Les Ombres et les Murmures

Les semaines passaient, étrangement calmes. Depuis son retour, Tyler avait changé : moins d’ombre dans son regard, plus de douceur dans ses gestes. Les autres élèves, d’abord hostiles, avaient peu à peu baissé leur garde.

Un soir, dans la cour, une sirène s’était approchée de toi. Ses yeux bleus brillaient dans la lumière de la lune.

— « Tu n’as pas à avoir peur. Nous veillerons sur toi. »

Tu avais frissonné. Depuis quand les sirènes protégeaient-elles quelqu’un ? Elles n’avaient jamais pardonné facilement, mais avec toi, c’était différent. Comme si elles percevaient ce que tu portais sans même que toi tu l’admettes.

Ce fut au détour d’un miroir que tu remarquas enfin : ton ventre.

Un arrondi discret, presque invisible pour d’autres, mais impossible à ignorer pour toi.

Ton cœur s’était emballé. Tu avais reculé, secoué la tête.

— « Non… ce n’est pas possible. »

Mais Tyler, lui, avait déjà compris.

Il te rejoignit, sa main effleurant ton épaule.

— « Tu peux le nier autant que tu veux, mais… je le sens. »

Ses yeux brillaient, moitié tendres, moitié effrayés.

— « Il est là. Et je te jure… je protégerai vous deux, quoi qu’il arrive. »

Tu avais voulu répliquer, dire que ce n’était qu’un mauvais rêve, mais au fond de toi, une petite voix commençait à faiblir.

Les couloirs de Nevermore bruissaient de rumeurs.

« Elle porte l’enfant d’un Hyde. »

« C’est une bénédiction… ou une malédiction. »

Les clans se divisaient, mais étrangement, la plupart commençaient à voir en Tyler un garçon différent, plus humain. La haine s’effaçait, remplacée par une curiosité prudente.

Tous, sauf deux personnes.

Enid, d’ordinaire si joyeuse, t’évitait désormais. Son sourire s’éteignait dès que tu entrais dans une pièce. Elle n’avait pas pardonné Tyler, et elle refusait de comprendre ce lien entre vous.

Et Wednesday…

Ses visions devenaient plus intenses. Elle voyait ton ventre s’arrondir, un enfant aux yeux brillants, et derrière lui des flammes et du sang.

Chaque fois que son regard croisait le tien, c’était comme une lame glacée.

Elle murmura un soir, assez fort pour que tu l’entendes :

— « Ce que tu portes n’est pas une bénédiction. C’est une bombe à retardement. »

Le hall de Nevermore résonnait de voix et de rires d’élèves. Tu traversais l’endroit en essayant d’ignorer les regards insistants, la main serrée sur tes livres. Tyler était un peu plus loin, près des casiers, entouré de deux garçons qui semblaient ravis de retrouver leur ancien camarade.

Tu pensais pouvoir passer inaperçue.

Mais Wednesday, immobile près des escaliers, t’attendait.

Ses yeux noirs se plantèrent dans les tiens. Sa voix, glaciale, coupa les conversations autour :

— « Arrête ton petit jeu. Tout le monde le voit maintenant. Tu crois vraiment que tu peux cacher un ventre qui n’a rien d’innocent ? Tu portes un monstre. »

Le silence tomba d’un coup.

Les mots s’étaient abattus sur toi comme une gifle. Tu sentis les larmes te monter aux yeux, malgré tous tes efforts pour rester droite.

Un murmure parcourut la foule :

— « Elle a dit quoi ? »

— « C’est trop… »

Tu reculas, tremblante, les larmes finissant par couler.

C’est alors que Tyler, alerté par la tension, abandonna ses amis et bondit jusqu’à toi. En une seconde, il s’interposa entre toi et Wednesday, son regard noir de rage.

— « Tu n’as pas le droit. Pas devant tout le monde. Pas comme ça ! »

Quelques élèves s’avancèrent derrière lui, hochant la tête. Une sirène lança d’une voix claire :

— « Elle a franchi la limite. »

Wednesday resta impassible, mais pour la première fois, la foule ne la soutenait pas.

Et puis, il y eut une surprise.

Enid.

La louve aux cheveux colorés, qui jusque-là gardait ses distances, fit un pas vers toi. Elle posa une main ferme sur ton épaule, son regard planté dans celui de Wednesday.

— « Ça suffit. Tu crois protéger tout le monde, mais là… tu blesses une amie. »

Les autres élèves acquiescèrent. Pour la première fois, Nevermore se rangeait contre Wednesday Addams.

Toi, tu te sentais à la fois humiliée, protégée et bouleversée par ce retournement.

Et dans le regard de Wednesday, derrière la glace habituelle, tu crus voir… autre chose. Un éclat de jalousie, mais aussi une peur profonde.