Beyond the Stars

Chapitre 2 : Chapitre deux

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:46

Voici le deuxième chapitre de Beyond the Stars. J’ai oublié de la préciser dans le premier chapitre mais ayant joué en VO, j’utiliserai, à quelque exceptions près, les termes anglais des races et autres mots spécifiques du fandom.

Bonne lecture.

 

Beyond the Stars V2

Chapitre 2

“Commander Shepard.”

Le Lieutenant Vega entra dans la cellule et lui passa les menottes aux poignets. Le visage de Shepard resta fermé malgré le sourire désolé du soldat. Une escorte de deux fusiliers les rejoignit alors qu’ils sortaient de la geôle. Le Commander ne desserra pas les dents de tout le trajet. Elle avait craint que le Conseil ne lui fasse subir l’humiliation de parcourir la Citadelle jusqu’au Présidium sous le regard de la population. Ils ne s’étaient pas abaissés à cela fort heureusement. Ce fut en quelques minutes, à bord d’un véhicule de service, qu’elle traversa la Citadelle. Elle pensait à ce qui allait se passer et se demanda pourquoi son procès avait été avancé ? Tenaient-ils donc tant que ça à faire de son cas un exemple ?

Shepard se mit à réfléchir à toute vitesse. Elle allait se retrouver à un procès qui n’avait aucune valeur à ses yeux. Elle savait ce qu’elle avait fait. Elle savait combien c’était irréparable mais en même temps nécessaire. Sacrifier des milliers de vies n’était pas sa façon d’agir. Elle avait été prise de vitesse. Elle culpabilisait déjà assez de ne pas avoir pu alerter les populations. Elle l’avait déjà dit à Hackett. Elle l’avait déjà dit à Anderson.

Elle savait qu’une partie de la population murmurait à propos du Conseil, remettant en cause sa légitimité. Des murmures parcouraient une frange de la population, en majorité humaine certes, se demandant si le Conseil n’essaierait pas d’étouffer l’arrivée des Reapers. L’affaire des Collecteurs n’était pas passée inaperçue et avec les communications à vitesse lumière, l’information avait été relayée dans toute la Galaxie avant que le Conseil ait le temps de se tourner.

Le procès de Shepard avait été annoncé de manière officielle dans tous les systèmes. Le Conseil montrait par là qu’il avait tout pouvoir et qu’on ne pouvait se dresser contre lui. Même un Spectre. Deux ans auparavant, Saren avait bien failli leur faire perdre toute légitimité.

Shepard n’aimait pas être un symbole. Surtout pas ce genre de symbole. Elle soupira quand le véhicule arriva à destination. Elle n’avait pas préparé de défense, rien. L’avocat Salarian que lui avait conseillé Anderson avait renoncé, disant que c’était peine perdue au vu du peu de coopération dont Shepard faisait preuve. Il n’était pas aussi retors que Mordin. Tant pis. Elle improviserait.

Ce n’était pas comme si le Conseil allait lui laisser sa chance. Elle se demanda ce que Anderson allait faire. Elle avait senti, lors de leur dernière entrevue, qu’il mijotait quelque chose. Elle espérait juste qu’il n’allait pas prendre trop de risques. La population humaine avait besoin d’Anderson. La mégalomanie d’Udina avait déjà fait assez de dégâts comme ça. Encore heureux qu’elle ne l’avait pas choisi lorsqu’elle avait eu l’opportunité de le faire.

 

Une pression ferme sur son bras l’incita à s’arrêter. On la poussa alors vers une porte. Vega disparu de son champ de vision mais le regard qu’il lui adressa ne lui échappa pas. C’était donc là que cela allait se jouer. Elle se devait être vigilante. La jeune femme se retrouva ainsi assise sur le banc des accusés. La salle d’audience possédait des dimensions acceptables pour un procès en huit-clos.

En huit-clos. Evidemment.

Il ne fallait pas prendre le risque d’une émeute, qu’elle soit sympathisante ou non avec l’accusée. Elle distingua Anderson sur la tribune officielle. Il avait le visage fermé, ne lui laissant pas deviner un quelconque plan à suivre, si jamais il y en eut un. Sans doute avait-elle imaginé cet air entendu qu’avait Vega. De toute façon, depuis qu’elle avait mis le pied dans le tribunal, Shepard était bien déterminée à faire face et à ne rien lâcher. Peu importait pour elle de passer pour une illuminée.

Elle continua de scruter l’assistance. Un représentant batarien ne la lâchait pas du regard et elle vit dans ses deux paires d’yeux une haine inextinguible. Elle se demanda comment le Conseil avait réussi à contenir son envie de guerre. Sans doute les Sages avaient-ils consenti à la leur livrer. Cette pensée la fit quelque peu frémir. Mais si les hautes autorités batariennes avait fait preuve de diplomatie, n’importe quel politicien aurait sauté sur l’occasion de préserver la Galaxie d’une énième guerre. Bien sûr, il manquait toujours les Reapers dans leurs calculs.

Shepard reporta alors son attention sur le jury qui rendrait le verdict du procès. Il était assez mixte même si les humains, comme par hasard, étaient en minorité. Leurs regards étaient sévères, concentrés. Etrangement, la rangée qui avait pour rôle d’accueillir les témoins était presque vide. Il n’y avait que Hackett était de présent. Shepard voulu soutenir son regard mais l’amiral détourna les yeux. Et l’équipage du Normandy ? Où était-il ? Où était son équipe ? Elle craignait qu’ils n’aient été arrêtés, sans qu’elle ne fût au courant. Que Vega lui ait menti, qu’Anderson l’ait roulée. Ils étaient pourtant indispensables pour son procès. Ils avaient été témoins de ses agissements même si l’affaire de la destruction du système de Bahak était de son seul fait. Elle aurait pu au moins trouver un soutien important rien qu’à voir leurs silhouettes. Même si Shepard n’était pas du genre à se laisser abattre pendant les situations difficiles, un peu d’aide psychologique ne lui aurait fait pas de mal. Dans ces lieux, son habileté à manier le fusil ne lui servirait à rien. Il fallait qu’elle puise dans ses talents d’oratrice. Mais se défendre lors d’un procès n’avait rien à voir avec le speech d’avant bataille. Quand elle parlait à son équipe, elle prêchait des convaincus. Ici, il fallait se défendre avec des mots, être subtil… Tout ce qu’elle dirait serait vivement contesté. Et leur énoncer des évidences ne lui servirait à rien. Elle avait déjà tenté ce coup-là.

 

Elle s’assit donc et écouta l’énoncé des chefs d’accusation. Elle qui avait été un héros de guerre se voyait maintenant taxée de terrorisme, responsable d’un génocide en masse. Nier la destruction du système de Bahak ne servirait à rien, de toute façon, elle en assumait l’entière responsabilité. Elle tenta d’échafauder un plan de son plaidoyer en attendant qu’on la laisse prendre la parole.

Mais ce fut Hackett qui fit la surprise de se lever et d’interrompre l’avocat général qui s’étouffa dans sa salive.

L’Amiral prit la parole et d’un ton très glacial demanda un ajournement du procès.

« D’une certaine façon, Shepard fait encore partie de l’Alliance, dit-il. Elle devrait comparaître dans un tribunal militaire ! »

L’avocat général ouvrit la bouche pour répliquer mais il fut coupé dans son élan par le Conseiller salarian. Ce dernier répliqua qu’un Spectre comme Shepard ne pouvait se plier aux petites règles des militaires humains et devait subir un traitement différent. Sans parler que sa collaboration avec Cerberus aurait dû justifier l’éviction de l’armée de l’Alliance. Les titres honorifiques n’avaient pas de valeur. Le Commander pesta entre ses dents. Elle était « Spectre » quand cela les arrangeait, décidément. Hackett ne se laissa pas démonter et argumenta que c’était sur ses ordres que Shepard s’était rendue sur Bahak. Cette déclaration provoqua quelques murmures parmi le jury et le représentant batarien fit craquer les jointures de ses doigts rien qu’en serrant son genou. Shepard se leva pour empêcher Hackett de se mouiller davantage. S’il continuait, le Conseil allait trouver un moyen de le mettre hors d’état de nuire et sans lui, l’Alliance n’avait aucune chance face à l’invasion, si tant soit peu qu’il y ait une chance. Amputer l’Alliance de l’amiral, c’était courir au suicide. Autant combattre les Reapers complètement nus.

Alors que le Conseil remettait à sa place l’impudent humain qui osait couper la parole à tout va, un immense vacarme retentit dans le Présidium.

 

Puis tout se passa en même temps.

 

Une alarme stridente retentit dans tout le bâtiment tandis qu’un Turian déboula dans la salle, le souffle court et le regard alarmé, ce qui était quelque chose d’exceptionnel pour un Turian. « Les communications sont coupées avec le système Solaire ! » dit-il.
Quelques cris étranglés s’élevèrent dans la salle.
Ce fut le moment que choisit Anderson pour pointer une arme sur l’avocat général.
« Conseiller Anderson ! »

Un autre militaire humain arriva à la suite du Turian, bousculant le premier arrivé dans sa hâte.
« Le Système solaire est envahi ! » Sans se préoccuper des autres personnes présentes, il tendit un datapad à l’amiral Hacket qui perdit toutes ses couleurs. « Ils arrivent ! » s’écria-t-il en regardant Shepard.
Hackett se leva d’un bond et se précipita vers la sortie, donnant quelques ordres à son soldat.

Les murmures parcouraient la salle d’audience et le jury semblait sans voix.
« Libérez Shepard ! » tonna Anderson, tenant toujours en joue l’avocat général.
« Vous dépassez les bornes, Conseiller Anderson ! » s’écria le Conseiller Salarian. « Vous aggravez la situation des humains par votre comportement stérile ! » Il tapa du poing sur la table. « Le procès doit continuer. 
─ Ils sont là ! Vous venez d’en avoir une preuve indéniable et vous continuez à ne pas vouloir y croire ? » éructa Anderson, refermant sa prise sur son arme.

Des tirs de Blasters résonnaient dans le hall du Présidium. Un mouvement de panique s’était emparé de la Citadelle. Certains membres du jury se tordaient le cou pour tenter d’apercevoir ce qui se passait hors de la salle d’audience, n’osant pas prendre la fuite devant les Conseillers.

Shepard profita alors de l’agitation générale pour administrer un coup de genou dans le ventre d’un des soldats qui la gardait. Profitant de son effet de surprise, elle se retourna et assomma le second qui n’avait pas eu le temps de réagir.

 

Soudain, elle sentit qu’elle quittait le sol, enserrée entre deux bras puissants qui ne lui laissèrent aucune échappatoire. Elle n’eut pas le loisir de se défaire de cette étreinte qu’elle se retrouva dans l’entresol.

« Shepard, c’est moi. »

La voix posée de Thane la calma. Il la poussa dans un conduit d’aération et l’aida à progresser dans le boyau.
« Thane… Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis contente de vous voir ! » dit-elle en rampant du mieux qu’elle pouvait. Le Drell ne dit rien mais Shepard savait qu’il avait un petit sourire.

Leur ascension les mena dans le hall du Présidium. Shepard se sentit soulagée d’apercevoir la haute silhouette de Garrus qui montait la garde. Le Turian leur fit signe de s’approcher.
« Les civils paniquent. » résuma sobrement Garrus. « C’est arrivé si soudainement comme si une bombe venait d’exploser. »
Devant eux, les civils occupant les multiples étages de la Tour courraient dans tous les sens, cherchant à fuir dans le chaos le plus total.
Certains s’étaient emparés d’armes et tiraient sur les officiers du C-Sec qui tentaient vainement de les calmer.

Garrus tendit à Shepard un simple pistolet qu’elle pouvait utiliser les mains liées. Elle se débarrasserait de ses menottes une fois de retour sur le Normandy. Il n’y avait ni le temps, ni le matériel nécessaire ici. Escortée par Garrus et Thane, elle se faufila à travers le hall, droit vers l’élévateur. Toutefois, il s’avéra que celui-ci semblait hors service au vu des quelques dizaines de personnes qui s’étaient massées devant la porte et qui s’agitaient en proie à une panique la plus totale.

Un soldat les fit reculer en tirant en l’air mais la peur était la plus forte. Le souvenir de l’attaque de Sovereign, deux ans plus tôt, était encore vivace dans la mémoire collective.
« Il faut passer par les escaliers de secours. » souffla Thane. Il poussa délicatement Shepard hors de la foule. Tous les trois progressèrent difficilement à travers la masse, évitant les tirs et les mouvements désorganisés de groupes affolés.

Une fois arrivés à l’escalier de service, ils tombèrent nez-à-nez avec Jacob.
« Je suis venu voir où vous en étiez, expliqua-il trivialement.
─ Quelle est la situation en bas ? coupa Shepard.
─ C’est tout aussi chaotique qu’ici, expliqua Jacob tout en les devançant dans la descente. Tous les terminaux de transports sont submergés. C’est parti d’un seul coup. Je ne sais pas comment l’information a pu filtrer aussi vite. Le contact avec le Système Solaire a été interrompu mais il semblerait qu’un message soit parvenu à la Citadelle juste avant le blackout. Il semblerait que le Shadow Broker ait intercepté des images avant la coupure du comm boy.
─ Et le relais du Système Solaire ? demanda Shepard.
─ Il semblerait qu’il soit encore fonctionnel pour l’instant. Je n’ai pas plus d’information, Commander. Miranda s’est infiltrée dans le système de communication de la Citadelle afin de collecter un maximum de données. Le docteur Solus est avec elle. »

Shepard hocha la tête. Apparemment, ils n’avaient pas perdu leur temps pendant son incarcération. Elle savait qu’elle ne pouvait pas douter d’eux. Inflexibles têtes brulées qu’ils étaient. Pas question de partir sans eux et les informations qu’ils pourraient posséder.

Le quatuor atteignit enfin le rez-de-chaussée. Comme l’avait dit Jacob, la foule se tassait devant les bornes de transport rapide. Il ne semblait pas y avoir d’autre choix que de rallier le Normandy à pied, là-bas, dans les quartiers de l’Alliance. Jacob expliqua qu’il ne serait pas simple de s’en emparer. On verrait sur place.  

« Poussez-vous, bande de connards ! » La voix de Jack retentit à travers la foule qui s’écarta précipitamment devant un véhicule qui avançait sans se préoccuper de ce qui pouvait bien se trouver devant lui.
Le Sujet Zéro vociférait des insultes à tout va afin de décourager les plus téméraires qui auraient pu avoir l’idée de lui voler son moyen de locomotion.
« Nom de Dieu ! s’exclama la jeune femme. Shepard, qu’est-ce que vous attendez pour ramener votre cul ? Vous croyez que j’ai que ça à faire ? »
L’invitation arracha un sourire au Commander qui se précipita vers le véhicule avec ses trois compagnons. Garrus l’aida à monter.
« Je savais pas que vous versiez dans le SM, commenta Jack.
─ Menottes à fermeture électromagnétique, expliqua Sherpard. Ils avaient bien trop peur que je ne m’évade. »
Jack esquissa un faible sourire avant de faire vrombir le moteur de son véhicule.
« La Cheerleader ne devrait pas tarder à rentrer au bercail. Ah et le Geth, là… Legion, il essaye de hacker le système de la Citadelle pour qu’on puisse se tirer vite fait. L’a intérêt à pas foirer son coup. »

Shepard ne s’étonna pas de la coordination exceptionnelle dont faisait preuve son équipe. Elle en était même heureuse mais il manquait quand même quelque chose… Savoir comment voler un véhicule militaire en pleine panique.

« Le Conseiller Anderson nous a contactés après votre arrestation, commença Garrus. Bien évidemment au début… disons que l’accueil que certaines personnes lui ont fait n’était pas des plus chaleureux.
─ Faut dire qu’à part faire la carpette et passer son temps à s’excuser et à répéter qu’il n’y pouvait rien, il n’avait pas grand-chose à dire, coupa Jack.
─ Il nous a recontactés plus tard, continua Jacob, imperturbable. Il avait l’air déterminé. Nous avions déjà une petite idée de ce que nous allions faire pour vous sortir de là…
─ Même si certains avaient préconisé une attaque directe et fracassante, ajouta Thane, nous pensions qu’il était plus sage d’attendre votre procès sans faire de vagues. La salle d’audience est plus facile à infiltrer discrètement. C’était l’idée d’Anderson que de faire diversion durant votre plaidoyer afin que je puisse vous kidnapper rapidement et sans heurt.
─ Nous n’avions pas prévu l’arrivée des Reapers dans la Galaxie. Quand le Shadow Broker nous a fait parvenir le message, nous étions déjà en place. Miranda a alors laissé le commandement de l’opération à Garrus pour qu’elle puisse réunir un maximum d’informations utiles.
─ Tali, Joker et le reste de l’équipage tentent de s’infiltrer dans le Normandy pour une fuite rapide, continua Garrus. Rien qui ne puisse nous empêcher de quitter la Citadelle », acheva-t-il avec un sourire entendu. 

Shepard admira son optimisme. Certes, ils s’étaient déjà évadés de la Citadelle mais les conditions lui paraissaient nettement meilleures qu’à cet instant. Elle assimila les différentes informations qu’ils venaient de lui donner tandis que Jacob lui remettait son émetteur radio.

Ils arrivèrent dans le quartier réservé à l’Alliance. Jack manœuvra le véhicule de telle sorte que la descente en soit facilitée pour Shepard. Toujours menottée, elle sauta à terre et se dirigea vers le bâtiment occupé par l’Alliance.
Elle eut à peine le temps de se jeter à terre pour éviter les éviter les tirs de blasters.

« Vous n’irez nulle part, humains ! » vociféra un Batarien. Celui-ci était accompagné de trois autres de son espèce. Ils la tenaient en joue et s’avancèrent.

« Shepard est un prisonnier du Conseil ! » dit alors une voix qui venait d’une rue adjacente. Quelques C-Sec avaient attendu l’arrivée de Shepard, se doutant bien de sa destination. Avait-on vu quelqu’un de si prévisible ? L’urgence avait simplement primé sur tout le reste. Le Commander pesta entre ses dents. Voilà qu’ils étaient pris en tenailles par deux groupes qui ne les lâcheraient pas. Aucune issue du côté des quartiers de l’Alliance, dont l’entrée était bloquée par les Batarians. Garrus, Jacob, Thane et Jack se resserrèrent en cercle autour d’elle, armes au poing.

« Laissez-nous passer ou on vous bute ! » cria Jack, prête à en découdre.

« Ah oui ? s’esclaffa l’un des Batarians. Voilà une humaine qui a du cran. Et bien tire ! Qu’est-ce qu’un Batarien en comparaison des millions que Shepard a tués ! Tire un peu et on vous exterminera comme la vermine que vous êtes.»

Un coup de feu résonna et le Batarian s’écroula face contre terre. Jack leva les bras en signe de protestation.
« C’est pas moi ! »
Ce fut la confusion. Les Batarians rescapés se mirent à tirer dans tous les sens. Le C-Sec n’eut pas d’autre choix que de riposter. Pris entre deux feux, la petite escouade se mit à ramper.
« Commander ! »
L’appel était faible mais Shepard l’entendit. A quelques coudées de là, Vega, fusil au poing leur faisait signe. La jeune femme désigna du menton le Lieutenant et assura qu’ils pouvaient le suivre sans crainte. Vega lui agrippa les bras et la tira vers lui.
« Par ici, Commander. »
Shepard lorgna vers l’ouverture qui lui faisait face, obstruée par le corps massif de leur sauveur. Il lui faudrait encore ramper, ce qui n’était pas commode avec les mains entravées.   

« Votre équipe est au complet et vous attend dans le Normandy. » expliqua Vega alors qu’ils couraient à travers les quais que l’Alliance utilisait pour ses propres vaisseaux. Des explosions retentirent mais Shepard comprit qu’ils n’étaient pas la cible. Leurs assaillants avaient sans doute dû avoir des renforts et tentaient de pénétrer dans le bâtiment. Il fallait faire vite.
« La voilà. »
En levant les yeux vers elle, Shepard ne put empêcher son cœur de faire une embardée. C’était elle mais elle était transformée. Parmi les autres vaisseaux de l’Alliance, elle paraissait si petite. Mais le Normandy était bel et bien là, avec sa peinture flambant neuve. Mais ce n’était pas cette remise en état apparente qui fichait la chair de poule à Shepard. C’était le fier logo de l’Alliance qui ornait sa carlingue avec ce bleu qu’elle reconnaîtrait entre mille nuances. Une nouvelle explosion se fit entendre. A peine eurent-ils le temps de remonter le quai que les premiers tirs sifflèrent à leurs oreilles. Vega agrippa le bras de Shepard, la fit passer sur le côté, offrant ainsi son propre corps en bouclier pour qu’elle ne soit pas blessée. Garrus arrosa leurs arrières de tirs répétés.
Plus que quelques mètres et ils seraient dans le Normandy.
La porte, où l’infâme logo de Cerberus n’apparaissait plus, s’ouvrit et l’escouade s’engouffra dans le sas.

 « EDI, la porte ! » ordonna instinctivement Shepard.
Elle ressentit un étrange soulagement en entendant la voix artificielle annoncer le verrouillage de la porte et signaler que le Commandement était désormais entre les mains de Shepard et que Miranda en était déchargée. Comme n’importe quelle IV de l’Alliance annoncerait le relais quand le plus haut gradé était dans le vaisseau. Toutefois, le temps n’était pas à s’extasier sur le retour aux bonnes vieilles habitudes.
« Sortez-nous de là, Joker, hurla-t-elle alors qu’elle sentait déjà les premières secousses. 
─ Pas de problème, Commander, lui répondit de loin le pilote. EDI, donne-nous tout ce que tu as ! 
— Bien reçu, Jeff. »

Joker pianota frénétiquement sur son clavier. Le Normandy vibra. Au dehors, les verrous qui retenaient le vaisseau à la Citadelle cédèrent, libérant l’engin qui s’élança à travers les « pétales » à toute vitesse.
« Vole, ma belle, vole ! »
Quel sentiment indescriptible le saisit lorsqu’il sentit vrombir son bébé. Certes, elle n’avait pas vraiment changé mais se retrouver une nouvelle fois aux commandes d’un vaisseau de l’Alliance avait quelque chose de rassurant.

Dans le sas, Vega remit le Commander sur pied.

« Lieutenant ? » commença-t-elle mais il lui glissa quelque chose dans la main.
Ses plaques d’identification.

Anderson. Jamais il ne lâchait l’affaire, celui-là. Vega se mit au garde à vous et fit le salut réglementaire.

« A vos ordres Commander Shepard. »
Elle comprit qu’Anderson lui confiait un élément en qui il avait absolument confiance. Elle lui fit signe de rompre et de la suivre. Elle remonta vers le cockpit, voulant voir leur fuite de ses propres yeux. Pour son regard de néophyte, rien ne semblait avoir changé mais elle savait que Joker avait déjà analysé les modifications faites à son antre. Elle ne pouvait s’empêcher d’être soulagée de ne plus avoir à porter sur son vaisseau les couleurs de Cerberus. Retour des choses à la normale ou presque. Les voilà encore une fois des évadés.
« Une impression de déjà-vu, n’est-ce pas ? » s’amusa Joker.

Elle posa les yeux sur lui. Ce n’était pas le large sourire qu’il arborait qui fit s’étirer la commissure de ses lèvres mais ce qu’il portait. Le bleu nuit de l’uniforme de l’Alliance lui allait à merveille. Elle eut soudainement hâte de quitter son habit fourni par Cerberus et d’endosser à nouveau l’uniforme dont elle était nostalgique.

Joker pressa quelques boutons, fit glisser ses mains expertes sur un tableau de commande et le Normandy s’échappa de la Citadelle et volait droit vers le Relais, sortant de la Nébuleuse du Serpent. Shepard lui tapota l’épaule.
« Bon boulot, Joker. »
Son visage se retendit.
« Alors, Commander ? On fonce droit sur l’ennemi ? demanda Joker avec un sourire ironique. Direction la Terre ? On va aller péter du Reaper ?
— Pas encore. Pas sans un plan. »
Le regard de Shepard se durcit. Elle se tourna vers Miranda qui remontait la passerelle pour aller la saluer. Elle n’avait pas changé de tenue mais Shepard ne lui en tint pas rigueur. Après tout, elle n’était pas un soldat de l’Alliance. Serrant ses plaques d’identification dans sa main, elle ordonna à Miranda de rassembler tout le monde dans la salle de réunion pour un briefing. Il ne fallait pas trainer. Sans un regard de plus pour Joker, elle suivit son Commandant en second.

« Et trouvez-moi un moyen de me débarrasser de ces fichues menottes. »

Joker reporta son attention sur le pilotage du Normandy. Il fallait faire en sorte de trouver un endroit où ils seraient à l’abri pour un temps.

Il soupira. Il était peu de dire qu’il se sentait soulagé. Après avoir rongé son frein ces deux derniers jours, à pester contre son impuissance et son inutilité, il était heureux d’avoir pu être utile à Shepard, d’avoir pu l’aider à sortir du pétrin. Il n’avait pas pu prendre part aux restes de l’opération mais il était bien conscient que sans lui, ils n’en seraient pas sortis. Après le signal d’Anderson que la voix était libre, il avait suivit Tali et les autres jusqu’au Normandy. Ils n’avaient fait que peu de cas de la sentinelle et il avait eu assez de temps pour préparer le vaisseau.

Dès qu’il avait posé ses fesses sur le fauteuil du Normandy, il avait vu qu’il y avait eu des modifications. Déjà. Adieu le doux cuir que Cerberus avait fait installer pour lui.  Il n’avait pas eu vraiment le temps de faire le tour mais certaines commandes avaient été modifiées et il avait deviné que l’équipement offensif et défensif avait été amélioré. Pas le temps d’en faire l’inventaire par lui-même. Il avait su qu’il pouvait déléguer cette tâche à celle qui n’avait pas quitté le Normandy. Enfin, l’espérait-il. Cela avait été d’une voix anxieuse malgré lui –car Joker était loin d’être sentimental – qu’il avait appelé EDI.

« Bonjour, Jeff. »
Il avait lâché malgré lui un soupir de soulagement. Elle allait lui faire gagner un temps précieux.

« Pas le temps pour de longues retrouvailles. J’ai besoin que tu me fasses le point sur les modifications qu’ils ont pu faire au Normandy, avait expliqué le pilote tout en commençant à faire les réglages précédant l’allumage des moteurs. Ils ne t’ont pas reprogrammée, au moins ?
— Je pense que dire qu’ils ont essayé est ce qui se rapproche le plus de la vérité. »
Toujours la même. Voilà ce qui était plutôt de bon augure.
A eux deux, ils avaient préparé le Normandy à prendre son envol. Le temps avait été utilisé jusqu’à la dernière seconde, jusqu’à ce que Shepard remonte en courant le quai. 

Nombreuses avaient été les fois où il n’avait été qu’un spectateur impuissant. Un auditeur, plutôt. Le seul lien qu’il pouvait avoir avec l’équipe à terre résidait dans la radio et les rares communications qu’il avait avec Shepard. Celles-ci ne se résumaient qu’à recevoir les ordres du Commander. Si elle était en difficulté, il ne pouvait rien pour elle.

Il se souvenait qu’il lui arrivait parfois d’avoir une certaine appréhension quand au bon déroulement des missions. Il n’aurait jamais pu supporter perdre Shepard une fois de plus. Les rares fois où elle avait été blessée l’avaient affecté bien plus qu’il n’aurait pu le penser. Il n’avait cependant jamais quitté son poste pour aller lui rendre visite à l’infirmerie. Il avait toujours préféré attendre qu’elle vienne le voir, ce qu’elle ne tardait jamais à faire dès qu’elle était rétablie. C’était pourtant quelque chose qu’en tant que subalterne, il ne devait pas ressentir. Parce que risquer sa vie, c’était une grande partie du job de Shepard. Il devait juste lui faire confiance. Elle n’allait pas mourir stupidement. Pas en lui sauvant la vie par exemple. Il secoua la tête, refoula cette pensée au plus profond de lui-même. Elle n’avait jamais eu l’air de montrer de la rancœur envers lui.

« Joker, vous êtes pour moi un ami précieux. » lui avait-elle dit un jour lors d’une conversation dont il ne se rappelait plus la teneur. Cette phrase l’avait touché, quelque chose avait remué en lui mais il avait mis ça sur le compte du simple soulagement quand il avait compris qu’elle ne le détestait pas malgré ce qu’il lui avait fait. Elle était morte par sa faute et ça il ne l’oublierait jamais. Il se rappelait avoir reçu le compliment avec une petite boutade même s’il n’avait plus les mots précis en tête. C’était toujours pareil. Les compliments, les marques d’attachement, il les rejetait sans cesse. Cela le gênait. Il ne savait jamais comment réagir dans ces situations. Ce genre de remarques provoquait de l’attente à son égard et il ne se sentait pas capable de l’assumer.  Alors, il rejetait le compliment et il se cachait derrière un masque de cynisme et d’humour noir. Cela n’avait jamais effrayé Shepard. Peut-être parce qu’elle fonctionnait comme lui.

 

Joker laissa les commandes à EDI le temps de communiquer à Shepard son intention d’aller se cacher dans le Système Terminus, chose que l’Intelligence Artificelle avait qualifié de bonne idée. Le Commander accueillit la proposition sans émotion aucune et donna l’autorisation de se rendre là-bas. L’échange fut bref, elle était en plein briefing. Il éteignit la console, cala le signal sur celui de la flambant neuve salle de réunion et changea le cap du vaisseau.

« Miranda, je veux un compte-rendu de tout ce que Mordin et vous avez trouvé dans le réseau de la Citadelle. »
Shepard tendait les bras vers le Salarian qui s’affairait à lui ôter les menottes qui entravaient ses poignets.
« Malheureusement pas grand-chose, soupira le Commandant en second. Nous avons trouvé les premières traces de l’arrivée des Reapers dans la Galaxie. Leur passage du relais de Charon. Etrangement, ils n’ont pas détruit les comm buoy toute de suite, comme s’ils voulaient qu’on sache qu’ils sont là et qu’ils sont entrés dans la Galaxie sans rencontrer d’obstacle, comme pour nous montrer notre impuissance. »
Impuissance ? C’était sûrement le cas.

Shepard sentit avec soulagement les menottes se déverrouiller. Elle se frotta les poignets. Son premier réflexe fut d’enfiler ses plaques d’identifications et de les glisser sous ses vêtements. Le contact froid de l’acier sur sa peau la réconforta.

« Quoiqu’il en soit, nous n’abandonnerons pas, n’est-ce pas ? »
Question totalement inutile. Chacun le savait. Personne n’avait émis l’idée de partir quand elle leur avait demandé juste après leur retour du relais Omega-4. « Plutôt crever ! » avait même juré Jack.

« Il nous faudrait un maximum d’informations. Nous allons déjà compiler tout ce que nous savons sur les Reapers, les Collecteurs, les Prothéans. Absolument tous les détails, la moindre faille, le moindre indice montrant une faiblesse des Reapers, leur mode d’attaque, tout… Ensuite… »

Shepard considéra un point invisible sur le mur face à elle. Puis, elle se tourna vers Vega. Anderson lui avait sûrement donné des instructions. Elle scruta son visage. Il avait l’air d’inspirer sa confiance. Un peu rebelle sur les bords, avec son espèce de crête qui ornait son crâne. Anderson devait avoir un faible pour ce genre de caractère.

« Lieutenant Vega ? » demanda-t-elle pour attirer son attention, tout en notant mentalement qu’elle n’avait pas fait les présentations. Etant donné le peu de surprise qu’elle avait pu noter sur les visages de ses équipiers, ils devaient sans doute être au courant qu’Anderson allait leur laisser de la main d’œuvre. A croire qu’elle était là seule à n’avoir pas été mise au jus. En même temps, surveillée en permanence comme elle l’avait été, il n’aurait pas pu déballer son plan devant les caméras. Elle n’allait pas lui en vouloir pour ça.

« Anderson a sûrement dû vous donner quelque chose, n’est-ce pas ?
— Oui, Commander. »
Le ton employé, d’une déférence absolue fit pouffer Jack. Shepard lui jeta un regard de biais. La jeune femme était à deux doigts d’éclater de rire mais Jacob lui donna un coup de coude pour qu’elle se calme. Jack n’avait sûrement pas été très habituée à l’obséquiosité des subalternes. Si elle savait…  Vega la regarda de travers avant de reporter son attention vers Shepard.

« Le Conseiller Anderson m’a demandé de vous accompagner. Je suis sous votre entier commandement. Il m’a demandé de vous montrer ceci. » Il pianota sur son Omnitool. L’image hologrammée de l’Amiral Hackett apparut dans la salle de Réunion.
Le message qu’il avait sans doute enregistré avant le procès de Shepard commença.

« Commander Shepard. Si vous entendez ce message, c’est que le Lieutenant Vega est avec vous et que vous avez sûrement réussi à vous échapper de votre geôle. Je ne doute pas que vous avez encore su faire dans la discrétion. » Shepard ne put s’empêcher de sourire. Hackett avait été aux premières loges de son évasion. Il n’avait donc pas été surpris de la tournure des choses. Toutefois, son message indiquait clairement qu’il n’avait pas été mis au courant des détails du plan. Juste qu’il avait été complice, en quelque sorte, de sa mise en sureté.

« Vous n’êtes pas sans savoir que la situation est grave. Je ne saurais que compter sur votre sens du devoir et de l’honneur. J’aimerais que nous travaillions ensemble. Que nous nous battions ensemble. Vous connaissez l’ennemi mieux que moi, mieux que n’importe qui. Nous avons besoin de vous. Le Lieutenant Vega possède les coordonnées d’une base fantôme que nous utilisons. Je vous donne rendez-vous là-bas. Ma flottille resta campée soixante-douze heures après votre procès. Je compte sur vous, Commander. »

Le message se termina et Vega pianota à nouveau sur son Omnitool.  Le silence se fit à nouveau dans la salle de réunion. Shepard croisa les bras. C’était clair. Hackett appelait à l’aide. Il avait su dès le début que le combat allait être difficile, voire impossible. Elle comprenait son message. Cette prière qui réclamait le retour de celle à qui l’uniforme bleu n’avait jamais autant sied que lors de ses heures de gloire, la victoire sur Saren, le prestige de l’Alliance, la Force de l’Humanité…

Shepard fronça les sourcils. Elle avait besoin d’alliés, plus que jamais. Une fois lâchée en liberté, elle savait que foncer vers la Terre ne servirait à rien. C’était courir droit au suicide et contrairement à la mission qu’elle avait effectuée à bord de la base des Collecteurs, ce n’était pas qu’un nom.
Cette main tendue de l’Alliance, celle de l’Amiral Hackett qui avait bien senti que l’Homme n’avait d’avenir que s’il se soulevait et se battait unifié, celui qui l’avait crue quand elle avait dénoncé les agissements des Reapers, elle ne devait pas la rejeter.
D’un autre côté, elle ne voulait être l’outil de personne. Plus jamais, elle en avait plus qu’assez d’être utilisée à des desseins bien plus personnels et bas que la survie de l’Humanité. C’était l’amère leçon qu’elle avait reçue de Cerberus.
Toutefois, elle savait qu’elle pouvait avoir confiance en Hackett. Sans doute pas dans les hautes sphères de l’Alliance, qui s’accoquinaient avec le Conseil quand cela les arrangeaient mais Hackett avait suffisamment de pouvoir pour lui assurer qu’elle ne serait pas utilisée contre son gré. Elle savait qu’il lui laisserait une certaine latitude, si ce n’était pas la liberté totale. De toute façon, cela ne coûtait rien d’aller à ce rendez-vous. Ce serait un premier mouvement. Parmi le dédale de possibilités qui s’étalaient devant elle, il y en avait un qui venait de s’éclairer. Cependant, elle ne voulait écarter aucune autre possibilité. Elle engloba son équipe du regard. Ils attendaient patiemment qu’elle leur parle. Qu’elle prenne la décision. Pas encore. Elle voulait étudier toutes les propositions qu’ils pouvaient faire. Elle savait qu’ils n’allaient pas forcément emprunter le même chemin. Un même but mais des milliers de manières d’y parvenir. Comment savoir quelle orientation prendre ?

Elle regarda chacun de ses partenaires, envisageant quelle mission leur attribuer. Pour certains, cela était évident. Tali, par exemple. Elle savait quoi lui demander. Pour d’autre cela l’était moins. Elle ne se voyait pas envoyer Garrus demander de l’aide aux Turians. Ce serait l’envoyer dans la gueule du loup. Son regard se posa sur Mordin qui marmonnait entre ses lèvres. Il semblait vouloir prendre la parole. Shepard la lui donna.

La fébrilité du Salarian décupla quand il ouvrit la bouche. Il se mit à parler du génophage, avec son phrasé rythmé et son jargon scientifique difficile à suivre pour un novice. Shepard vit Jacob esquisser un geste pour interrompre le Salarian mais elle lui fit signe de le laisser continuer et aller jusqu’au bout de son discours.

« Suis parvenu à un début de compréhension. Les femelles. Les femelles krogans. Elles sont un élément indispensable dans la guérison de génophage. Je dois en trouver. Il le faut. » Le Commander savait que ses jours de captivité n’avait pas été passés à ne rien faire. Mordin n’avait besoin que de son cerveau pour s’occuper. Shepard vit l’intérêt que pouvait avoir ce genre de découverte. Une ouverture, mais pas pour vaincre directement les Reapers.

« Mordin, commença-t-elle calmement. Vous êtes bien conscients de ce que vous avancez ?
— Bien sûr. Je ne prononce jamais de paroles en l’air. Que des certitudes. Des preuves. Des étayages. Guérir le génophage… » Il s’interrompit pour prendre une profonde inspiration. « Argument de taille pour les Krogans s’allient à nous. »
On y était. Le Salarian marquait un point qui finit de convaincre ceux qui restaient septiques quand à l’intérêt des ses recherches pour guérir les Krogans. Ceux-là, il valait mieux les avoir avec soi que contre soi. Le risque qu’ils contractent une alliance avec les Batarians n’était pas à exclure. Quand il s’agissait de foutre le bordel, ces deux races-là n’étaient pas les dernières.

Grunt mort, le génie Krogan, l’élite des combattants de son espèce n’était plus là pour auréoler Shepard et l’appuyer dans son combat. « Battlemaster », tel était le nom que le jeune Krogan lui avait donné. Maintenant, cela ne lui servirait pas. Ca ne rimait plus à rien. Wrex avait beau être l’ami de Shepard, il était bien trop occupé à régler les querelles intestines qui gangrénaient son clan. Son idéal, son utopie, la reconstruction de Tuchanka lui demandait toute son énergie et son attention, il ne pourrait prendre part à la bataille au simple nom de l’amitié. Ses sujets y verraient là un penchant pro-humain qui ne pourrait que jouer en sa défaveur. Shepard n’avait pas dans l’idée de nuire à son ami. Elle avait besoin de toutes les volontés nécessaires.
Non… Il lui fallait un argument de taille, quelque chose que personne d’autre ne pourrait offrir aux Krogans. Quelque chose que Mordin était bien décidé à trouver quelqu’en soient ses raisons.

Toutefois, il restait un problème. Combien de temps lui faudrait-il pour arriver à son but ?
« Impossible à dire, répondit le Salarian. Evidemment, trop long si je reste ici. Pas assez de matériel. Besoin d’aide, de collègues. Je dois retourner sur Sur'Kesh.

 

Shepard croisa les jambes, rétablit son assise. Elle regarda à nouveau son équipe qui semblait partager sa pensée. Il était temps d’y venir. La croisée des chemins. La fin de leur équipe mais le commencement de tout ce qui allait suivre. Mordin serait donc le premier à partir.

« Très bien, Mordin. Nous nous vous laisserons là-bas. »
Le Salarian cligna des yeux pour expriment son assentiment.
Shepard se racla la gorge. Autant régler toutes les questions de ce genre tout de suite.
« Tali… » commença-t-elle et la Quarianne opina du chef. « Vous rejoindrez la flotte. 
— Oui. Je vais faire en sorte de les convaincre et de rallier un maximum de vaisseaux. Je ne devrais pas avoir trop de problèmes. Après tout, ce sont les Reapers qui sont responsables de l’hérésie des Geths.
— Shepard Commander. » La voix digitalisée de Legion résonna dans la salle de réunion. «  Nous avons émis l’hypothèse qu’une défaite des Reapers permettrait aux Quarians de mettre fin à la domination des hérétiques sur leur planète. Cette possibilité est fiable à 76,4%. »
Tali se tourna vers le Geth et on pouvait voir qu’elle plissait les yeux à travers son casque. Elle ne semblait toujours pas résolue à faire confiance au représentant de la race qui les avait chassés, elle et son peuple, de leur planète. « Merci, Legion », tempéra Shepard.

Elle n’avait pas besoin de cette tension entre ces deux-là. Mais c’était bien au-delà de l’inimitié qui régnait entre Miranda et Jack. C’était la haine viscérale d’un opprimé envers l’un de ceux qui lui faisait vivre l’enfer. La honte d’avoir été chassés de leur terre.

Se séparer de Tali était une sorte de crève-cœur pour Shepard. Elle avait été si heureuse de la côtoyer de nouveau. La Quarianne avait beaucoup changé, cependant. Shepard s’y était fait. Cela avait été déroutant puis elle avait accepté cette personnalité plus affirmée, plus posée. Elle se disait parfois qu’elle n’avait pas évolué, elle-même. C’était un peu frustrant. Mais au moins était-elle ce que les autres attendaient. Toujours la même. Et ce, malgré ce que Kaidan avait bien pu dire. Shepard rejeta ces pensées d’un geste agacé. Ce n’était pas le moment de penser à cet imbécile.

Thane posa sa tête sur ses mains jointes et regardait Shepard avec une telle intensité qu’elle tourna la tête vers lui. Elle voyait dans le regard du Drell qu’il nageait en plein souvenir. Puis la vision s’estompa et il reprit une expression plus normale. Sa voix grave s’éleva.

« Les Hanars… » commença-t-il, cherchant visiblement les mots. Puis il sembla se raviser, alors que chacun tendait le cou vers lui, suspendu à ses lèvres. Il finit par secouer la tête. « Je vais voir ce que je peux faire. » dit-il comme une réponse à la question muette posée par tous les autres. Il se tut, perdu à nouveau dans ses souvenirs.

Voyant que personne n’était décidé à proposer autre chose pour le moment, Shepard rompit la réunion. Elle devait réfléchir à la suite des choses et dans quel ordre elle allait agir. Il fallait perdre le moins de temps possible.

Mais tout d’abord, elle avait besoin de prendre une bonne douche et de se débarrasser une bonne fois pour toute de l’habit de Cerberus qu’elle n’avait pas quitté. Elle sortit de la salle de réunion, suivie de Vega et Garrus. Le Turian n’avait pas pris la parole, n’envisageant pas de rallier les Turians. Pas pour l’instant, sans doute. Garrus était le plus à même de dire comment ranger son espèce à leurs côtés. S’il avait jugé bon de ne pas émettre cette hypothèse, c’était sans aucun doute justifié.
Shepard traversa le mess. Juste pour voir le nouveau visage de son vaisseau. Juste pour voir si l’équipage allait bien, si Garder était aux fourneaux, prêt à râler sur la qualité de ses produits. Aussi pour installer Vega dans les quartiers de l’équipage. Ce dernier s’était contenté de la couchette qui se trouvait au-dessus de celle de Joker.
Elle ne cachait pas qu’elle était impressionnée par le travail des ouvriers de l’Alliance. Tant de choses accomplies en à peine quatre jours…

« Quatre jours ? s’étonna Garrus. Shepard… Cela fait presque une semaine que vous avez été arrêtée. » L’incrédulité se lisait sur le visage du Turian. Shepard le regarda sans comprendre. Comme ça presque une semaine ? Vega intervint.

« Vous avez dormi près de deux jours… après que l’on vous ai arrêtée, Commander. » Deux jours ? Elle chercha à rassembler ses esprits. Elle avait compté correctement les coupures de lumière dans sa cellule. Pourquoi lui manquait-il autant de temps ?
Oh.
Elle se rappelait à présent. Elle avait été si peu coopérative que le C-Sec avait été résolu à l’assommer. Voilà ce qui expliquait enfin le mal de crâne qu’elle avait eu le premier jour où elle s’était réveillée en cellule. Quand même… Deux jours… Autant dire qu’elle avait tant mis son corps et son esprit à mal qu’il avait eu besoin de repos. Voilà pourquoi Mordin avait eu le temps de bien réfléchir à son remède. Et pourquoi le Normandy était si bien restauré.
Elle restait tout de même abasourdie. Elle fit signe qu’elle allait dans ses quartiers. Une bonne douche allait vraiment lui faire du bien.  

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