d’un mal de tête qui allait sans doute partir aussi vite qu’il était venu.

« Allez ! » éructa-t-elle alors qu’il était encore tout hésitant. Elle avait besoin d’air. Pas qu’il la colle ainsi. Elle vit qu’il se relevait et qu’il contactait le Turian. Elle profita de la place vacante pour s’allonger. Elle préférait largement que ce soit Garrus qui s’occupe d’elle plutôt que James. Sinon, elle n’aurait pas fini d’entendre les mille conseils que le Lieutenant aurait sans aucun doute à lui prodiguer. Du remède de grand-mère à la visite quotidienne à l’infirmerie. Sans parler de ses sermons. Au moins, Garrus allait tout au plus se contenter de lui demander si elle dormait correctement et de lui dire de lever le pied. Qu’elle pouvait compter sur eux. Il se sentirait concerné en tant qu’ami.

Le Turian ne mit pas si longtemps que ça à venir, à croire qu’il avait sauté dans le premier transport rapide qu’il avait croisé. La respiration saccadée qu’il avait d’ailleurs du mal à retrouver était toutefois éloquente. Allons bon, il s’inquiétait donc aussi ? La douleur lui vrillait tellement les tempes qu’elle n’entendit pas la discussion entre Kaidan et lui. Elle avait à peine la force de se lever quand le Turian la fit se relever et passa un bras sous son aisselle. Sa tête vint cogner contre le bras de Garrus.

« Allez, Shepard, ce n’est pas pire que de se faire tirer dessus, hein ? » L’inquiétude transparaissait à travers la boutade maladroite. Il la supporta ainsi jusqu’à ce qu’elle sente qu’il la tirait à l’intérieur du véhicule qui l’avait transporté jusqu’au quartier général du C-Sec. Elle se laissa aller sur la banquette arrière.

« Je vous conduis jusqu’au docteur Chakwas.

— Ce n’est rien, Garrus, marmotta-t-elle d’une voix faible. Juste… mal à la tête. »

La sensation qu’on lui martelait l’intérieur du crâne ne semblait ne pas vouloir partir. C’était franchement insupportable. Il ne manquait plus que cela. Qu’une migraine l’empêche de faire quoique ce soit. Non… Elle n’allait pas rester là à se laisser faire. Elle se massa les tempes. Mais cela n’arrangea rien.

 

 

Il ne fallu que quelques minutes pour qu’ils atteignent le Normandy. Garrus arrêta brusquement le véhicule, sauta à terre avant de faire sortir la jeune femme avec précaution. Il la soutint jusqu’au bout, sous les regards interrogateurs des subordonnés qui se trouvaient à bord. Heureusement, Joker n’était pas dans son cockpit. Il n’aurait plus manqué que ça, qu’il s’inquiète. Surtout pour un mal de tête. Une simple migraine. Qui la fit vomir dans l’élévateur. Elle n’était pas parvenue à se retenir plus longtemps.

Elle s’excusa faiblement avant de se laisser glisser le long de la paroi de l’élévateur. Qu’il lui paraissait lent… Et dire qu’un coup de médigel n’avait rien fait contre son mal de tête… Elle ne comprenait pas. Elle était capable de soigner pratiquement tout ce qui était bénin, même des blessures par balle avec ce machin-là. Pourquoi pas un mal de tête ? Non… Ne pas penser à ça… Ce n’était pas dû au Reaper qu’ils avaient affronté à pied. Il y avait surement une autre explication. Oui, sans doute.

« Vous l’allongez là, Garrus, s’il vous plaît. »

La Doc, toujours aussi professionnelle. Chakwas congédia rapidement Garrus et ce, sans ménagement, avant de se pencher vers Shepard.

« Allons donc, Commander, le surmenage n’est pas très bon pour la santé, vous le savez, pourtant ? Même vous avez le droit à un peu de repos. Cela n’altère en rien vos capacités, bien au contraire. »

Ce qui était agréable avec Chakwas, c’était le ton avec lequel elle vous faisait la leçon. Pas trop de maternage, mais un ton sarcastique qui faisait passer n’importe quel laïus médical. Lucy n’aurait voulu la remplacer pour rien au monde. C’était exactement le genre de médecin que l’Alliance devait recruter. Sans parler du goût de la doctoresse pour l’action et le brandy.

« Je vais vous administrer un sédatif. Il n’y a rien d’autre à faire, malheureusement. »

Avant que le Commander n’ait pu répliquer, elle se sentit partir dans un sommeil sans rêve. Et merde…

 

 

 

 

« Comment ça, le Commander est à l’infirmerie ? »

Cela faisait quatre fois que Joker posait la question à EDI. Il avait fini par émerger avec une légère gueule de bois qu’il avait soignée à coup de café noir.

« Cette assertion ne changera pas en fonction du nombre de répétitions de la question, Jeff. » Si EDI avait été dotée des intonations de voix humaines, elle aurait laissé transparaître soit l’agacement, soit la fatigue.

« Mais pourquoi ? » Shepard n’avait rien fait qui ne soit dangereux. Ils étaient à la Citadelle et si pour l’instant, si l’on écartait les frasques d’Udina, il n’y avait pas d’endroit plus calme et plus préservé que la superstructure.

« Il semblerait que le Commander présente des symptômes d’une inflammation du cortex.

— En langage compréhensible par le commun des mortels, ça donne quoi ? répliqua Joker d’un ton agacé.

— Une migraine. »

Une migraine… Oh… Rien de grave alors. Le pilote se fit la réflexion que ce n’était pas la première. D’ailleurs, le Commander avait déjà été transportée à l’infirmerie la veille à peine pour la même chose. Juste après l’arrestation du Conseiller Udina.

« Dis-moi EDI, ça fait combien de fois que Shepard a la migraine depuis Menae ? 

— Je dirais que c’est la troisième fois que cela nécessite que le Commander aille à l’infirmerie. »

Ce qui signifiait qu’il existait d’autres fois où cela ne l’avait pas nécessité. Joker avait appris à lire entre les lignes quand EDI tentait de cacher quelque chose. Est-ce que l’affrontement avec le Reaper était la cause de tout cela ? Dans ce cas, que faire ? Il n’aimait pas s’inquiéter pour quelque chose dont il n’était pas certain. Que pouvait-il faire ? Il ne se voyait pas aller voir le Doc pour lui demander la raison de ces maux de tête. Ah, c’était pénible. Il ne pouvait rien faire sans compromettre leur secret !

Si seulement Lucy et lui pouvaient se montrer au grand jour. Il aurait alors toutes les raisons pour aller la voir et prendre des nouvelles. Et ? Qu’aurait-il fait de plus ? Lui prendre la main en attendant qu’elle se remette ?

C’était ridicule. Il ne se voyait pas faire ça. C’était tout aussi inutile que rester là à attendre que des nouvelles remontent. Il se laissa aller sur son fauteuil. Bon… Et s’il s’occupait un peu de son bébé ? Il avait quelque peu délaissé ses devoirs envers le vaisseau jusqu’à récemment. Ils n’allaient pas rester à quai indéfiniment. Il ne faudrait pas laisser apparaître des avaries qui auraient pu être prévues avant alors qu’il avait eu largement le temps de les détecter.

Tout en commençant son contrôle de routine, Joker se fit la réflexion qu’il aurait bien aimé que Tali soit avec eux. La Quarienne n’avait pas son égal pour la gestion d’un vaisseau. Sa présence dans la salle des machines avait quelque chose de rassurant. Les ingénieurs qui étaient en poste étaient sans doute compétents mais rien ne valait l’expertise d’un Quarian. Leur mode de vie y jouait beaucoup. Que devenait-elle d’ailleurs, la petite Tali ? Pas de nouvelles depuis des semaines. Ce qui laissait présager du pire. Joker en frissonna. Il savait que Shepard avait beaucoup d’affection pour son amie nomade. Il avait bien vu qu’elle avait ressenti de la peine à la laisser partir. Il savait que la jeune femme n’était pas très tactile et que l’étreinte donnée à la Quarienne était quelque chose de fort…

L’amitié entre les femmes était assez différente de celle entre hommes. C’était plus affectueux. Hum… Il laissa divaguer son esprit, se surprenant à imaginer à quoi pouvait bien ressembler Tali sans sa combinaison de survie. Peut-être un super-alien canon. En tout cas, elle avait plus de poitrine que Lucy.

Il suspendit son geste au dessus de la console. Mais qu’est-ce qu’il était en train de penser ? Il devrait avoir honte.

Pas vraiment…

« Jeff, je suis aussi convaincue que les calibrations du Normandy devraient être faites, mais si vous pouviez rester concentré, je pense que votre efficacité serait doublée. »

EDI, la voix de la raison, venait de casser ses images mentales trop honteuses pour être formulées. Joker rajusta sa casquette, s’éclaircit la voix pour se redonner contenance. Lucy était dans le cirage et lui tout ce qu’il trouvait à faire c’était de penser à elle et à Tali sans sa combinaison…

Ce n’était pas la première fois qu’il pensait à ce genre de choses. Il se souvint avoir fantasmé au récit de Shepard lorsqu’elle avait fini par raconter ce qu’il s’était passé avec Morinth. Une Asari accro au sexe et qui tuait ses partenaires. Jeff trouvait, comme la plupart de ses congénères masculins, qu’ils soient humains ou non d’ailleurs, que les Asaris étaient franchement une source de fantasmes divers et variés. C’était facile de se laisser aller à imaginer toutes sortes de choses coquines avec elles comme protagonistes et les bars, ainsi que l’industrie pornographique, ne s’en privaient pas.

Sauf que Liara n’avait pas franchement fait partie de ses fantasmes. Il aimait bien le Docteur mais, elle était trop « gentille » pour se voir transformée en prédatrice sexuelle dans son imagination. Même si elle avait bien changé depuis qu’elle était devenue une traqueuse d’informations redoutable. Toutefois, il y avait des sensations qui avaient la vie dure. Et l’image de la pure et sainte-nitouche Liara était persistante dans le panthéon fantasmagorique de Joker. Surtout quand elle s’offusquait des questions indiscrètes qu’il était sans doute capable de lui poser sur les Asaris. Concernant les « tentacules » qui ornaient leur tête, par exemple.

Le check-up qu’il effectuait avec EDI ne montra rien de bien grave. Un début bénin d’avarie dans l’alimentation du core mais il délégua cela à Donnely. Ce n’était pas de son ressort à lui de toute façon.

A nouveau, il se laissa de nouveau aller dans son fauteuil, faisant craquer ses cervicales par la même occasion. Il était engourdi. Il n’avait juste passé qu’une demi-heure à calibrer, mais cela lui avait suffi. Il avait encore les quelques relents de sa gueule de bois. Il laissa à EDI le soin de surveiller ce qu’il y avait à surveiller et fit quelques pas sur la passerelle. Il avait encore les jambes douloureuses. Cela s’était quelque peu arrangé après être revenu de son escapade. Mais ce n’avait pas été suffisant. Non… Il lui fallait reprendre ces bons vieux antidouleurs.

Mais en voilà une bonne excuse pour se rendre dans l’infirmerie ! Il savait qu’il aurait droit de se faire rabrouer par la Doc mais le jeu en valait bien la chandelle. Il accéléra le pas aussi vite que lui permettaient ses jambes fatiguées. Chawkas l’accueillit avec un sourcil relevé avant de comprendre l’objet de sa visite. Avec un soupir, la doctoresse le fit asseoir sur la table d’examen qui se trouvait face à Shepard. Ainsi, il pourrait jeter un coup d’œil sans paraître étrange.

« Comment se porte le Commander ? » demanda-t-il pour ne pas paraître non plus froid, ce qui aurait été tout aussi bizarre.

« Un peu de repos et il n’y paraîtra plus rien. » se contenta de répondre Chawkas tout en contrôlant l’état du pilote avec son Omnitool. Le pilote hocha la tête. Cela n’était si grave que ça… Mais… Il ne put empêcher de poser la question qui le turlupinait. Le docteur délaissa alors son examen et se recula pour le regarder.

« Jeff… Je ne puis vous dévoiler d’informations médicales au sujet du Commander.

— Je ne demande pas de détails ! Juste… Est-ce que c’est possible ? »

Chakwas réfléchit un instant et de suite, Joker sut que la réponse n’allait pas lui plaire. Et ce que le docteur lui dit ne fit qu’empirer ses suppositions.

« Mais on ne connaît pas la nature exacte des ondes que l’ennemi produit. Ces migraines pourraient très bien avoir une origine post-traumatique. »

Mais de cela non plus, le doc n’était pas sûre. Jeff le devina au ton employé et au regard fuyant que Chawkas avait. Il ne rajouta plus rien, ce qui laissa le docteur retourner à son cas.

« Vous avez mal depuis combien de temps, Jeff ? »

Mal comment ? Bien sûr que les douleurs un peu sourdes étaient revenues depuis un moment, surtout la nuit. Après, si c’était ce qu’il avait ressenti alors qu’il tentait de faire le chemin du Purgatoire au Normandy, cela ne s’était présenté que cette fois-là. Il choisi d’ailleurs de ne parler que de cette douleur-là. Pas la peine que Chawkas l’abrutisse avec des antidouleurs en permanence. Cela avait tendance à altérer ses capacités de pilotage et ça, il était hors de question qu’il y renonce. Il n’avait pas non plus envie de devenir une source d’inquiétude permanente. Il était bien assez grand pour comprendre tout seul que le retour des douleurs chroniques n’était pas un bon signe. Cela ne présageait qu’un empirement de sa condition. Si vraiment ses moments de repos devenaient une torture, alors il irait pleurer dans les jupes du docteur. Pas avant. C’était déjà assez pénible comme ça. Et puis, maintenant, il avait quelqu’un d’autre qui nécessitait de l’attention. Des crampes et des ankyloses n’étaient pas grand-chose.

« Vous l’avez sonnée pour combien de temps ? » demanda-t-il en faisant un signe de tête vers le Commander qui dormait à poings fermés.

« Suffisamment pour que la migraine ait disparu à son réveil. »

Ce n’était pas cela qui allait lui donner une indication quant au moment où Lucy allait revenir à elle. Il sut que la Doc n’allait pas lui donner une réponse précise. Il laissa alors tomber. Ce n’était pas la peine d’attirer les soupçons à cause d’un intérêt trop grand pour la santé du Commander.

 

 

Il sortit quelque peu soulagé pour sa propre douleur, mais aucunement rassuré pour le cas de Shepard. Pour tenter de se changer les idées, il décida qu’un bon café ferait l’affaire. Gardner était absent. L’approvisionnement du Normandy était la chose la plus vitale à ses yeux et à peine avaient-ils accosté que le coq était parti en quête de stocks de nourriture de qualité relative. Il profitait largement de leur temps à terre pour remplir une grande part du hangar par des cartons surdimensionnés. Joker espérait juste que le rapport qualité-prix serait acceptable. En général, quand on attaquait les premiers stocks, les repas étaient au-dessus des standards militaires. Ça se gâtait au fur et à mesure que les réserves s’épuisaient. Et elles partaient vite. A croire que l’équipage du Normandy n’était composé que de morfals. Joker n’était pas sans ignorer qu’une partie du budget partait dans la nourriture particulière dont avait besoin Garrus et accessoirement Tali. Les plats à partir de composés dextro-aminés coûtaient bien plus chers que la nourriture du reste du commun des mortels.

Tout à ces considérations gastronomiques, Joker ne vit pas Garrus approcher. Ce fut le toussotement du Turian qui le fit revenir à la réalité.

« Oh, Garrus, c’est toi. »

Ce dernier ne répondit pas. Il se contenta de remuer ses mandibules de manière amusée.

« Je n’ose imaginer ce qui hante tes pensées profondes, Joker. En tout cas, elles suffisent à ignorer ma présence.

— Oh, tu n’as pas idée de la profondeur de mes pensées, Garrus. »

Une des occupations favorites du pilote était de plonger l’ancien agent du C-sec dans l’embarras avec ses allusions. Le Turian était une parfaite illustration de la réputation de coincé du fondement que pouvait avoir son espèce. Cela ne manqua pas. Garrus baragouina quelque chose d’incompréhensible et reporta son attention sur ses mains avant de tourner son visage couvert de cicatrices vers la baie vitrée de l’infirmerie.

« Shepard m’inquiète. » se laissa aller le Turian. « Je ne sais pas si son état est lié à nos pirouettes sur Menae, mais ces migraines ne présagent rien de bon.

— La Doc dit qu’elle a besoin de repos. Choc post-traumatique. » Voilà que c’était à lui de rassurer la grande carcasse de Garrus. C’était une situation embarrassante.

Oh.

Le cerveau de Joker se mit à tourner à toute vitesse. Peut-être pouvait-il profiter de cette conversation pour savoir ce que la tirade qui avait tant choqué Jack cachait.

« Garrus, mon pote. C’était quoi ce « Pas de Shepard sans Vakarian » ? » Il laissa sa tête reposer sur sa main, l’air amusé. Plus que ce qu’il était vraiment. Mais il savait jouer la comédie, alors ce n’était pas un problème. « Tu faisais ta déclaration au Commander ? »

Garrus fit un bruit de gorge bizarre avant de se mettre à tousser avec force. Il devait sûrement être en train de s’étouffer avec sa propre salive.

« Je te demande pardon ? » finit-il par articuler entre deux quintes.

« Allons, vieux. Même Jack a été choquée. »

Il attendit tranquillement que Garrus ait retrouvé une respiration normale. Tranquillement en apparence. Son cœur battait à tout rompre et c’était vraiment un exploit si n’avait pas encore piqué un fard. Lui qui avait tellement perfectionné son personnage de joyeux drille… C’était un jeu d’enfant de ne rien laisser paraître, mais il savait qu’il était à la limite.

Il n’aurait pas dû jalouser Garrus. Après tout, c’était un Turian. Il ne pouvait pas être attiré par une Humaine, non ?

Et puis, ce n’était pas possible que Shepard attire autant les autres. Ce n’était pas un canon non plus. Charismatique, oui. Forte de caractère aussi. Mais de là à magnétiser tous les mâles autour d’elle, c’était quelque chose de ridicule.

Jeff le savait, ses impressions étaient biaisées par ses sentiments. Tout être masculin devenait un adversaire potentiel. Voilà ce que c’était que de manquer de confiance en ses capacités de séduction. Pas qu’il voulut être l’égérie de ces dames. Au moins savoir qu’il pouvait être capable de garder une femme auprès de lui sans qu’elle ne se demande si l’herbe ne serait pas plus verte ailleurs.

C’était son vécu qui lui faisait penser ça. Il avait eu des petites-amies. Il avait été attaché à quelqu’un, plusieurs fois même. Tous des échecs. Parce qu’aucune d’entre elle ne voulait s’encombrer d’un infirme. C’était un chemin difficile. C’était une attention de plus en plus grandissante. C’était supporter les regards condescendants, les mots de sympathie, la compassion hypocrite. Voilà pourquoi il s’était construit une personnalité cassante, voilà pourquoi il se protégeait sans cesse.

Et pourtant…

Et pourtant, il s’était encore laissé une fois tenter. Même s’il avait lutté contre ses sentiments, même s’il s’était raisonné, il n’avait pu s’en empêcher.

Il ne doutait pas de la sincérité de Lucy, tout comme il n’avait pas douté de celle des autres. Le temps avait juste fait son œuvre…

Ah, pourquoi avait-il fallu que ce soit Shepard ? Il n’avait pas choisi la plus accessible, ni la moins convoitée.

Comme s’il y pouvait grand-chose. De voir ses sentiments apparemment partagés avait été inespéré… Il ne fallait sans doute pas qu’il se montre trop exigeant…

Alors, il attendit que Garrus lui fournisse des explications.

Il s’avéra que le grand guerrier n’avait rien d’autre à dire pour se justifier que l’excuse de s’être laissé emporter par l’émotion du moment. Explication qui ne satisfit pas Joker, loin de là.

« J’ai énormément de respect pour Shepard, continua toutefois Garrus. Je pense que l’on peut dire que c’est une preuve que des liens d’amitiés peuvent se créer entre les espèces. Je dois dire qu’elle est surprenante, pour une Humaine. »

C’était vrai que le Commander avait largement de quoi intimer au respect et à l’admiration. Jeff pensa à ce que Lucy lui avait dit concernant Garrus. Qu’il était un ami sur qui elle comptait vraiment, un formidable soutien sur le terrain et qu’elle n’hésiterait pas à mettre sa vie entre ses mains. Lui-même était plutôt rassuré, il fallait se l’avouer, de voir que le grand Turian faisait le plus souvent possible partie de l’équipe à terre. C’était un type sympa, pour un Turian. Joker s’en voulut presque d’avoir à lui tirer les vers du nez, à nourrir de la jalousie envers lui.

Dans l’attitude de Garrus, il put deviner qu’il ne mentait pas. Shepard était une compagne d’armes et ce qu’ils partageaient sur le terrain avait permis de laisser grandir une amitié profonde et respectueuse. Il ne fallait pas voir autre chose.

« Je ne peux pas imaginer qu’on puisse chanter les louanges de Shepard sans les miennes…, s’amusa Garrus. Après tout, qui sait ce qu’elle ferait si je n’étais pas derrière à lui sauver la mise quand elle fonce tête baissée sur l’ennemi ? »

Joker ne put s’empêcher d’éclater de rire. C’était sûr. La jeune femme était une tête brûlée et Garrus n’était pas de trop quand il s’agissait d’agir avec prudence. Les nombreuses prises de bec entre ces deux-là revinrent en mémoire du pilote et la tempérance du Turian avait permis de se sortir de situations plutôt délicates.

« C’est clair qu’on compterait plus le nombre d’explosions de lieux de conflit. 

— Sans parler de la perte inestimable du Mako. »

Et les voilà à se mettre à rire tous les deux.

Joker reprit cependant rapidement son calme. Il mit le Turian en garde. Sa petite phrase avait déclenché un pari sur son compte au sein de l’équipage. Cet aveu troubla le Turian.

« Pari ? Ah ?

— Tu as une bonne côte. Je serais toi, j’en profiterais pour m’en mettre plein les poches.

— L’idée me paraît excellente.

— Elle serait encore mieux si on partageait les gains… suggéra Joker. Si je fais monter le pot…

— Il y aurait de quoi encourager de grosses mises… »

Ils conclurent leur petit marché en se serrant la main. Joker fit un sourire amusé. Il ne fallait jamais se conforter dans son impression première avec Garrus. Il paraissait aussi coincé que ses congénères, mais cette attitude cachait un personnage ironique et très intéressant. A vrai dire, il l’aimait bien.

 

 

Joker aurait bien aimé converser avec le Turian plus longtemps, mais l’arrivée de Kaidan dans le mess coupa toute parole. Hochant à peine la tête vers eux, le Major se rendit d’un pas hâtif vers l’infirmerie. A travers la vitre, Garrus et Joker virent qu’il prit des nouvelles de Shepard, vu le regard concerné qu’il avait pris et les hochements de tête du doc.

« Hum… fit Garrus. S’il faut se poser la question de qui a des penchants pour Shepard, c’est plutôt sur le Major Alenko qu’il faudrait parier… »

Joker avala sa salive de travers. Il fit passer cela pour de la moquerie. Rapidement, il enchaîna avec une fausse pointe d’amusement.

« Kaidan ? Il s’est déjà fait bouler, assura-t-il sans y croire vraiment.

— Il est de ces hommes qui sont persévérants… J’ai fort à croire que son nouveau statut de Major et de Spectre ne lui redonne un espoir d’être suffisamment digne d’intérêt.

— Shepard ne se laisserait pas prendre à ce genre de choses, affirma Joker avec plus de passion qu’il n’aurait voulu le montrer.

— Je le pense également, dit Garrus d’un ton rêveur. Mais bon, la persévérance peut parfois porter ses fruits. »

Joker ne répondit pas. Il n’aimait pas la tournure de la conversation.

« Je pense que Shepard a d’autres chats à fouetter. »

Hypocrite.

Garrus ne put prendre le loisir de lui répondre car Kaidan ressortait de l’infirmerie, l’air préoccupé. Il s’avançait vers eux.

« Alors, Major ? demanda Garrus sans préambule. Udina a-t-il daigné dire quelque chose ? »

Kaidan secoua lentement la tête. Il avait donc échoué à faire parler l’ancien Conseiller. Ce dernier était donc vraiment coriace. Sans doute fallait-il employer les grands moyens, songea Joker. Il fallait que cet enfoiré parle… A cause de lui, Shepard avait beaucoup souffert et ils avaient perdu tant de temps…

« L’Executor Chellick a repris son interrogatoire.

— J’ai connu Chellick quand il était Détective, commenta Garrus. Très bon, très efficace. Cela ne m’étonne pas qu’il ait été nommé à la suite de Pallin. Je pense que ce n’est plus qu’une question d’heures avant qu’Udina ne craque.

—Chaque minute qui s’écoule est une avancée des Reapers, rétorqua Kaidan. On ne peut se permettre…

— Shepard n’est pas en état ! contra Garrus. On peut qu’attendre qu’elle se réveille. »

Kaidan ne répondit pas. On voyait bien qu’il était inquiet.

« Cet assaut contre le Reaper sur Menae ne l’a pas laissé indemne… Qui sait ce qu’il s’est réellement passé pendant le tir... »

Garrus resta pensif tout comme Joker. Ce dernier n’aimait pas les idées qui se présentaient dans son esprit. Qui savait vraiment ce que Cerberus avait fait à Shepard lors de sa reconstruction ? Miranda avait emporté le secret avec elle. Et si elle lui avait implanté des composants Reapers ? Que c’était ça qui lui donnait des migraines, maintenant qu’elle était « entrée en contact » avec l’un d’entre eux de suffisamment près depuis son retour ?

Non… C’était une perspective effrayante. Il ne pouvait se résoudre à l’envisager. Que faudrait-il faire dans ce cas-là ? Si Shepard était endoctrinée ? Qu’est-ce qu’il se passerait ?

Le silence des deux autres laissait entendre qu’ils devaient sans doute penser la même chose. Et ça ne lui disait rien qui ne vaille.

Non… Il ne voulait pas envisager la perspective de devoir supprimer Shepard si jamais elle présentait les symptômes de l’endoctrinement…

Vite, il fallait chasser cette idée. Elle allait le rendre fou.

« Quoiqu’il en soit, finit par dire Garrus, ne nous laissons pas aller à des considérations hâtives. Laissons le docteur Chakwas faire son travail. Concentrons-nous sur la mission qui nous a été confiée. Occupons-nous de Cerberus. Il va sans dire qu’ils sont une réelle gêne pour la victoire. Si nous pouvons empêcher les Reapers de grossir leurs rangs, cela augmenterait nos chances de réussite.

— Tant qu’Udina ne parlera pas, nous n’avancerons pas très vite, argumenta Kaidan.

— Alors appuyons-nous sur le réseau d’informations de Liara. »

 

 

Joker se leva. Pas qu’il ne se sente pas concerné par la poursuite de Cerberus, mais discuter de la marche à suivre n’était pas dans ses attributions. Lui ne faisait que piloter. Il n’était pas à même de penser à ça. La stratégie, c’était uniquement son domaine quand il s’agissait de se rendre à un lieu ou de manœuvrer sur le champ de bataille.

Il décida donc d’aller se réfugier dans son cockpit. Là, au moins, il se sentait mieux. Il avait ses repères, il était l’expert et se sentait tout puissant.

Le pilote s’effondra dans son fauteuil, laissa sa tête aller en arrière, soupira.

« Je perçois de la lassitude dans votre attitude, Jeff. »

Ah.

Même ici, finalement, il n’était pas si tranquille que ça. En fait, nulle part dans le Normandy.

« EDI… » commença-t-il avant de rendre les armes. Il n’était pas d’humeur à converser avec l’intelligence artificielle. Il aurait bien aimé qu’elle le laisse un peu en paix.

« Le pourcentage de chances que les symptômes du Commander Shepard soient dûs au stress subi par l’affrontement avec le Reaper, conjugué à un surmenage évident est de quatre-vingt sept virgule six pourcents. »

D’où tenait-elle un chiffre pareil ? A vrai dire, Joker s’en foutait royalement. Il ne voulait pas savoir. D’ailleurs, il ne prit même pas la peine de répondre. Il passa les bras derrière la tête, fit tourner son fauteuil sur lui-même afin de réfléchir. Ses pensées devinrent peu intelligibles et il laissa son regard errer sur les commandes sans logique dans son trajet.

Irrémédiablement, ses yeux finirent par se poser sur l’orbe bleu qui brillait doucement, semblant attendre qu’il daigne dire quelque chose. Une idée vint se loger dans l’esprit du pilote. Après tout… EDI avait fait partie de Cerberus. EDI était une Intelligence Artificielle de Cerberus. EDI avait une immense mémoire virtuelle. EDI n’oubliait rien.

« Dis-moi, EDI, commença-t-il prudemment, cherchant à formuler sa demande le plus clairement possible. Tu existais quand on a reconstruit Shepard ?

— Oui, Jeff.

— Est-ce que tu as des données là-dessus ? »

L’orbe ne répondit pas tout de suite. Il y eut un silence interminable, puis elle se teinta de rouge.

« Ces données me sont inaccessibles. »

Joker se renfonça dans son fauteuil. C’eut été trop beau qu’elle puisse lui donner ces informations. L’exploit était unique, Cerberus n’allait pas laisser facile d’accès le protocole qui leur avait permis de faire d’un cadavre consumé un être vivant qui plus était à l’identique de ce qu’il avait été physiquement et moralement avant de mourir.

« Si je ne me trompe pas, vous nourrissez des soupçons à l’égard de la reconstruction de Shepard. »

Le pilote se contenta de hausser les épaules. Si elle ne répondait pas à ses interrogations, il n’avait franchement pas envie de faire la causette.

« J’ai enregistré une conversation entre Miranda Lawson et Shepard à ce propos. »

Là, elle l’intéressait… un peu. Il se redressa tout de même et demanda à l’Intelligence Artificielle de poursuivre.

« L’Officier Lawson faisait part d’une divergence d’opinion qu’elle aurait eu avec l’Homme Trouble concernant l’ajout d’un dispositif de contrôle dans le corps du Commander Shepard. »

Joker ne peut empêcher une exclamation étouffée s’échapper de sa gorge. Avant qu’il n’ait pu vomir le flot d’injures qui lui venait à l’esprit, EDI enclencha l’enregistrement audio.

Joker reconnut en effet la voix de l’ancien officier en second. La réentendre lui fit drôle. Il avait encore pas mal de ressenti envers elle. L’entendre discuter de tout et de rien comme si tout était normal avec Shepard l’horripilait. A l’entendre, qui aurait pu croire qu’elle allait les poignarder dans le dos ? Sans grand succès, fort heureusement !

Miranda en vint au moment intéressant. Alors, c’était donc vrai… Elle avait vraiment voulu implanter un dispositif au cas où Shepard échapperait au contrôle de Cerberus !

Et effectivement, d’après ses dires, l’Homme Trouble s’y était opposé. Mais ce qu’ajouta Miranda était plus intéressant pour Joker.

« L’Homme Trouble vous voulait totalement à l’identique de celle que vous étiez. Il craignait que modifier quoique ce soit nuise à ce qui fait votre personnalité, à ce qui fait de vous quelqu’un capable de réaliser l’impossible. »

Si Miranda ne mentait pas… Mais comment le savoir ? Comment croire celle qui les avait trahis ? Celle qui depuis le début n’était pas une alliée mais bel et bien l’agent de Cerberus ?

Joker ne pensait pas qu’elle ait pu désobéir à son supérieur. Miranda avait semblé lui avoir été loyale jusqu’au bout. Décidément, et jusqu’à la fin, il n’aura jamais réussi à cerner le personnage. Elle qui était tant attachée au bien-être de sa sœur, elle qui critiquait à tout va l’emprise de son père sur sa vie, qui avait cherché à le fuir par le biais de Cerberus. Comment pouvait-on être aussi… retors ? Il ne comprenait décidément pas ses motivations.

Enfin, c’était trop tard, tout ça. Miranda était morte, et il ne saurait jamais pourquoi elle avait agi comme elle l’avait fait.

« Peut-on se fier à ce qu’elle a dit ? » interrogea-t-il tout de même l’Intelligence Artificielle. EDI clignota pendant quelques instants avant de répondre.

« J’ai analysé les constantes de l’officier Lawson durant cette discussion, et au vu de son rythme cardiaque et de ses ondes cérébrales, elle a dit la vérité. »

Le Lieutenant ressentit le soulagement le submerger alors que l’étau autour de sa poitrine se desserrait. Déjà… Lucy n’était pas une espèce de monstre créé par des scientifiques ayant voulu jouer aux apprentis sorciers. Il souhaitait pouvoir lui dire. Qu’elle soit rassurée. Il n’imaginait même pas dans quel état d’esprit elle devait être avec ces migraines et ces vomissements. Quand elle serait réveillée, il lui parlerait.

L’écran virtuel qui gérait les communications entrantes se mit à clignoter.

« L’Amiral Anderson demande à parler à Shepard, annonça EDI.

—Est-elle réveillée ? demanda le pilote.

— Le sédatif du docteur Chakwas fait toujours effet. »

Merde. Ce n’était pas le moment, mais évidemment, il n’y avait aucun répit en temps de guerre et encore moins pendant celle qu’ils menaient.

« Major, finit-il par appeler par le biais de l’intercom, l’Amiral Anderson est en ligne. »

Kaidan prit l’appel sans broncher.

Ah, qu’est-ce que cela le mettait en rogne de devoir lui lécher les pompes avec ce titre de « Major » ! Joker savait que la jalousie parlait à sa place. Ils avaient été bon camarades, voire même des amis alors qu’ils partageaint tous deux le même rang militaire. Maintenant… Kaidan jouait carrément dans une autre dimension. Et le pire, c’était que l’Ancien Lieutenant n’avait pas usurpé son ascension dans la hiérarchie. Le titre de Spectre, peut-être, parce qu’Udina l’avait recommandé et que cela faisait partie du plan du vieux corrompu, mais pas le rang de Major.

Bah… Ce n’était pas comme si Joker voulait monter en grade. Lieutenant, timonier, cela lui convenait parfaitement. Il avait déjà son propre lot d’emmerdes. Il n’avait pas envie d’en rajouter. Et puis… Major éclopé ? Ça ne lui disait rien du tout.

« Je me demande ce qu’Anderson est en train de dire à Kaidan… »

Peut-être avait-il trouvé une trace de Tali ? Le pilote espérait que la Quarienne allait bien. Sa menue silhouette et son accent lui manquait… En fait, la bonne vieille équipe lui manquait. Il ne pensait pas être si nostalgique.

Il secoua la tête. Il avait bien assez perdu de temps à ne rien faire. Il devait se secouer un peu. L’idée d’aller rendre une petite visite à Jacob lui parut bonne. Ils n’avaient pas vraiment eu de temps à passer ensemble depuis la trahison de Miranda. Jacob avait encaissé le coup mais il était bien plus sensible que sa carrure laissait penser. Et Joker n’était pas un bon pote s’il ne lui proposait pas de s’épancher un peu sur son épaule. Après, libre à Jacob d’accepter l’invitation ou non. Le pilote se leva donc et se mit en quête de l’ancien officier de Cerberus, celui-là qui, il l’espérait, ne leur planterait pas un couteau dans le dos.

 

 

Jacob ne semblait pas avoir quitté le vaisseau. Il fut plutôt facile à trouver, en fait. Le métis était pratiquement toujours dans l’arsenal. A croire que, comme Joker, il avait besoin de son refuge. Joker le salua d’un signe de main. Il attendit patiemment que l’officier ait fini de nettoyer l’arme qu’il tenait à la main. Apparemment, c’était sa manière de se concentrer. Nettoyer, calibrer, monter et démonter des flingues. Chacun ses petites manies. Mais la fascination et le soin qu’apportait Jacob aux armes lui donnait une réputation de tueur. Il devait sans doute connaître toutes les armes du Normandy par cœur. Et toutes les manières de les utiliser pour tuer. Cela foutait un peu la trouille. Il valait mieux avoir Jacob avec soi que contre soi.

« Comment se porte Shepard ? » demanda-t-il brusquement.

La question ne surprit pas Joker. C’était normal qu’il s’en inquiète. La manière de la poser était juste un peu froide. Le pilote résuma la situation en quelques mots. Jacob hocha la tête, reporta son attention sur son travail. Joker n’avait peut-être pas choisi le bon moment pour venir. Il songeait à s’en aller lorsque l’officier posa brutalement l’arme qu’il était en nettoyer sur la table.

Un long soupir s’échappa de la grande silhouette penchée au dessus du plan de travail. Joker n’osa plus rien dire. Il s’en était bien douté. Jacob n’allait pas bien. Ça lui ficha un coup. Ils étaient quand même potes. Mais là, il ne savait pas quoi lui dire. Même avec Lucy, il ne savait pas bien tenir ce genre de rôle. Alors, il attendit tout simplement que Jacob parle. Il écouterait. Parfois, c’était la meilleure chose à faire. Écouter.

« Je suis vraiment désolé. »

Désolé ? De quoi ? Pourquoi ? Jacob pouvait avoir plein de raison d’être désolé, comme tout le monde.

« Je n’ai rien vu venir… J’aurais dû…J’aurais dû savoir ! »

Il devait sans doute faire allusion à Miranda.

« C’était moi qui la connaissait le mieux, j’ai travaillé avec elle. On a fait de nombreuses missions ensemble… Je savais comment fonctionnait le système de Cerberus... »

Le métis tapa rageusement du poing sur la table.

« Mais je n’ai rien compris ! 

— Ça ne sert à rien de se lamenter, coupa Joker, un peu brusquement. Tu n’y es pour rien ! Et puis, après ? Y’a que Vega qui a eu une égratignure, on a réussi à se débarrasser de Cerberus sur Sur’kesh, on s’en est tirés ! »

La cécité de Jacob n’avait pas eu de grandes répercussions sur le Normandy et son équipage. Pourtant, il ne sembla pas convaincu. La moue qu’il fit le montrait bien. Il cherchait des arguments pour se rejeter la faute.

« Mais, peut-être qu’Omega…

— Au vu de la nouvelle puissance de ton ancien patron, Omega serait tombée tôt ou tard…

— Cela aurait permis de gagner du temps… »

Du temps ? Mais le temps, c’était de toutes parts qu’ils en perdaient, qu’ils en manquaient ! Cerberus n’était qu’un ennemi parmi d’autres. Un ennemi particulièrement pénible, mais c’était un tout. Elle était comme ça, cette guerre. Il fallait composer avec. Et ce que Jacob avait fait ou pas ne changeait pratiquement rien. C’était un peu sévère de penser ainsi, mais il ne fallait pas se voiler la face. Les agissements de chacun étaient parfois si insignifiants… Tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était de continuer à se battre. Même si cela ressemblait à se débattre vainement contre quelque chose d’impossible à combattre.

Joker pesta contre lui-même. Voilà pourquoi il ne serait jamais une bonne épaule sur laquelle pleurer. Il devait toujours avoir ce côté fataliste des choses. Pas de quoi vous remonter le moral.

« Oui, mais c’est grâce à toi qu’on est encore là, en quelque sorte. Si tu avais perdu ton sang-froid… » Il avait quand même abattu son ancienne partenaire aussi froidement que si elle avait été un quelconque ennemi.

« Je sais… C’est moi qui l’ai tuée… » Jacob passa les mains sur son visage. A le voir si las, Joker devina qu’il ne devait pas dormir très bien en ce moment. Sans doute l’image de Miranda qui s’effondrait face à lui, une balle en pleine tête, le poursuivait quand il fermait les yeux. Il culpabilisait.

« Tu l’aimais bien… Miranda ? » se hasarda-t-il à demander.

Jacob eut un rire étrange. « C’est facile à penser, non ? Partenaires, officiers de Cerberus… Alors… » Il haussa les épaules, rendant les armes avant d’avoir combattu.

« Je pensais que c’était une bonne amie. Un peu comme une sœur. » avoua-t-il avec peine. A la limite, c’était même peut-être pire. La trahison l’avait fait souffrir personnellement.

« Mais bon, ce qui est fait est fait… C’est souvent parce qu’on est proche de certaines personnes qu’on ne voit pas qu’elles changent…

— Non… Miranda n’a pas changé. Moi, si. Tu sais… » Jacob se retourna pour faire face à Joker et posa une fesse sur la table, cherchant à montrer la décontraction. « J’ai toujours cru que Cerberus apporterait une véritable solution au problème des Reapers. Je pensais vraiment qu’on allait dans la bonne direction… Que l’Homme Trouble suivait un idéal proche du mieux. On avait des résultats, on sauvait des milliers de vies humaines, on améliorait la vie des colonies… Ça m’était égal de fouler du pied les autres, de recourir à des moyens qualifiés de terrorisme. Pour moi, nous faisions ce qui était juste… »

L’ancien officier de Cerberus laissa son regard errer dans la pièce.

« Et puis… Peut-être que Cerberus a changé autant que moi mais dans une direction différente… Je ne sais pas.. Peut-être bien que Shepard m’a plus influencé que je ne le pensais. J’ai commencé à me dire que le bien humain était important, mais… de là à fouler les autres races… Après tout, n’aspirons-nous pas à la même chose ? Ne voulons-nous pas le bien-être des civils et leur sécurité? Les Reapers n’épargneront personne, je l’ai bien compris. Les Humains les intéressent à cause de Shepard, mais les Asaris, les Salarians… Eux aussi en sont les victimes. »

Nouvelle pause. Les traits du métis se durcirent.

« Et quand j’ai compris… Quand j’ai vu ce que l’Homme Trouble était capable de mener comme expérience sur les Humains, je me suis dit… Que la fin ne justifiait pas ces moyens-là. Qu’il y avait d’autres possibilités. Qu’on ne pouvait s’abaisser à ça. Je pensais vraiment avoir trouvé un moyen de changer les choses avec Cerberus. Je n’avais pas trouvé cela au sein de l’Alliance… Et maintenant… »

Jacob eut un rire usé. « Me revoilà au sein de l’entité que j’avais rejetée. »

Il baissa à nouveau la tête, las.

« Ai-je raison d’accorder ma confiance à Shepard ? J’ai tellement été floué… Vais-je encore me faire avoir ? »

Joker se redressa. Il lui fallait remotiver Jacob. Il ne pouvait pas douter de Shepard. Elle n’était pas comme le leader de Cerberus. Ils n’étaient aucunement comparables. Comment Jacob pouvait même envisager qu’elle suive un chemin identique ? Joker se devait de lui remettre les idées en place.

« Franchement, Jacob… Tu penses ce que tu dis ? Alors, oui, l’Homme Trouble a changé de camp, c’est clair. Ça, on n’y peut rien. Tu ne pouvais pas savoir qu’il allait être endoctriné. Mais, ne mets pas le Commander dans le même panier que lui. On parle de Shepard, là. Alors, oui, elle ne fait clairement pas dans la dentelle… Elle est casse-cou, parle parfois sans réfléchir et a tendance à avoir la gâchette un peu facile… Mais, jamais elle n’a manipulé qui que ce soit. Je pense qu’elle suit toujours la voie du devoir. C’est une militaire. Tu as fait partie de l’Alliance, tu sais ce que c’est… »

Jacob haussa les épaules d’un air désabusé.

« Le sens du devoir… Est-ce que cela existe encore vraiment ? Il y a des pourris corrompus partout… Regarde Udina, celui que le Conseil a désigné pour représenter l’espèce humaine… »

Voilà qu’il se mettait à comparer Shepard avec Udina ! Pote ou pas pote, s’il continuait à mettre autant en doute le Commander, Joker finirait par lui mettre son poing dans la figure. Si cela pouvait lui remettre les idées en place, ce serait pas mal.

« Tu délires… Tu connais un peu le Commander, maintenant… Moi, je peux te dire qu’elle n’a jamais changé de ligne de conduite depuis le début… Depuis qu’elle sait que les Reapers arrivent, elle a toujours tout fait pour que la menace soit prise au sérieux et même traitée comme de la merde, elle a continué à se battre ! Elle a tenu tête à l’Homme Trouble.. Regarde, elle ne lui a pas donné la base des Collecteurs alors qu’il le demandait… Mec, réfléchis un peu deux minutes… »

Jacob releva la tête vers le pilote et le dévisagea longuement. Joker se dit qu’il s’était peut-être un peu trop emballé. Il sentit le rouge lui monter aux joues. Bon, il avait tenté de ne pas trop en faire…

« Tu connais Shepard depuis plus longtemps que moi… » se contenta de dire le grand métis.

Oui, bien sûr.

« C’est normal que ta loyauté aille envers celle qui t’a sauvé la vie… »

Et qui avait sacrifié la sienne pour arriver à ça… Et là était tout ce qui importait. Shepard était de ceux qui était prêts à mourir pour les autres. Et elle l’avait fait. C’était ce qui la rendait si unique. C’était la preuve ultime qu’elle ne suivait que son sens du devoir.

Cela, Joker le fit comprendre à Jacob. Voilà pourquoi lui, était prêt à la suivre jusqu’au bout. Pourquoi il lui faisait confiance.

L’ancien officier de Cerberus afficha un faible sourire.

« Je veux bien te croire… » finit-il par dire doucement. « Parce que tu es cette preuve, après tout. »

C’était normal, en des temps pareils, de remettre tout en question. De se demander si ce que l’on faisait était juste. Shepard était habitée en permanence par ce genre de doutes. Cela la rongeait quotidiennement. Les personnes sûres d’elle en permanence était au contraire, aux yeux du pilote, des gens dont il fallait se méfier. Jusqu’au boutiste de cette manière, il y avait de quoi nourrir des soupçons. L’Univers n’était pas suffisamment stable pour se terrer dans des certitudes.

Finalement, Jacob se détourna et se remit au travail. Il y avait tant à faire et si la prochaine cible était son ancienne organisation, il fallait ne pas chômer.

« Je pense que nous devrions chercher des poches de résistance au sein même de l’organisation, émit le métis à haute voix. J’ai fort à penser que la direction empruntée par l’Homme Trouble ne plait pas à tout le monde. Je vais essayer de secouer un peu mon ancien réseau d’informateurs pour essayer d’en savoir plus. »

Joker eut un large sourire. Voilà comment il préférait Jacob. Un type solide, sur qui compter. Cela allait mieux et c’était rassurant de revoir une lueur de motivation dans le regard de l’officier. Le pilote songea qu’il était temps de se retirer. Jacob n’allait pas lâcher son travail et comme il s’était donné une tâche supplémentaire, ce n’était pas le moment de le distraire.

Se sentant toutefois avoir été utile à autre chose qu’à piloter le Normandy, Joker retourna d’un pas satisfait dans le CIC. Finalement, son café, il irait le prendre tout seul dans le mess. Il n’y avait d’ailleurs pas un chat. Joker se demanda si Kaidan était encore avec Anderson. Chakwas veillait sur le Commander comme à la prunelle de ses yeux. Vieux valait prendre son gobelet de caféine et remonter dans le cockpit. Il n’y avait rien d’autre à faire.

Alors que la machine dispensait son breuvage dans un gobelet, Joker ne se retint pas de profiter de l’attente pour observer à travers la baie vitrée de l’infirmerie. Cela lui permis d’assister en direct au réveil du Commander. Il vit tout d’abord une main émerger de sous les draps par la fenêtre et puis finalement, la tête de Shepard apparaître, pâle. Les gestes lents qu’elle faisait montraient que le sédatif faisait encore quelque peu effet. Il ne la voyait que de trois-quarts de dos mais les épaules tombantes, la main portée au visage lui montrèrent bien qu’elle se remettait vraiment doucement. Serait-elle en état de répartir vite au combat ? Allait-elle encore subir une de ces migraines violentes ? Joker n’aurait pu le dire mais il espérait de tout cœur que Shepard aille mieux. 

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