Butterfly Reflect

Chapitre 3 : Chap 1 : Your name.

18514 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/03/2023 00:46

Butterfly Reflect I


Chapitre 1

«Your name"


***



 Les yeux remplis d'appréhension, Irène regardait son fils descendre l’escalier tout en faisant nerveusement pianoter ses doigts sur sa tasse.


-Tu as tout ce qu’il te faut Izuku ? lui dit-elle après qu’il se soit joint à elle à table.


 L’interpellé acquiesça de la tête en souriant avant d’attraper une tartine.


-Si il y a le moindre problème tu m’écris d’accord ? ajouta Irène.


 Affairé à beurrer son toast, Izuku ne remarqua pas que sa mère s’adressait à lui, c’est sa sœur qui répondit à sa place.


-Bon Maman, tu lui as déjà dit et répété mille fois. N’en rajoute pas, soupira-t-elle.


-Oui , mais tu sais bien Nami…chuchota Irène en se penchant pour ne pas être vue de son fils, “...Avec ce qu’il s’est passé...Si ça venait à se reproduire…J’ai du mal à comprendre qu’il persiste à vouloir rester dans le public, il serait plus en sécurité dans un établissement adapté…”


-Ne remet pas ça sur le tapis, on à déménagé exprès, c’est un peu tard pour se reposer la question. Et il sera juste à côté de la maison, rétorqua Nami avec fermeté, “Puis zut, on m'a pas demandé mon avis à moi de toute manière…”, ajouta-t-elle mentalement en se levant de table.


 Ne voulant pas supporter plus longtemps la tension qui régnait dans la cuisine, Nami avala d’une traite son bol de thé, et s’en alla pour finir de se préparer dans sa chambre. Après avoir regardé la longue chevelure noire de sa fille disparaître dans l’escalier, Irène se tourna face à son fils, qui lui souriait comme il le faisait toujours. Un sourire doux et bienveillant qui avait en temps normal le pouvoir formidable de la réconforter, mais en cet instant, Irène ne put que se maudire d'être celle qui se faisait consoler alors qu’elle devait faire preuve de courage pour soutenir son fils. Pour retrouver sa bravoure, Irène se mit une claque mentale, et attendit de croiser le regard d’Izuku pour lui parler, tout en s'efforçant de sourire elle aussi.


-J’ai hâte que tu me racontes cette première journée au lycée poussin, dit-elle d’une voix douce en gratouillant affectueusement la main de son fils.

 

 Comme réponse, Izuku lui sourit de nouveau, et imita sa sœur après avoir fini son petit déjeuner. Arrivé dans sa chambre, se sentant nerveux, il inspira et souffla profondément, plusieurs fois, avant de prendre son sac pour ensuite redescendre. Pendant qu’il enfilait sa veste, sa casquette, puis ses chaussures, Izuku vit du coin de l’œil sa mère se tortiller les doigts, signe qui indiquait sans aucun doute que la pauvre devait encore se faire un sang d’encre. Il fallait tâcher de la rassurer, quand bien même lui-même ne se sentait justement pas très sûr de lui ce matin. 


-J’y vais, passe une bonne journée maman, articula Izuku, “Le thé à intérêt à être prêt quand je reviendrai de la salle,” ajouta-t-il avec humour en adressant un petit clin d'œil à sa mère.


-Bien é-vi-de-ment ! assura Irène en se levant de table pour rejoindre son fils, “Tu as bien pris tes clefs ?” 


 Izuku acquiesça en secouant un petit trousseau. 


-Bien. Bon… Et bien toi aussi passe une bonne journée, prends soin de toi, dit Irène en époussetant machinalement l’une des épaules de son fils qui l’embrassa sur la joue avant de s’en aller. 

 Puis, une fois Izuku partit, Irene se précipita à la fenêtre pour le suivre du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans l’angle d’une rue. 


-“Pourvu que tout aille bien…” chuchotta Irène, les mains serrées sur son gros gilet. 


-“Pourvu que tout aille bien…” pria mentalement Izuku en arpentant au hasard les rues de la ville.


 Izuku était à dix minutes à pied de son futur établissement, mais il avait préféré profiter qu’il ait un peu d’avance pour faire un détour et se promener. Sa famille et lui avaient déménagé dans l’été, et depuis il n’avait pas beaucoup eu l’occasion d’arpenter les lieux. Il avait d’ailleurs hâte d’avoir prochainement plus de temps devant lui pour se perdre dans les rues de cette nouvelle ville, voire au-delà. 

 “Ses petites virées”, comme les appelaient sa mère, faisaient partie des choses qu’Izuku aimait faire : il se laissait porter, marcher, sans destination précise, souvent dans le but de trouver des coins tranquilles pour flâner, bouquiner, dessiner ou encore passer du temps à se renseigner sur tout et rien sur le net, un de ses hobbies favoris, comme la danse, qu’il pratiquait la plupart de son temps libre. C’est d’ailleurs ce qu’Izuku envisageait déjà de faire après les cours, c’est pourquoi il avait prit soin de prendre avec lui les clés de la salle de danse que la meilleure amie de sa mère, Gaëlle, qui était professeur et gérante d’une école, avait eu la gentillesse de lui donner pour qu’il puisse s’y rendre quand il le voulait. Cette salle, elle n’appartenait qu'à Izuku, plus personne ne l’utilisait car trop petite et trop vétuste, mais c'était parfait pour lui qui de toute façon dansait seul, à la fois par choix et aussi parce qu’ainsi, il pouvait mettre la musique aussi fort qu’il le souhaitait sans déranger personne, et ce, afin de la “sentir” au maximum. Car la musique, Izuku ne l'entendait pas, il était sourd. 

 C’est à ses 8 ans qu’Izuku avait perdu l'ouïe, des suites d’un violent accident de voiture qui avait traumatisé sa mère qui conduisait ce jour là, et qui, bien qu’elle ne soit en rien responsable de l’accident, était depuis accablée par une lourde culpabilité, presque aussi lourde qu'était devenu le poids du handicap pour Izuku qui après coup, s'était efforcé de vivre “normalement” pour soulager la conscience de sa mère, et ne pas être considéré comme un boulet. C’est d’ailleurs pourquoi il avait toujours insisté pour suivre une scolarité classique, et s'était battu bec et ongles pour qu’il en soit ainsi également au lycée, où il allait faire sa rentrée ce matin. Événement à qui Izuku devait l’angoisse qui avait fini par le rattraper bien qu’il ait fait bonne figure devant sa mère, et sa promenade ce matin n'était en fait pour lui qu’un répit qu’il s’accordait pour se préparer mentalement à l'imminente épreuve.


-Et 1, 2, 3 Alice est née au pays des cauchemars, je voulais juste la rassurer…Et 1,2,3 Alice est tombé dans un trou noir, je pourrais peut être la sauver… chanta mentalement Izuku pour détourner son esprit de ses angoisses, sans succès.


 La gorge nouée, Izuku se perdit dans ses pensées durant sa marche, tandis que son cerveau commençait déjà à fabriquer des scénarios catastrophes qui consistaient en fait à le préparer au pire, ou du moins, anticiper les situations fâcheuses. Selon Izuku, c'était une bonne manière de tomber de moins haut en cas d'échec et/ou de catastrophe, et si finalement il n’y avait ni raté, ni cataclysme, il se réjouissait d’autant plus. D’ailleurs, ces scénarios, voir tout ce qui en fait provoquait du malaise chez lui, Izuku s’amusait souvent à leur trouver des avantages, voire à les prendre avec humour, dans la mesure du possible, pour se défaire de l’anxiété que cela pouvait provoquer chez lui.    


-Alors, ça va commencer par quoi ? 1: Les cheveux. 2: La tronche. 3: Le look, et enfin 4: Le handicap. Allez, je mise sur le 3 cette fois-ci, et si je gagne…Ben…Je m’offre un nouveau pantalon, et si je perd…Heu…Je vais chez le coiffeur ? paria mentalement Izuku. 


 Le coiffeur, Izuku en aurait bien eu besoin : il avait une crinière noire bien garnie qui formait des épis qui résistaient à n’importe quel peigne ou brosse à cheveux, et depuis le collège où on l’avait prénommé “la sorcière” à cause de cette caractéristique, il ne faisait pas particulièrement d’effort pour les couper ou les arranger, préférant les laisser pousser et les garder tels quels pour former un rideau sur son visage. D’ailleurs, sa mère s’en plaignait régulièrement : “Quel gâchis!” disait-elle en se désolant de ne pas pouvoir voir “les beaux yeux verts” qu’Izuku avait hérité d’elle, et qui en plus à son grand désarroi, étaient souvent cachés par la visière d’une casquette, accessoire devenu indispensable dans le “dress code” d’Izuku dont le dressing aurait fait pâlir de jalousie tout les amateurs/trices de shopping. Et celui-ci était chargé de vêtements qui constituaient d'après les autres un look qui allait avec ses cheveux, c'est-à-dire celui d’une sorcière, chose qui visiblement n’était pas très en vogue pour la plupart des gens. Mais Izuku lui, s'était amusé à penser que si les sorcières aimaient comme lui les styles rock'n'roll et alternatif, la mode japonaise et sud coréenne, elles avaient en fait plutôt bon goût, et étaient en conclusion, “plutôt stylées”. Puis de toute façon, bien qu’on ait pu lui faire des remarques désagréable au sujet de son look, Izuku qui était un grand amateur de mode (il pouvait passer un temps fou sur le net pour trouver les pièces qui lui faisait envie, et Vinted était un véritable fief pour lui), n’en aurait changé pour rien au monde, il aimait trop ça, et en plus, c'était aussi un peu culturel pour lui : Izuku était en partie Japonais, donc les tendances du pays du soleil levant faisait indubitablement partie de son identité, et d'autre part, il était Français, alors il ne pouvait qu'être influencé par ce pays qui pouvait se vanter d’être l’un des plus réputés en ce qui concerne la mode.

 Son métissage, issus de sa mère Française, et de son père Japonais, Izuku en était très fier, quand bien même il n’avait pas semblé être une réussite pour les autres qui lui avaient trouvé “une tête bizarre”, et qui, plutôt que de dire de lui qu’il était Eurasien, avaient préférés d’autres qualificatifs, tel que “Double face”, “Bâtard”, ou encore le plus populaire : “Demi citron”. Enfin pour être plus précis : “Le demi citron sourd comme un pot”. Bref, en résumé, pour les autres, plus précisément les élèves de son ancien collège, tout ce qui portait sur l’apparence d’Izuku avait été sujet à moqueries, et bien que son handicap lui, soit invisible, on ne l'avait pas épargné à ce sujet non plus.  

 Cette époque de sa vie et les souvenirs qui l’accompagnait étaient d’ailleurs les responsables de l’angoisse qui assaillait Izuku aujourd’hui, car au collège, les moqueries avaient en fait tournées au harcèlement scolaire, un véritable enfer pour lui, et c’est pourquoi décision avait été prise qu’il serait préférable de déménager pour l’éloigner de ses harceleurs, et dans le même temps le rapprocher de l'établissement qu’il avait choisi pour poursuivre ses études. Après ce difficile épisode au collège, Izuku avait dû batailler pour convaincre tout le monde de le laisser reprendre une vie et une scolarité normales, chose qu’on avait finalement fort heureusement fini par lui accorder. Et bien qu’Izuku se soit senti coupable de causer des problèmes à sa famille, il ne pouvait qu' être soulagé d’avoir quitté la ville qui abritait le cirque dans lequel il avait vécu l’enfer.


-Gomen… articula Izuku en songeant à sa mère et à sa sœur qui s'étaient pliées à son caprice.


 Cependant, ce n’est pas sa mère qui l’inquiétait le plus à ce sujet, car bien que l’idée que son fils retourne dans un établissement publique ne la rassure pas, elle s'était toutefois montrée enchantée de pouvoir prendre un nouveau départ aussi bien sur le plan personnel que professionnel, et la ville dans laquelle ils se trouvaient désormais, une petite banlieue huppée qui avoisinait la capitale, lui plaisait beaucoup. Ce déménagement avait donc été pour elle une opportunité de repartir du bon pied aussi bien pour elle que pour ses enfants. Mais à contrario, Nami elle, n’avait semble t-il pas vu les choses ainsi, et aux yeux d’Izuku, elle paraissait en fait plutôt contrariée d’avoir été dans l’obligation de suivre, bien que leur nouveau lieu de vie la rapprochait de sa fac et même de certains de ses amis, ce qui somme toute, était plutôt avantageux. Alors, Izuku qui pensait être justement le boulet qu’il n’aurait jamais voulu devenir aux yeux de sa sœur, n’avait pas mit longtemps avant de conclure que la contrariété de Nami était dirigée vers lui. Après tout, elle avait toutes les raisons d’en vouloir à ce petit frère qui accaparait toute l’attention de ses parents depuis qu’il était devenu sourd, et plus encore depuis ce qu’il s'était passé au collège. 

 Ce collège, Izuku le maudissait presque autant que sa surdité à qui il devait les prémices de sa rupture avec sa soeur, car pour lui, c’est ce qui avait fini semble t-il, par rendre la scission définitive : depuis, Nami semblait l’ignorer à tel point qu’elle ne le regardait même plus. Izuku aurait aimé du fond du cœur pouvoir mieux s’entendre avec sa sœur, voire retrouver la complicité qu’ils avaient eu lorsqu'ils étaient enfants, avant qu’il ne devienne sourd, période où ils avaient été aussi proches que des jumeaux, toujours soudés l’un à l’autre. Toutefois, Izuku ne pouvait pas reprocher son attitude à Nami qui avait toutes les raisons de se comporter ainsi avec lui. Selon Izuku, ce n'était qu’un juste châtiment au mal qu’il avait fait à sa sœur, et le poids de la culpabilité qu’il sentait peser sur ses épaules à ce sujet ne pouvait que lui faire accepter cette forme de “punition”. Cependant, malgré cette situation, et quand bien même ce n'était apparemment plus réciproque, Izuku aimait de tout son cœur sa grande sœur qui constituait pour lui l’un des piliers de sa vie, tout comme sa mère avec qui il était particulièrement proche et complice. 


-Onee-chan…Okaa-san… articula Izuku en faisant glisser ses doigts sur les deux anneaux qu’il portait à l’oreille droite.


 Ces deux piercings qui décoraient le cartilage de son oreille, c'était pour elles qu’Izuku les avait fait. Un pour sa sœur, un pour sa mère, pour rappeler à ses oreilles cassées que bien que sourdes, il ne fallait pas qu’elles oublient le précieux souvenir de leur voix. Pour son père, Izuku n’avait pas de bijou, sa voix autoritaire ne lui manquait pas, et de toute manière, les piercings, il avait horreur de ça. D’ailleurs ces deux anneaux avaient provoqué un scandale, car la mère d’Izuku l’avait emmené se faire piercer sans son accord (Irène en avait d’ailleurs elle même profité pour ajouter un trou a chaque lobe, un pour chacun de ses enfants), et pour ça en revanche, Izuku n’avait pas eu une once de culpabilité, car de toute façon, son père il ne s’entendait pas avec. 

 Les parents d’Izuku étaient divorcés, à raison pour leur fils qui n’avait jamais comprit comment une femme telle qu’elle avait pu épouser un homme comme lui. Le père d’Izuku était l’exact opposé de sa mère : il était antipathique, sévère, fermé d’esprit, et semblait s'inquiéter plus de l’honneur et de la réussite sociale des membres de sa famille plutôt que de leur bien être général. Alors bien évidemment, cet homme avait une idée toute faite de ce qui était honorable de faire et devenir, donc en conséquence, si on ne répondait pas à ses critères, c'était le conflit assuré, et d’aussi loin qu’il se souvienne, Izuku avait toujours été à contre courant avec lui. Et de plus, selon Izuku, l’handicap n’avait rien arrangé à leur relation déjà compliquée, certainement à cause du fait que ça avait dû entacher le parfait petit tableau dépourvu de casseroles de son père. Izuku pensait donc représenter une forme de honte pour ce dernier, et quoi qu’il puisse faire, et sachant en plus pertinemment qu’il était aux antipodes de ce que voulait faire de lui son père, il représenterait de toute façon toujours une forme d'échec à ses yeux, chose qu’Izuku s’était résigné à accepter. Bien qu’Izuku ne s’attarde pas sur le sujet, au fond, tout cela le blessait, et en vérité, il l’aimait son père, et comme pour sa sœur, il aurait préféré s’entendre avec. Mais difficile d’arranger la situation, car le père d’Izuku vivait au Japon et ne revenait que rarement en France, une distance géographique qui était à l'image du gouffre dépourvu de pont qui séparait le père et le fils. Cependant, Izuku qui à ce jour, redoutait encore et toujours les confrontations avec son père, s’en arrangeait bien, car en son absence, il jouissait quand même d’une grande liberté, et à vrai dire, ses discours assommants ne lui manquaient pas. D’ailleurs, si il avait été là ce matin même, il l’aurait justement assommé avec mille recommandations pour sa rentrée, et l’aurait probablement étouffé.  


-La rentrée…Merde ! La rentrée ! s’exclama mentalement Izuku en jetant un rapide coup d'œil à sa montre. 


 Son cœur fit un bond dans sa poitrine, le temps lui avait échappé, et si il ne se pressait pas, il risquait de trouver porte close en arrivant au lycée, et allait rater la cérémonie de rentrée. Heureusement, Izuku qui était sportif, réussit sa course contre la montre, et son sprint l’amena à temps devant la grille de l'établissement. Cependant, il ne s’engouffra pas tout de suite dans l’enceinte du lycée, souhaitant s’accorder encore quelques secondes pour prier le ciel de ne pas lui faire revivre le même calvaire qu’au collège. Pour se rassurer, Izuku fourra son nez dans son col, pour en sentir le parfum, mais c’est une autre odeur qui l’interpella.


-Ah…Cigarette…Parfait, pensa Izuku en inspirant doucement l'effluve de tabac.


 Parmi toutes les odeurs qui avaient la faculté de le réconforter, celle du tabac devait être dans le top 3 d’Izuku qui appréciait tout particulièrement celle ci qui en fait, lui rappelait sa mère. Cependant, bien que l’odeur qui l’embaumait à cet instant produisait le même effet apaisant, ce n'était pas celle à laquelle Izuku était habituée. Il devait s'agir là d’une autre marque, et à vrai dire, cette fumée la sentait diablement bon, au point que si Izuku s'était écouté, il aurait cherché la personne qui fumait à proximité pour lui demander la marque de ses cigarettes qui lui donnait presque envie de goûter au tabac. Puis, tout dans ses pensées, et alors qu’Izuku concentrait toute son énergie dans son odorat, un individu le bouscula, l’interrompant dans sa prière.


-P-pardon… balbutia muettement Izuku en levant la tête.


 Le garçon qui venait de le percuter tourna vaguement la tête, probablement pour s’excuser, mais Izuku ne put voir son visage, masqué par une capuche noire d'où ne sortait que quelques mèches blondes. Intrigué, Izuku observa la silhouette de l’individu aux épaules larges et voûtées, couvertes par un perfecto en cuir noir un peu élimé, s’éloigner d’un pas lourd, les mains enfoncées dans ses poches. Cependant, Izuku ne s’attarda pas plus longtemps sur le type encapuchonné qui avait en fait fort heureusement interrompu sa prière, car la grille du lycée se refermait. Izuku se faxa in extremis au travers de l’ouverture pour ne pas se retrouver coincé dehors, tout en remerciant mentalement le ciel d’avoir provoqué l’incident pour l’extraire de ses pensées. Après quoi, il traversa la passerelle de l’entrée de l'établissement, et dévala les escaliers qui menaient à la cour avant de se presser devant l'amphithéâtre qu’il trouva sans difficulté en repérant la foule d’élèves qui s'était regroupée devant et qui commençait déjà à y entrer. Izuku suivit le mouvement, choisit une place dans le fond de la salle, et une fois tous les élèves installés, la dame qui allait présider la cérémonie agita les bras pour leur faire signe de se taire. Quand bien même il n’entendait pas, Izuku sentit le brouhaha se dissiper pour faire place au silence. 


-Chers élèves je me présente : Madame Tourtel, je suis la proviseur de cet établissement. Tout d’abord, je souhaite la bienvenue à ceux qui découvrent notre lycée, et bon retour à ceux qui étaient déjà là au collège. Aujourd’hui nous….commença la proviseur avant de s’interrompre pour soupirer en levant les yeux au ciel, “Monsieur Katiev, oui vous, la capuche quand même…On est pas dans le ghetto ici, merci.”, dit-elle ensuite à l’adresse d’un élève.


 Izuku qui avait manqué ce qu’il s'était passé le temps d’activer l’application qui lui permettait de retranscrire les conversations quand la lecture sur les lèvres était trop difficile, suivit le regard des autres élèves qui se tournaient un rang plus haut à droite, pour comprendre ce qui avait visiblement interrompu le discours. Après s'être retourné, il reconnut tout de suite le type à la capuche qui l’avait bousculé un peu plus tôt, mais avant qu’il ait pu voir ce que cachait celle-ci, Izuku sentit un coup de coude dans son bras. Il se retourna, et vit son voisin lui faire signe de regarder la proviseur. Cette dernière le fusillait du regard, et Izuku en comprit la raison en regardant l'écran de son téléphone. 


-“Et le jeune homme la bas, c’est valable aussi pour vous, enlevez moi cette casquette.”, lu-t-il sur l'écran avant de se débarrasser de l’accessoire, les joues roses de honte. 


-Hinhinhin… ricana dans sa barbe le type à la capuche en voyant le type à la casquette qu’il avait volontairement bousculé un peu plus tôt s’enfoncer sur sa chaise, “Ha. Repeat.”, souffla-t-il ensuite en relançant un titre sur son mp3. 



Concrete (feat Cartography) * cigarette & silhouette *- Fort Road.

https://www.youtube.com/watch?v=5TbgNB6nK2U&list=OLAK5uy_lbpJfxBoCMnDalJniGIYygy-zKAfqCrro&index=7


 

 “Le type à la casquette” qui se maudissait d’or et déjà de s'être fait remarquer dès le premier jour de classe, et ce devant toutes les secondes du lycée réunies, n’avait nul besoin d'être entendant pour savoir que les autres élèves devaient déjà tous ricaner . 

 Les oreilles cramoisies de honte, et feignant d’ignorer les probables réactions moqueuses de l’assemblée, Izuku s’enfonça un peu plus sur sa chaise pour tenter de suivre le discours de la proviseur qui s’annonçait d’un ennui mortel. Sans surprise, ce fut le cas. Le sermon de Mme Tourtel ne réussit pas à capter l’attention d’Izuku qui lisait machinalement ce que son écran lui retranscrivait sans véritablement enregistrer ce qui y était écrit, car son intérêt était porté sur tout autre chose : savoir à quoi ressemblait le garçon avec qui il avait partagé ce moment gênant. Alors, Izuku profita d’un moment où la proviseur avait le dos tourné pour se retourner discrètement, et étancher sa curiosité. Mais sa tentative de se montrer discret fut un échec, car ses yeux tombèrent droit dans ceux du type à la capuche qui l’observait déjà. Izuku tressaillit légèrement, et une sensation de chute, comme lorsqu'on tombe dans un rêve, lui donna la nette impression que son estomac l’abandonnait. Et curieusement, alors qu’Izuku avait pris pour habitude de fuir le regard des autres (de peur d’y voir du dégoût, ou pire, de la pitié), il avait cette fois-ci du mal à se détourner de celui de l’inconnu. Les yeux perçants qui luisaient derrière la frange des cheveux d’un blond presque blanc en pétard du garçon le happait, et l’expression qu’il arborait était un mystère pour lui. Puis, le type à la capuche pencha lentement la tête d’un côté, et un sourire en coin, presque imperceptible, décoré par un piercing au côté gauche, se dessina sur sa bouche. Sans le réaliser, Izuku l’imita, sans sourire, trop intimidé par l’attitude de l’inconnu qui semblait, contrairement à lui, ne pas avoir eu honte de s’être affiché devant une salle bondée. Bien au contraire, tout dans son attitude corporelle indiquait qu’il était parfaitement détendu : il était affalé plus qu'assis sur sa chaise, avait négligemment posé un pied sur le siège d'en face, ses mains étaient toujours plantées dans les poches de son perfecto, et visiblement, le discours devait l'intéresser autant qu’Izuku car il portait un de ses écouteurs qu’il avait toutefois pris la peine de dissimuler dans son sweat.


-T’es qui ? pensa le type à la capuche en regardant le type à la casquette.


-Comment tu t'appelle ? pensa le type à la casquette, en regardant le type à la capuche. 


 Puis, alors qu’Izuku ouvrait la bouche, s'apprêtant sans le savoir à articuler : “Ton nom ?”, l’anonyme rompit le contact visuel, et se tourna vers l’estrade de l'amphithéâtre. Izuku resta figé quelques secondes avant de se retourner à son tour, bizarrement chamboulé par cet échange pourtant bref, mais vécu comme une éternité, et qui par la suite, l'empêcha définitivement de se concentrer sur le discours de rentrée. Son cerveau qui semblait s'être évaporé entre temps l’avait laissé suspendu dans le temps, ne le faisant que songer à l’expression insondable du garçon blond, et au sens de son sourire mystérieux.


-Mystérieux…pensa Izuku en se faisant la réflexion que c'était un mot qui allait bien à l’anonyme. 


 Izuku ne pu sortir la tête de la lune que lorsque tous les élèves commencèrent à se lever, et après avoir balayé la salle du regard pour constater que le type à la capuche était déjà partit, il suivit le mouvement pour aller voir les tableaux d’affichage qui indiquaient aux élèves dans quelle classe ils allaient se trouver. Pendant que certains sautillaient joyeusement en découvrant qu’ils seraient en compagnie de leurs amis, (Izuku remarqua du coin de l’oeil deux filles et un garçon qui semblaient s'émouvoir aux larmes d'être ensemble pour leur année de première), et qu’à contrario d’autres boudaient la classe dans laquelle on les avait mit (il avait vaguement eut le temps de voir un garçon blond dire “Wah une classe de boloss pour la team des frérot. Surprenant.”), Izuku se rendit seul dans la sienne, tout en se préparant mentalement à la suite. Ce qui allait suivre allait être un moment “formidable” c'était dit Izuku avec ironie, celui ou il serait présenté comme «l’élève handicapé» de la classe. Un moment décisif, car d’expérience, Izuku savait que c'était à ce moment-là qu'en général, la classe se divisait en deux catégories : ceux qui auraient pitié, et ceux qui seraient sans pitié. Et dans les deux cas, ce n'était pas très réjouissant. 

 Izuku qui était en classe 2nd 1 , rejoint sa salle, ou il se choisit une place dans le fond, à côté de la fenêtre, pour ensuite se concentrer sur le paysage tout en surveillant l’installation de ses camarades dans le reflet de la vitre. Son professeur principal ne tarda pas à arriver, et une fois tout le monde assis, commença sans plus attendre les présentations et les sermons habituels d’une rentrée scolaire, tandis qu’Izuku se triturait nerveusement les phalanges en attendant le moment fatidique où les élèves allaient devoir se présenter individuellement. Le moment venu, quand vint le tour d’Izuku, il se leva comme ses autres camarades, et laissa le professeur poursuivre. 


-“…Izuku est sourd et muet…Bien qu’il soit autonome, je compte sur vous pour le soutenir, et l’aider lorsqu’il en aura besoin...blabla…” lut Izuku sur son écran, “Sérieux…? Pff…Je suis sourd, pas impotent…” fulmina t-il mentalement ensuite.


 Izuku détestait par-dessus tout ces discours qui le mettait dans un position de vulnérabilité, et il aurait voulu dire à tous qu’il n’avait besoin ni d’aide ni d’un quelconque soutien, car malgré le handicap il avait toujours veillé à rester indépendant, chose dont il était particulièrement fier. Cependant Izuku se réconforta, en se disant que ce moment gênant n'était pas cher payé pour tenter de vivre “comme les autres”. Puis après tout, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même : c'était son choix de faire ses études dans le public, donc tout ce qui pouvait en découler, y comprit ce genre de situation inconfortable, c'était sa responsabilité. 

 Ce moment pénible passé, et après avoir pris soin de ne pas croiser le regard de ses camarades, Izuku se rassit. Après quoi, le professeur leur attribua leur numéro de casier avant de distribuer les cahiers de correspondance, et l’emplois du temps (toujours très attendu par les élèves) sur lequel il était indiqué que certains cours étaient communs avec d’autres classes, notamment les secondes langues (Izuku allait faire son cours d’Allemand avec la 2nd 2 apparemment), et l’EPS ou fort heureusement, les élèves avaient la possibilité de choisir les sports qu’ils voulaient pratiquer. Un soulagement pour Izuku qui allait ainsi pouvoir s'épargner de devoir potentiellement être dans l’obligation de faire de la natation. Il était extrêmement pudique, alors l’idée de devoir se balader devant toute sa classe en maillot de bain ne l’enchantait pas du tout (et en plus, Izuku trouvait que les bonnets de bain étaient particulièrement disgracieux, alors hors de question pour lui de devoir porter cette horreur un jour).


-Y’a que dans “Free” que ça passe ce machin… pensa Izuku en consultant sa montre, avant de se mettre une gifle mentale pour s’extraire de ses pensées.


 Il s’ordonna ensuite de plutôt se concentrer sur le professeur, et chose faite, le temps s'écoula somme toute relativement vite. Le dernier cours de la matinée terminé, Izuku rejoint son casier, le numéro 81, qu’il équipa d’un solide cadenas, et alors qu’il avait terminé d’y ranger ses livres, il sursauta en en refermant la porte. Une jeune fille assez petite venait d'apparaître devant lui, et le dévisageait de ses grands yeux noisettes, l’air rayonnant. Izuku reconnut la longue chevelure châtain retenue par un queue de cheval d’une élève qui était assise deux rang devant lui en classe. Surpris par l’apparition de cette dernière, il recula légèrement, bien que le visage rond et sympathique entouré de deux grandes mèches de sa camarade n’ait rien de menaçant. 


- Heu...S-salut..? articula timidement Izuku à la jeune fille qui lui fit signe d’attendre avant de taper un message sur son téléphone qu’elle lui tendit ensuite.


- Salut je m’appelle Ochaco, on est dans la même classe. On va déjeuner, tu veux te joindre à nous ? Lui c’est Arthur.


 Ochaco montra du doigt un garçon blond qui était resté un peu en retrait. Il était mince, plutôt grand, et portait des lunettes pantos à monture écaille. Izuku s’en voulu de penser ainsi, mais il avait tout du gosse de riche coincé, chose qu’il devait certainement à sa raie soigneusement coiffée sur le côté, et à son air un peu pincé, souligné par un look “fils à papa" peu soigné, détail qui fit se dire a Izuku que le garçon gâchait son potentiel. Aussitôt qu’il se fit cette dernière remarque, Izuku se gifla mentalement, avant de se rappeler à l’ordre : 

 

-Ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais pas qu’on te fasse ! se dit-il sévèrement.


 Cet adage, Izuku s'évertuait à le suivre : lui-même avait souffert des préjugés des autres, alors bien évidemment, il ne pouvait pas se permettre d’en faire autant (ceci dit, tout amateur de mode qu’il était, il ne pouvait s'empêcher d’avoir un oeil critique à ce sujet). Toutefois, il y en avait aussi un autre qui résonnait déjà dans l’esprit d’Izuku, celui qui lui disait que les apparences pouvaient être trompeuses. Et d'expérience, il était le mieux placé pour savoir que parfois, sous le masque de la gentillesse pouvait exister une toute autre nature, bien moins agréable à regarder. Une réalité qu’Izuku avait appris à ses dépends au collège, et en conséquence, pour se protéger, il était devenu particulièrement méfiant. Une méfiance qu’Izuku devait aussi en partie au fait qu’il redécouvrait seulement aujourd’hui les interactions sociales, un exercice loin d'être évident pour lui, car durant une année entière, il était resté cloîtré chez lui. Et pour cause, c’est à l’issue de sa quatrième, apogée du harcèlement dont il avait été victime, qu’Izuku avait quitté les bancs du collège, et suite à ça, son année de troisième, il l’avait faite tout seul, depuis son lit, avec son ordinateur. Or aujourd’hui, ce n’est pas à un écran qu’il fallait s’adresser, mais bien à des humains, et ça n’avait rien d’une évidence pour Izuku qui accueillit avec méfiance l’amabilité pourtant sincère d’Ochaco, qui le tira de ses pensées en lui tendant de nouveau son écran.


-Toi c’est Izuku c’est ça ? C’est un joli prénom, lut Izuku.


 Izuku acquiesça, et aussitôt, Ochaco reprit son portable en main pour taper à grande vitesse un autre message qui promettait d'être bourré de fautes de frappe. Izuku l’interrompit, et tapota sa bouche pour lui indiquer de parler normalement. 


-Whao ! Incroyable ! Tu lis sur les lèvres ?? s’exclama Ochaco, les yeux plus grands encore, “Arthur t’as vu ?”, ajouta-t-elle à l’adresse de son ami.


 En guise de réponse, le dénommé Arthur leva les yeux aux ciel, l’air de dire que son amie en faisait de trop. 


-Tu viens Izuku ? On y va ? proposa ensuite Ochaco en invitant Izuku à la suivre elle et son ami en direction du self. 


 Bien qu’il n’ait pas particulièrement faim, Izuku accepta l’invitation, par politesse, craignant de les froisser s'il refusait. Durant le trajet, il s’efforça de ne pas se dire qu’Ochaco et Arthur étaient venus le voir avec de mauvaises intentions ou pire, par pitié, quand bien même pour ce dernier point, il y avait de grandes chances que ça soit le cas. Mais malgré tout, Izuku y trouva un avantage, et s’encouragea à risquer un pas vers eux, se disant que si il y avait une petite chance, même infime, pour qu’il arrive à s’en faire des camarades, sa mère en serait rassurée. Puis qui sait, bien qu’Izuku en soit peu convaincu, peut-être arriverait-il à s'en faire des amis un jour.


-Si Dieu le veut… pensa Izuku avec ironie en prenant un plateau repas, tout en se disant que des amis, il n'était pas prêt de s’en refaire de sitôt. 




***



 Les premiers jours de cours passés, Izuku avait déjà bien trouvé ses repères dans l'établissement, et avait même commencé à faire un peu connaissance avec ses autres camarades de classe bien que les conversations soient souvent brèves, les gens ayant rarement la patience d’attendre qu’il écrive ses réponses (malgré qu’il ait développé une faculté extraordinaire à écrire rapidement sur son téléphone). Les seuls qui se montraient patients étaient Arthur et Ochaco avec qui en fin de compte, Izuku passait le plus clair de son temps au lycée. 

 Ochaco était une fille à l’image de son look : pétillante, colorée, gaie et enjouée (Izuku s'était d'ailleurs demandé quel était son secret pour être si énergique même de bon matin), et s’était tout de suite montrée très amicale. Elle cherchait souvent à bavarder avec lui, et ses sujets de conversations étant inépuisables, Izuku avait dû quelques fois user de stratagèmes pour s'en tirer lorsqu’il ne se sentait pas d’humeur à discuter, chose dont il ne s'était pas particulièrement senti coupable, car Ochaco trouvait de toute manière toujours quelqu’un avec qui bavarder. Très sociable, elle allait souvent à la rencontre des autres élèves, contrairement à Arthur qui semblait plutôt être presque aussi introverti qu’Izuku. D’ailleurs les deux camarades qui finalement se retrouvaient régulièrement tous les deux s'étaient découverts d’autres points communs quand Arthur, intrigué par les infinies recherches internet d’Izuku, avait abordé le sujet avec lui pour finalement se révéler être un geek chevronné. Et finalement, alors que d'apparence il lui avait semblé être plutôt froid au départ, c’est avec lui qu’Izuku se sentait le plus à l’aise, chose dont il s'était lui-même étonné du fait qu’il s'était particulièrement replié sur lui même à cause de sa mauvaise expérience au collège. Cet épisode de sa vie l’avait plongé dans un profond isolement, et sachant qu’en plus il était amateur de solitude et ce depuis toujours, Izuku avait cru avoir définitivement perdu ses capacités à se sociabiliser. Mais visiblement il n’en était rien, car bien qu’il garde ses distances (une distance de sécurité), Izuku avait finalement été surpris, voire même un peu soulagé, de retrouver petit à petit l’envie et la capacité de s'intéresser aux autres. D’ailleurs, cet intérêt tout nouvellement redécouvert s'orientait plus particulièrement sur un élève du lycée qu’Izuku ne côtoyait pourtant pas. 

 Durant la semaine, il avait croisé quelques fois le type à la capuche (qui visiblement devait l’avoir greffée sur la tête), accompagné de deux autres garçons, un blond (qui lui semblait soudé à son casque qu’il avait systématiquement autour du cou) et un autre, avec une coloration rouge pétante (si le père d'Izuku avait vu ça, il serait tombé dans les pommes) qui facilitait la tâche à Izuku qui sans qu’il s’en aperçoive, avait prit l’habitude de scruter la foule d'élèves dans la cour et les couloirs pour repérer le type à la capuche. Un exercice difficile, car bien que le garçon aux cheveux rouge fasse office de cible, et que la foule d'élèves ait la curieuse habitude de s'écarter sur le passage du trio, l’encapuchonné était difficilement trouvable, c'était à croire qu’il faisait en sorte de ne pas être vu. Cette recherche méticuleuse donnait chaque jour l'impression à Izuku de jouer à «Où est Charlie», et en conséquence, c’est aussi ainsi qu’il avait décidé d’appeler cet élève dont il ignorait encore le nom. D’ailleurs des noms, c’est ce qu’Izuku s’amusait à chercher quand enfin, il réussissait à repérer son Charlie qu’il regardait en toute discrétion par dessous la visière de sa casquette. Peut-être se trompait-il, car difficile de savoir avec la capuche, mais quelques fois, Izuku avait eu le drôle de sentiment que son mystérieux inconnu faisait de même.



***



-Mais je ne crois pas…que tout va bien par ici…Je veux aller quelque part, je veux aller vers un paradis…On s’est construit et j’ai tout détruit, on s’est détruit, on à reconstruit…On s’est construit, on à tout détruit…chantait mentalement Izuku en déambulant dans le couloir encore vide.  


  Le vendredi était enfin arrivé, et Izuku qui n’avait pas beaucoup dormi la veille était content de bientôt pouvoir profiter de son week-end pour se reposer. La semaine bien remplie avait été épuisante, et il avait hâte d'être au samedi pour retrouver le calme et la solitude. C’est d’ailleurs pour profiter un peu du calme matinal qu’Izuku était venu un peu avance au lycée ce matin-là, afin de ne pas avoir tout de suite à endurer la foule d'élèves. 

 Sans lever le nez de son portable, Izuku se rendit devant la salle où allait avoir lieu son premier cours d’Allemand, et une fois arrivé devant, il s’adossa au mur pour attendre l’heure des classes, sans remarquer la silhouette encapuchonnée assise par terre à sa gauche tant il était absorbé par ses recherches. Izuku ne se fit pas remarquer non plus, son voisin de couloir qui n'était nul autre que son Charlie portait des écouteurs, et était plongé dans la lecture d’un livre à la couverture en piteux état. 

Quelque instant plus tard, Izuku remarqua vaguement que deux paires de jambes passaient devant lui, mais il n’y prêta pas plus attention, trop focalisé par ce que wikipédia lui apprenait. 

 Les deux nouveaux arrivants s'adressèrent au garçon assit par terre : 


-Yo frérot, bien ?


-Tu veux pas une pièce ? Tu fais tellement charclo mec.


 Le dit clochard retira ses écouteurs, et en guise de salutation leur fit un doigt d’honneur.


-P’tain. Vos têtes de moules dès le matin. J’vais dégueuler, leur répliqua-t-il ensuite, la voix blasée, en agitant la main devant lui comme pour chasser une mouche. 


-Alleeez ! Le mec est en forme dès le réveil.


-Bois du Ricoré au petit déj frérot, ça te mettra de bonne humeur, suggéra l’un des garçons.


 Après cet échange de politesses qui était visiblement leur manière de se dire bonjour, l’un des deux garçons remarqua la présence d’Izuku dont le nez allait bientôt toucher l’écran tant il était absorbé par sa lecture.


-Oh frérot ! Tu t’es fais un pote pour la fashion week ? dit-il ensuite en s’adressant à l’encapuchonné.


-Mec, j’suis ému, enfin quelqu’un ici qui respectera tes goûts de punk à chien, dit l’autre garçon en essuyant une larme imaginaire.


-Ha !? “Punk à chien” ? Tu t’es vu ? rétorqua l’encapuchonné avec une grimace, avant de lever la tête pour voir avec qui il allait se rendre à la fashion week.


 Effectivement, il ne pouvait pas contredire son camarade, on aurait dit que lui et son voisin de droite s’étaient mis d’accord sur la tenue du jour : tous deux avaient un blouson en cuir (bien que celui de son voisin soit clairement bien trop grand pour lui) , un jean déchiré aux genoux, et l’inconnu portait une paire de Dr Marteens en cuir tout comme les rangers dont il était chaussé, le tout, en monochrome noir. La seule exception, c’est qu’en plus de la capuche, le garçon à côté de lui avait une casquette.

 Tout dans son inspection, l’encapuchonné reconnut le type qu’il avait bousculé le matin de la rentrée, et dont le regard avait croisé le sien dans l’amphithéâtre. Il se rappelait d’ailleurs très bien de l'éclat vert de ses yeux, cachés derrière une fantastique quantité de cheveux noirs en bataille, et de ses oreilles qui avaient semblées prendre feu suite à la remarque de la proviseur. Et à vrai dire, il l'avait même remarqué avant la cérémonie de rentrée : l’encapuchonné l'avait vu passer devant lui, courant comme un dératé, jusqu'à ce qu’il s'arrête net devant le portail du lycée où il était ensuite resté planté sans bouger. Visiblement dans la lune, le type à la casquette n'avait pas entendu la sonnerie qui annonçait la fermeture de la grille alors, l’encapuchonné l'avait bousculé pour le faire réagir avant que la porte ne se referme. Chose que d’ailleurs, il n’aurait pas faite en temps normal. En principe, il aurait plutôt ignoré le retardataire, voire l’aurait volontairement laissé dans la mouise, et s’en serait même probablement amusé. Mais ce matin-là, en voyant le comportement inhabituel de l'inconnu, l’encapuchonné avait penché la tête, sentant que sa curiosité avait été piquée. Événement plutôt surprenant pour lui qui se préoccupait peu des gens de manière générale, surtout à l'école, dont la population était pour lui d’un profond ennui, comme à peu près tout ce qui s’y trouvait. D'ailleurs, il s’était dit que le lycée ne semblait rien promettre de mieux que le collège lorsque le matin de la rentrée il avait prit le temps d’observer la masse d'élève qui s'était rassemblée devant l'établissement et qu’il avait regardé patiemment jusqu'à ce que le devant de la grille devienne désert. C'était un rituel pour lui à chaque rentrée scolaire, et chaque fois il finissait par soupirer, convaincu qu’il n’y trouverait rien de plus intéressant que d’ordinaire. Mais c’est justement alors qu’il allait souffler de dépit avant d’écraser son mégot dans son cendrier de poche que le type à la casquette avait surgi, et après l' apparition de ce dernier, l’encapuchonné avait alors eu une autre certitude : il n’aurait su dire pourquoi, mais l’inconnu n’appartenait pas à ce qu’il appelait “ le commun des mortels” (ou “les gens chiants” comme il le disait plus simplement), chose qui méritait qu’on s’y intéresse, et qu’il fallait étudier d’un peu plus près. Alors, dans l'amphithéâtre, il s’était installé de sorte à pouvoir observer ce tout nouveau sujet d'analyse, qu’il avait repéré sans difficulté dans la masse que représentait pour lui les autres élèves (qu’il ne faisait jamais l’effort de regarder, ni de connaître, ni d’identifier par leurs nom, préférant les distinguer de manière plus simple avec des surnoms de son invention) et qui donnait l’impression de ne pas vouloir, ou de ne pas pouvoir se mêler aux reste des autres, comme si un espèce de mur invisible était dressée tout autour de lui. A une exception près, car lorsque leur regard s’étaient croisés, le type à la capuche s’était senti comme le seul privilégié de la salle à pouvoir accéder à la muraille entourant l’inconnu qui, exceptionnellement, méritait peut-être qu’on connaisse son nom. L’encapuchonné avait alors souri, sans le savoir, satisfait d'avoir potentiellement trouvé ce qui avait tout l’air d’être un extraterrestre digne d'intérêt dans un lieu comme celui-ci. Un individu hors du commun qu’il aurait pu dévisager encore longtemps si il ne s’était pas fait invectiver par la proviseur (enfin, la “vieille peau” comme le type à la capuche l’appelait), qui avait couiné : “Un peu d'attention la bas s'il vous plaît !!”.

  Les jours qui suivirent, toujours curieux, le type à la capuche avait quelquefois regardé le type à la casquette déambuler dans les couloirs ou la cour, le nez collé sur son téléphone, en se demandant ce qu'il pouvait y voir de si intéressant, car visiblement ça réclamait toute son attention. D’ailleurs, à quelques reprises, l’encapuchonné était passé juste à côté de lui sans qu'il ne se fasse remarquer, ou parce que l’inconnu semblait perdu dans la contemplation de ses chaussures, ou parce que le téléphone était visiblement pour lui plus intéressant que le reste du monde. Cette manie était pour l’instant tout ce qui identifiait le type à la casquette : “Le nerd”, c’est ainsi que l’encapuchonné avait choisi de le baptiser, à défaut de connaître son nom. Toutefois, il arrivait quand même parfois que l’inconnu arrive à s’extirper de son écran ou de la contemplation de ses pieds, pour regarder les alentours par dessous sa visière, comme si il cherchait quelque chose, ou quelqu’un. Et l’encapuchonné qui avait eu quelques fois comme l'impression de se sentir observé, avait eut le drôle de sentiment d’être celui que son nerd cherchait, au point qu’il s’était mis à jouer à “cache-cache” en se disant à lui même “gagné” ou “perdu” selon si il s’était sentit trouvé ou non, chose qui l'amusait tant que c'en était devenu une routine (ne comprenant pas ce qu’il faisait, ses camarade avaient alors décrété qu’il était sans doute devenu fou). Le type à la capuche, doué pour le jeu du cache-cache, l’emportait la plupart du temps, y compris ce matin, alors qu’il était juste sous le nez de son adversaire qui aurait pu cette fois-ci le trouver sans difficulté. 

 

-Gagné…? pensa l’encapuchonné en maudissant le téléphone d'être plus intéressant que lui, avant de lever un sourcil, réalisant qu’il était en fait curieux que son nerd ne bouge pas d’un poil. 


 Il avait bien compris que la barrière imaginaire était difficilement accessible, mais la situation était tout de même étrange : le type à la casquette ne réagissait pas alors que trois paires d’yeux le fixaient avec insistance, il n’avait pas sourcillé alors qu’il était évident qu’on s'étaient adressé à lui, et il ne semblait pas perturbé par le brouhaha environnant. Encore une fois, la curiosité de l’encapuchonné fut piquée : un détail lui échappait. 

 Et il n’était pas le seul que l’attitude de son voisin avait interpellé, car ses deux camarades se posaient eux aussi les mêmes questions.


-Bah alors, il est muet ton pote ? dit l’un d’eux.


-”Pote ?” répéta mentalement l’encapuchonné avant de lui-même réaliser qu’il était surprenant qu’un élève du lycée se soit approché de lui.


-Hé, dis au moins bonjour. La politesse j’sais pas, ajouta le camarade de l’encapuchonné à l’intention d’Izuku.


-Mec résigne toi, personne à envie de parler avec toi, dit le deuxième garçon.


-Vas-y tg, répliqua l’autre avant d’insister auprès d’Izuku: “Allô ?”.


-Haaa… souffla l’encapuchonné en assistant à la scène, en se faisant une idée de ce que pouvait être “le mur”, “Ha.”, réitéra- t-il en voyant que la main qu’agitait un de ses camarades devant le nez de son voisin l’avait enfin fait réagir. 


 Izuku qui avait sursauté, leva la tête avant de constater que les paires de jambes de tout à l’heure étaient toujours là, et surtout, qu’elles appartenaient aux deux garçons qui accompagnaient toujours son Charlie.


-Si ils sont là, lui aussi ? réalisa t-il mentalement en balayant son champ de vision pour enfin remarquer la présence de son mystérieux inconnu qui lui aussi le regardait, les bras négligemment posés sur ses genoux. 


 L'estomac d'Izuku lui fit de nouveau un émouvant “au revoir” quand ses yeux rencontrèrent ceux de son Charlie, et il resta quelques secondes figé, la bouche entrouverte, avant de se ressaisir, sentant que ses jambes devenaient bizarrement cotonneuses. Izuku tourna la tête pour faire face à celui qui avait attiré son attention, et l’'expression d’incrédulité du garçon aux cheveux blond lui fit comprendre que visiblement, ce dernier avait tenté de rentrer en contact avec lui, et qu'il avait dû être ignoré. 


-Je suis désolé. Je n’entend pas, articula Izuku avec soin en tapotant son oreille du doigt. 


-Hein ? De quoi ? dit le garçon blond.


-J’ai rien compris gros, ajouta celui aux cheveux rouges.


-Il est sourd. P’tain, vous êtes long à la détente, intervint l’encapuchonné en se levant. 


 Le blond ouvrit de grand yeux, et après une courte réflexion, il regarda Izuku et lui dit très fort en se penchant:


-Sérieux ?? Tu nous entends pas ??


 Izuku eut un petit mouvement de recul et fit non de la tête avant de taper un message sur son téléphone qu’il tendit ensuite au blond.


-Je n’entends rien, alors ne t’inquiètes pas, tu n’es pas obligé de crier, lut ce dernier avant d’avoir droit à des ricanements moqueurs de la part de ses camarades. “Oui bah ça va, je pouvais pas savoir aussi,” ajouta t-il à leur adresse ensuite. 


 Habituellement, ce genre de situation était gênante pour Izuku, et ça le rendait un peu nerveux. Pour lui, c’était chaque fois comme devoir faire un coming out où la réaction de ses interlocuteurs était incertaine. Mais visiblement, le blond n’était pas gêné par sa gaffe, ce qui plaisait beaucoup à Izuku. Généralement les gens se confondaient en excuses et le regardaient l'air de dire «Oh, pauvre petit», chose qui l’insupportait. Il était sourd, pas mourant.

 Content d'avoir eu pour une fois une réaction adaptée, Izuku s’encouragea à poursuivre l’échange, et tapa un autre message sur son téléphone qu’il tendit ensuite aux camarades de son Charlie. 


- “Vous vous appelez comment ?”, lut à haute voix le garçon aux cheveux rouges. 


 Le garçon blond attrapa son portable pour répondre, mais Izuku l’arrêta pour lui indiquer de parler normalement. Cependant son interlocuteur ne sembla pas comprendre, et cligna des yeux l’air dubitatif, faisant lever les yeux au ciel du type à la capuche.


-Cause, dit-il simplement au blond. 


-Mdr pour une fois qu’on te demande de l’ouvrir. T'inquiètes frérot, les types sourds ils ont un skill pour lire sur les lèvres. C’est des ouf, expliqua le garçon aux cheveux rouge.


-Aaaaaah ! s’exclama le blond avant de se présenter lui et son ami, “Moi c’est Denki, et lui c’est Kiri, comme le fromage.”, dit-il avant de rire à sa propre blague.  


-Ignore ce mec, il est insupportable. Plus con tu meurs, soupira Kiri en mettant un petit coup de poing à l'épaule de Denki. 


 Izuku rit silencieusement en enfonçant sa tête dans son col, se disant que ces deux-là avaient tout du parfait duo de comique, puis il se rappela que son voisin de gauche était encore anonyme. Se préparant à un autre contact oculaire des plus perçant, Izuku se retourna courageusement vers le type à la capuche, impatient d’enfin savoir comment il se nommait, parce qu’à vrai dire, “Charlie”, ça n’allait pas vraiment à son allure. 

Maintenant qu'il le voyait de près, Izuku constatait que les yeux qu'il avait croisé le jour de la rentrée étaient marrons, bien qu’il soit difficile d’en dire plus car ils étaient assombris par sa capuche et sa frange d'où Izuku entraperçu un reflet argenté, lui faisant deviner que le sourcil gauche était décoré d’un piercing, comme ses lobes, eux aussi piercés et élargis par des écarteurs, également en argent. Izuku, tout amoureux de bodmod qu’il était, appréciait tout particulièrement ce style de bijoux, et à vrai dire il était même ravi de trouver d’autres amateurs de styles originaux et/ou alternatifs dans l'établissement. Kiri avec ses cheveux rouges, coiffé en mulet et tondu sur les cotés (qui semblaient comme ceux d’Izuku rencontrer quelque difficultés avec le peigne) semblait avoir quelques influences punk qu’il mêlait à un look streetwear en portant des pantalons baggy Dickies qu’il associait avec une veste Teddy qu’il portait sous une jacket en jean aux manches déchirés (apparemment toujours la même). Tandis que Denki lui, semblait préférer les fripes de surplus militaire au vu de sa parka visiblement bien usée, et comme Izuku, il devait apprécier les sweat larges et confortables, probablement pour pouvoir bouger librement quand il sortait, car même si Izuku ignorait si c'était le cas (bien que le casque puisse être un indice), son look avait tout de celui de certains teufeurs. Pour ce qui était du Charlie d’Izuku, bien qu’il soit visiblement plutôt amateur de style rock’n roll, comme le laissait à penser sa ceinture à clous, l’ensemble était plutôt sobre avec des pièces somme toute basiques : un perfecto noir, un sweat noir, un tee shirt noir, un jean noir, et des rangers noire, le tout plus ou moins en bon état, donnant un effet “faussement négligé” (ou pas d’ailleurs) à l’ensemble. Cette association de vêtements ne changeait d’ailleurs jamais comme Izuku avait pu le remarquer dans la semaine, et il s’en était même un peu amusé, en imaginant un dressing avec plusieurs exemplaires des mêmes vêtements. Cependant, le manque de créativité en terme de mode du type à la capuche n’enlevait rien à son charisme qui en fait, était ce qui l’habillait le mieux. Ce dernier devait probablement faire partie de ses chanceux qui n’ont pas besoin de grand chose pour ne pas passer inaperçus. L’encapuchonné était d’ailleurs difficile à rater, car il devait en partie son charisme à sa carrure : il était plus grand qu’Izuku (bien que ça ne soit pas difficile, Izuku était plus petit que la moyenne pour un garçon de son âge, chose qui le complexait beaucoup) et que la plupart des élèves, si bien qu'il aurait presque pu se faire passer pour un terminal. En bref, pour résumer, aux yeux d’Izuku, le type à la capuche était un garçon qui en imposait naturellement, et en plus, il était beau.

 Cette dernière remarque incendia les oreilles d’Izuku qui s’administra une paire de claques mentales avant de la chasser de sa tête, et fort heureusement, il n’eut pas le temps d’y penser plus longtemps : Izuku sursauta en sentant une main lui saisir énergétiquement l'épaule. 


-Salut ! lui dit Ochaco, l'air rayonnant.


 Izuku la salua à son tour très brièvement, et se retourna aussitôt pour reprendre la ou il s’était arrêté. Mais entre-temps, la cloche avait dû retentir car le type à la capuche disparaissait dans la classe, et Denki et Kiri étaient rentrés dans la salle d'en face où avait lieu le cours d'Espagnol. Ochaco qui s’y rendait aussi, fit un signe de la main à Izuku avant de rejoindre sa classe. Ce dernier l’imita, contrarié de ne pas avoir pu apprendre le véritable nom de son Charlie qui était installé deux rang devant lui sur la rangée de droite, pas suffisamment près pour voir un nom griffonné sur un cahier. Cependant, Izuku qui préférait de loin l’apprendre de sa bouche à lui, ignora l’appel, et n’envisagea même pas de demander l’information à un de ses camarades de classe, préférant le lui demander directement à la fin du cours. Malheureusement, il n’en eut pas l’occasion, visiblement son Charlie qui resterait anonyme pour le moment, semblait avoir la même faculté à savoir disparaître instantanément que Batman, car il s'était volatilisé aussitôt le cours terminé, comme il s'était évaporé après la cérémonie de rentrée. Ce n’est que plus tard dans la journée qu’Izuku le repéra dans un couloir en train de discuter avec d'autres élèves qui devaient être en terminale, ce qui le découragea d’aller à sa rencontre. Une sage décision, car visiblement la discussion n'avait pas eu l'air de bien se passer : Izuku avait vu le type à la capuche repousser d'un geste sec la main d'un de ses interlocuteurs qui avait tenté de l'attraper par l’épaule, et il était ensuite parti en lui adressant un doigt d'honneur. 

 Le soir venu, en quittant le lycée, Izuku jeta un dernier regard à la cour, puis s’en alla, déçu de ne pas avoir vu de capuche se pointer à l’horizon. Et pourtant, en sortant de l'établissement pour rentrer chez lui, Izuku passa juste à côté de son mystérieux inconnu.  


-Gagné, souffla le type à la capuche depuis sa cachette en regardant son nerd s'éloigner, “Bon. Il est nul à ce jeu”, ajouta t-il mentalement en s’extirpant du buisson dans lequel il s'était dissimulé. 


 Bien que l’encapuchonné apprécie de jouer à cache cache, il fallait admettre que le jeu était moins stimulant quand on était à peu près sûr de pouvoir le gagner, et maintenant qu’il avait plus ou moins rencontré son adversaire, il n’y trouvait plus trop d'intérêt. Toutefois, sa curiosité restait intacte, et sa rencontre matinale avec son nerd l’avait même stimulée, voire un peu frustrée. 

 Izuku l’ignorait, mais son mystérieux inconnu, qui avait partagé la même frustration que lui ce matin, l'avait imité, et s'était bouché les oreilles pour ignorer l’appel. 


-Hmmm…a face with no name…A game I can play…commença à fredonner l’encapuchonné en s’enfonçant dans une bouche de métro, “La patience est une vertu”, dit-il pour lui-même ensuite en levant le doigt.


***




-Kyoushitsu no mado no soto ni…Densha ni yurare hakobareru asa ni…Aishikata sae mo kimi no nioi ga shita…Arukikata sae mo sono warai koe ga shita…fredonnait muettement Izuku en mettant le couvert sur la table du balcon. 


 Le week-end était enfin arrivé et Izuku avait déjà son programme tout trouvé. Septembre offrait encore de belles journées, alors il projetait d’en profiter pour sortir se promener. Il avait pu explorer les environs dans la semaine, mais cette fois-ci il prévoyait d’aller un peu plus loin dans le but de trouver ce qui serait peut être son futur “refuge”. 

 Petit déjà, Izuku avait toujours eu besoin d’un endroit, un repère rien qu'à lui, et à chaque fois, c’est dans des lieux isolés, des bois ou des parcs qu’il les avait déniché. Et justement, en faisant quelques recherches, Izuku avait trouvé une ville, pas la porte à côté, mais qui semblait avoisiner une grande forêt, et où il prévoyait de se rendre après avoir déjeuné en tête à tête avec sa mère. Izuku appréciait énormément ces moments privilégiés avec elle, et ce jour plus encore, car il était enchanté de voir qu’elle semblait plus détendue depuis la rentrée, et qu’elle était en plus extrêmement rassurée qu’il côtoie déjà deux de ses camarades, chose dont Izuku s'était lui même félicité. Sa décision de se risquer à approcher d’autres élèves portait ses fruits, et Irène en était effectivement grandement soulagée, car elle avait craint qu'après ce que son fils ait vécu au collège, il passe sa scolarité seul. Cependant, il fallait quand même veiller à s’assurer qu’Izuku aille bien dans son école, et c’est autour de cela qu’Irene orienta la discussion pendant le repas. La conversation fut animée, et voyant que son fils ne semblait pas être mal à l'aise au sujet de l'école, et qu’en plus, il en parlait facilement tout seul, Irène fut rassurée, et elle espéra qu’il en soit de même pour la psychologue qu’Izuku allait voir après le déjeuner.


-Tu vois le médecin tout à l’heure c’est ça ? dit -elle à Izuku après s'être allumé une cigarette.


 Izuku acquiesça en servant un café à sa mère.


 Izuku était suivi par une psy qu’il voyait régulièrement suite aux événements dans son ancien collège, et à vrai dire, ce n'était pas une partie de plaisir pour lui. Il était surtout pressé d’en finir, car ces séances de psychothérapie au cours desquelles il avait l’impression de devoir répondre à un interrogatoire ou on lui ressassait sans cesse toute son histoire était une perte de temps pour lui. D’ailleurs pour s’en débarrasser, il finissait la plupart du temps par dire ce que la psy avait l'air de vouloir entendre, car selon lui il pouvait maintenant tout à fait se passer de ce suivi. Bien qu’il faille admettre qu’il y avait eu un dérapage au collège, et que la situation lui avait échappé, Izuku pensait s’en être remis, et d’après lui, il était désormais tout à fait capable de se gérer tout seul. Il solutionnait très bien avec ses propres moyens ses problèmes, et la leçon était désormais apprise. Mais malgré tout, Izuku continuait à se rendre docilement à ses rendez-vous dans le seul et unique but de rassurer sa mère qui, par sa faute, avait également été éprouvée par ce harcèlement qui avait finit par éclabousser aussi leur vie de famille, au point qu’elle aussi doive consulter un psychologue. C'était donc un maigre sacrifice pour Izuku qui voulait avant toute chose s’assurer que cette dernière aille bien. Alors quand bien même la psychothérapie n'était ni son activité favorite, ni son sujet de conversation préféré, Izuku répondait toujours à sa mère qui lui en parlait souvent. 


- Ça se passe toujours bien ? demanda Irène.


- Oui, je me sens bien maintenant. Ça m'a aidé pour retourner en cours sans angoisser, et comme je te l'ai dit les gens sont plutôt sympas au lycée, signa Izuku


-Je suis contente pour toi poussin. J'espère que ça va continuer comme ça. Mais…Au moindre signe de harcèlement, rappelle-toi qu'ils sont au courant dans ton lycée, donc n’hésite pas à aller les voir. 


 Irène fit semblant de menacer Izuku en le pointant de son indexe et de son majeur avec lesquels elle fit quelques aller-retour dans ses yeux et ceux de son fils. Izuku rit et fit mine de prendre peur, avant d’insister, voyant que sa mère n’était pas tout à fait convaincue.


-Promis, pas de méchants caïd en vue, pas de racket, et encore aucune forme d'insultes ni de harcèlement à l’horizon, signa Izuku avant de regarder au loin les yeux plissés, sa main en guise de visière.


  Irène rit avant d'écraser sa cigarette en regardant son fils l'air de dire “Bon d'accord”.


-Tu veux que je t’emmène à ton rendez-vous ? dit-elle ensuite


-Non merci. Il fait beau, je vais y aller en transports, et je vais aller me promener après, articula Izuku.


-D’accord poussin, ne rentre pas trop tard ce soir ok ? Et tu m'écris au moindre problème.


-Promis, signa Izuku.


 Irène était habituée des escapades de son fils, il l’avait toujours fait, mais des suites du harcèlement qu’il avait subi, ses “petites virées” ne la rassuraient pas, et le savoir seul dehors faisait souvent éclater sa jauge d'inquiétude. Cependant, elle se rappela au calme, se disant que tout ceci était maintenant derrière eux, et qu’en plus les psychologues l’encourageaient à laisser Izuku reprendre les activités qui lui plaisait. Alors Irene le laissait faire à sa guise, sachant que c’était pour lui des moments privilégiés qui en plus, ne pouvaient que lui faire du bien. Et il était de toute façon inutile d’aller contre la nature de son fils qui avait toujours eu un petit côté “sauvage”, et ce depuis sa plus tendre enfance. Un trait de caractère qui l’avait rendu extrêmement débrouillard, et sachant en plus qu’Izuku était un garçon futé et intelligent (en toute objectivité), Irène savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Son seul regret la dedans, c’était de voir Izuku faire ses sorties seul, et elle rêvait secrètement de le voir un jour sortir avec quelques copains, car après tout, c’était de son âge. 

 Pendant qu'Izuku s'affairait à mettre le couvert dans le lave-vaisselle, Irène fit promettre au ciel d'amener à son fils des gens, ou ne serait-ce qu’une personne, que son garçon accepterait de faire rentrer dans sa bulle, voire de la faire éclater, pour qu’il puisse accéder au plein épanouissement qu’il méritait. Puis, Irène qui avait machinalement mis ses mains en prière pour invoquer toutes les ressources de l'univers pour son fils, sursauta quand celui-ci vint l'interrompre.


-Allô la terre ? articula Izuku en secouant une main devant sa mère avant de lui faire signe qu’il partait. 


 Irène s’excusa et embrassa son fils sur la joue avant de le regarder s’éloigner en direction de la porte, en se faisant une image mentale d'au moins une personne qui se tiendrait aux côtés d’Izuku, dans un futur qu'elle espérait proche.



***



 Malheureusement pour sa mère, c’est plutôt seul qu’Izuku envisageait son futur, chose qui lui ne l’inquiétais pas. Et c’est tout en se projetant dans cet avenir solitaire qu’il marchait lentement, voire presque à reculons, dans la rue où se trouvait le cabinet où il faisait sa thérapie. Arrivé à destination, Izuku soupira devant la large porte en bois de l'immeuble qui était le dernier rempart entre lui et sa salle d'interrogatoire, tout en se préparant à user de stratagèmes pour satisfaire la psychologue afin qu'elle fasse un rapport optimiste à sa mère. 

 Une fois par mois environ, Izuku se rendait au cabinet en compagnie de sa mère pour qu'ils parlent ensemble de l’évolution de son cas, et voyant qu'à priori la situation s’améliorait pour son fils, elle en sortait apaisée. Et c’était tout ce que souhaitait Izuku, quitte à déformer un peu la vérité ou à occulter certains détails. Il avait d’ailleurs un peu menti sur l'absence d'insultes au lycée, en vérité Izuku l'ignorait, car il faisait surtout en sorte d’admirer ses chaussures pour s'épargner de voir les potentiels regards moqueurs des autres élèves, ce qui pour lui était la meilleure chose à faire. Mais il y avait de grandes chances que ça se soit déjà produit, d'expérience, Izuku savait pertinemment que sur toute la population d'un établissement scolaire, il était forcé que certains, moins intelligents que d'autres, prennent pour cible quelques camarades pour s'en prendre à eux, et si ça n’était pas le cas maintenant , ça le serait plus tard, certainement le temps que les bourreaux repèrent leur futures victimes. Et un élève sourd ou avec une toute autre forme de "différence" constituait une proie de choix pour cette catégorie d'élèves, donc il s'y attendait de toute manière. Mais rien d'inquiétant pour Izuku qui y était accoutumé, et qui avait déjà des stratégies pour parer aux conflits et diverses agressions. Plusieurs possibilités s’offraient à lui : le dialogue étant compliqué, il l’avait déjà à peu près rayé de la liste, donc dans un premier temps, l’ignorance était la meilleure solution, et avec un peu de patience, certains se lassaient et finissaient par lâcher l'affaire. Dans des situations plus problématiques, il pouvait compter sur ses capacités sportives pour se carapater, bien que la fuite ne soit pas une solution qui lui plaise particulièrement, et dans les cas encore plus extrêmes, quand celle-ci n'était pas envisageable, si il fallait en venir aux mains, Izuku n'hésitait pas. Il ne craignait pas de se battre (voire aimait presque ça), ça lui était déjà arrivé, et bien qu'il soit menu, ses quelques adversaires devaient se souvenir de lui et de ses coups de pied (une signature dont Izuku était plutôt fier, la danse l’ayant doté d’une souplesse extraordinaire et surtout redoutable quand elle était utilisée pour le combat).  


-Une bonne chasse dans les chevilles, et c’est plié, pensa Izuku sur le palier du cabinet en s'étirant les épaules comme un boxeur le ferait avant d’aller sur le ring. 


 Comme prévu, la séance fut longue et ennuyeuse, et aussitôt sorti, Izuku fonça dans le premier métro pour entamer la deuxième partie de son après midi, qui elle, allait être beaucoup plus agréable. Izuku consulta son itinéraire, afin de s’assurer qu’il ne se tromperait pas de train car le trajet nécessitait deux changements. C’est aussi pourquoi Izuku avait choisi cet endroit, il aimait beaucoup passer du temps dans les transports, bien qu’il ait dû trouver une parade pour contourner les potentielles interactions avec les autres usagers : il avait toujours une paire d’écouteurs afin de ne pas être dérangé durant ses trajets. Izuku s’en équipa et brancha le jack à son téléphone pour rendre l'illusion parfaite, tout en espérant qu'un jour, l'illusion n'en soit plus une, car quand bien même il pouvait “sentir” la musique, l'entendre était une des choses qui lui manquait le plus. 

 Depuis un an maintenant, une chance de récupérer son ouïe perdue s'était profilée à l'horizon. Une opération qui lui permettrait de récupérer 100% de son audition avait vu le jour, et bien qu’elle soit risquée et que les chances de réussite ne soient que très minces, Izuku avait tout de suite voulu la faire. Mais la liste d’attente était longue, et malgré l’influence de son père qui faisait des pieds et des mains pour qu’ils l’obtienne, il n’avait pas encore eu de proposition de dates de la part du chirurgien. Alors en fin de compte, pour ne pas trop nourrir d’espoirs, Izuku avait préféré se dire que ses chances de l’obtenir étaient quasiment nulles, voire carrément de l’ordre du miracle, chose qui à défaut de le préparer mentalement à quoi que ce soit, le déprimait à chaque fois qu’il y pensait. 

 Pour essayer de se redonner du baume au cœur, et à défaut de pouvoir réellement profiter de ses écouteurs qui malgré tout jouaient quand même la musique, Izuku se mit à chanter dans sa tête qui faisait parfaitement office de mp3, faute de mieux. 



“Creep”-Radiohead

https://www.youtube.com/watch?v=XFkzRNyygfk


-…I wish I was special…you're so fuckin' special…But I'm a creep…I'm a weirdo…What the hell am I doin' here…? I don't belong here…I don't care if it hurts. I wanna have control. I want a perfect body. I want a perfect soul…I want you to notice…When I'm not around…So fuckin' special…I wish I was special…But I'm a creep…I'm a weirdo…What the hell am I doin' here? I don't belong here…fredonna muettement Izuku en balançant doucement la tête. 


 Cette chanson, Izuku l’avait beaucoup écouté étant petit, et si un jour le miracle avait lieu, il s'était promis qu’elle serait la première qu’il entendrait. Une promesse qui, à défaut de le consoler, l’attrista plus encore. Izuku ne comptait plus désormais que sur sa promenade pour se changer les idées dans un endroit dans lequel il espérait trouver un calme et un isolement qui lui était indispensable pour se ressourcer.

 Fort heureusement, ses espoirs de trouver un nouveau refuge ne furent pas déçus, bien que dans un premier temps Izuku ait été inquiété par l'allure grise et morne du lieu où il avait atterri en sortant du train. Mais en fin de compte, après avoir marché un moment en laissant le destin le guider, il était tombé sur ce qu’il avait identifié comme étant une ancienne usine dont la vaste installation inachevée avait été abandonnée, et où la nature reprenait ses droits. La verdure se mêlait aux bâtiments délabrés en béton, et les quelques murs encore vierges de végétation étaient parfois couverts de graffitis, plus ou moins réussis. Un cadre idéal pour Izuku qui ne pouvait que se féliciter de la découverte. 


-C'est par-fait ! pensa-t-il en balayant l’endroit du regard pour constater qu’il était parfaitement désert, avant de reprendre sa marche.


 Plus loin, en lisière de forêt, Izuku croisa un pont surplombant un fleuve, lui aussi inachevé, simplement fait de dalles de béton, et dépourvu de garde-corps. Il décida de s’installer en contrebas, juste au bord de l'eau, et descendit tout droit le talus qui bordait le pont. Celui-ci se révéla bien plus raide que ce qu'il pensait, et il était en plus difficile de s’y mouvoir tant il y avait d'arbres et de végétation. Arrivé en bas, non sans avoir failli se casser la figure à plusieurs reprises, Izuku escalada quelques pierres qui bordaient le fleuve pour prendre un peu de hauteur, et balayer l’endroit du regard. Du côté de la rive opposée, il repéra une gros rocher baigné de soleil qui aurait fait un parfait spot pour lui, mais Izuku y renonça, par fainéantise, ne voulant pas escalader de nouveau le talus pour passer de l’autre côté du pont, seul endroit connu pour le moment par lequel il aurait pu y accéder. Et il aurait fallu en plus sauter sur quelques caillou pour s’y rendre, en prenant le risque d’être mouillé voire de tomber dans l’eau. N’ayant pas prévu de se noyer aujourd’hui, Izuku redescendit de son perchoir, et longea brièvement la rive du fleuve avant de s'installer confortablement pour dessiner sur son carnet de croquis qu’il commença à noircir aussitôt.

 Durant l'après-midi, Izuku decida officiellement de faire de l’endroit son tout nouveau refuge, heureux d’y avoir trouvé tout ce qu’il en attendait. Il n’aurait pas pu rêver mieux, la nature, la forêt, les arbres, l’eau, étaient des éléments qui lui étaient familiers et dans lesquels il se sentait bien, même sans entendre Izuku sentait qu’il régnait un calme absolu dans le lieu, et il n’y avait pas âme qui vive, pas un seul intrus pour déranger sa tranquillité. Sa seule compagnie fut un chaton au pelage tout noir (à l’exception d’une tache blanche sur sa poitrine qui avait tout l’air d’un logo Batman pour Izuku), et aux yeux verts, sortit des bois, qui était venu chercher quelques caresses avant d'aller s'allonger dans un rayon de soleil. Ce n’est que lorsque ce dernier vint de nouveau réclamer de l’attention qu’Izuku leva la tête de son carnet.


-Tua tu peux veni’ quond tu vueux…souffla Izuku en regardant le chaton se frotter à son genou. 


  Izuku gratta le menton du chat avant de le regarder disparaître derrière un arbre, puis il frissonna, sentant une petite brise fraîche se lever. Il commençait à faire plus froid, et la luminosité indiquait que la notion du temps avait dû lui échapper. Izuku s’étira les bras avant de se lever, et fit quelques pas avant de s'interrompre un instant, croyant avoir senti une odeur familière de cigarette. Ne voyant personne aux alentours, il poursuivit sa route, et entreprit l’ascension du talus en regrettant de s’être équipé d'une paire de Nike, des semelles moins lisses lui auraient facilité la tâche. Arrivé à la hauteur du pont, et sur les derniers mètres qui lui restait à faire, Izuku se jura de trouver un chemin moins chaotique la prochaine fois qu'il viendrait. 


-Olala…J’aimerai bien être un chat moi aussi…pensa Izuku après avoir manqué de se casser la figure pour la énième fois. “Quel enfer ce truc, je vais mour…” ajouta t-il mentalement avant de s'interrompre, voyant du coin de l’œil quelque chose bouger sur le pont.


 Izuku redescendit prudemment de quelques pas pour se rapprocher, et constata que ce n’était pas quelque chose, mais quelqu'un. Il poussa deux branches qui l’empêchaient d'y voir plus clair, curieux de savoir qui était l'intrus avec qui il allait devoir partager ce tout nouveau havre de paix. Izuku plissa les yeux, espérant que l’étranger ne soit qu’un amateur d’urbex simplement de passage ici. Mais rien de tout ça ici, et en reconnaissant l’individu sur le pont, Izuku sentit son cœur bondir dans sa poitrine. 


-Charlie ??! s’exclama muettement Izuku, stupéfait de le trouver ici.


 Izuku se frotta les yeux pour s’assurer qu’il n'hallucinait pas, mais visiblement cette apparition n’avait rien d’un mirage. Son Charlie était bien là, debout, au milieu du pont, et semblait contempler le vide depuis le bord. 


-Depuis le…Le bord? articula Izuku en voyant que le bout des rangers de son Charlie se trouvait dans le vide. 


 Les entrailles d’Izuku se nouèrent instantanément, une peur soudaine lui donna la sensation de plonger dans de l'eau glacée, et dans la seconde, avant même que son cerveau ait eu le temps d’y penser, son corps fut saisi d'une pulsion qui lui donna l’ordre de s’élancer vers le pont. Mais avant que celui-ci ne soit mis à exécution, la silhouette encapuchonnée se pencha, comme pour voir sous le pont, et resta ainsi quelques secondes, avant de finalement s'asseoir sur le bord. Après quoi, l’encapuchonné chercha quelque chose à l'intérieur de sa veste, sous le regard d’Izuku qui, il n’aurait su dire pourquoi, était devenu l’intrus de ce lieu qu’il pensait être devenu le sien. Il se figea, et cessa presque de respirer pour être indétectable, tout en espérant que le chat qu’il voyait courir après quelque chose en contrebas ait détourné l’attention de son Charlie d'éventuels bruits qu’il aurait pu faire. Puis tout en regardant le nuage de fumée qui s'évaporait autour de la silhouette encapuchonnée qui venait de s’allumer une cigarette, Izuku posa sa main contre sa poitrine pour se rappeler au calme. Ses entrailles avaient retrouvées leur place, mais son cœur cognait toujours. En attendant de retrouver un rythme cardiaque normal, Izuku observa son Charlie balancer lentement ses jambes dans le vide, jusqu'à ce qu'après un moment dont il ignorait la durée, et une deuxième cigarette, ce dernier se lève et s’étire avant de partir du côté opposé d’où se trouvait Izuku qui se laissa tomber assis en soufflant lorsque la silhouette encapuchonnée disparu dans l’ombre des arbres. C'est la vibration du portable qui était dans sa poche qui ramena Izuku à la réalité, et en le déverrouillant pour voir la notification qu'il avait reçue (une négociation Vinted réussie), il réalisa qu’encore une fois la notion du temps lui avait échappée. L’esprit encore chamboulé par la scène à laquelle il venait d'assister, Izuku se hâta de finir sa terrible ascension du talus pour ensuite se presser en direction de la gare.


-Le croiser lui ? Là bas…? C’est improbable... pensa Izuku en arrivant à destination. 

 

 En voyant sur l’écran de la gare que le départ de son train était imminent, Izuku sprinta jusqu'au quai, et se jeta in extremis dans le dernier wagon, juste avant la fermeture des portes. Après quoi, il s'installa sur le premier carré de sièges vides qu'il trouva, et s’équipa de ses écouteurs avant de reprendre le fil de ses pensées. 



“The hero” (Psyclon Nine remix)-Dismantled

https://www.youtube.com/watch?v=792wcnuY7Io&list=OLAK5uy_k0v40tW0tWl6uZ5Br3lmEgIGmWhSrfxWQ&index=10



 Deux stations plus tard, deux personnes vinrent prendre les places qui lui faisaient face, mais Izuku les aperçut à peine, occupé à regarder le paysage qui défilait à grande vitesse dans la fenêtre. Puis, il sentit un coup de pied auquel il ne prêta pas attention, se disant que ça devait être accidentel. Puis deux, puis trois. Visiblement on cherchait à l'interpeller. Izuku finit donc par lever la tête, pour découvrir par qui, et pourquoi sa tranquillité avait été interrompue.


-Mauvaise pioche, se dit-il immédiatement en découvrant deux caïds qui le toisaient en ricanant.


-C’est quoi ça, une sorcière ? dit l’un d’eux.


- Tu reviens d'une ballade au cimetière ou quoi ? ajouta l’autre.


  Leur propos firent instantanément fulminer Izuku qui réussit toutefois à ne rien en montrer, préférant choisir de les ignorer en faisant mine de regarder le paysage.

 Quatrième coup de pied.

 Izuku inspira profondément en fermant les yeux, tandis que le train entrait dans un tunnel.

 Cinquième coup de pied.

 Izuku sentit sa patience le quitter, mais il prit encore sur lui, espérant que les caïds finissent par se lasser. 

 Sixième coup de pied.

 La colère se fit sentir, mais Izuku la contint, avant de faire un geste de la main signifiant à ses indésirables voisins de le laisser en paix.  

 Mais inutile de compter sur la patience, l'un des caïd, provoqué par le geste d'Izuku, lui arracha ses écouteurs des oreilles. Izuku les lui repris aussitôt, et réussit encore une fois à se maîtriser pour ne pas exploser. Ne souhaitant pas provoquer d'esclandre dans le train, il se leva pour changer de place, mais un des deux caïds le fit se rasseoir de force en écrasant sa main sur son épaule. Izuku s'en dégagea aussitôt sans douceur, dans le même temps qu’il sentit le sang lui monter à la tête de manière fulgurante. Dans sa contenance, Izuku serra si fort les poings qu’il se fit mal avec ses propres ongles, car sa seule envie du moment, c'était bien de leur coller dans les dents. 

 Voyant clairement qu’il avait réussi à provoquer sa victime, l’un des caïds ricana avant de s’adresser à elle. 


-Fais pas le malin enculé, prévint-il


 C'était trop. Izuku sentit son sang ne faire qu’un tour, un signal qui indiquait que l’irruption était imminente, et qu’il n'était plus question pour lui d'éviter l’esclandre. L'envie de pulvériser les caïds ne faisait qu’accroître, et le cerveau d'Izuku fonctionnait désormais à plein régime pour décider de la suite de la manœuvre. Leur expliquer qu'il était sourd ne ferait qu’envenimer les choses, il en était sûr, car ces deux imbéciles avaient de toute façon certainement pour seul et unique but de chercher les embrouilles, et ils ne lâcheraient pas l'affaire tant qu'ils n’auraient pas obtenu ce qu'ils voulaient. Et si ce qu’ils voulaient c'était qu’on leur casse le nez, Izuku allait se faire un plaisir de leur faire ce cadeau. Il n’attendait désormais qu’une chose : que les caïds osent le toucher encore une fois, ou lèvent seulement la main sur lui pour leur sauter à la gorge.  


-File ton portable, et on te laisse partir entier, dit l’un des caïds.


-Ca tombe bien, je le voulais ce Iphone, dit l’autre en pointant du doigt le téléphone d’Izuku, “Bah alors ? T’inquiète pas, maman t’en rachètera un…Gros fils de bourge de merde…” ajouta t’il en s’adressant à Izuku comme si il avait été un bébé. 


-Mon portable de fils de bourge je vais te le coller dans les dents tu m’en diras des nouvelles ! Espèce de fond de raclure de chiotte ! articula Izuku agressif, fou de rage que l’individu ait osé insulter sa mère.


 Les deux caïds qui n’avaient bien évidemment pas compris ce qu’Izuku leur avait articulé éclatèrent de rire, et toujours hilare, l’un d’eux s'avança, prévoyant d’attraper sa victime par le col. Izuku se raidit, attendant le bon moment pour saisir la main du caïd, et lui faire une clef de bras qui promettait d'être douloureuse. Puis, alors qu’il allait justement amorcer le mouvement, Izuku sursauta, quand quelqu'un vint s'asseoir lourdement à côté de lui avant de lui mettre un coup d'épaule. 


-Quoi, encore un ?? pensa Izuku avant de se retourner pour jeter un regard rempli d’éclair à sa gauche.


 Les éclairs disparurent instantanément quand il reconnut les mèches blondes qui dépassaient d’une capuche noire. Izuku cligna des yeux plusieurs fois, confus devant l'apparition soudaine de son Charlie qui en fait, devait véritablement être Batman pour surgir aussi vite et ce, dans les endroits où on l'attendait le moins. 


-Hey, dit l’encapuchonné à Izuku.


-H-Hey...? articula Izuku, surpris de le voir s’adresser à lui alors qu’ils n'avaient même pas échangé un mot la veille.  


 -Qu'est ce que tu fous là ? ajouta le Charlie d’Izuku avec un petit sourire en coin, tout en lui assénant un autre coup d’épaule. 


 Izuku resta béat, encore plus étonné de voir l’encapuchonné lui parler comme s' ils se connaissaient. Et impossible pour lui de savoir quoi répondre, car il était bien évidemment hors de question pour Izuku de révéler à son Charlie qu’il revenait du même endroit que lui. Izuku balbutia muettement quelque chose d'incompréhensible, tandis que l’encapuchonné qui de toute façon n’attendait pas véritablement de réponse, poursuivit dans son élan, en faisant cette fois ci face aux deux caïds qui curieusement, avaient sentit leur assurance perdre quelques points depuis qu'il avait débarqué.


-C'est qui ? Des potes ? Je les ai jamais vus, dit-il en mettant un petit coup de tête en direction des caïds. 


-De quoi ? T'as cru qu'on était pote avec ce gars chelou ? Dégage, répondit le caïd assis en face d’Izuku en prenant un air dégoûté.


-Ouai, casse toi sale punk. Retourne faire la manche espèce de clochard, ajouta celui assis en face de l’encapuchonné.


 Le “sale punk” leva les sourcils, puis après une courte réflexion, il se pencha en posant ses coudes sur ses genoux pour se reprocher de celui qui avait eu le l'audace de l'insulter.


- Ha ? Tu peux répéter ça ? dit-il en plissant les yeux, avant de tendre l’oreille pour être bien sûr d'entendre la réponse du caïd, réponse qui déciderait des mesures à prendre par la suite.


-T'es sourds ? Je t'ai dit de dégager. On a un truc à régler avec ton pote, répondit le caïd en montrant Izuku d'un signe du menton. 


 En guise de réponse, l’encapuchonné souffla bruyamment en regardant le sol avant de relever la tête pour regarder le plafond, et s’accorder quelques secondes de réflexion. Il avait peu de solutions devant lui : de toute évidence, il était inutile de se montrer subtile et de parler avec ces types qui, de toute manière, ne méritaient pas qu’il gaspille sa salive, son énergie, et son temps. Et bien que l’envie ne lui manque pas de leur faire comprendre la vie avec au minimum une gifle, l'idée de les tabasser dans un lieu aussi exposé n'était pas vraiment des plus brillante non plus. Toutefois, il était tout à fait possible de leur faire comprendre que c'était une solution envisageable. Alors, l’encapuchonné baissa la tête et s’approcha un peu plus du caïd qui lui faisait face. Ce dernier eut un mouvement de recul en voyant que l’expression de l’individu qui lui faisait face avait changée : ses traits s'étaient durcis, comme son regard qui, il eut honte de se l’avouer, lui faisait froid dans le dos. Le charlie d’Izuku, parfaitement conscient de la réaction qu’il venait de provoquer, s’en amusa un court instant avant de parler. 


-Écoute moi gros con. Si toi et ton copain vous décarrez pas dans la seconde, je vous pète les genoux, et vos putains de sales petites gueules avec. Ha. Juste, j’te préviens : j'aime bien prendre mon temps, dit l’encapuchonné dans le plus grand calme avant de hausser les sourcils l'air de dire, “Pigé ?”.


 Les deux caïds eurent un frisson dans la nuque à l'écoute de la menace, et dans la seconde, leur instinct leur indiqua que le type en face d'eux était capable d’exécuter la sentence si effectivement, ils ne décampaient pas illico. Et vérification faite, le gars avait l'air solidement bâti, et ses phalanges marquées indiquaient que certains n'avaient pas pris l'avertissement au sérieux. Il était préférable d'en rester là.


-Sale race, dit l'un d'eux en se levant, suivis du deuxième qui cracha par terre en regardant Izuku et l’encapuchonné l’air mauvais, avant de descendre de la rame. 


 Izuku les suivit du regard jusqu'à ce que la porte se referme sur eux, tandis que son Charlie s'installait en face de lui, l'air très fier de lui. Izuku n'avait absolument aucune idée de ce qu'il avait pu dire, mais il était clair qu’il avait dû les menacer d'une manière ou d'une autre, car son intervention avait été d'une efficacité spectaculaire.


-Facile quand on peut parler, pesta mentalement Izuku en contemplant ses chaussures.


 Sa colère n’était pas encore tout à fait redescendue, et elle se trouvait maintenant mêlée à un grand sentiment de honte. L’intervention de son Charlie avait réveillé ce sentiment de vulnérabilité qu’il détestait par-dessus tout, et lui avait en plus interdit d’infliger une correction digne de ce nom aux deux caïds qui l’avaient clairement sous-estimé. Frustré de ne pas avoir pu faire savoir à ses agresseurs qu’ils s’en étaient pris à la mauvaise personne, Izuku s'accouda au bord de la fenêtre en se rongeant une phalange, enragé d’avoir été sauvé par un justicier à qui il n’avait rien demandé. 


-Hey, dit l’encapuchonné en mettant un petit coup de genou dans celui d’Izuku qui tourna juste les yeux, “T'es ok ?”, demanda t-il ensuite.


- Ça allait, j'aurais pu m'en sortir tout seul, écrit la fierté blessée d’Izuku.


 A la lecture du message, l’encapuchonné hocha la tête avec une moue l’air de dire “Sur”, chose qui aurait vexée Izuku si il n’avait pas ajouté:


-Ouai. En leur collant ton poing dans les dents. 


 Izuku haussa les sourcils, surpris de voir que son Charlie avait compris ses intentions avant d'intervenir, et étonné aussi de comprendre par là que lui ne l’avait peut être pas sous estimé.  


-On ne résout pas tout par la violence, ajouta l’encapuchonné, l’air sérieux, en levant les deux mains au ciel comme pour signifier que c’était parole de dieu.


 L’air moqueur, Izuku pouffa en soufflant du nez, se disant que son justicier n’avait pas une once de crédibilité. Il était évident pour lui que le type à la capuche n'avait pas chassé les caïds avec ce genre de leçon de morale, et il était en plus peu probable qu'il se soit montré poli avec eux pour se faire. Puis c’était facile a dire pour lui, il pouvait parler, dans le cas d'Izuku ce n’était pas possible. Toujours honteux, et maintenant irrité qu'on lui fasse presque le reproche d'avoir voulu en venir aux mains pour se défendre, Izuku tapa rapidement un message sur son portable qu'il tendit ensuite devant lui. 


-“Sur, ces mecs allaient certainement attendre patiemment que j’écrive sur mon portable. Ah non pardon, ils l'auraient certainement volé avant que j’en ai eu le temps.”, lut l’encapuchonné.


-Tu veux que je fasse quoi d'autre ?? articula ensuite Izuku en agitant les bras devant lui, faisant grimacer son Charlie qui serra les dents l’air de dire “touché”, avant de répondre.


-Ok, mais. Règle numéro 1 : jamais péter la gueule d’un gus avant de s'être assuré d’une chose, dit l'encapuchonné en tendant un doigt vers le plafond de la rame, équipé d'une petite caméra.


-Ca m’aurait fait un souvenir, articula Izuku avec dédain.


-Ouai. Pour les flics aussi.


 Izuku souffla du nez en secouant la tête, agacé qu’on lui fasse la morale, tandis que l’encapuchonné se pinçait la bouche, comprenant qu’il allait être difficile de détendre l'atmosphère avec l'énergumène qui se trouvait en face de lui. Mais quelque part, il ne pouvait que comprendre la réaction de son nerd : dans la même situation, sa fierté en aurait aussi pris un coup, chose à laquelle il n'avait pas pensé avant d'intervenir. A vrai dire, il n’avait même pas pensé du tout, et maintenant, il regrettait presque cette intervention, car il aurait aimé avoir le loisir de voir les caïds se faire casser la figure (dans l’espoir de voir au moins une dent voler). Mais avant même de penser à ce réjouissant spectacle, son corps avait bougé de lui-même, et l’avait mené jusqu’à son nerd qu’il avait d’ailleurs été surpris de trouver ici. Une apparition inattendue, et surtout complètement improbable qui l’avait laissé pantois.

 L’encapuchonné avait vu le type à la casquette se faxer dans la rame (il avait pouffé en pensant à ces chats qui s'aplatissent pour passer dans les endroits exigus), et encore une fois, sa curiosité avait été piquée : qui viendrait se perdre dans ce coin à part lui ? Par quel hasard avaient-ils pu se trouver dans le même train, à la même heure, et dans la même rame ? Les réponses, l’encapuchonné avait pensé les obtenir en jouant à son habituel jeu de cache-cache, ou cette fois ci, le but aurait été de se faire trouver. D’une certaine manière, c’est d’ailleurs ce qui s'était produit. Lorsque les deux caïds avaient débarqué, l’encapuchonné avait instantanément cessé de jouer, et quand l’un d’eux avait arraché les écouteurs de son nerd, il s'était subitement, levé, sans réfléchir, pressentant que la situation devenait tendue. Et c'était un euphémisme, car en arrivant l’encapuchonné avait tout de suite compris en voyant son nerd que ça allait devenir explosif. Ce dernier, loin de l’apparence qu’il avait au lycée, avait tout l’air d’être devenu un animal, prêt à bondir au moindre faux mouvement. Une bête qui viserait directement les points vitaux si la moindre ouverture se présentait à lui, et qui de sûr, ne manquerait pas sa cible.


-P’tain. Ca leur aurait fait la bite, songea l’encapuchonné, contrarié d’avoir rendu service aux caïds en leur épargnant de se faire hacher façon tartare par l’animal assis en face de lui, “Hinhinhin…”, ricana t-il ensuite en imaginant son nerd sous la forme d’un Pokémon, mordant furieusement la gorge d'un des deux caïds. 


 Mais malheureusement, l’animal n’avait pas pu obtenir vengeance, et visiblement frustré d’en avoir été privé, il était retournée dans l'éternelle contemplation de ses chaussures. Amusé, l’encapuchonné l’observa un court instant, puis il se pencha afin de se rendre visible sous la visière du nerd récemment devenu un Pokémon auquel il s’adressa ensuite.


-Alors. Disons que tu m'as utilisé pour dire tout haut, ce que tu pensais, là, dit l’encapuchonné en tapotant sa tempe du doigt, avant de reprendre sa place en souriant du coin de la bouche, content d'avoir su trouver un compromis pour soulager la fierté du type à la casquette. 


 Une tactique efficace, car avec le recul, Izuku qui retrouvait doucement son calme, commençait à penser qu'il avait été trop dur, voire carrément impoli avec son Charlie qu’il aurait peut-être fallu remercier avant toute chose. Il fallait l’admettre, ce dernier l'avait tiré d'une très mauvaise passe, et en y réfléchissant bien, son intervention n'avait pas fait qu’éviter une bagarre. Le type à la capuche avait épargné à Izuku de potentiellement rentrer avec un œil au beurre noir, ce qui aurait inévitablement provoqué l'inquiétude générale et fait s'envoler le rapport optimiste de la psy qu'il prévoyait d'obtenir. En songeant à tout cela, Izuku eut un élan de reconnaissance envers son justicier, ce garçon qui, décidément, avait tout d’un Batman, et se sentant coupable, il tendit de nouveau son portable devant lui pour faire son mea culpa.


-“Merci pour ton aide, et excuse moi”, lut le le type à la capuche avant de secouer mollement la main pour signifier que c'était déjà oublié.


-Ok…Merci d’avoir parlé pour moi alors, articula Izuku, l’air penaud, en rangeant son téléphone dans sa poche.


-Ha. Nan. J’ai oublié un truc, dit l’encapuchonné en se tapant la cuisse, “C'était quoi. Ha ouai : “Fond de raclure de chiotte.” Ca, j’ai oublié de le dire.”, ajouta t-il ensuite.


 Izuku lui signifia par le geste que ce n'était pas grave. 


-Règle numéro 2 : jamais insulter les daronnes, précisa l’encapuchonné en levant deux doigts.


 Izuku approuva en hochant la tête, puis, toujours embarrassé de s'être montré impoli avec son sauveur, il préféra retourner dans la contemplation de ses Nike, sous le regard du type à la capuche qui pouffa en voyant son nerd se triturer les phalanges. Le Pokémon qui il y a encore quelques instants s'était transformé en véritable arme de guerre venait de retrouver son état de peluche vivante. Puis, c’est tout en cherchant dans la liste des Pokémon qu’il connaissait celui qui irait le mieux à son nerd que l’encapuchonné s'équipa de ses écouteurs avant de prendre soigneusement le temps de choisir un morceau sur son mp3. Chose faite, il le lança en mode repeat, et enfonça ses mains dans ses poches, en marquant du pied le rythme de la chanson. 




“Eating Hooks” (Siriusmo Remix) - Moderat

               https://www.youtube.com/watch?v=jivdp_IDip0


-Why must I hide…in a forest of my mind…? I…want to come…out of the woods…They offer me shade…Face with no name…A game I can play…But I can’t beat it…fredonna muettement l’encapuchonné en balançant doucement la tête.


 Puis, après avoir profité des premières minutes de la chanson, il s’installa plus confortablement sur son siège, avant d’interpeller son nerd avec un petit coup de genou. Izuku leva la tête, pendant que son voisin d’en face penchait lentement la sienne. Leurs regard se croisèrent, et Izuku se demanda si le type à la capuche possédait une fonction “rayon X” dans sa panoplie Batman, car encore une fois, il se sentit traversé par le regard perçant de celui-ci. 


…Meditation…Medication…I’m heating the hooks that tear me…I’m walking back…through lightning and hail…To eat the hooks that tear…Somehow I’m not scared of this…Meditation…Medication…I eat the hooks that tear me…


-Hey, dit l’encapuchonné.


-Hey ? articula Izuku.


-Ton nom ?  


Under my skin…Lies the word…Deep within…The cure of my sin…


 Izuku leva les sourcils, stupéfait par sa propre bêtise. Il n'en revenait pas lui-même, pas une seconde il n'avait pensé à demander son nom à son mystérieux inconnu alors que cette question sans réponse l'avait préoccupé la semaine entière. Izuku se saisit précipitamment de son téléphone, mais son interlocuteur interrompit son geste en posant sa main sur l’écran de l’appareil tout en lui faisant signe de le dire. Alors, Izuku articula avec soin pour être sur que le type à la capuche puisse lire sur ses lèvres : 


The cure of my sin…


-I-zu-ku. 


-Izuku, répéta l’encapuchonné. 


 Izuku acquiesça, et d'un mouvement de tête, l'encouragea à lui donner son nom à son tour, tandis que le train sortait du tunnel. Un des derniers rayon du soleil qui se couchait éclaira le visage de son mystérieux inconnu qui pencha de nouveau la tête avant de se présenter :

 

…The cure of my sin…

-Moi, c'est Elliot.  


-Elliot, répéta muettement Izuku. 


 Elliot acquiesça, sans quitter des yeux Izuku qui n’aurait pas pu imaginer meilleur nom pour lui. C'était tout simplement parfait. 

 De nouveau, la notion du temps échappa à Izuku, et l’espace lui paru figé. Il ne sentait désormais plus que les bringuebalements du train, lancé à grande vitesse sur les rails.



…The cure of my sin…



Références :

-Irène : inspirée de Inko Midoriya (My hero academia)

-Scène de l'amphithéâtre : inspirée de la serie "Skam Fr" (s3ep1)

-"Free", plus précisément : "Free iwatobi swimclub" est un anime que je peux que vous conseiller ;)


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