Sous l'affiche d'un film pornographique

Chapitre 4 : Chapitre IV

5202 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/04/2021 23:30

Chapitre IV



Brûle tes désirs non accomplis.

Brûle tes rêves qui ne se sont pas réalisés.

Brûle ta vaine rancœur.

Brûle ces nuits qui ne sont jamais complètement mortes. *

 

Living Dead – amazarashi



Le jeudi matin était le pire de tous les jours. En premier lieu, c’était le jour de repos des propriétaires et employés de la boulangerie dans laquelle Thomas se rendait puisqu’elle était sur son chemin pour aller au travail, et à laquelle il passait ainsi chaque matin pour attraper une pâtisserie et un café afin de commencer au mieux sa journée. Le jeudi matin, il ne le pouvait pas, et cela l’agaçait grandement puisque c’était la meilleure pâtisserie de la ville entière.

Ensuite, c’était généralement le jeudi que la fille Bourgeois piquait ses crises à coups de « je ne veux pas aller en cours de sport, une fille comme moi ne se rabaisse pas à ce genre d’activités » et autres complaintes dès l’ouverture du portail du collège. Et c’était lui, le jeudi matin, qui surveillait les entrées des élèves. Et il détestait entendre cette gamine se plaindre.

D’ordinaire, il croisait Valentine à ce moment-là de la journée ; cela avait été compliqué de la laisser seule, surtout après les événements de la veille. Il soupira. Il avait pris son pied, pour sûr, mais après coup, il avait amèrement regretté d’avoir initié l’acte. Si seulement il pouvait lire dans les pensées de la jeune femme ; il saurait alors comment la consoler dans ces moments-là.

Il saluait les élèves qui passaient devant lui d’un hochement de tête. Parfois, quand l’un le saluait de vive voix, il répondait en faisant de même. Il avait même des rituels avec certains ; par exemple, ils avaient avec le petit Nino Lahiffe leur propre salut, un check assez compliqué du fait du nombre de mouvements à effectuer, mais toujours autant amusant à réaliser.

 

« La forme Nino ?

– Comme toujours Tom-Tom ! Bonne journée ! »

 

Et le voilà qui était reparti. Peu de temps après une voiture sombre déposa le fils Agreste, suivie d’une autre, déposant la fille Bourgeois, qui poussait ainsi une énième crise. Son majordome la traînait presque, un air désespéré sur son visage. Il avait beau chercher les mots adéquats, ils ne parvenaient même pas à l’oreille de la blonde. Ce fut Sabrina, l’amie – il valait mieux la qualifier de petit chien fidèle – de Chloé Bourgeois qui vint l’accueillir et la motiver à venir en cours, et enfin il fut débarrassé des jérémiades de cette gamine pourrie gâtée.

La cloche sonna. Ce qui voulait dire…

 

« Attendez ! cria une voix haletante, ne fermez pas la grille !

– Mademoiselle, vous savez bien qu’on ne les ferme pas à l’instant même où la cloche retentit. Et si vous tentiez d’arriver plus tôt ?

– Oui… désolée, » balbutia Marinette, toute gênée.

 

Les matins étaient durs pour tout le monde, et elle aussi détestait les jeudis ; c’était le jour où elle avait le plus de mal à se lever. D’autant plus que ce jour-ci, elle s’était réveillée avec un horrible pressentiment. Quelque chose d’affreux allait se passer, elle en était convaincue.

 

Elle regagna sa salle de classe, et s’assit à l’endroit habituel, aux côtés de son amie Alya, derrière Adrien et Nino. Si les premières heures de cours passaient horriblement lentement, elle relativisait en se disant que cela lui permettait d’admirer sans se priver le dos du blondinet pour qui elle avait un béguin sans pareille. Les deux heures de physique passèrent, avec leur enseignante qui divaguait toujours autant. Puis il y eut les deux heures de français, toujours aussi ennuyant.

Lorsque la sonnerie de la pause déjeuner retentit, Marinette et Alya retrouvèrent au réfectoire Adrien et Nino, qui partageaient leur repas ; elles s’assirent à leur table, Alya força le destin pour que Marinette se retrouvât assise à côté du blondinet, ce qui manqua de provoquer chez elle un arrêt cardiaque. Elle comprenait que son amie tentait de l’aider à faire avancer sa relation avec l’adolescent ; il y avait toujours ce gigantesque mur entre eux qu’elle ne parvenait à briser.

 

« Je me demande pourquoi on ne voit plus l’assistante de madame Bustier, lança Nino en levant les yeux au ciel comme s’il réfléchissait intensément. Ça fait deux semaines quand même. Vous croyez qu’elle a arrêté ?

– Ce serait bizarre, non ? souleva Adrien en buvant une gorgée d’eau. Comme ça, du jour au lendemain ?

– Et puis, c’est elle qui a nos copies, ajouta Alya. Si elle avait vraiment arrêté, elle les aurait rendues à madame Bustier, et on les aurait récupérées depuis le temps.

– Bah, en attendant ça veut dire que l’exposé est en suspens, et ça m’arrange bien ! »

 

Nino s’étira sur sa chaise, un sourire de satisfaction sur les lèvres. Il fallait dire que cette histoire d’exposé ne l’avait aucunement enchanté, et se dire qu’il y échappait le réconfortait.

Marinette, de son côté, n’avait rien dit, et se perdait dans ses pensées. Une assistante de langues qui cessait subitement de se présenter, c’était louche, évidemment. Mais, et s’il s’agissait d’un simple congé maladie ?

 

« Peut-être qu’elle est malade, ou qu’elle a eu un accident qui nécessite qu’elle soit en arrêt, proposa Adrien comme s’il avait lu dans les pensées de la jeune fille, qui le dévisageait à présent avec étonnement tant la synchronicité de leurs esprits la surprenait. En tout cas j’espère qu’elle ira rapidement mieux… »

 

Il fut interrompu en plein milieu de sa phrase par des cris venant de la cour intérieure du collège. À les entendre, cela ressemblait à une nouvelle attaque du Papillon. Tous les quatre se levèrent brusquement afin de se rendre sur les lieux de l’attaque et, dans le cas de Marinette et Adrien, de découvrir à quel ennemi ils avaient à faire.

Il s’agissait d’un enseignant qu’ils ne connaissaient que de visage et de nom – monsieur Grenier, professeur de musique – ; changé en un homme-orchestre, il pouvait mettre à profit ses instruments afin d’envoûter ses victimes et les contrôler, ou bien les capturer et les y enfermer, lui assurant une meilleure emprise sur elles.

 

« Fuyons, et cachons-nous, proposa Adrien. Il ne faut surtout pas qu’on se fasse avoir ! »

 

Tous acquiescèrent, et si Nino et Alya partirent en direction de la salle des casiers, Adrien et Marinette se ruèrent chacun de leur côté vers les toilettes, afin d’ordonner à leurs kwamis de les transformer pour pouvoir se battre.

Ladybug fit son apparition en premier, rapidement rattrapée par Chat Noir.

 

« Besoin d’un coup de patte ? demanda ce dernier avec amusement en voyant sa comparse lutter contre une horde de collégiens envoûtés.

– Chaton, c’est vraiment pas le moment ! Tu vois bien qu’on a du pain sur la planche !

– Bien sûr, ma Lady. Je voulais juste que tu me le demandes gentiment. »

 

D’un coup de bâton, il repoussa leurs ennemis ; mais leur nombre surprenant les rattrapait rapidement, et ils eurent à peine le temps de reprendre leur souffle qu’il leur fallut à nouveau se débattre contre eux tandis que l’homme-orchestre préparait au loin son meilleur solo afin de les capturer, ou envoûter, c’était au choix.

 

« On y arrivera pas à deux. Il faut que j’aille chercher de l’aide. Tu penses pouvoir tenir en m’attendant ?

– Au pire j’irai me tapir dans l’obscurité afin de guetter ma proie, répondit-il avec amusement. Fonce, je les occupe en t’attendant !

– Merci ! »

 

Elle dégaina son yo-yo et s’échappa hors de l’enceinte du collège jusqu’à trouver un endroit où se dé-transformer en sécurité, et entreprit de faire le chemin jusqu’à la maison de Maître Fu en courant. Elle n’avait pas bien loin, ça devrait aller.

 

*

 

Lorsqu’elle avait ouvert les yeux ce matin-là, aux alentours de midi, Valentine avait ressenti un mal-être jusqu’au plus profond de son âme. L’espace dans le lit qu’avait occupé Thomas pendant la nuit était vide, et c’était pour le mieux. Une envie de vomir la prenait dès que son esprit se remémorait les événements de la veille, et il lui fallait lutter afin de ne pas succomber à la tentation de saigner pour changer ce sur quoi il se focalisait constamment.

Elle avait pris une rapide douche ; elle voulait quitter cet endroit au plus vite. Elle enfila prestement les vêtements de la veille, et prit la direction de son appartement. Cependant, sans qu’elle ne le réalisât, ses pas la menaient vers l’Anticafé. À quoi bon ? Elle n’avait rien de ce qu’il lui fallait pour travailler.

 

Elle croisa un visage familier alors qu’elle s’approchait de la maison du vieux Chinois, et elle eut un instant d’hésitation pendant lequel elle se figea lorsqu’elle reconnut Marinette qui courait à toute allure sur le trottoir. Elle vit l’adolescente s’arrêter devant la porte d’entrée, et sonner.

Instinctivement, elle se cacha hors de sa vue, dissimulée par le coin de la maison au croisement d’une ruelle adjacente. Pourquoi faisait-elle ça ? Certes cette gamine l’intriguait, mais ce n’était pas une raison d’épier…

 

Attends une minute. Pourquoi n’était-elle pas au collège ?

 

« Marinette ! s’exclama le vieillard en la découvrant sur son seuil. Entre vite, viens ! »

 

Le bruit des voix lui indiqua qu’elle se trouvait sous la fenêtre – ouverte ! – de la pièce où ils se trouvaient, le salon chinois. Elle entendit un cliquetis, comme si on appuyait sur les boutons d’un vieux mécanisme, puis il y eut comme un bruit de frottements de panneaux métalliques. Elle devina au son que l’un d’eux se saisit d’un objet en bois, et qu’il l’ouvrit, puisqu’il y eut à nouveau de bruits de frottements, mais cette fois comme si les tiroirs d’une commode boisée s’ouvraient.

 

« Marinette Dupain-Cheng, annonça solennellement la voix du vieillard. Choisis un allié de confiance pour t’aider dans cette mission. »

 

Qu’est-ce que ça veut dire… ?

 

« Une fois la mission achevée, tu devras reprendre le Miraculous, et me le ramener.

– J’aurais besoin du Renard pour créer une illusion permettant de le distraire, dit Marinette en réfléchissant à haute voix. Si je fais appel à Carapace en plus, on pourra faire diversion à quatre… »

 

Il y eut un bref silence, puis elle reprit la parole avec affolement.

 

« Chat Noir m’attend ! Je dois me dépêcher !

– Bonne chance Marinette. Fais attention à toi.

– Merci Maître Fu ! Comptez sur moi ! »

 

Elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir, et un bruit de pas s’approchait d’elle. Elle fit mine de marcher dans la ruelle, vers la sortie quelques mètres plus loin débouchant sur une rue très empruntée, et se cacha derrière une benne à ordures lorsqu’elle sentit que l’adolescente s’engouffrait elle aussi dans cette ruelle. Elle risqua un œil, curieuse de ce qui allait se passer.

 

« Tikki, transforme-moi ! »

 

Il y eut un éclair vif de lumière, et à l’endroit où se tenait Marinette quelques secondes plus tôt se trouvait à présent Ladybug.

Valentine en resta bouche bée. Cela l’étonnait, tout en ne la surprenant pas réellement. Elle avait déjà vu des interviews de Ladybug sur le Ladyblog que tenait la fille Césaire, et en effet sa voix lui disait quelque chose, mais elle n’avait jamais réellement percuté. Voilà qui était curieux, et particulièrement jouissif.

Les pensées jaillissaient dans son esprit, les voix s’élevaient et elle était incapable d’y mettre de l’ordre. Il lui fallait rentrer, il lui fallait réfléchir à tout ceci.

 

Alors qu’elle courrait jusqu’à l’arrêt de bus le plus proche, un large sourire illuminait son visage.

 

Elle savait qui était à l’origine de ses problèmes, et elle savait comment prendre sa revanche.

 

*

 

« Rena Rouge, Carapace, voici vos Miraculous. Aidez-nous à gagner ce combat.

– Compte sur moi, Ladybug, souffla Alya en enfilant le pendentif que lui tendait l’héroïne.

– Je ferai de mon mieux, » ajouta Nino en passant sa main à travers le bracelet.

 

Tous deux récitèrent l’incantation afin de se transformer. Nino s’adressa à Wayzz, le kwami de la Tortue, et Alya à Trixx, celui du Renard ; tous deux apparurent ainsi sous leur apparence de super-héros.

Rena Rouge, l’alter-ego d’Alya, ressemblait à un renard ; un justaucorps de couleur orangée s’étendait en une sorte queue-de-pie à la forme d’une queue de renard, de fines bottes de couleur noire remontaient le long de ses jambes, et de longues oreilles s’étendaient sur le haut de son crâne. Un masque orange et blanc recouvrait ses yeux ambrés, et une flûte était fermement maintenue sur ses hanches.

À ses côtés se dressait fermement Carapace ; sa combinaison de couleur verte recouvrait son visage sous la forme d’une capuche, accompagnée d’un masque noir dissimulant ses yeux. Cinq plaques de forme hexagonales, une sixième de forme triangulaire, et de la couleur de la malachite se mirent à briller sur son torse, tandis qu’un bouclier d’une teinte proche apparut dans son dos ; sa forme rappela grandement celle de la carapace d’une tortue, et il devenait clair quel était le kwami enchâssé dans son Miraculous.

Ils connaissaient mutuellement l’identité de leur partenaire ; bien qu’elles dussent rester secrètes, les circonstances avaient fait que Ladybug avait dû le leur remettre en même temps à l’occasion d’une lutte contre leur ennemi. Tous deux étaient dignes de confiance, et ne feraient aucune gaffe, ils n’avaient rien à craindre.

 

Non loin d’eux, Chat Noir occupait comme il le pouvait l’homme-orchestre, évitant ses attaques du mieux qu’il pouvait en tentant le plus possible de ne pas se faire toucher ; lorsqu’il vit arriver les renforts, un immense sourire se dessina sur son visage, et il sentit une décharge d’énergie parcourir son corps, le préparant pour un second round contre son ennemi, mais cette fois-ci à quatre contre un.

Ladybug jetait des regards appuyés sur leur adversaire, tout en repoussant les possédés qui tentaient de les stopper, à la recherche de l’indice ultime qui lui révélerait le bon endroit à frapper pour faire cesser cette folie. Ses yeux se posèrent sur l’accordéon maintenu sur le torse de l’homme, et sur les touches duquel il pianotait violemment afin de contrôler ses possédés.

 

« Dites, lança-t-elle en attachant quelques ennemis avec le fil de son yo-yo, monsieur Grenier il serait pas accordéoniste ?

– Je crois bien que oui, lui répondit Carapace en repoussant un énième assaut d’un coup de bouclier. Pourquoi ?

– Je pense que j’ai trouvé ! »

 

Elle afficha un large sourire, et cria l’incantation nécessaire à l’activation de son pouvoir spécial, une capacité à usage unique par transformation, qui lui permettait la plupart du temps de tourner l’issue du combat en sa faveur. Son lucky charm lui permettait d’obtenir un objet crucial dans la résolution de leur problème, et cette fois-ci ne devait pas faire exception. Prenant la forme d’une corde rouge à pois noirs, elle devina aisément comment en faire usage. Un plan se forma dans sa tête.

D’abord, attacher un groupe de possédés entre eux avec cette corde en les leurrant avec le mirage de Rena Rouge. Ensuite, les envoyer sur l’homme-orchestre pour le déstabiliser et l’écraser sous leur poids. Après quoi, il leur faudrait faire bon usage du cataclysme de Chat Noir, pour détruire l’accordéon dans lequel se loge très certainement l’akuma. Elle n’aurait plus qu’à purifier ledit akuma. Et éventuellement, ils devraient utiliser la protection de Carapace si le besoin – ou plutôt la nécessité – s’en faisait sentir. Oui, c’était parfait.

 

Elle communiqua son plan à ses acolytes, qui acquiescèrent. Le leurre de Rena Rouge, prenant la forme de doubles des quatre héros, fit tourner quelques possédés en bourrique afin de les ligoter plus facilement, et Chat Noir joua l’appât pour attirer l’attention de l’homme-orchestre afin de l’assaillir de sous-fifres impotents. Une fois l’individu à terre, il usa de son pouvoir de destruction afin de changer en poussière l’arme, de laquelle s’extirpa un papillon aux ailes violacées, que Ladybug s’empressa de capturer avec son yo-yo afin de le purifier de l’emprise du Papillon. Il en ressortit blanc et lumineux, et s’envola paisiblement hors de l’enceinte du collège.

Elle lança alors dans les airs son lucky charm, qui se changea en une nuée de coccinelles qui vinrent effacer toutes traces du combat qui venait d’avoir lieu ; les personnes possédées reprirent leur apparence d’origine, de même que la personne qui avait été akumatisée. Le pauvre professeur était complètement désorienté, et Ladybug vint le rassurer amicalement. Puis elle dut s’en aller prestement, elle et ses compagnons n’avaient plus beaucoup de temps avant de perdre leur apparence de héros ; elle raccompagna Rena Rouge et Carapace dans les vestiaires, loin des autres, et Chat Noir s’éloigna vers les toilettes situées à l’étage.

Chacun se dé-transforma, à l’exception de l’héroïne de la Coccinelle, et le couple de héros à temps partiel rendit à leur mentor à peine plus âgée qu’eux leurs bijoux magiques. Elle les remercia avec un grand sourire dessiné sur le visage, et leur affirma une fois de plus qu’elle reviendrait vers eux si par malheur le besoin s’en faisait ressentir. Elle empoigna son yo-yo, et l’ouvrit afin de révéler la poche dimensionnelle dans laquelle elle gardait les Miraculous qu’elle devait apporter aux alliés auxquels elle faisait appel, afin d’y déposer le pendentif et le bracelet.

 

« À la prochaine ! » s’exclama-t-elle en l’envoyant à travers la fenêtre afin de l’accrocher à un toit voisin, avant de prendre la fuite dans les airs.

 

Elle finit sa course quelques dizaines de mètres plus loin, lorsqu’elle descendit dudit toit afin de se cacher entre deux poubelles pour de se dé-transformer à son tour. Tikki s’extirpa des boucles d’oreilles dans un soupir de soulagement dissimulant une pointe d’épuisement qui n’échappa à l’oreille attentive de Marinette. Elle lui tendit un macaron qu’elle avait cuisiné la veille afin que le kwami reprît des forces ; l’utilisation de son pouvoir spécial lui ôtait une grande quantité de magie, qui nécessitait du repos et un ravitaillement après les cinq minutes de battement auxquelles les porteurs avaient droit après activation de leur pouvoir, avant de reprendre de force leur apparence normale.

Une seule utilisation du pouvoir par transformation était extrêmement limité, et parfois Marinette souhaitait grandement avoir la capacité de l’utiliser autant qu’il le fallait. Elle s’était bon nombre de fois interrogée quant aptitudes cachées de ces bijoux magiques ; était-ce possible d’une manière ou d’une autre qu’elle pût utiliser son lucky charm plusieurs fois en une transformation ? Ce serait idéal, d’autant plus qu’elle avait déjà connaissance de la capacité de faire changer le kwami d’élément, permettant d’affronter des ennemis sous l’eau ou dans un monde glacial notamment. Alors elle nourrissait l’espoir d’un jour pouvoir développer ses capacités jusqu’à atteindre ce premier but auquel elle aspirait.

Elle fut tirée de ses pensées par Tikki, qui la pressa de se rendre chez le gardien des Miraculous afin de lui rapporter les bijoux, ce qu’elle se hâta de faire ; un rapide saut dans une gare de métro et elle se retrouva en route vers la demeure du vieillard. Elle ne prêta pas attention à ses environs – ce que personne ne fait lorsqu’il est dans un endroit familier, mais qu’elle aurait dû faire cette fois-ci sans qu’elle ne sût pourquoi – et se dépêcha de frapper à la porte de la maison. Le vieillard lui ouvrit, tout sourire, satisfait de la réussite de sa mission. Elle entra dans la demeure, un grand sourire aux lèvres, et prit place à genoux devant la table basse, tandis que Fu lui préparait une tasse de thé vert, comme il avait l’habitude de faire.

 

« Grâce à Carapace et Rena Rouge, nous avons pu mettre notre ennemi hors service. Merci Maître.

– Je suis content pour vous. Tant que vous continuez à faire du bon travail et utilisez les Miraculous à bon escient, je serai fier de vous tous. »

 

Il s’approcha du gramophone, et s’accroupit devant. Le côté de la base octogonale de l’objet, finement sculpté, affichait des motifs floraux, à l’exception de celui qui se tenait juste sous ses yeux, où reposaient deux figures de dragon, gueules ouvertes, tenant en équilibre dans celles-ci un long écriteau comportant en gravure un mot chinois auquel il ne prêtait plus attention depuis le temps qu’il posait ses yeux dessus. Leurs yeux, semblables à des rubis luisant à la lumière du jour, leur donnait un aspect terrifiant qui ôtait toute envie de s’approcher de l’objet sous peine d’éveiller leur courroux, mais lui s’en moquait ; il connaissait bien trop cet objet et ces figures pour éprouver la quelconque crainte.

Il se contenta de presser les deux yeux, dont la pierre colorée s’enfonça dans la sculpture ; le panneau à l’inscription en sinogrammes coulissa, en laissant apparaître un autre où se trouvaient des boutons, neuf en tout, étalés sur deux rangées, cinq en haut et quatre en bas. Il en pressa trois d’entre eux dans un ordre spécifique dont Marinette n’avait pas connaissance, et la partie supérieure du gramophone pivota avant de s’ouvrir, révélant une boîte en bois sombre de forme aussi octogonale que l’objet dans lequel elle était dissimulée.

Il souleva le couvercle de cette boîte, révélant plusieurs emplacements supposés accueillir d’autres bijoux de la même nature que celui qu’il y rangea ; il gardait toujours le bracelet de la Tortue à son poignet. Plusieurs emplacements étaient vides, et cette constatation l’irritait à chaque fois, mais il n’y pouvait rien.

 

« Est-ce que Chat Noir vous a transmis sa réponse ? demanda Marinette d’un air hésitant, son teint prenant une couleur pourpre à cause de sa gêne.

– Malheureusement non, je suis navré. Peut-être devrais-tu essayer de lui parler la prochaine fois que vous devrez vous battre ?

– J’y penserai… »

 

Tikki, qui s’était absentée quelques instants pour rendre visite à ses camarades kwamis résidant dans la boîte à bijoux, reparut en s’extirpant du dispositif d’amplification du gramophone, suivie par Wayzz, le kwami enchâssé dans le Miraculous de la Tortue ; de taille semblable à celle de la divinité coccinelle, son corps était de couleur vert pâle, et il posait ses pupilles émeraude baignant dans une étendue de la couleur de la moutarde. Sur son dos reposait une carapace à peine plus petite que sa propre tête. Tous deux voletaient en riant gaiement, et se rapprochaient de leurs porteurs en tournoyant.

 

« Marinette, il faut qu’on revienne plus souvent ! Je n’ai pas eu le temps de raconter toutes nos aventures à mes frères et sœurs !

– Ne t’en fais pas Tikki, à l’occasion nous reviendrons, si le Maître est d’accord. »

 

En face, le vieillard acquiesça, un grand sourire illuminant son visage. Il était toujours ravi de recevoir de la visite.

 

« Oh, à ce propos, fit-il en se relevant et en s’approchant de nouveau de la cachette de la Miracle Box, j’ai reçu la visite d’une nouvelle voisine il y a peu, une charmante jeune femme. Elle semblait grandement intéressée par mon gramophone.

– Est-ce que vous pensez qu’elle a pu deviner ce que vous y cachiez ?

– C’est impossible, j’avais formellement interdit à Wayzz de se montrer, je lui ai ordonné de rejoindre les autres. Elle n’aurait jamais pu comprendre, quand bien même eût-elle été perspicace. »

 

Il y eut un silence pesant entre eux, Fu était exaspéré, et un peu stressé, Marinette le devinait.

 

« De toute manière, personne ne trouverait la combinaison, c’est trop bien caché, » conclut-il fermement, comme pour se rassurer.

 

Quelques instants s’écoulèrent, durant lesquels la pression retomba. Après une nouvelle tasse de thé partagée, leurs sourires revinrent sur leurs visages et leurs rires animèrent la pièce. Enfin, lorsque le téléphone de Marinette sonna, affichant sur l’écran une photo de sa mère, qui l’appelait pour savoir quand serait-elle de retour chez eux pour déjeuner, elle s’excusa et prit congé du gardien des Miraculous.

Passant le seuil de la maison, discutant avec Tikki comme à son habitude, elle se fit une réflexion à voix haute, sans se douter que Valentine l’épiait toujours.

 

« Tout de même, articula-t-elle d’un air songeur, un gramophone, c’est peu commun, tu ne penses pas ? À sa place je les cacherais ailleurs… »

 

*

 

Valentine se tournait et retournait dans son lit, étouffée par la couette dont la chaleur lui serrait la gorge. Elle pensait et repensait à cette conversation qu’elle avait épiée, au départ accidentellement, puis complètement consciemment. Après tout, n’importe qui animé par ce même désir de vengeance qui brûlait en elle aurait agi de cette manière ; tomber par pur hasard sur le coupable et trouver une manière de réaliser sa vengeance était le plus beau hasard qui fût.

Les pensées la hantaient, les unes après les autres. Certaines se tournaient vers la dernière image qu’elle avait de son père, et serraient son cœur et son estomac sous l’émotion. La rage prenait alors place, celle à l’égard de cette incompétente à cause de qui tout s’était produit, et son sang bouillonnait dans ses veines ; elle sentait ses sourcils se froncer et chacun des muscles de son visage se contracter jusqu’à former une grimace furieuse. Puis il y avait un apaisement, une sorte de calme serein, une inspiration profonde suivie d’une expiration qui vidait ses poumons, comme une purge de son esprit expulsant les émotions négatives.

 

Bon sang, reprends-toi un peu.

 

Elle se tourna sur le côté gauche, son visage se tourna contre le mur sur lequel elle devinait quelques photos affichées dans la pénombre. Une faible lumière s’y reflétait en un trait clair aux airs de fantôme venu hanter sa nuit et son esprit. Mais le mal était fait, et elle ne pouvait plus ne plus y penser. Elle savait où frapper et à peu près comment, alors pourquoi ne pas tenter sa chance ?

Si elle mettait la main sur un de ces bijoux, elle pouvait mener sa vengeance sans problème. Elle pouvait sûrement brouiller les pistes, se trouver un repaire afin de protéger son quotidien, c’était possible. C’était parfaitement possible.

 

Elle se redressa dans son lit et alluma sa lampe de chevet.

 

Elle se saisit de son téléphone portable, et appuya le bouton d’allumage, qui fit s’afficher son fond d’écran de verrouillage, une photo que sa mère avait autrefois prise de son père et d’elle-même, sur les champs de Mars, la dame de fer se dressant dans toute sa splendeur en arrière-plan. L’horloge digitale affichait une heure cinquante-trois, et cette heure-ci comportait, à son avis, beaucoup trop de chiffres impairs pour qu’elle se recouchât. Elle se mit debout, enfila prestement ses chaussons sans réellement en avoir envie, et se dirigea vers sa salle de bain, où elle noua ses cheveux ondulés en un chignon châtain, avant de se passer un coup d’eau sur le visage. Elle frotta le savon de Marseille au parfum de lavande contre sa peau, faisant s’élever la mousse, avant de le rincer à l’eau froide ; cela la réveilla immédiatement. Elle essuya l’eau d’un revers de serviette, et bailla.

Comment passer inaperçue dans la nuit, et qui plus était pendant une infiltration tout à fait illégale ? La réponse tombait sous le sens ; elle tira de son armoire un ensemble de vêtements sombres, et enfila avec hâte un jean noir et un haut à manches longues assez épais d’une couleur toute aussi foncée. Elle n’avait pas de quoi cacher son visage, tant pis. De toute manière, il n’y aurait aucune caméra de surveillance à l’intérieur. Il fallait juste paraître naturelle dans les rues, et pour ça elle n’avait aucune difficulté. Elle enfila une veste, sauta dans ses baskets, et ferma doucement derrière elle la porte d’entrée de son appartement.

 

Prochain arrêt : le lieu du crime.



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 * 『報われない願いをくべろ 叶わなかった夢をくべろ

遂げられない恨みをくべろ 死にきれなかった夜をくべろ』


「リビングデッド」 - amazarashi

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