Le secret

Chapitre 24 : Un nouveau départ

Chapitre final

2132 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/10/2023 13:09

- Garrus, vous commencez à ressembler à un Krogan. Encore trois jours et vous allez mettre des coups de boule aux murs. Vous voulez cogner sur quelqu’un pour vous changer les idées ? Y a les gardes Urdnot qu’Ori a embauché pour la sécurité de la station.

- ça fait presque six mois, Seven. Je tiens plus.

- Gavin a dit qu’ils y étaient presque. Ils ne vont pas tarder à essayer d’implanter la conscience dans le corps. Dans quelques heures.

Seven avança vers le Turien, et posa affectueusement sa main sur son épaule.

- C’est pour bientôt Vakarian, on va réussir.

- Vous êtes déjà tombée amoureuse, Seven ?

- Non, rit la jeune femme. Je n’ai jamais eu le temps. Et puis… Est-ce qu’on peut établir une vraie relation avec quelqu’un sans jamais pouvoir lui dire qui on est réellement ? Y a pas beaucoup de personnes dans cette galaxie à qui j’ai pu faire suffisamment confiance pour ça.

- Honoré d’en avoir fait partie.

- Franchement, à cet instant précis, c’était pas le cas. Vous m’aviez juste coincée.

Le Turien rit doucement. Puis se rembrunit.

- Vous n’imaginez pas ce que ça fait. Je l’ai vue défier la mort un paquet de fois, et finir par y courir tout droit. J’avais réussi à endormir un peu cette douleur, à ne plus y penser en me réveillant tous les matins… Je donnerais tout ce que j’ai pour qu’elle revienne.

- C’est déjà ce que vous avez fait Garrus… soupira Seven. Vous et mon père êtes sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Citadelle pour le vol du corps. Heureusement que Joker et IDA étaient là, vu qu’on a dû abandonner le Cyclone et son équipage pour éviter de les entraîner dans ce bazar. La moitié des Spectres de la galaxie sont à vos trousses.

- Et vous, vous avez été déclarée catégorie 6, pour vol et désertion… C’est pas trop dur ?

- Si. Mais ni l’Alliance, ni le Conseil ne nous auraient écoutés.

- J’ai encore du mal à comprendre pourquoi Kaidan ne vous a pas réexpédié avec l’équipage d’ailleurs. Ça vous aurait évité des ennuis.

- Cette histoire concerne ma mère, mon père… et mon beau-père, ajouta-t-elle avec un clin d’œil. C’est aussi mon combat, vous savez.

Emu, Garrus n’ajouta rien. Le Turien et l’humaine restèrent de longues minutes dans un silence complice et confortable. Depuis six mois, ils avaient longuement parlé, de Shepard principalement, de la vie de Seven aussi. Souvent, Kaidan les rejoignait, et les deux Spectres partageait leurs souvenirs de vétérans du Normandy.

Leurs omnitechs se mirent à clignoter furieusement. Un message d’Orianna les enjoignait à rejoindre le labo : le décompte était lancé.


Tandis que l’équipe scientifique s’affairait autour de Shepard, et que IDA pianotait sur l’interface holographique du terminal où était branché l’artefact prothéen, Seven et les deux Spectres, accompagnés de Joker, observaient la scène avec angoisse.

Le corps du clone, soigné après sa chute du Normandy, semblait dormir sous le masque à oxygène et les multiples capteurs qui ceignaient sa tête.

- Transfert achevé, annonça IDA. Je ne détecte plus aucun aspect du commandant Shepard dans le terminal.

- Les constantes du corps sont bonnes, mais je n’ai pas d’activité cérébrale, murmura le professeur Archer.

Après quelques secondes d’angoisse, le corps pris une grande inspiration. Ses paupières s’ouvrirent sur ses prunelles vertes. IDA se porta à son côté en lui parlant.

- Doucement Shepard, n’essayez pas de bouger. Il faut vous réhabituez à faire fonctionner un corps. Contentez-vous de respirer. Pouvez-vous parler ? ajouta-t-elle après quelques instants

Shepard ouvrir la bouche et la referma sans qu’un son n’en sorte.

- Prenez votre temps, commandant.

- Mer…ci…

En entendant cette voix, Garrus manqua de s’effondrer, retenu de justesse par Seven. Tandis qu’IDA aidait Shepard à recouvrer l’usage de ses membres en l’asseyant sur la table, et retirait son masque, Gavin Archer passait en revue les constantes corporelles.

- Il se passe un truc, marmonna-t-il.

Les circuits des nanites qui parcouraient la peau de Shepard brillaient intensément, et l’apparence du commandant se modifia. Des trainées grises apparurent dans ses cheveux roux, et quelques rides se dessinèrent sur son visage. En se connectant à cette nouvelle conscience, en quelques secondes, les nanites donnèrent au corps l’apparence qu’il aurait dû avoir sans cette stase de vingt-cinq ans. Les yeux verts clignèrent plusieurs fois et parcoururent la pièce, s’arrêtant sur Garrus. La gorge nouée, le Turien s’avança et s’assit doucement auprès de Shepard, sans la quitter des yeux.

- Je vous avais dit que je vous attendrais… murmura le Turien.

Shepard sourit, et posa la main sur la joue balafrée de son compagnon.

- Désolée d’avoir mis aussi longtemps.

Le commandant leva la tête quand Gavin Archer passa un nouveau scan.

- Professeur Archer… Je dois dire que je suis surprise.

- Ne le soyez pas. Je vous devais une vie pour avoir sauvé celle de David.

- J’ai aussi sauvé la vôtre, même si c’était à mon corps défendant.

- Je sais, j’ai toujours une dette envers vous. Mais désormais, elle est un peu moindre, c’est déjà ça. Tout m’a l’air en ordre, bienvenue chez les vivants commandant.

Soutenue par Garrus, Shepard se mit debout avec quelques difficultés. Un instant plus tard, Kaidan, en larmes, lui tombait dans les bras, bientôt suivi par Joker. Se sentant de trop, Seven recula avec un sourire triste et sortit discrètement de la pièce. La jeune femme avait la sensation d’être la note discordante dans ces retrouvailles pleines d’émotions. Après tout, elle n’avait rien d’autre qu’un lien du sang avec cette femme qui lui avait été arrachée dès sa naissance. Elle avait grandi seule, avec pour seul but la survie, puis l’Alliance. Aujourd’hui, tout cela lui semblait vain, perdre son uniforme était la pire chose qui puisse lui arriver.

Ces six derniers mois, la jeune femme avait senti grandir son malaise. Elle savait que sur ce point, son père et elle étaient pareils : l’Alliance passait avant tout. Et pourtant, il avait tourné le dos à l’armée sans réfléchir, et Seven l’avait suivi, pour cette femme, pour sa mère. A tête reposée, cette décision lui pesait terriblement. Sa main chercha machinalement l’insigne N7 à sa poitrine, ne le trouva pas. Tous ces sacrifices, toute sa vie, balayés en un instant pour une femme qu’elle ne connaissait même pas. Elle commençait à comprendre le pouvoir immense que Shepard pouvait avoir sur ses anciens coéquipiers. Pas un seul n’aurait envisagé de ne pas répondre à son appel. C’était presque effrayant.

Seven perdit son regard à travers la verrière du couloir, dans l’immensité du vide galactique. L’angoisse l’étreignait, elle ne parvenait plus à réfléchir. Machinalement, la jeune femme trouva le chemin de ses quartiers et commença à empiler quelques affaires dans un sac. La voix rocailleuse de Garrus la fit sursauter. Comme prise en faute, elle pivota vers le turien qui l’observait depuis la porte.

- C’est pas une bonne idée, Seven.

- J’en ai pas d’autre. Je n’ai plus rien à faire ici. Vous devriez retourner auprès de Shepard, ça fait vingt-cinq ans que vous attendez ça.

- Je n’attendais rien, vous savez. Les turiens n’ont pas beaucoup d’imagination, je n’aurais pas envisagé son retour même en rêve.

- Vous devriez quand même y retourner.

- Et vous laisser fuir ?

A ces mots, Seven se crispa et se détourna. Son regard naufragé s’accrocha une fois encore aux étoiles et y resta. Les pensées tourbillonnaient dans sa tête sans qu’elle puisse en attraper une, former un mot cohérent.

- Je n’ai rien à faire ici, Garrus, finit-elle par lâcher. C’est pas pour moi tout ça, ça ne l’a jamais été.

- Vous n’êtes plus seule maintenant. Vous avez une famille.

- Et c’est quoi une famille ? cria la jeune femme en se retournant vers lui, les yeux pleins de larmes. Vous pouvez me l’expliquer ? Parce que moi, je ne sais pas, j’en ai jamais eu. Et je…

Sa voix se brisa. Obéissant au réflexe de fuite qui l’avait maintenue en vie depuis son enfance, Seven balança le sac à moitié fait sur son épaule, et voulu passer à côté de Garrus, qui lui barra la porte. Le turien accusa le coup de poing qu’elle lui porta au flanc, et finit par lui saisir les poignets avant qu’elle ne se décide à utiliser sa biotique sous le coup de l’émotion.

- Tu n’es plus seule, répéta-t-il. Tu as une mère, un père… et un beau-père. Qui veulent te connaître, et t’aimer. Ne nous abandonne pas, Seven.

Le tutoiement la surprit tellement que la jeune femme cessa de se débattre. Une chape de plomb tomba sur ses épaules. Lasse, elle laissa retomber ses bras le long de son corps et posa son front sur la poitrine du turien. De sous le rideau de ses cheveux noirs, sa voix s’éleva :

- Je ne sais pas faire ça, Garrus. Je sais pas si je peux. J’ai peur. J’ai rien en commun avec de grands héros galactiques. Moi, je suis la gamine des rues qui a survécu en volant, en mendiant et en tuant. Et qui préfère se noyer de toutes les façons possibles plutôt que d’affronter ses souvenirs. Je vais vous décevoir, tous. Je préfère partir maintenant, pendant que ça ne fait pas encore trop mal.

Garrus noua ses bras autour d’elle. Surprise, Seven se raidit, avant de se détendre avec un soupir.

- On est tous cassés, murmura le turien. On a tous des démons qui nous réveillent la nuit et auxquels on ne veut pas faire face. On a tous une manière différente de gérer tout ça, la tienne n’est pas pire qu’une autre. Tu n’es pas définie que par tes traumas : tu as sauvé la vie de Kaidan plusieurs fois, tu es un excellent soldat, et tu nous as aidés tous les deux à ramener ta mère d’entre les morts. Ta mère que tu ne connais pas, dont tu ne sais que ce qu’on t’a raconté, tu as donné ta carrière pour ça, pour nous. Kaidan tient à toi, je tiens à toi, et pas seulement parce que tu es la fille de Shepard. Je tiens à ce lieutenant qui a engueulé un commando turien sans aucun complexe, qui a bien failli me battre sur le ring, qui m’a exaspéré avec son caractère de merde pendant des semaines, qui a finalement accepté de s’ouvrir un peu à moi. Et ta mère tiendra à toi aussi, quand vous aurez appris à vous connaître, crois-moi sur parole.

Seven ne répondit pas. Durant tout le monologue de Garrus, elle sentait la lourdeur sur ses épaules et au creux de son estomac s’alléger un peu. Son cœur battit un peu plus fort, elle voulait le croire, elle voulait y croire. S’autoriser à espérer un peu plus que la vie qu’elle avait connu jusqu’ici. Le visage de Jack s’imposa à elle. Son instructrice avait eu une vie encore pire que la sienne, et s’en était tirée. Elle avait été un soutien indéfectible pendant tout le temps que Seven avait passé à Grissom, la secouant quand c’était nécessaire, et lui rappelant sans cesse qu’elle avait le droit d’espérer mieux que son passé. L’adolescente de l’époque n’y avait jamais vraiment cru, mais peut-être était-il temps de lâcher prise, d’essayer au moins. De se donner à elle-même une chance de faire mieux, d’avoir mieux.

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