Butterfly Reflect

Chapitre 8 : Chap 6 : Futur

22406 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/11/2023 02:18


Chapitre 6

“Futur”

-Ring, ding, down, ring-de-ding down…Down, down, down, ring-de-ding down…Ring, ding, down, ring-de-ding down…Down, down, down, ring-de-ding down…chantonnais mentalement Izuku en tapotant nerveusement l'écran de son téléphone. 


 Cela faisait un petit moment qu’Izuku n’avait pas bougé, assis sur son lit, à successivement prendre son portable pour finalement le laisser tomber, et s’en ressaisir de nouveau. L'hésitation était grande, et maintenant son pouce était suspendu au-dessus de l'écran de l'appareil, prêt à appuyer sur le bouton “installer”. Izuku se mâchouilla une phalange, le temps de s’accorder une dernière minute de réflexion, puis enfin, il se décida à réinstaller l’application Instagram sur son portable. Chose faite, non sans trembler, il entra ses identifiants afin d’ouvrir son profil, sans contenu ni followers. Un compte aussi vide que l’était devenu Izuku au collège, et une fois sorti de cet enfer, il avait bloqué et supprimé absolument tout et tout le monde de son compte. Celui-ci était donc vierge, et aujourd’hui Izuku décidait de le recycler, comme pour matérialiser le nouveau départ que sa vie venait de prendre. 


-De-ku…articula Izuku dans le même temps qu’il inscrivait ce nom sur les informations de son profil. 


 “Deku”, le nom d’artiste qu’il s'était trouvé au collège, et qui dans la culture nippone ne voulait dire ni plus ni moins que “inutile”, “bon à rien”. Un pseudonyme que personne ne connaissait, et qui le rendrait parfaitement anonyme sur ce réseau social qu’il avait décidé d’utiliser de nouveau, mais simplement en tant que spectateur. Et avant toute chose, ce qu’il voulait regarder, c'était le travail de l'équipe du shop, alors sans plus tarder, Izuku s’empara de la carte de visite que Draken lui avait donné. A l’exception d'Elliot qui, sans surprise, ne possédait pas de profil, Izuku trouva tout le monde (d’ailleurs, il pouffa en imaginant son ami dire quelque chose comme : “Vos putains de portables avec vos applis à la con je m’en cogne.”).


-Hehe…Elle a raison Froppy, c’est un gremlins, songea Izuku en allant sur le profil de la pierceuse.


 C’est émerveillé qu’Izuku parcouru la page de Froppy sur laquelle il fit pleuvoir les likes avant de faire de même sur les profils de chaque membre du shop. Après quoi, il décida également de suivre le groupe dans lequel Elliot avait joué, et qui encore une fois était absent sur les photos si ce n’est des clichés flous pris par des spectateurs où il n'apparaissait que sous une forme qu’Izuku aurait préféré ne jamais revoir. Ce dernier frissonna en swippant une photo où derrière un écran de fumée se dessinait seulement une silhouette noire et encapuchonnée dépourvue de visage, puis enfin il quitta Instagram pour s’affairer à tout autre chose. Dans un placard, Izuku réussit à dénicher un carnet de note encore vierge, et une fois l’objet sous le bras il s’installa à son bureau. Durant quelques instants, il ne bougea pas, tenant le carnet entre ses mains, se demandant comment il avait pu se passer de ce hobby jusqu'à maintenant. Des carnets comme celui-ci, ou plutôt des journaux, Izuku en avait noirci quantité, et ce depuis qu’il avait su tenir un crayon, jusqu'à ce qu’il arrête après le collège, lieu qui l’avait éparpillé façon puzzle. Mais aujourd’hui, encore une fois, une pièce venait d'être retrouvée. 


-Alors…Octobre…articula Izuku en notant l’année en cours sur la couverture et la tranche du carnet de note.  


 Chose faite, il tourna la première page, griffonna la date du concert, et avec des petits morceaux de scotch fantaisie, il colla soigneusement l’invitation d’Elliot, ainsi que la carte de visite du shop. Izuku jeta un regard au print que Draken avait eu la gentillesse de lui offrir et qu’il avait posé sur son bureau en attendant de l’encadrer, puis il alluma son pc portable. Un stylo dans la bouche, Izuku commença à faire quelques recherches, puis enfin il le débouchonna, s'étira les bras et les doigts, et il se mit au travail. 


-Heu...? Mais…souffla Irène en approchant de la chambre de son fils à qui elle voulait souhaiter bonne nuit. 


 Pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas, Irène poussa discrètement la porte, suffisamment pour voir son fils, aplati sur son bureau, en train d'écrire. Le bruit d’un grattement compulsif de stylo qu’avait entendu Irène n'était donc pas une hallucination, et il s’accompagnait d’un cliquetis de clavier, celui du pc d’Izuku qui s'afférait à l'écriture de son journal, probablement pour y écrire les évènements du week-end dont il lui avait fait le récit. Bien que ce dernier ait pris soin d’en taire certains détails, il en avait raconté les grandes lignes à sa mère, et ce, les yeux remplis d'étoiles. Rayonnant, Izuku était tout simplement revenu de sa sortie rayonnant.  Émue de retrouver son fils tel qu’il l’avait été avant son harcèlement, et de le voir se replonger dans une activité oubliée depuis trop longtemps, Irène renifla, puis elle renonça à son ”bonne nuit”, préférant ne pas interrompre Izuku. Elle essuya une larme en retournant dans sa chambre, et une fois installée dans son lit, elle lança un titre sur son portable pour faire office de berceuse. 


Etienne Daho - “Le premier jour du reste de ta vie” (acoustique)

https://www.youtube.com/watch?v=ZE64qOz7LQ0


-Bonne nuit mon petit poussin…Mon tout petit…chuchota Irène en regardant un cadre avec une photo de ses enfants, posé sur sa table de chevet. 


 Puis elle sourit en s’enfonçant dans son lit, et pour la première fois depuis longtemps, Irène éteignit sa veilleuse, ne craignant plus de dormir dans le noir. Car aujourd’hui, les ténèbres que son fils avait traversé semblaient s’en être allées, et ce soir, Irène ne les craignait plus. Avant de fermer les yeux, cette dernière formula une nouvelle demande au ciel, un vœu cher à son cœur, celui d’entendre de nouveau le rire de son fils. Celui-ci semblait encore appartenir aux ténèbres pour le moment, mais peut-être serait-il rendu prochainement au vu des progrès d’Izuku que le ciel avait guidé sur la bonne voie, et vers les bonnes personnes. 


-Merci…souffla Irène à l’adresse du ciel et de l’ange qu’il avait envoyé à son fils, qu’elle allait probablement devoir sermonner le lendemain car il aurait veillé tard pour écrire, comme à l’époque. 


 Et c’est bien ce qui allait se produire, car effectivement, Izuku ne décrocha de son carnet que lorsque ses yeux commencèrent à le piquer.


-Wha la boulette...! s’exclama mentalement Izuku en voyant l’heure. 


 Un peu à contre-coeur, Izuku referma son carnet de note ainsi que son pc portable, puis il s’en alla dans son lit, pour en ressortir aussitôt, se rappelant qu’il avait oublié quelque chose. Une décision, voila ce qu’avait manqué de préparer Izuku qui ralluma la petite lampe de son bureau pour s’y réinstaller, le temps d'écrire à son tour une invitation, non sans se sentir nerveux. 


-Monsieur Elliot Katiev, vous êtes convié dans mon palais…Mon palais des glaces…articula Izuku en tenant devant lui un petit papier qu’il glisserait dès le lendemain dans le casier de son ami. 


***                     


-Izuku…? T'as Insta ?! s'exclama Ochaco avant de rendre son portable à Izuku qui le lui avait prêté car le sien n’avait plus de batterie, “ Pourquoi tu me l'as pas dit ? Je vais te suivre !”, ajouta-t-elle en pointant du doigt le petit logo violet sur l'écran.  


-Pas la peine, j'ai rien dessus, c'est juste pour suivre des comptes qui me plaisent, écrit Izuku.


-Tu regarde quoi sur Insta Izuku ? demanda Arthur.


-Des profils de musiciens, de dessin, de tatouage, de piercing...etc, écrit Izuku qui depuis avait écumé l’application. 


-Cool !  Toujours très rock'n'roll hein ? plaisanta Arthur.


 Izuku fit des cornes de diable avec ses doigts en hochant la tête pour approuver.


-Des comptes de piercing ? Tu veux t'en faire d'autres Izuku ? demanda Ochaco.


-Partout, articula Izuku en montrant l’intégralité de son corps. 


-Des tatouages aussi…?


-Partout, partout, partout,  articula Izuku en secouant la tête. 


-Ouah. Je dis pas, c'est joli, mais quand y'en a partout c'est un peu...dit Ochaco, l’air peu enthousiaste.


 -Je t'ai déjà vu griffonner sur tes cahiers Izuku, tu dessines aussi ? la coupa Arthur.


 Izuku acquiesça. 


-Oooh ! Génial ! Tu devrais les mettre sur ton insta ! J'aimerai bien voir ce que tu fais ! se réjouit Ochaco en tapant des mains, contente d'en savoir un peu plus sur Izuku.


-Pas sûr que ça te plaise, articula Izuku en fronçant le nez.


-Pourquoi tu nous en montrerais pas quelques-uns pendant qu'on déjeune ? proposa Ochaco. 


- Bonne idée ! On y va d'ailleurs ? J'ai la dalle, dit Arthur en sautant du muret.


-Non merci, vu qu'on a pas cours cet aprèm je rentre direct chez moi, écrit Izuku.


-Oh dommage. T’as quelque chose de prévu ? répondit Ochaco, l’air déçu.


-Oui, je vais réviser, écrit Izuku qui en vérité ne comptait rien faire de spécial, si ce n'est s'avachir dans le canapé et regarder une série.


-Quel acharné ! Tu devrais lever le pied, t'as déjà des bonnes notes, t’es premier de la classe...Tu veux pas rester avec nous plutôt ? On peut sortir si ça te dis…insista Ochaco.


-Non merci c'est gentil. On a un contrôle de math la semaine prochaine et je suis pas sûr d’avoir tout capté, écrit Izuku.


-Bon comme tu veux…A demain alors…


-A demain, bon appétit, articula Izuku avant de s’en aller en fouillant dans sa poche pour s’équiper de ses écouteurs, “I see you, you see me, how pleasant, this feeling, the moment you hold me, I missed you, I'm sorry, I've given what I have, I've showed you I'm growing, the ashes fall slowly, as your voice consoles me…” chantonna t-il ensuite mentalement en cherchant une musique.


“After dark” - Mr.Kitty

https://www.youtube.com/watch?v=sVx1mJDeUjY


 Une fois sorti du lycée, Izuku ne prit pas de suite la route pour rentrer chez lui, préférant faire une petite balade dans le parc qui avoisinait le lycée afin de s'aérer la tête. En ce moment, il était plutôt préoccupé, et en plus maintenant, il culpabilisait d’avoir menti à ses camarades. Mais un mensonge toutefois bien utile qui lui avait certainement épargné d’encore une fois se retrouver à déjeuner avec “Baggy le clown”. 

 Malheureusement pour Izuku, Théo était devenu très ami avec Ochaco et Arthur, et depuis il venait presque systématiquement avec eux à la cantine. Izuku l'avait donc déjà beaucoup trop vu ces derniers temps, ce qui n'avait bien évidemment pas manqué de l'irriter, et sa patience atteignant maintenant dangereusement sa limite, il avait même finit par ordonner (sans douceur) à Théo d’arrêter de le coller et de respecter son espace vital la dernière fois qu'ils s’étaient vu au self. Après quoi, encore une fois, Izuku avait fini par partir sans finir son déjeuner, le tout en faisant exprès de bousculer Théo au passage.  Mais visiblement le message ne passait pas, car avant de partir, Izuku l'avait vu dire «J'aime bien qu'on me résiste» à Arthur qui essayait visiblement de lui toucher deux mots au sujet de son attitude. Arthur qui était d'ailleurs d'un grand soutien, et qui à chaque fois, mettait en œuvre ses talents pour détourner l'attention et changer habilement de sujet dès qu'il sentait Izuku prêt à exploser.  Mais malgré ses tentatives pour ménager la chèvre et le chou, c'en était définitivement trop pour Izuku qui savait pertinemment que si cela continuait, Baggy le clown allait prochainement faire un numéro de voltige dans son cirque. S'il ne comprenait pas l’agacement d’Izuku, ce dernier allait finir par le lui exprimer d’une toute autre manière. Il était d’ailleurs regrettable que cet agacement soit seulement remarqué par Arthur, car Ochaco elle, ne comprenait visiblement pas où était le problème (à croire même qu’elle faisait exprès de laisser un siège libre pour Théo a chaque fois), tout simplement parce qu’elle était persuadée qu’il devait venir d’ailleurs. C’est bien simple, Ochaco passait son temps à “enquêter” sur le pourquoi du comment Izuku avait l'air irrité, et de plus, elle posait systématiquement des questions détournées dont le but, Izuku n’était pas idiot il le comprenait très bien, était de savoir ce qu'il pouvait bien faire ou se dire avec Elliot, Denki et Kiri quand il était avec eux. Ne comprenant pas d’où lui venait ce tout nouvel acharnement, Izuku avait fini par conclure qu'une énième rumeur avait dû faire son apparition au sujet d'Elliot, et qu'en conséquence Ochaco tentait d’en savoir plus quitte à parfois prêcher le faux pour savoir le vrai. Mais plus elle s'acharnait, moins Izuku voulait lui répondre, et au moins il répondait à ses interrogations, plus elle devenait soupçonneuse et étouffante. Et ça, comme pour le reste, il ne le tolérerait qu'un temps, d’autant plus qu'à tout ça s’ajoutait une autre contrariété et pas des moindres : une invitation laissée sans réponse. 


-...We're swaying, to drum beats, in motion, I'm feeling, my patience, controlling, the question, I won't speak, we're telling, the stories, our laughter, he knows me, we're leaving, we're talking, you're closer, it's calming…Monsieur, Katiev, ne viendra pas, dans votre, palais des glaces, monsieur, Midoriya…chantonna tristement Izuku par la pensée en s’enfonçant dans son col. 


 L’adresse de son école de danse, la position de sa salle, et le jour et l’heure à laquelle il s’y rendait, voilà ce qu’avait glissé Izuku dans le casier d’Elliot en début de semaine, à défaut de trouver le courage de lui en parler en face. Une sage décision d’ailleurs, car visiblement, s' il avait osé lui demander, il aurait dû se confronter en direct au refus d’Elliot. Quoique, Izuku se demandait s' il n'aurait pas été préférable de faire ainsi car en fin de compte, l’ignorance ne faisait qu’attiser son pessimisme qui avait déjà forgé quelques scénarios pour expliquer cette absence de réponse. Entre autre, il avait imaginé que son invitation avait dû se perdre parmi d’autres papiers, ceux des quelques filles qui s’aventuraient parfois à glisser leur numéro dans le casier d’Elliot, aux dires de Denki et Kiri qui avait un jour supplié celui-ci de ne pas les jeter à la poubelle, mais de les leur donner. Dans une poubelle, voilà donc où avait dû terminer la petite note d’Izuku qui avait sentit son coeur se pincer en imaginant Elliot froisser son invitation. Chose qui aurait aussi pu être faite dans le but justement de ne pas froisser Izuku. Dans le meilleur des cas, ce dernier s'était également dit qu’Elliot avait effectivement trouvé l’invitation, découvert une adresse à laquelle il n’avait aucune envie de se rendre, et qu'il faisait mine de ne rien avoir vu pour ne pas blesser le messager. Mais quoi qu’il en soit, pour Izuku le résultat était le même : ça le rendait triste, et il ne se sentait pas le courage de relancer Elliot, alors il s'était résigné à renoncer à son idée, non sans sentir son cœur se pincer douloureusement de nouveau. 


-...The night will hold us close and the stars will guide us home…I've been waiting for this moment, we're finally alone…I turn to ask the question, so anxious, my thoughts…Pf, j’suis naze…Un enfant gâté…Bouh bouh-hou…Izuku il est pas content…pathétique, je suis pathétique…songea Izuku en croisant les bras pour se réchauffer. 


 Tout en marchant machinalement, Izuku se sermonna mentalement, se faisant la réflexion qu’ il était peut-être trop collant avec Elliot, et qu'à terme il finirait par l’étouffer, un peu comme Ochaco le faisait avec lui. Mais il fallait l’admettre, aujourd’hui il était devenu difficile pour lui de se passer d'Elliot qu'il considérait maintenant comme son meilleur ami, et il ne désirait qu'une chose : c'est qu'un jour, ça puisse devenir réciproque. Mais si pour lui cette amitié apparaissait comme une évidence, il se pouvait (et c'était même sûr pour Izuku), que ça ne soit pas le cas pour Elliot. Mais après tout, chacun son rythme, et si l’amitié n'était pour l’instant peut être pas aussi réciproque qu’Izuku l’aurait voulu, elle le serait éventuellement dans le futur, il suffisait de se montrer patient. Puis Elliot en avait déjà bien assez fait, alors il était déplacé de réclamer plus, et après tout maintenant c'était au tour d’Izuku de donner, ou plutôt d’être “quitte”, à commencer par le dessin qu’il avait promis de faire. Malheureusement, bien qu’Izuku ait noirci quantité de feuilles pour réaliser le papillon d’Elliot, celui-ci n’avait pas dépassé le stade de l'ébauche, et la plupart d’entre elles avaient fini froissées, et jetées à la poubelle. Alors à défaut de réussir à produire quoi que ce soit d’exploitable pour le moment, Izuku écumait le net pour trouver un concert voire autre chose pour faire une surprise à Elliot. Hélas, non seulement l’inspiration manquait à Izuku pour le dessin, mais aussi dans le choix d’un cadeau bien qu’il en ait dressé une liste fantastique. Mais impossible de choisir, son ami n’était pas du genre matérialiste, et celui-ci semblait se contenter de peu, et le peu qu’il avait il l’usait jusqu’au bout visiblement. Il fallait donc quelque chose d’utile, qui dure dans le temps, et qui n'encombre pas Elliot. 


-Sinon…Je lui offre je sais pas…Un briquet…? Un truc tempête comme maman…? Il a toujours des vieux bic tout pourris…Haaaan j’sais pas quoi faire !! J’suis nul ! Un échec…pensa Izuku en s’enfonçant plus encore dans son col. 


 Puis il interrompit sa marche et soupira, en se maudissant de s’être attaché si vite à Elliot à qui il était persuadé d’être incapable de donner le quart de la moitié de ce qu’il lui avait été offert, et de ne pas mériter son amitié. Se sentant encore une fois partir dans un de ses énièmes roller coaster émotionnel, Izuku sortit la tête de son col, inspira une grande bouffée d'air froid, et il se claqua brutalement le visage pour arrêter de se morfondre avant de poursuivre sa route. Mais il ne fit qu’un pas avant de s’arrêter net à la hauteur d'un banc, se sentant observé par la personne qui y était assise. Elliot, qui en voyant Izuku arriver et se gifler tout seul, avait interrompu la course de sa fourchette à sa bouche.  


-...Hey, dit Elliot la bouche encore ouverte. 


-H-hey…? …Heu…B-Bon appétit, bafouilla muettement Izuku en se demandant si il avait la faculté d'invoquer Elliot a chaque fois qu'il pensait à lui. 


-Si tu veux des claques, demande-moi, dit Elliot en reposant sa fourchette dans son tupperware.


-J’hésiterai pas, articula Izuku en se faisant la réflexion que ça serait effectivement moins désagréable avec des mains chaudes.


-C’est noté. Salade de phalanges à volonté pour toi, dit Elliot en invitant Izuku à s’asseoir à côté de lui d’un signe de tête. 


-J'en demandais pas tant, articula Izuku en s’asseyant sur le banc, “Ça se mange pas chaud normalement ?”, ajouta-t-il en regardant les lasagnes que contenait le tupperware. 


-M'en fous. C'est bon comme ça aussi. 


-Bah…Heu…Bof….articula Izuku en regardant tristement le plat d' Elliot qui devait être au moins aussi froid que la température ambiante, “J'allais rentrer, tu veux les réchauffer chez moi ?”, proposa t-il ensuite.


-Chez toi…?


-Oui, j'habite à côté. Et j'ai...un micro-onde, articula Izuku en mettant ses mains en éventail comme pour dévoiler quelque chose d'extraordinaire. 


Elliot réfléchit un instant en faisant une moue, puis il referma son tupperware. 


-Si t'as de quoi brancher mon mp3, ouai. 


-Je dois avoir ça. Tu viens ? 


-Ouai. Ha, attends, répondit Elliot en se levant.


 Après avoir rangé son déjeuner dans son sac, Elliot en sortit un livre corné, puis il se dirigea vers une petite niche en forme de maisonnette, une bibliothèque mise à disposition de tous, où il rangea le roman avant de la fouiller pour en trouver un autre. Bien qu’Izuku apprécie la démarche, il ne put s'empêcher de bouder cette bibliothèque libre service qui venait de lui arracher une de ses idées cadeau : il avait déjà bien évidemment remarqué que son ami lisait beaucoup, et avait déjà dressé une liste de livres qu’il aurait pu lui offrir. Mais malheureusement, il était encore difficile pour Izuku d’orienter son choix, car impossible de deviner quel était le genre préféré d’Elliot .


-Ha…“L’homme qui rit”, c’était bien ça...Hm…Déjà lu…Déjà lu…Ce machin déjà lu aussi….Ca c’était de la merde…Encore de la merde…Ca j’aurais pu me torcher avec tellement c’était de la merde aussi…Déjà lu, déjà lu, déjà lu…Ha, marmonna Elliot en fouillant la petite bibliothèque. 


 Après avoir brièvement lu quelques synopsis, Elliot se choisit une lecture, puis il suivit Izuku qui ouvrit la marche, le moral regonflé d'avoir croisé son ami et de pouvoir enfin se rendre utile. Elliot fit le parcours en observant les alentours et le nom des rues, et après quelques minutes de marche, ils arrivèrent devant l’immeuble d’Izuku. Elliot s'arrêta un instant pour contempler le bâtiment d’inspiration haussmannienne, flambant neuf et moderne, puis il rejoignit Izuku qui tapait le code de la porte. Elliot pouffa en se disant que le numéro du département était loin d'être un code des plus sécurisant, puis il pénétra dans le hall au sol carrelé. Dans celui-ci se trouvait les boîtes aux lettres, dont celle d’Izuku qui en récupéra le courrier, ainsi qu'un immense miroir dans lequel Elliot fit une grimace à son reflet. Puis bien qu’il y ait un ascenseur, ils empruntèrent l'escalier, qu’Izuku grimpa à rythme soutenu, sautant les marches deux par deux, sur plusieurs étages. Amusé, Elliot l’imita en pensant que ça devait faire partie de l’entraînement quotidien d’Izuku pour entretenir sa silhouette athlétique. L’ascension terminée, à peine essoufflé, ce dernier chercha ses clés pendant qu'ils avançaient dans un couloir aux portes rouges, toutes semblables. Celle d’Izuku se trouvait au fond à gauche, et une fois ouverte, il invita son ami à entrer chez lui. 


-Entre. Ah, enlève tes rangers par contre. Désolé, truc de Japonais. Tu peux les laisser là, dans le meuble à chaussures, et ta veste ici.


 Elliot se déchaussa, puis il accrocha sa veste par-dessus celle d'Izuku, tout en reniflant discrètement pour humer l'appartement qui sentait comme un mélange d’huiles essentielles mêlées à une subtile odeur de tabac.  


-Viens, on va regarder si j'ai de quoi charger ton mp3, articula Izuku en faisant signe à son ami de le suivre dans sa chambre. 


 Elliot entra lentement dans la pièce, et son nez frémit en reconnaissant une odeur dont il comprit l’origine ou du moins, en partie Des bougies parfumées au Jasmin étaient semées un peu partout, et elles embaumaient tant l’endroit qu’Elliot fut presque persuadé que si il s'était jeté sur le lit, il aurait eu l'impression d'avoir la tête dans un bouquet. Mais bien que l'idée de plonger la tête la première dans les coussins moelleux et les plaids soit tentante, Elliot y renonça et il pouffa en imaginant un Izuku lové sous son épaisse couette d’où seulement quelques-uns de ses  épis noirs auraient émergé. Puis tandis que ce dernier fouillait ses affaires pour y dénicher un câble, Elliot arpenta la pièce les mains dans les poches, tout en la balayant du regard. 


-Hm..? dit Elliot en soulevant du bout des doigts un grand rideau noir qui couvrait le miroir de la (gigantesque) penderie d’Izuku, “Ha…?” souffla-t-il ensuite en s’avançant vers une étagère où était rangé des livres, ou plutôt ce qui devait être des bandes dessinées Japonaises du nom de “Naruto”, et une collection d’album avec un logo qu’Elliot reconnu : une chauve souris, et un personnage masqué avec de petites oreilles noires et pointues. 


 Elliot attrapa un des albums au hasard, le feuilleta, et il s’arrêta sur une case représentant un homme au visage de moitié brûlé, apparemment nommé “Double face” et à qui l’homme chauve souris s’adressait.  “Batman” voilà donc comment se nommait une des figurines qu’avait vu Elliot dans le poste de travail de Soul, et voilà aussi comment s’appelait son taille crayon, à l’effigie du personnage. Elliot n’y connaissait rien en bande dessinée, et encore moins en comics, son taille crayon il l’avait juste trouvé joli lorsqu'il l’avait trouvé, et c'était un souvenir pour lui, voire un grigri. 


-Nananananana…Batman…! chanta muettement Izuku en passant devant Elliot pour aller fouiller un autre tiroir. 


 Elliot pouffa du nez en guise de réponse, puis il rangea l’album à sa place avant de tripoter un lierre factice qui décorait le meuble. Visiblement, Izuku cherchait la nature partout où il se trouvait, y compris dans sa chambre où il avait semé plusieurs plantes vertes décoratives, chose qu’Elliot trouva plutôt joli, bien qu’il ne soit pas particulièrement sensible à la décoration ou a la mode, contrairement à Izuku qui lui avait bon goût, aussi bien pour sa garde robe que pour sa chambre. L’espace y était plutôt bien aménagé, le grand lit (dans lequel une demi-douzaine d’Izuku pouvait rentrer selon Elliot) était au cœur de la pièce et faisait face au bureau (modulable pour en faire une table à dessin), équipé de plusieurs tiroirs et de compartiments où était rangé du matériel d’art. La bat-bibliothèque et la penderie se situaient à droite de cet espace créatif, et en face, de l’autre côté du lit, se trouvait une porte fenêtre, et une grande commode ainsi que divers meubles ou étagères. Tout le mobilier était intégralement noir, le tout très épuré, et les murs eux étaient blancs et décoré de cadres, dont certains (également entourés de lières), abritaient des dessins, dont un qu’Elliot reconnu. Le print de Draken trônait désormais au-dessus du bureau d’Izuku où se trouvait également des photos, de toute évidence, de sa famille. Elliot n’eut aucun mal à identifier celle qui devait être la mère d’Izuku, et celle qui devait être sa sœur, mais il ne trouva aucun signe d’un père sur les clichés où Izuku n'apparaissait lui-même jamais. Elliot ne s’attarda pas plus sur les photos, puis il poursuivit la visite et manqua de se casser la figure en se prenant les pieds dans un pull qu’Izuku avait laissé traîner. Elliot le ramassa et le plia rapidement avant de le poser sur le dossier de la chaise de bureau en jetant un regard réprobateur à Izuku qui, bien qu’il soit plutôt soigneux, était tout de même un tantinet  désordonné.


-Tss…Un bordel organisé…hinhin, commenta Elliot en soulevant le rideau de la fenêtre pour regarder sur quelle rue celle-ci donnait. 


 Fenêtre à côté de laquelle se trouvait une autre petite bibliothèque qui jouxtait le bureau, et sur laquelle étaient rangés des bibelots et nombre de carnets noirs où les années étaient notées sur les tranches. Elliot leva la tête en attendant de croiser le regard d’Izuku à qui il demanda ensuite par le geste s' il pouvait y jeter un œil. Ce dernier acquiesça avant de replonger dans un tiroir, et Elliot attrapa un carnet au hasard pour le feuilleter. 


-Pf. Nerd, pouffa Elliot en tournant les pages.


 Aujourd’hui Elliot savait pourquoi Izuku avait toujours eu le nez collé sur son téléphone chaque fois qu’il l’avait croisé avant de faire sa connaissance. C'était un intarissable curieux qui passait sa vie à chercher des informations sur le net, et la moindre chose était un bon prétexte pour Izuku qui sollicitait Google et Wikipedia absolument tout le temps. Un puits d’information qui visiblement avait parfois besoin d'être soulagé, et ce en couchant sur papier toutes les connaissances acquises. Les carnets d’Izuku étaient en fait des journaux qui contenaient tout ce qu'il avait estimé intéressant d’immortaliser ou d'étudier de près, le tout aussi bien écrit en Japonais qu’en Français et en l'occurrence dans ce journal, un Français un chouilla maladroit. Mais bien que cette maladresse ne soit plus d’actualité, Izuku semblait en avoir développé une autre avec le temps. Elliot haussa les sourcils en se faisant la réflexion que ce qu’il avait sous les yeux n’avait rien à voir avec le petit papier qu’il avait trouvé dans son casier, et qui d’ailleurs n’avait ni été froissé, ni jeté dans une poubelle. 


-Loading…souffla Elliot en jetant un regard au dos d’Izuku.


 Puis il retourna à la lecture du journal, écrit de manière quasi compulsive et avec tant d'énergie qu’Izuku aurait presque pu traverser les pages avec la mine de son stylo. Plutôt curieux sachant que sur la petite note trouvée dans le casier, on aurait dit qu’Izuku avait caressé le papier de peur de lui faire mal, le tout dans une écriture hésitante comme si la rédaction d’une simple adresse l’avait soumis à un effort colossal. Rien à voir donc avec ce qu’Elliot avait sous les yeux, des écrits rédigés avec énergie et assurance, faits de mots qui avaient coulés à flot comme si les pensées d'Izuku avaient directement servi d'encre à son stylo. Elliot pouffa en se demandant combien de bic avait été usés pour noircir tous ces carnets dont aucune ligne n'avait dû être gâchée. En plus d'être riches d'informations, les reportages d’Izuku étaient très variés, et ils s’accompagnaient souvent de dessins explicatifs, ou de croquis d’observation. Sans surprise, l’un de ses domaines de prédilection était la nature, et aux écrits sur la faune et la flore étaient parfois joints des petits trésors qu’Izuku avait récupérés durant une promenade. Des plumes, ou encore des fleurs qui avaient été séchées, le tout soigneusement collé à une page sur laquelle il notait le nom de la plante, et dans le cas des plumes, l’oiseau à qui elle devait appartenir. D’ailleurs le monde animal  faisait partie des sujets qui fascinaient Izuku au vu de temps qu’il avait passé à étudier les animaux qu’il dessinait aussi bien en chair qu’en os.

   

-Ha, pas mal…, commenta Elliot en regardant le croquis d’une carcasse d’ours. 


 Après avoir survolé quelques reportages animaliers, Elliot tourna quelques pages et il pouffa en tombant sur des esquisses, probablement faite dans la plus grande discrétion, qui représentaient de petites caricatures de personnes qu’Izuku avait trouvé étranges ou drôles dans la rue ou encore les transports. Ces portraits esquissés à la sauvette se mêlaient aléatoirement au reste, à l’image du petit côté désordonné d’Izuku, qui semblait dessiner sur n’importe quel support pourvu que son stylo fonctionne dessus. Des tickets de caisses, des serviettes de table ou n’importe quel morceau de feuille volante faisait l’affaire quand prendre le journal n'était pas possible, comme pour les visites de musées, dont les ticket d’entrée avaient été conservés, ou encore les concerts (Elliot imagina qu’Izuku avait dû s'occuper dans les files d’attente en gribouillant). Là aussi les billets avaient été gardés, et s’y ajoutait parfois des photos de photomatons, visiblement un petit rituel pour Izuku qui avait pour habitude d’en faire à chaque sortie de concerts, événement qu’il faisait parfois en compagnie d’un ami auquel Elliot ne put donner de visage. Curieusement, alors qu’il était cité à plusieurs reprises, celui-ci n'apparaissait jamais, et d’ailleurs, l’espace qui aurait dû être occupé par l’habituel tirage de photomaton était vide, comme si les photos avaient été retirées. En fin de compte, sur les clichés encore présents  n'apparaissaient qu’Izuku, et sa mère.


-Hinhin…Rock’n roll la daronne…pensa Elliot en regardant une photo sur laquelle la mère et le fils faisaient des cornes de diable avec leurs doigts. 


 Visiblement, la photo avait été prise après un concert des “Black Vail Bride”, et elle datait de quelques années en arrière au vu des traits d’Izuku qui ne devait pas avoir plus de 10 ou 11 ans. Mais après vérification de la date, Elliot corrigea sa pensée en se faisant la réflexion qu'Izuku faisait bien plus jeune que son age sur le cliché, puis il rangea le carnet avant de faire glisser son doigt sur toutes les autres tranches pour se choisir une autre lecture. Mais en parcourant l’étagère, quelque chose piqua sa curiosité, et sa main s’arrêta net avant le journal destiné à l'année en cours. Elliot fit reculer son doigt pour chercher au moins deux carnets manquants, pensant qu’ils  devaient être en désordre, mais il ne trouva pas les années disparues. A défaut, Elliot s’empara du journal actuel qui commençait à la date du week-end passé. Il ne put retenir un rire en se reconnaissant lui-même, caricaturé derrière une petite batterie, et il convulsa en trouvant aussi d’autres petits personnages à l’effigie de tous ses collègues. Le fou rire intériorisé passé, Elliot poursuivit sa lecture et il hocha la tête, la bouche en forme de “u” inversé, en voyant l'incroyable quantité de notes qu'Izuku avait pris sur ce qu'il avait vu d'une session de tatouage. Il avait même dessiné un dermographe sur lequel il avait précisé le nom de chaque pièce, pièces qu'il avait numérotées, numéros qu'il avait ensuite reporté sur la page d’à côté où était précisé  le détails des empiècements de la machine ainsi que leur fonction. De toute évidence, Izuku venait de se découvrir une toute nouvelle passion qui allait faire couler de l’encre. Puis, alors qu’Elliot lisait le rapport sur le monde du tatouage en se grattant machinalement le menton, Izuku l’interpella en lui tapotant l’épaule. 


-Passe moi ton Mp3 je crois que j’ai trouvé, articula Izuku avant d’attraper le baladeur qu’Elliot lui tendit, “Il a fait la guerre ce machin on dirait qu’il sort d’un champ de bataille. Il s’est pris un obus ou quoi ?”, ajouta-t-il avec humour en regardant le vieil Ipod d’Elliot, (un modèle de plusieurs générations en arrière comme il l’avait soupçonné un jour). 


-M’en fou. Ça fonctionne. Et je peux mettre un milliard de trucs dedans. Le bordel sera jamais rempli. Ha d’ailleurs. T’as des albums là dessus ? (Elliot pointa du doigt le pc portable d’Izuku) J’veux des sons du type là... Ha ouai, Hans Zimmer. 


-Je dois en avoir quelques-uns qui traînent sur l’ordi. Ah bah voilà parfait, y’a les Batman ! Oh bah prends ça aussi, “Joker”. C’est pas Zimmer, mais tu vas voir c’est bien aussi. Oh bah en fait prends même tout le dossier “Batman” là. Oui celui-là, tu vas voir il y a d’autres trucs pas mal. Vas y, moi je redescend pour faire chauffer ton plat.


-Ok. Dans mon sac. Le tup’, dit Elliot en s’asseyant au bureau. 


 Tandis qu’Elliot s’occupait de son Mp3, Izuku s’en alla préparer le repas, et chose faite, ne voyant pas Elliot redescendre il remonta le chercher. Au moment où il entra dans la chambre, Elliot repliait l'écran du pc portable et il demanda par le geste à Izuku où il pouvait se laver les mains. 


-Ah, dans le couloir, là. Vas-y, je retourne dans la cuisine.


-J’arrive, dit Elliot avant de se rendre dans la salle de bain, “Wah pu-tain…!!” s’exclama t-il mentalement ensuite en découvrant la pièce, grande, lumineuse, carrelée d’un blanc immaculé, et d’une irréprochable propreté. 


 Si Elliot avait dû décrire la salle de bain de ses rêves, celle-ci s'en serait rapprochée quoiqu’il aurait quand même préféré avoir un bain. Ceci dit, il aurait presque été prêt à troquer sa baignoire contre cette spacieuse douche à l'italienne vitrée, au mur et au sol fait de mosaïques noires et argentées. Y prendre une douche longue et brûlante devait être au moins aussi agréable que de barboter dans un bain, une des activités favorites d’Elliot. D’ailleurs la salle de bain faisait partie de ses pièces préférées, et lui qui mettait un point d’honneur tout particulier sur son hygiène y passait du temps dès qu'il le pouvait. D’ailleurs ici l’hygiène était aussi rigoureusement respectée au vu du tableau qui affichait quel jour et qui devait faire telle ou telle tâche ménagère. Elliot claqua de la langue plusieurs fois en constatant qu’Izuku semblait s’occuper de la plupart d’entre elles avant que Nami, qui devait donc être sa sœur, ne s’en charge elle-même. La salle de bain était donc celle du frère et de la sœur, et en conséquence leur identité s’y mêlait. Ici aussi Izuku avait voulu un peu de nature en semant encore des plantes vertes factices, y compris sur le mitigeur de la douche, ou encore sur le grand miroir, également entouré de végétation ainsi que d’une guirlande avec des ampoules en forme de petits pingouins tout ronds. Devant la grande glace se trouvaient deux lavabos, et Elliot n’eut aucun mal à deviner lequel était utilisé par Izuku, l’autre étant entouré de petites trousses, de boîtes et de rangement pour le maquillage ou divers accessoires, tous plus mignons les uns que les autres. D’ailleurs l’un d’entre eux, un espèce de bandeau jaune avec deux tête rondes (qu’Elliot identifia comme étant des poussins), se trouvait également du coté d’Izuku, accroché au dessus du miroir. Elliot pouffa en l’imaginant avec l’accessoire sur la tête avant d’emprunter son lavabo, et en regardant à côté du mitigeur, il résolut définitivement l’origine du parfum d’Izuku en y trouvant un petit flacon d’hydrolat de jasmin, et un savon qui lui aussi en était parfumé. Elliot le fit mousser plus que de nécessaire, se lava énergétiquement les mains,  et chose faite il se sécha et pris soin d’essuyer les gouttes d’eau qui avait atterrit hors du lavabo. Après quoi, il huma ses mains en soupirant et quitta presque à contre cœur cette merveilleuse salle d’eau pour rejoindre Izuku dans la cuisine. Pièce qui faisait elle aussi partie des préférés d’Elliot qui acquiesça en la découvrant plutôt bien équipée, pratique et fonctionnelle. Après s'être installé sur l'îlot de la cuisine dont il caressa la surface de la paume, Elliot s’empara du portable d’Izuku qui y était posé, et une fois le téléphone déverrouillé (dont le code était selon Elliot bien trop simple, et selon Izuku au contraire très efficace) il lança un morceau de musique.


“Go ?” - HVOB

https://www.youtube.com/watch?v=FqGyBr2Jmwk


-Fallait pas, dit Elliot en voyant qu’Izuku avait dressé le couvert. 


 Izuku pointa du doigt le lave-vaisselle en haussant les épaules avant de verser le contenu du tupperware dans l’assiette d’Elliot, puis il s’en alla chercher son repas. Pendant ce temps, Elliot jeta un œil à la grande pièce ouverte tout en se disant que le salon avait des airs de dojo. L'idée de pousser tous les meubles pour engager un nouveau duel avec Izuku lui traversa l'esprit, et il se fit craquer les phalanges en repensant justement à leur combat acharné durant le cours d'EPS. Un souvenir qui lui ouvrit d’autant plus l'appétit, alors sans plus attendre, Elliot qui avait une faim de loup piqua dans son assiette avant d’encore une fois interrompre la course de sa fourchette à sa bouche en voyant Izuku revenir avec un curieux repas. Dans son bol ne se trouvait qu’un espèce de bloc, couvert de poudre et d'assaisonnement déshydraté qu’Elliot regarda avec méfiance. 


-Wah, c'est quoi ce truc, dit-il en se penchant au-dessus du drôle de repas.


-Des nouilles instantanées. Tu connais pas ? articula Izuku en versant de l'eau bouillante dans son bol.


-Nan. Hagh...Dégueu, répondit Elliot le nez froncé en regardant les assaisonnements déshydratés gonfler petit à petit, et l'eau faire de petites bulles, ”Plus chimique tu meurs.” ajouta-t-il avant de prendre une bouchée de son plat sans quitter des yeux celui d’Izuku.


-Goutte avant de dire que c'est pas bon, répondit Izuku en faisant mine de disputer Elliot en agitant le doigt.


 Une fois son plat prêt, Izuku tendit son bol à son ami qui piqua sa fourchette dedans avec méfiance pour attraper quelques nouilles et les renifler avant de les porter à sa bouche. 


-Mh. Ouai. J’avoue, c’est pas dégueu en fait. 


-Tu vois, allez bon appétit, articula Izuku en plongeant avidement ses baguettes dans son bol. 


-Laisse-moi une fourchette ou deux, tenta Elliot qui avait un goût de reviens-y. 


-Si tu me laisser taper dans tes lasagnes, articula Izuku en plissant les yeux.


-Ok quitte. Ha. Tu vas pas aller loin avec ça. Tiens. On échange, répondit Elliot en lui tendant sa fourchette, se doutant que les baguettes ne seraient pas le meilleur outil pour déguster des lasagnes.


 Izuku se trouva défaussé de ses baguettes, et il fut surprit de voir Elliot les utiliser et les porter à sa bouche sans trop se poser de question. Son ami avait pourtant l'air d’être à la limite de la mysophobie concernant l’hygiène buccale, alors utiliser les couverts de quelqu'un d'autre aurait dû le faire frissonner. 


-Heu mais…pensa Izuku en regardant la fourchette.


-J'ai pas la gale, tu peux y aller, dit Elliot sur le ton de l’évidence. 


 Izuku acquiesça timidement, puis il piqua finalement dans l'assiette d'Elliot pour goûter à son plat.


-Umaaaaaaaiiiiiiiiiii…!!, articula instinctivement Izuku en japonais, la bouche encore pleine.


-Hein ? grogna Elliot.


-Trop bon, corrigea Izuku, “Garde mes nouilles en fait.”, ajouta t-il en  approchant l'air de rien sa fourchette des lasagnes d'Elliot.


-Hephephep….dit Elliot en attrapant la fourchette avec ses baguettes. 


 Déçu de ne pas avoir droit à une autre bouché, Izuku exprima son désarroi, et devant son air de chien battu, Elliot fit mine de céder, quand bien même il n'avait de toute façon pas eu l'intention de priver Izuku de se servir dans son assiette.  


-Merci. Elles sont incroyables et…originales ? C’est épicé mais juste ce qu’il faut. Normalement j’aime pas les plats épicés mais là…C’est parfait ! C’est juste ce qu’il faut, avec la béchamel ça me brûle même pas la bouche. C'est fait maison ? articula Izuku.


-Ouai. 


-Présente moi le chef, je lui en commande pour la vie.


-Tu le connais déjà. 


-He..? Heeeeee…?! C’est toi qui les as cuisinées ?! s’exclama muettement Izuku avant de lever un sourcil en voyant Elliot se tasser légèrement et hausser les épaules. 


 En voyant son ami exprimer quelque chose qui ressemblait à de l'embarras, Izuku refoula un sourire en se mordant la lèvre inférieure, puis il se fit une image mentale d'Elliot dans une petite cuisine, équipé d'un tablier, réfléchissant à quel bon petit plat il pourrait préparer pendant qu'il faisait glisser son doigt sur la page d'un livre de recettes en se grattant le menton. Izuku fut très touché par cette vision, bizarrement, et contrairement à ce qu'on pourrait penser en voyant Elliot, l'image lui allait plutôt bien. D’ailleurs, il corrigea son image mentale en équipant son ami d’une tenue de cuisinier professionnel, chose qui l’habillait plutôt bien. 


-Tout le monde peut le faire, dit Elliot en plongeant machinalement ses baguettes dans le bol de nouille.  


-Non. La cuisine pour moi, c'est un peu comme la flûte Maped, je suis une catastrophe ambulante. Tout ce que je sais faire, c'est des pâtes, ah, et si, du riz.  


-Tu suis la recette c'est tout. 


-Non j'ai pas le truc, tu sais…articula Izuku en frottant ses doigts entre eux, “...Ah oui, le talent.”, conclu t-il en claquant des doigts. 


-Le talent. Du talent pour des putains de lasagnes, dit Elliot en pouffant.


-Oui, absolument. Laisse en un peu aux autres.


-De ? 


-Du talent. T'es a presque trop. Étude, arts martiaux, musique, piercing, cuisine... T’as l’embarras du choix, articula Izuku en comptant sur ses doigts. 


-Pour ? 


-Pour plus tard. Le futur. 


-Le futur ?


-Alors au cas ou tu le savais pas, non on sera pas lycéen toute notre vie. On va devenir des adultes, travailler, toussa toussa…


-Bah. On en sait rien. Qui sait, j’vais p’t’être crever avant que ça arrive. Hinhinhin…


-He ?! Ça va pas !? articula Izuku en frissonnant, “Tu vas vivre et faire connaître au monde entier tes lasagnes. Voilà, c’est ton destin.  Je te vois carrément bien chef de cuisine.” 


-Ha…?


  Izuku hocha la tête pour confirmer, avant de pouffer, une nouvelle image ayant apparu dans son esprit. 


-J'aurais l'air con  ? demanda Elliot.


-Non non c'est pas ça. Tu connais Gordon Ramsey ? 


-Nan ?


 Pour illustrer, Izuku attrapa son portable pour trouver un best of des meilleures répliques cinglantes du chef Gordon : 


https://www.youtube.com/watch?v=DYTY-0KvZhI


-Hinhinhin, ouai. Bien vu. J’veux faire ça, ricana Elliot en regardant le chef de cuisine s’égosiller.


-Tu feras un parfait Gordon Ramsey. Je prie le ciel pour voir un duel entre lui et toi un jour, articula  Izuku, les mains en prière.


-Tu seras aux premières loges, promit Elliot, “ Toi ?”, ajouta-t-il en mettant un petit coup de menton en direction d’Izuku.


-Moi ?


-C'est quoi ton Gordon Ramsey à toi.  


 En guise de réponse, Izuku haussa les épaules en piquant machinalement sa fourchette dans son assiette. 


-T'as pas une petite idée…?


-Aucune. Je verrai bien. Au pire, j'irais faire la plonge dans ton restaurant spécialisé dans les lasagnes. 


-Ha…? souffla Elliot l’air surpris avant de poursuivre, “Y’a rien qui te branche…Ou t’aurais du potentiel…Du talent… Rien.”, dit-il en plissant les yeux.


-Bah…non. J’en sais rien. Enfin si…Y’a bien une chose que je sais…C'est…C’est débile…articula Izuku en se tortillant sur sa chaise. 


 Pour motiver Izuku à expliquer ce qu'était son Gordon Ramsey, Elliot fit mine de la punir en le privant de son assiette de lasagne


-Ok, ok, je te dis ! Rends- moi ça !


-Ha.


-C'est un peu vague....Je sais pas ce que je veux faire, mais je sais ce que je voudrais plus tard… Je veux une vie simple. Tu vois, faire un travail qui me plaît et rentrer chez moi le soir. Dans je sais pas...Une maison tranquille, une petite bicoque. Et avant ça, je veux voyager partout dans le monde...Puis quand mon voyage sera fini, je pourrais adopter je sais pas...un  chien. Ou deux ou trois...Ah, et des chats aussi…Voilà, juste...une vie simple.


-Hinhin, je te vois bien rentrer le soir dans ta baraque et te faire ton p’tit thé avec un matou sur les genoux, dit Elliot en levant une tasse imaginaire le petit doigt levé.


-Je le fais déjà, avoua  Izuku en pouffant, “Sans le matou.”, précisa-t-il ensuite. 


-Et après c'est moi le vieux. Et pour le matou, s’tu veux on attrape le p’tit chat noir là bas.


 -Voilà, articula Izuku en pointant l'index, “Je veux une vie de vieux. Et le chat…Ma mère est allergique de toute façon, alors laissons le à l’état sauvage. Enfin bon...tout ça on y est pas encore. Et vu que je sais pas ce que je veux faire plus tard, pour l'instant je mise sur un salaire de plongeur pour me payer le loyer d'un petit studio miteux, et...une twingo.”


-Ho. Tu me prends pour qui. Elliot Ramsey il paye bien t'as cru quoi. Une audi, et ton PEL pour acheter ta bicoque : finger in the nose, dit Elliot en mettant deux doigts devant ses narines, “Tu l’auras ta maison de vieux. Et tes 18000 chats et chiens aussi.”, ajouta t-il. 


-Bah, au pire, même si j’arrive pas à avoir un PEL, que je suis sur la paille, et que je finis clochard, ça m'empêchera pas d’avoir des animaux. Je les nourrirai grâce à la générosité des gens, articula Izuku en se mimant en train de faire la manche.


-Ha ? Et toi tu boufferas quoi ? Nan, avant d’en arriver là, y’a pas de galère, ton patron il te logera. T’auras à bouffer pour toi et ton refuge de bestioles.


-Moi ? Boh, j’ai pas besoin de manger. Et non merci j’ai pas envie d'être un boulet. Non puis je suis débrouillard, t’inquiètes, j’irais vivre dans ma twingo. Le luxe.


-Pf une twingo… Ouai ça fera l’affaire. T’es minus, pour toi ça aura tout l’air d’un palace le bordel. Un manoir. Tu peux même te perdre dedans j’suis sûr. 


-Hé !! s’insurgea muettement Izuku avant de mettre une tape à Elliot.


 La chamaillerie dura jusqu'à ce qu’ils terminent leur déjeuner, et chose faite Izuku s’en alla mettre le couvert dans le lave vaisselle tandis qu’Elliot griffonait rapidement quelque chose sur son carnet qu’il rangea dans sa veste avant de s’en revêtir. Il s’avança ensuite en direction du balcon, son paquet de cigarette levé devant lui.


-Vas-y, vas-y. Il y a un cendrier sur la table du balcon.  Est ce que tu veux que papy Izuku te fasse un thé ?  


-Vas y Papy. Juste, fais pas tomber une dent dedans. 


-Promis, articula Izuku en mimant une bouche dépourvue de dentier, puis il prépara les thés et enfila un des gros gilet de sa mère avant de rejoindre Elliot sur le balcon avec les deux tasses fumantes. 


-Hey, t'es occupé la ? demanda Elliot en tapotant sa cigarette dans le cendrier. 


-Oh, des occupations de retraité quoi, répondit Izuku en tremblotant et en se tassant dans le gros gilet. 


-Pf, t'es con, pouffa Elliot, “Moi j’vais au shop. Tu veux ? Ça fera plaisir à la miss grenouille.”


 Après cette proposition, Izuku retrouva instantanément sa jeunesse, et il acquiesça vivement. Le temps qu’Elliot finisse sa cigarette, Izuku envoya un message à sa mère pour la prévenir qu’il sortait en compagnie de son ami, ce à quoi elle répondit aussitôt par : “Super !!! Vous allez faire quoi ? Profitez bien !!” accompagné d’une quantité fantastique de smiley. Après quoi, Elliot s’en alla récupérer son MP3, et une fois dans la chambre d’Izuku, il verifia que le chargement soit bien terminé avant d'éteindre l’ordinateur et de rejoindre Izuku qui trépignait déjà devant la porte. 


-T’as rien oublié ? Non ? Go ?, articula Izuku.


-Go, dit Elliot en sautant les deux dernières marches de l'escalier.


-Go,go,go…! le pressa  muettement Izuku en sortant les rangers du meuble à chaussures.


 Avant de les donner à Elliot, Izuku les soupesa, et en les regardant de plus près, il se fit la réflexion que bien qu’elles soient usées elles étaient d'excellente qualité. Puis alors qu’il les posaient au sol pour qu’Elliot s’en chausse, il remarqua également qu’elles devaient être bien trop grandes pour lui et qu’en conséquence elles étaient équipées de semelles. Izuku fit une petite moue, l'air chagriné, en se disant que peut-être son ami devait porter des semelles orthopédiques à cause de potentiels problèmes de dos, et c’est tout en songeant à offrir une session d'ostéopathie à Elliot qu’il verrouilla la porte. 


-Un lycéen dans un corps de vieux…Elliot Katiev, age : 15 ans, condition physique : approximativement 70 ans, songea Izuku avec humour en invitant son petit vieux à ouvrir la marche.


 Une fois dehors, alors qu’ils se dirigeaient vers le métro, Elliot et Izuku se firent surprendre par une pluie diluvienne qui les obligea à sprinter pour éviter de finir trempés, sprint qui se transforma en course qu’Izuku remporta de justesse. Puis c’en est une autre qui commença, après qu’Elliot se soit fait traiter de mauvais perdant parce qu’il contestait sa défaite. Un jeu du chat et de la souris auquel Ochaco et Arthur qui sortaient tout juste du lycée assistèrent jusqu'à ce qu’Izuku et Elliot disparaisse dans une bouche de métro.  


-Bah, il rentrait pas chez lui ? s’étonna Ochaco.


-Il a capté le truc du cours de math faut croire. Tu pourras lui demander vu que c'est pas ton fort les maths. Reste sous le parapluie tu vas finir trempée… 


-Oui sûrement…Tu savais qu'ils se voyaient en dehors du lycée toi ? 


-De quoi ? Avec Elliot ? J'en savais rien, mais Izuku fait bien ce qu'il veut non ?  


-Tu trouves pas qu'il est bizarre Izuku depuis qu'ils se fréquentent…? 


-Heu…Moi j'aurais dit “moins taciturne” plutôt que “bizarre”. Et c'est plutôt bien non ? 


-Je vois pas trop en quoi il est moins taciturne. Il discute pas plus que d'habitude… répondit Ochaco avant d’ajouter par la pensée : “...Et en plus il devient menteur…”


-Peut être pas avec nous, mais il s'ouvre un peu quand même, dans l'idée c'est plutôt bien tu trouve pas ? 


-Si tu le dis.


-Tu devrais écouter plus souvent ce que je dis d'ailleurs. On en a déjà parlé Ochaco…Tu projettes, soupira Arthur.


-Il est pas question de projeter, mais d’être prudent c’est tout…Excuse moi de pas vouloir qu’un de mes amis se retrouve dans une situation que je souhaite à personne. Et oui, me regarde pas comme ça…J’écoute ce que tu dis, et pas que. Et ce qui se dit au lycée, moi je dis que ça craint.


-“Ce qui se dit”…Mais qu’est ce qui prouve que c’est vrai d’abord ? On en sait rien, personne sait d’ailleurs, même Théo qui est heu…Une espèce de fouine humaine, il sait pas grand chose…


-Alors petit un, comme on dit, il n’y a pas de fumée sans feu, les rumeurs ça vient toujours de quelque part, et petit deux, les gens ils s’en fichent de savoir si c’est vrai ou pas, ils parlent ils parlent, et boum du jour au lendemain ta réputation elle part en cacahuète et tu deviens un…un rebus de l’école. Je connais. Et Théo, parlons en d’ailleurs, tu trouves pas qu’Izuku est pas sympa avec lui ? 


-Oui enfin Théo est super lourd aussi…Franchement je crois pas que sa heu…”tactique de drague” soit la meilleure, et à un moment, il faudrait qu’il comprenne que c’est mort…Mais bon j’admet qu’Izuku pourrait lui faire comprendre plus gentiment aussi…Et pour le reste…Il s’agissait pas de rumeurs Ochaco…Et on sait tous les deux que c'était juste de la méchanceté gratuite…Alors…commença Arthur avant d’être coupé par Ochaco.


-Oui oui…Mais le résultat est le même, tu deviens un rebus, tu te fais harceler etc etc…Alors oui, j’aimerai éviter qu’on dise d’Izuku qu’il vend de la drogue, ou qu’il en prend, ou encore qu’il se prostitue ou je sais pas quoi pour en acheter, et ça juste parce qu’il choisit mal ses fréquentations…dit Ochaco en jetant un regard à la bouche de métro dans laquelle s'étaient engouffrés Izuku et Elliot. 


 Elliot, une mauvaise fréquentation qui lui même fréquentait des gens peu recommandables aux dires de la population du lycée. Car oui, comme le soupçonnait Izuku, une nouvelle rumeur avait fait son apparition dans l'établissement. Un bruit de couloir venu d'un élève qui avait dit qu’une nuit, dans un tramway, il avait croisé la route du "ninja" et d'Elliot, accompagnés de personnes louches qui n'étaient clairement pas des lycéens. Un bruit de couloir qu’aujourd’hui Ochaco prenait très au sérieux, et qui l’inquiétait, car les langues de vipères du lycée commençaient déjà à dire de son ami qu’il semblait avoir prit la grosse tête depuis ce fameux cours d’ EPS, faisant de lui un futur bad boy qui allait mal finir, comme Elliot.   


***


-P’tain…jura Elliot en frottant énergiquement du doigt son oreille droite qui s'était mise à siffler. 


 L'acouphène passé, il entra dans le shop, suivis d’Izuku qui fronça les sourcils en constatant que la vitre de la porte ainsi que celle de la vitrine avaient malheureusement été vandalisées et rafistolées avec du scotch.


-Coucou Elli…commença Froppy, “Ooooooh..!” s'exclama-t-elle ensuite en voyant qu’Elliot était suivit d’Izuku.


-Helloooooooo, dit Tim en traversant l'accueil sur un fauteuil à roulettes.


-Putain, c'est cool la vie de lycéen, vous avez rien à foutre en vrai, lança Draken par dessus la balustrade de la mezzanine.


  Izuku s'excusa en s’inclinant, gêné d’être venu sans prévenir.


-Chill Izu, pose toi où tu veux, le rassura Draken en secouant une main dans le vide avant de descendre.


-Hihi, je suis contente que tu sois venu Izuku, j'ai quelque chose pour toi, se réjouit Froppy avant de donner un petit sac en papier à Izuku qui l’ouvrit avec soin. 


-Ho…! Mais…Mais fallait pas…M-Merci…articula ce dernier en en découvrant le contenu : une jolie boîte de thé vert au Jasmin. 


-Hihi soit pas gêné, on va dire que c’est pour te remercier de la pluie de petits cœurs sur mon insta…”De-ku”, dit Froppy en faisant un clin d'œil. 


-M-mais…mais comment tu… balbutia muettement Izuku en réalisant que son anonymat était tombé à l’eau.


-Hihi…Qui d'autres ? Et du coup, tu viens de confirmer mes doutes. J’ai pensé que c'était toi à cause de la photo de profil. Un chaton noir avec des yeux vert…Si je peux me permettre, la photo est pas terrible hihi... Si ça te dis on pourra discuter un peu en DM, je te donnerai des conseils pour une photo réussie. Par contre “Deku”...T’aurais pu trouver mieux… Hihi, oui j’ai quelques notions de Japonais. On a pas encore pu en discuter, mais tu sais, j’adore le Japon ! J’y suis allée l’année dernière. 


-Ah bon ? T’es allée où ? Ça t'as plu ? écrit Izuku.


-J’ai fais un road trip en partant du sud pour aller au nord. Oooooh, c’était incroyable ! J’ai adoré ! Tout ! Les paysages, la culture, les gens, la nourriture…J’ai hâte de pouvoir y retourner un jour ! Et toi ? Tu y vas parfois Izuku ? 


-Avant j’y passais un mois en été, mais ça fait deux ans que j’y suis pas retourné, écrit Izuku.


- T’as de la famille là- bas du coup ? demanda Draken.


-Oui, il y a la maison familiale de mon père en périphérie de Tokyo. On est ici avec notre mère, ma sœur et moi.


-Ah ouai ? Toute la famille de ton paternel est là- bas du coup ? Ça va, ça te manque pas trop ? Ça doit être chaud de vivre loin de sa famille. En vrai moi ça me foutrait le cafard, dit Tim.


-Non du tout. Disons que je partage pas trop leur mentalité alors ça me va. Et mon père, je crois qu’au moins on se voit au mieux on se porte. Au moins du côté de ma mère c'est plus rock'n'roll. 


-Hm…Pas compatibles, pensa Elliot en fronçant le nez, comprenant maintenant pourquoi le père d’Izuku était complètement absent sur les photos qu’il avait vu un peu plus tôt.


-Hihi, si ta mère est rock’n roll tu dois bien t'entendre avec elle alors. Je me demande comment elle est, dit Froppy. 


-C’est tout le contraire de mon père : elle est pétillante, humaine et ouverte d'esprit. Mon père lui, il a la capacité émotionnelle d'une petite cuillère. C’est un vrai Japonais, un dur de dur, champion du tatemae* toutes catégories confondues. 


-C'est vrai qu'ils sont particulier les Japonais. Je les admire beaucoup pour pleins de choses et ils sont très accueillants, mais j'avoue que leur manque de spontanéité me dérange un peu. Mais dans l’idée c’est aussi ce qui me fascine chez eux : leurs esprit de contradictions, argumenta Froppy.


-Je peux que comprendre, même moi je suis un peu en marge la bas. Pourtant j’y suis né, j’y ai vécu, j’ai été éduqué là- bas…Mais j’ai jamais réussi à m'y faire. En plus avec ma sœur on est hafu**, et à l’époque c'était pas comme aujourd’hui, c’était pas évident d’être métisse. A l'école, les gamins se moquaient de ma sœur tout le temps, ça m'insupportait.


-Ha ? Hinhin. T’as pété combien de tibia du coup ? demanda Elliot.


-Hehe…Pas des tibias, mais un jour j’ai cassé une dent à un petit con. Il était là : “Busuuuuu, busuuu (Izuku imita un enfant)...En gros ça veut dire “moche, laideron”. Ma soeur pleurait à cause de lui du coup je l’ai aplati. Après j’ai dû faire une lettre d’excuses, à lui, à ses parents, à l'école aussi, et j’ai pris un savon par mon père. Mais je regrette rien, articula fièrement Izuku. 


-Hinhinhin…ricana Elliot avant de brièvement résumer à ses collègues ce qu’Izuku avait dit.


-Alors…J’ai toujours pensé qu’Elliot était chelou hein…Ou disons hors norme mais…putain. Il cessera jamais de m’impressionner le con…J’aurais pas pité un mot à sa place, chuchota Tim à l’oreille de Draken.


-Pf…Ouai bah si seulement il pouvait être aussi aimable qu’il est intelligent…chuchotta Draken.


-Pf, intelligent ok, mais carrément attardé humainement et socialement parlant, pouffa Tim.


-Ahlala…J’te jure…Toute une éducation à refaire…soupira Draken avant de reprendre le cours de la conversation l’air de rien. 


-Ah…Si seulement les gens pouvaient arrêter de juger les autres pour une question d’apparence, d’origine, ou encore de religion, d’orientation…On serait dans un monde de bisounours hihi ! dit Froppy.


-C’est utopique, écrit Izuku en prenant un air désolé.


-Hihi alors soit le bienvenue dans cette utopie (Froppy leva les bras pour montrer le shop). Le monde des bisounours, il existe ici hihi...I-zu-ku-chan, répondit Froppy en adressant un clin d'œil à Izuku. 


-Merci pour ton accueil Froppy-chan, écrit Izuku avant de s’incliner. 


-Hihi , ça sonne bien je prend. Bon je vous laisse, mon client va pas tarder, à plus tard !


-“Chan”? demanda Elliot à Izuku.


-J’avoue ça sonne bien, mais ouai ça veut dire un truc ? dit Draken l’air curieux.


-Matez des animes pour vous initier les gens, suggéra Tim.


-En fait au Japon on emploie des suffixes pour indiquer une tranche d'âge, une position hiérarchique, ou encore un niveau d'intimité dans les relations. Par exemple Elliot, toi et moi on a le même âge, on est dans le  même niveau d’étude alors ça sera “Elliot-kun”. Draken et Tim, «senpai» parce que vous êtes nos aînés. Pour un professeur on ajoute «sensei».... Bref, y'en a pleins qui s'utilisent dans certaines conditions, contextes, relations...Et “chan” normalement on l'utilise pour les jeunes enfants, les bébés , ou les filles, mais c'est aussi employé pour les amis ou relation proches. Pour les Japonais ça veut aussi dire «petit, mignon... », écrit Izuku.


-Vas y Elliot-chan appelle moi “Draken-senpai” maintenant, et Froppy, “Froppy-sensei”, dit Draken.


-Pf, mon cul. Je t'appelle tout court. C’est déjà pas mal, répliqua Elliot.


-Vas y le mec qui apprend jamais le respect. Ça te ferais pas de mal un petit tour chez les Japonais, ça te ferais la bite, dit Draken en regardant Elliot l'air hautain, “Emmène le Izu, débarrasse nous de ce parasite à qui on essaye en vain d’apprendre le respect depuis trois ans.”


-Trois ans ? écrit Izuku, pas certain d'avoir bien compris. 


-Ouai on le traîne lui et sa mauvaise humeur depuis tout ce temps. D’ailleurs tu pourras me donner le secret de ton infinie patience, parce que toi tu te le coltines tous les jours au bahut, répondit Draken.


-J’te jure ! On aurait dû le laisser dans le bistrot moisis dans lequel on l’a trouvé ! Ramassé au fond du caniveau le gamin ! Ahahaha ! s'esclaffa Tim.


-Ta gueule ? proposa Elliot à Tim.


-Roh ça va…N'empêche quelle belle histoire…Hein Boss ? Regarde, ok il râle, il est chiant, mais il fait un job au poil de cul, faut le reconnaître. 


-Parce que c’est Froppy qui lui a appris, cette meuf c’est la déesse du trouage. Elle est descendue sur terre juste pour trouer des gens. C’est sa mission de vie. 


-L’autre étant d’avoir appris à un gamin comment trouer des gens, et ce en toute illégalité ahahaha ! plaisanta Tim.


-Roh on s’en fou, regarde on a tous des parcours chelou ici, moi le premier : orphelin, élevé par des prostitués, qui ont fait un job incroyable n’est ce pas, et aujourd’hui j’suis le boss de mon shop, entrepreneur et investisseur. Qui l’eut cru alors qu’au bahut je passais ma vie a mettre des marrons à des types. Puis moi je m’en tape de tout ça, temps que ça bosse bien et que la personne est pas un sombre connard ou une sombre connasse…Tu peux être n’importe quoi ou n’importe qui je m’en tape. Alors prendre un gamin en apprentit, pf, c’est rien. Puis Froppy elle a fait les choses bien, elle l’a préparé oklm notre Elliot.


-C’est long un apprentissage ? écrit Izuku.


-Ça dépend avec qui et comment on t'apprend. Y’a pas vraiment de règle. Là Elliot ça fait à peine un an qu’il prend des clients.

 

-Ah…Quelle débauche. Si jeune, déjà dans les bars, et travailleur clandestin, articula Izuku en regardant Elliot, l’air faussement condescendant. 


-Un clandestin qui fait un, “job au poil de cul”, corrigea Elliot.


-D’ailleurs en parlant de ça, faudrait pas lui faire un contrat boss ? Elliot va pas tarder à avoir l'âge légal pour travailler non ? Parce que ok, ça passe auprès des clients parce qu’il fait pas son âge, mais moi je sers les fesses un peu. Je flippe d’un petit contrôle impromptu, dit Tim à Draken.


-C'est bientôt ton anniversaire ? articula Izuku à l’adresse d’Elliot, prévoyant de noter d’une énorme croix le merveilleux jour du calendrier qui avait vu venir la naissance de son ami.


-Nan, répondit Elliot.


-C’est le 20 Août. Quoi, me regarde pas comme ça gros. C'est pas un secret d'état. C’est écrit sur ta carte d’identité, dit Tim.


-P’tain, laisse ma carte d’identité où elle est et mêle toi de ton cul. Et ton contrat j’en veux pas. Du black ou rien. T’façon c’est tout vu avec Draken, y’a pas de sujet, dit sèchement Elliot.


-Oh bah t'inquiètes j’veux plus jamais revoir ça, tu fais peur dessus. J’te jure Izuku, le type doit avoir quoi…12 ou 13 ans dessus, il a une tête de taulard. Un sale gosse quoi, mais ça, ça a pas changé, soupira Tim. 


-Fallait pas venir foutre ton putain de nez dans mes putains d’affaires. Est ce que que je fouille ta putain de veste moi ?? répliqua Elliot.


-Roh…Ca va…T’as déjà fais un scandale, tu vas pas remettre ça monsieur la drama queen, si ? Puis à la base j'étais rempli de bonne volonté, tu voulais pas me dire quand c’était ton anniversaire, et je voulais te faire un p’tit cadeau quoi. 


-Je m’en branle de mon putain d’anniversaire. C’est un jour comme un autre, point. Maintenant stop, et touche à ton cul plutôt qu'à mes putains d’affaires.  


-Quand on dit que c’est un vieux. Voilà Izuku, regarde le…Le pépé Elliot là (Draken montra ce dernier de la main). Un papy, aigri, chiant, grincheux, et imbuvable.


-J'avoue, pas besoin de contrat de travail en fait, t’es déjà un retraité, on va te coller direct dans un ehpad, dit Tim.


-Je viendrais te voir, articula Izuku en faisant mine de consoler Elliot en lui tapotant l’épaule. 


-Bah, tu m'emmèneras des nouilles.


-Promis,  articula Izuku.


-Non mais sérieux, avant d’aller à l'ehpad, paye au moins un coup le jour j. Qu’on s’en mette une petite pour l'événement quoi, dit Tim.


-Tu te la mettra tout seul ouai, répliqua Elliot.


-Putain mais quel gros radin. J’sais pas, fais un effort. Au moins quand t’auras 18 piges quoi…


-Ha, les 18.... Ouai, à voir. ‘Fin…dit Elliot avant de s’adresser à Izuku, “Si d’ici là j'suis pas mort, ou clodo, ou dans une twingo, ou en taule…Hinhinhin…”


 En guise de réponse, Izuku asséna une tape à Elliot qui avait un humour bien trop noir à son goût. Pourtant, Izuku était plutôt amateur en temps normal, mais pour le coup, blaguer sur un potentiel avenir malheureux ou la mort de son ami ne l’amusait pas du tout. C'était d’ailleurs tout l’inverse, et ça le renvoyait même a cette sensation d’effrois, celle qu’il avait eu un jour au pont en voyant apparaître cette angoissante silhouette encapuchonnée. En y repensant, inconsciemment, Izuku se rapprocha légèrement d'Elliot qui était assis à côté de lui, pendant que Tim et Draken poursuivaient, réussissant finalement à détourner l'esprit d'Izuku d'images qui allaient de nouveau lui retourner le ventre.


-Ah n'empêche…De l’eau a coulé sous les ponts…On parle des 18 ans d’Elliot, ça va arriver…Tac ! (Tim claqua des doigts)...Comme ça, et on aura rien vu faire, alors que j’ai l’impression que c’était un gamin genre encore hier. Tu te souviens Draken ? Elliot-chan quand il a fait ses premiers trous...dit Tim en regardant au loin, l’air nostalgique.   


-Comme si c’était hier…Les premiers clients qu'il a tej’...se mémorisa Draken en regardant Elliot comme un père qui aurait soudainement réalisé que son enfant avait grandi.


-Ses premières groupies...ajouta Tim.


-...Qui se sont faites tej’ aussi…compléta Draken.


-Ho putain gros. Cette fois ou il est sortit tout blanc de sa salle tu te rappelles ?! s'exclama Tim en mettant une tape à Draken.


-Mais, é-vi-de-ment ! Blanc comme un cul, c’était magique. J’ai cru qu'il allait dégueuler. Aaaah...Cette histoire, c'est quelque chose. C'est déjà arrivé à tout pierceur qui se respecte, dit Draken l'air très sérieux avant de rire en voyant Izuku se décomposer, “Ahahaha ! T'inquiètes Izu, il a pas dégueulé, il lui en faut plus. Si tu veux faire gerber Elliot, tu lui sort une ‘teille de Vodka.», ajouta-t-il ensuite pour rassurer Izuku qui s'imaginait déjà un Elliot livide.


-Ahahaha putain la vodka…C’t’affaire…C’est qui déjà qui avait remplacé son verre par de la vodka ? Jenn non ? Rohohoho…Cet effet “Destop minute”, j'étais dead. Je vois encore le cul d’Elliot dépasser du buisson quand il degueulait. Et Jenn derrière, morte de rire, à dire : “Laissez le trépasser en paix…”. P'tain je donnerai tout pour revoir ça. Ou (Tim leva un doigt) ! Ou, bien évidemment, pour revoir la tête d'Elliot après chaque premier piercing génitaux, dit Tim. 


-Ta gueule ? proposa de nouveau Elliot en fronçant le nez en même temps qu’Izuku, “P’tain c’est vous les putains de ieuv…Vous radotez. Bon sinon, on s’en bat les couilles de vos histoires. Y’a du monde aujourd’hui ?”, dit-il ensuite pour changer de sujet. 

 

-Tu vas être au chômedu j'crois, vu comment ça pisse dehors ça va être calme je pense, dit Daken en regardant au travers de la vitrine.


-Hinhin, tant mieux, se réjouit Elliot. 


-Ahaaa…Ca, ça veut dire… Rencard de toi à toi c'est ça ? dit Tim en haussant les sourcils.


-Ouai, dit Elliot en s’étirant les bras, “J'en profite. Je vais me trouer moi.” ajouta t-il à l’adresse d’Izuku. 


-Heee…?! Trop bien ! Où ça ?? articula Izuku.


-Là, dit Elliot en tirant sur le côté encore vierge de bijou de sa lèvre inférieure, “Tu veux voir ?”, proposa-t-il ensuite.


 Izuku acquiesça aussitôt, impatient de pouvoir assister à cet auto piercing, et il suivit Elliot en bas, non sans se sentir un peu envieux. Lui aussi aurait voulu avoir à disposition tout le matériel pour se piercer à volonté, et ce sans avoir l’autorisation de ses parents. En pensant à cela, Izuku se fit d’ailleurs la réflexion  que les parents d’Elliot devaient être d’une grande souplesse avec leur fils, si toutefois, parents il y avait. La poitrine d’Izuku se serra à l’idée d’un Elliot potentiellement orphelin, comme l'était Draken. Une idée qui forma automatiquement dans son esprit plusieurs scénarios dont celui d’une histoire familiale dramatique qui aurait pu être la raison de la maturité précoce d’Elliot, de son caractère, et aussi de son petit son petit coté enfantin, celui d’un gamin à qui l’enfance avait été arrachée.  


-Hé !! Stop !! Ça va deux minutes les dramas…! ordonna mentalement Izuku à son cerveau en suivant Elliot dans les escaliers dont il loupa la dernière marche. 


-Ho, regarde où tu fous les pieds, dit Elliot en rattrapant Izuku qui venait de se fracasser le nez dans son dos.


-Heu…Pardon, j'étais dans mes pensées…articula Izuku en se frottant le nez.


-Pf, pouffa Elliot en ajoutant “tête en l’air” dans la liste des caractéristiques d’Izuku, “Ça mérite de se péter un os ?”, dit-il ensuite.


-Oui. Même plusieurs. J’ai trouvé une vocation.


-Ha ?


-Scénariste.


-Pf, scénariste…Bon. En attendant d'écrire ton scénar sur un mec qui vit dans une twingo avec 800 bestioles, ferme la porte de la salle. Pas que les clients de Froppy nous voient.


 Izuku s'exécuta pendant qu’Elliot branchait son Mp3 sur son petit poste de musique duquel il choisit un titre qu’il lança en repeat. Après quoi, il s'étira les bras, et frotta ses mains entre elles, visiblement très content de pouvoir s’offrir ce moment. Izuku souris en regardant son ami qui commençait sa mise en place en bougeant la tête au rythme de la musique, et curieux, il jeta un œil au Mp3 qui jouait le morceau d’un groupe qui faisait sans doute partie des préférés d’Elliot qui avait ajouté plusieurs de leurs titres sur la playlist qu’Izuku avait créé pour lui sur son compte Youtube.


“3 minutes Of” - Moderat

https://www.youtube.com/watch?v=oWCc0ZJ9sSk


 

-Tiens, tu vas t’y coller aussi. Juste tu me passe le matos quand j'ai besoin, dit Elliot en faisant signe à Izuku de le rejoindre devant une petite fontaine en inox.


-Heu…D'accord…? articula Izuku l’air peu assuré.


-Viens. Tu vas te laver les mains. Tu touches plus à rien après. Tu vas enfiler des gants aussi.


 Izuku acquiesça, puis il rejoignit Elliot qui se lava les mains le premier pour montrer le protocole chirurgical à son tout nouvel assistant qui l’imita ensuite. Puis une fois les mains passées au gel hydroalcoolique et équipées de gants trop grands, Izuku les maintint levées tout en regardant attentivement son ami qui commença la préparation de sa station tout en expliquant ce qu’il faisait, pourquoi et comment. En premier lieu, la servante avait été protégée par un drap d’examen sur lequel Elliot avait ensuite posé un paquet de gant, une compresse, un ciseau, des pinces, un cathéter, une petite fiole de chlorhexidine, et le bijoux, le tout disposé soigneusement, de manière ordonné, dans ce qui devait être le dispositif habituel du Elliot pierceur. Izuku réprima un rire en se tordant la bouche, se faisant la réflexion que son ami était plutôt maniaque, voire qu’il devait avoir quelques toc, en le voyant réaligner la disposition de tout son attirail. Une application à laquelle le professeur d’Allemand n’aurait pas cru au vu du peu de soin qu’Elliot accordait à ses cours, pris sans application sur des feuilles volantes, et rangées dans un trieur désordonné. Izuku ne s'était donc pas trompé : de toute évidence, Elliot économisait son énergie qu’il n’usait visiblement que pour des choses qui lui plaisaient (et qui en l'occurrence était en plus son gagne pain), bien qu’en ce qui concernait le lycée il n’ait de toute manière pas besoin d’en dépenser beaucoup. Si Izuku était bon élève et premier de sa classe, c’est parce qu’il bûchait, tandis qu’Elliot lui n’avait pas l’air de fournir un quelconque effort pour être premier de sa classe. Ce dernier semblait n’avoir besoin que d’une vague concentration en cours pour retenir l’essentiel d’une leçon, et d'après Izuku, c’est à ses facilités que son ami devait aussi son panel de talents qui semblait infini, dont celui de maîtriser à son jeune âge la complexe technique du piercing. 


-Elliot Katiev, QI : 130 si c’est pas plus. Batman il est à combien déjà...? Au moins 200 non…? s’amusa à penser Izuku en regardant le reflet d’Elliot dans le miroir situé à côté de la fontaine.


-Hey, l’interpella Elliot avant de souffler dans un gant pour en faire un ballon.


 L’ai curieux, Izuku le regarda faire, puis Elliot lâcha le gant qui s’envola pour ensuite s'échouer mollement au sol.


-Pfufufu…pouffa Elliot en achevant la préparation de sa station.


-Pf !!! J’ai rien dit ! Il est débile ! s’exclama mentalement Izuku en réprimant un fou rire, “Retenu sur salaire.”, articula-t-il ensuite en pointant le gant-ballon du doigt.  


-Hinhinhin…M’en fous. Bon. Voilà, j’suis bon pour arranger ma gueule, dit Elliot avant de retourner à la fontaine pour faire un bain de bouche qu’il gargarisa un moment.


 Chose faite, il se lava de nouveau les mains, se plaça devant le miroir, et à l’aide d’un pied à coulisse il situa l’endroit qu’il allait piercer en faisant un petit point au feutre. Une fois sûr d’avoir un résultat parfaitement symétrique (Izuku confirma mentalement que son ami était maniaque au vu du temps qu’il y avait passé), Elliot prit du recul pour se toiser dans la glace, puis il retourna à sa station sur laquelle il déballa prudemment le paquet de gants qu'il conserva en guise de champ stérile afin d’y déposer tout le matériel qu'il ouvrit ensuite en prenant soin de ne rien toucher. Chose faite, il enfila ses gants dans un procédé bien précis, et nettoya sa peau avec la compresse sur laquelle il avait au préalable versé la chlorhexidine. Du pied, Elliot fit rouler sa table de travail vers le miroir avant d'attraper la paire de pince destinée à viser la zone et à guider l'aiguille. Une fois sa lèvre saisie, il la retourna pour faire une dernière vérification, et définitivement certain que l’emplacement était bon, Elliot attrapa le cathéter qu'il enfonça aussitôt dans sa peau, sans douceur. Il en retira ensuite l’aiguille, et mima des ciseaux à Izuku pour qu'il les lui passe. Une fois l'excédent du tube coupé, Elliot demanda de nouveau la participation d'Izuku pour qu'il lui passe le bijoux qu'il inséra dans le cathéter avant de le faire glisser dans sa lèvre d'un geste assuré. L’anneau mis en place, Elliot tira dessus sans délicatesse pour y visser les petites boules, et chose faite il essuya le sang qui avait perlé, et contempla le résultat dans le miroir. 


-Hinhinhin, ma daronne va encore me faire la gueule, ricana Elliot.


-Ah bon ? Avec tous ceux que t'as déjà…articula Izuku, soulagé d’apprendre qu’Elliot avait bien une maman. 


-Ouai. A chaque fois elle est là : “Oh non…! J’aime pas ça !!”, dit Elliot en prenant une voix aiguë, “Mais…Mieux nan ?” ajouta t-il en s’adressant au reflet d'Izuku qui colla son pouce à son index pour valider.


-Je crois que niveau symétrie on peut pas faire mieux. T’as géré, articula Izuku.


-Je sais, dit fièrement Elliot en soufflant du nez.


-Bien les chevilles ? 


-Pas trop mal, assura Elliot en vérifiant ses chaussures.


-Débauché, clandestin, et prétentieux, blagua Izuku en comptant sur ses doigts.


-Et, talentueux. C'est toi qui l'a dit, dit Elliot en levant les deux mains.


-Calme toi, toi et ta grosse tête vous allez vous envoler.


-Une grosse tête un peu moins cheum maintenant, dit Elliot le nez froncé, en se regardant une dernière fois dans le miroir.

 

 Izuku haussa les sourcils, surpris par ce que son ami venait de dire. Si Elliot était sérieux, il se mettait le doigt dans l'œil jusqu’au coude. Mais mal à l'aise à l'idée de lui dire que non, il était loin d’être cheum, bien au contraire, Izuku préféra poursuivre sur le ton de la blague.  


-C'est vrai que t'es un cageot, ironisa Izuku en faisant mine d’être dégoûté. 


-Mpf…Tu dis ça parce que t'es jaloux.


-Un peu.


-T'en veux un ? proposa Elliot.


-OUI !! hurla Izuku par la pensée, “Non merci, j’ai pas envie…Mais c’est gentil de proposer.”, articula t-il ensuite.


-Pf. Ouai. T’as pas envie, t’en crève d'envie, corrigea Elliot.


 Izuku haussa les épaules en prenant un air coupable. Effectivement il était plus que tenté par l’idée, bien qu’une partie de sa conscience lui conseille de rester raisonnable. Mais la voix de la tentation qui lui hurlait d’y aller les yeux fermés couvrait petit à petit celle de la raison, et en plein débat avec lui-même, Izuku tira sur ses manches en se pinçant la bouche. 


-Allez, lequel, insista Elliot en se plaçant devant Izuku les bras croisés, “Rah arrêtes. Nan ça me fait pas chier. Allez, dis. Lequel.”


 Il n’en fallut pas plus à Izuku qui laissa la tentation l’emporter, mais il hésita un instant sur l’emplacement, car si il le faisait dans le dos de sa mère il fallait s'assurer qu'elle ne le voit pas. 


-Ici..? C’est possible…? Promis, je suis propre, articula Izuku en pointant son nombril du doigt.


 En guise de réponse, Elliot fit mine de renifler Izuku pour s'assurer de sa propreté, puis il acquiesça. Après quoi, il nettoya sa station pour ensuite en préparer une autre, et chose faite, il s'assit sur un tabouret à roulettes et demanda à Izuku de s'approcher. 


-Bah enlève, j’vais pas trouer ton pull, dit Elliot.


 Timidement, Izuku se débarrassa de son gros sweat, et il souleva son tee-shirt en regardant ailleurs. Elliot hocha de la tête en allant chercher son pied à coulisse, tout en se disant qu’Izuku avait bel et bien une constitution athlétique au vu des abdominaux finement dessinés qu’il venait de révéler. Mais rien de surprenant pour Elliot qui pouffa en se disant qu’il fallait au moins ça pour réussir à le faire décoller du sol pour l’y aplatir ensuite. Tout en se remémorant le vol plané qu’Izuku avait lui-même fait un jour, Elliot rejoint ce dernier en roulant sur son siège, qu’il ajusta ensuite pour être à bonne hauteur. Après s'être amusé à compter les grains de beauté qui décoraient le ventre d’Izuku, Elliot procéda comme il l’avait fait sur lui, et il situa où il allait piercer à l’aide du pied à coulisse. Izuku eut la chair de poule au contact froid de l’objet, et en baissant les yeux pour voir ce qu’il se passait sur son ventre, il dut retenir un rire, en imaginant Elliot (qui était affairé à mesurer au centième de millimètre la zone), entouré de formules mathématiques extrêmement complexes.


-Ha ! Te marre pas,  j’vais foirer mon point. 


-Pardon, articula Izuku en s'efforçant de retrouver son calme. 


-Ca te va là ? Ouai ? Allonge toi maintenant. On va passer aux choses sérieuses hinhinhin… Ha attends, dit Elliot avant de se rendre au petit poste pour mettre un autre titre en boucle. 


«Nasty Silence» - Moderat.

https://www.youtube.com/watch?v=eTLHY2VjM4E


 Izuku s’installa sur la table le sourire au lèvre, tout en regardant Elliot prendre quelques secondes pour apprécier le début de la musique et danser en bougeant essentiellement la tête et les épaules, le reste étant occupé à préparer le poste de travail. Puis le sourire s'évanouit soudainement, et le cœur d’Izuku se pinça lorsqu'il songea à son invitation laissée sans réponse, et à sa salle de danse, dans laquelle il allait demeurer seul. Au moins une fois, juste une fois, Izuku aurait voulu voir dans le grand miroir le reflet de la danse d’Elliot, pour y découvrir une fois, rien qu’une fois, ce que ce garçon et sa personnalité atypique pouvaient bien chorégraphier.


-Et si…Je demandais…? Maintenant…? Juste une fois… songea Izuku en serrant les poings sur son tee-shirt, avant de lever la tête, remarquant qu’Elliot réclamait son intention en levant un bras.


-C'est quoi c’te tronche. Cache ta joie, dit Elliot tout en se lavant les mains.


-He...?...Cette tronche..? pensa Izuku, surpris d’avoir été si transparent, avant de se ressaisir, “C’est pas très sympa. C’est ma tête de tous les jours.”, articula t-il ensuite, en faisant mine de bouder.


-Nan. Ha. J'ai cru qu'on t'avait condamné à mort p’tain.


-Bah je sais pas, j'ai rien signé, je sais pas ce qui m'attend.


-Ha merde. La décharge, dit Elliot en serrant les dents. “On va dire que tu l'as lue, et que t'accepte les termes, les conditions et les risques, dont celui de potentiellement crever à la fin. Signe.", ajouta t-il en tendant la paume de sa main en guise de support.


-Je prends le risque. Yolo, articula Izuku en signant du doigt dans la paume d’Elliot.


-Pf, “Yolo”, pouffa Elliot, “Bon, m’sieur le condamné, une dernière parole ?” 


-Merci pour les lasagnes. 


-Hinhinhin. Ton dernier souvenir ça va être des lasagnes et des nouilles instantanées. Pas de regrets ?


-Aucun. C'est un beau souvenir, articula Izuku en essuyant une larme imaginaire, “Et ça fera un super bol gastrique pour le thanatopracteur.” plaisanta-t-il ensuite en convulsant de rire. 


-Pf, t’es con, pouffa Elliot en enfilant ses gants, “C’est plutôt un putain de médecin légiste qui va en profiter de ton bol gastrique. Bah ouai. Si tu crèves entre mes mains. P’tain ! C’est pour ça que j’vais finir en taule : homicide.”


-Mais non. Regarde, si j’y passe, tu mets mon corps dans ta poubelle jaune là. La DASRI. Ça part en incinération et hop. Tu te feras pas attraper. 


-Ha..? souffla Elliot en regardant la dite poubelle, “J’avoue, tu rentre dedans easy hinhinhin. Ha…Tututut…Me regarde pas comme ça…C’est moi qui ai le pouvoir ici (Elliot pointa le cathéter du pouce). Et oublies pas : j’suis un clandestin qui travaille au poil de cul, j’devrais pouvoir te garder en vie.”


-J’ai toute confiance, articula Izuku en mettant ses bras en croix sur sa poitrine.


-Tu devrais pas, dit Elliot en s’asseyant sur le bord de la table.


 Après quoi, Elliot retrouva son sérieux, et il vérifia une dernière fois que son point était bien situé en se penchant sur le ventre d’Izuku qui frissonna en sentant son souffle sur lui. 


-Hinhin. T’as les pétoches ? dit Elliot.


 Pour réponse, Izuku prit un air vexé, et il fit “non” de la tête. A vrai dire, loin d’être inquiet ou apeuré, il était surtout impatient de sentir l’aiguille le traverser. Pour le taquiner, Elliot tanta une dernière intimidation en s'équipant de ses gants dont il fit claquer la manche, mais Izuku lui signifia par le regard qu’il n'était pas du tout impressionné.


-On va voir ça, dit Elliot en attrapant sa pince qu’il fit claquer à plusieurs reprises, l’air menaçant. 


-Allez bourreau, fais ton office, articula Izuku en faisant mine de se résigner à sa condamnation.


-See ya’…in hell, articula Elliot en faisant un petit salut à Izuku.


-Sayonara, articula Izuku avant de regarder le plafond. 


 Encore une fois, ce dernier frissonna en sentant le métal froid de la pince sur sa peau, et lorsequ’Elliot la serra, Izuku eut comme l’impression de se faire mordre. Sous l’effet de la morsure métallique, son ventre se contracta involontairement, alors il expira doucement par le nez pour reprendre le contrôle de son corps. 


-Détends toi, souffla  Elliot. 


-Ça va. C'est juste froid.


-Plus pour longtemps, susurra Elliot, en se redressant.


 D’une main, Elliot maintint sa pince en place, tandis que de l’autre il s’empara du cathéter qu’il visa ensuite là où il allait piercer. Sûr d'avoir bien repéré sa cible, il se redressa pour voir le visage d'Izuku et attendit que celui-ci décroche son regard du plafond pour qu'il le voit. Quand Elliot trouva les yeux d’Izuku, il lui demanda d’un imperceptible mouvement de tête s’il était prêt. Puis, à peine Izuku eut-il acquiescé que, sans le quitter des yeux, et sans hésitation, d’un geste assuré, Elliot fit pénétrer l'aiguille dans sa chair. N'ayant pas eu le temps de s'y préparer, Izuku soupira quand il la sentit le traverser, et la bouche entrouverte, il ferma les yeux, sentant sur son ventre une brève mais vive brûlure, comme si l’aiguille avait été chauffée à blanc. Elliot ne bougea pas d’un pouce, jusqu'à ce qu’Izuku ouvre de nouveau les yeux, puis une fois que ce dernier signifia qu’il allait bien, Elliot retira doucement la pince ainsi que l’aiguille, et il découpa prudemment l'excédent du petit tube. Après quoi, toujours avec précaution, il fit glisser le bijou dans la peau d’Izuku, et vissa minutieusement la boule. Impatient de voir le résultat, ce dernier commença à se redresser mais Elliot l’en empêcha d’une petite pression du dos de la main sur l’épaule.


-Attends, deux minutes. Bouge pas. Tu saignes un peu, dit Elliot en maintenant une compresse sur le ventre d'Izuku.


 Celui-ci pouffa en soufflant du nez en sentant sous sa paume les pulsations du cœur d’Izuku qui semblait plus nerveux qu’il n’avait voulu le faire croire. Puis après avoir vérifié sa compresse et jeté un dernier coup d'œil au nombril d’Izuku fraîchement décoré, Elliot signifia par le geste à ce dernier qu’il pouvait se redresser. 


-Reste assis deux secondes. Que tu tournes pas de l'œil. 


-Hé ho, c’est bon, je suis pas en sucre. J’ai rien sentit, ça fait pas mal, articula Izuku en descendant de la table pour se rendre devant le miroir, “Wah…Merci. C'est parfait.”, ajouta-t-il ensuite en contemplant le résultat. 


-Je sais, dit Elliot en se débarrassant de ses gants qu’il jeta habilement dans la poubelle.


 Izuku soupira en jetant un regard blasé à son ami, puis il se planta devant ce dernier avant de mettre ses mains au-dessus de la tête d’Elliot, pour ensuite les éloigner doucement en imitant une explosion. 


-Boom, articula Elliot en attrapant les poignets d’Izuku, “Bon, M’sieur le condamné, allez montrer ça à l’étage du dessus pendant que je m’occupe de mon bordel.” 


-Vous voulez de l’aide M’sieur le bourreau ? 


-Nan. J’te rejoins là haut. File, dit Elliot en libérant Izuku de ses entraves, “Pas de scène de crime à nettoyer, j’en ai pas pour long.” 


-Sûr ? insista Izuku, gêné d’avoir donné du travail en plus à Elliot. 


-Sûr.


-Bon…A tout de suite, articula Izuku avant de rejoindre Draken et Tim à l’étage, non sans se sentir coupable d’avoir cédé à la tentation, “Si je lui paye il va m’envoyer balader c’est sur…Bon, faut vraiment que je me creuse pour être quitte…”pensa t-il ensuite.


-Ah bah enfin, dit Draken en voyant Izuku émerger des escaliers, “Il est tombé dans les pommes ou quoi ? Dis moi que oui, ça me donnera l’occasion de lui foutre une tarte.” 


-Non pas besoin de tarte. Il range et il arrive, écrit Izuku.


-Dommage, j'aurais bien aimé le voir débarquer blanc comme un cul encore, dit Tim, l'air déçu.


 Comprenant par là qu’Elliot avait peut-être fait un malaise le jour où Draken et Tim avaient dit l’avoir vu sortir de la salle de piercing livide, Izuku mit sa main devant sa bouche, l’air inquiet, et il jetta un regard en direction des escaliers. En le voyant faire, Draken et Tim éclatèrent de rire avant de rassurer Izuku qu’ils devinaient être d’une nature plutôt anxieuse. 


-Ahahaha ! Mais non, t’inquiètes Izu, il a pas pass-out en se trouant Elliot. Lui tu peux le piercer, lui faire tout ce que tu veux, il s’en fou, à croire que la douleur il connait pas.  Non, c’est en trouant une cliente, enfin une nana qui a bien voulu faire cobaye, qu’il a buggé. 


-Nan mais attend le pauvre, il a dû être choqué. En principe, à cet âge là, bon sauf exception, t’as encore jamais vu ça. Et ça peut être impressionnant selon les meufs ahahaha ! dit Tim à Draken en rigolant.


-Ah ouai, et là en l'occurrence, n’importe qui aurait été sur le cul. On a dû l'entendre dans toute la ville la nana. Bon, j’suis un peu marseillais j’avoue, mais Froppy elle, elle était à téco, et même elle elle a admit que c'était a-bu-sé. C’est dire, dans l'idée, elle est plutôt familière du truc...


-He…? articula Izuku en serrant son col.


-Ahahahaha ! Izuuuu ! Ta tronche ! s'esclaffa Draken en voyant l'air grave d'Izuku, “Ouah, on va t’apprendre à te détendre un peu j’crois hein. A te voir on dirait que t’as assisté à un drame. Respire, y’a pas eu de mort.” dit-il ensuite en mettant une petite tape à Izuku qui fronça les sourcils en se faisant la réflexion qu’il était définitivement bien trop transparent aujourd’hui. 


-Bien au contraire, la meuf a vécu sa meilleure vie, précisa Tim à Izuku qui pencha la tête l’air curieux. 


-En fait elle se faisait piercer là, le capuchon (Draken tapota la vitrine où se trouvait le présentoir de démonstration des piercings génitaux féminins), et pendant l'acte, boum, sans prévenir, la nana à eu un orgasme de ouf. Oh putain, j'aurais tué pour voir la tête d'Elliot en direct au moment ou elle a gueulé. Faudrait que tu demandes une imitation a Froppy Izu, j’te jure c’est a mourir de rire.


-Et du coup, d’après Froppy, après ça, Elliot il a tout lâché, il a laissé la nana en plan, et nous on l'a vu sortir de la en mode Casper…Bah..? dit Tim avant de s’interrompre en voyant Izuku tâter ses poches, puis faire signe qu’il redescendait.


 C’est en appliquant ses mains froides sur ses oreilles qu’il sentaient s’enflammer qu’Izuku dévala l’escalier dont il sauta les trois dernières marches. Après quoi, il passa la tête dans la salle de piercing, maintenant impeccablement rangée et nettoyée, sans y trouver Elliot qui sortait des toilettes au même moment.


-Hey…? dit Elliot en tapotant l'épaule d’Izuku qui sursauta en se retournant.


-Hey…Heu…Désolé, heu…Mon portable…? 


-Ha ? Je l'ai pas vu dans la salle.


 Izuku fit mine de fouiller ses poches pour chercher son téléphone et il se tapa sur la tête en faisant semblant de le découvrir dans son pantalon.


-Quand je dis que ses machins ça rend cinglé. Tu me suis ? J’vais faire ce qui est absolument interdit en temps normal après un labret, c'est-à-dire, fumer une grosse clope. 


-Oui je te rejoins je…Je…Je vais heu…


-Aux chiottes…? Tu peux l’dire hein, t’sais, on chie tous, dit Elliot sur le ton de l'évidence.


 En guise de réponse, Izuku balbutia muettement quelque chose d'incompréhensible, puis les joues enflammées il s’en alla en direction des toilettes en trottinant, tout en se faisant la réflexion que son ami était plutôt sans gêne dans son genre. Tout le contraire d’Izuku dont la pudeur fit rire Elliot qui pansa alors que son Pokémon, bien qu’il soit plutôt sauvage, avait un petit côté vierge effarouchée. Un trait de caractère plutôt amusant et propice à la taquinerie.  


-Ah bah enfin, j’allais appeler les keufs pour dire que t’étais porté disparu. Ça te prend moins de temps que ça pour te trouer la gueule habituellement, dit Tim en voyant la crinière d’Elliot émerger des escaliers. 


-Ha ? Il vous a pas dit ? J’ai eu plus de taff que prévu hinhinhin…Lui aussi il s’est fait trouer, dit Elliot en tendant le pouce vers les escaliers.


-Ah bah bravo. Un piercing sur mineur, et sans accord parental, dit Tim en applaudissant.


-Hé Izu ! Fais voir si notre apprenti troueur a bien bossé ! dit Draken une fois Izuku remonté. 


  Timidement, Izuku remonta ses vêtements pour montrer son tout nouveau piercing à Draken qui se pencha en appuyant ses mains sur ses genoux pour le regarder de plus près.


-Ahaha ! Nickel ! Bon j'suis quand même un peu déçu, je pensais qu'un jour tu sortirais d'ici avec un piercing à la teub, dis Draken.


-Wah putain t'es stock Izuku ! Tu fais le même training de cinglé qu'Elliot ou quoi ? dit Tim en imitant Draken. 


-Le mec qui se lève à 5h pour aller faire des putains de tractions. Moi je dis que c'est les psychopathes qui font ça. T'es pas normal gros, affirma Draken l’air convaincu en agitant un doigt sous le nez d'Elliot.


-Un psychopathe qui veut pas avoir un corps de lâche, répliqua Elliot en s’emparant d’une cigarette.


-Heureusement que j'ai pas à me lever à 5h pour "pas avoir un corps de lâche" alors. Je me trouve plutôt bien gaulé sans avoir à forcer. Dame nature à été généreuse avec moi, dit Draken en rejetant sa longue tresse en arrière. 


-Gningningnin…“Dame nature à été généreuse avec moi…”, répéta muettement Elliot en faisant une grimace qui projeta Izuku dans une cours de récréation de primaire. 


-Pf !! Cette tête de sale gosse ! Elliot Katiev : QI 130 +, âge mental : 8 ans, pouffa mentalement Izuku en réprimant son rire. 


-Ahaha ! Mais non, t’as rien compris boss,  le mec se forge une armure pour la baston. Le gars tu lui colles une patate c'est à peine si il bouge, dit Tim.


-Quand t’arrive à m’en coller une, précisa Elliot en levant le doigt.


-En parlant de coller des patates...dit Draken qui retrouva son sérieux après avoir regardé au travers de la vitrine. 


-Vas-y ils foutent quoi ici eux encore, ragea Tim en se joignant à Draken.


-P'tain, jura Elliot entre ses dents.


-He…? Qu’est ce que…? pensa Izuku en sentant soudainement une tension palpable émanant de son ami.


 Izuku suivit le regard de ce dernier, et au travers du rideau de pluie il repéra un petit groupe de personnes au loin, qui semblaient scruter le magasin et roder autour.


-Vas y j’appelle Mickey au cas où. Sort ma batte Tim steup'. Je vais encore leur faire sauter une dent ou deux, ça va les calmer, dit Draken en s’avançant vers la porte, “Si leur dernière rossée leur a pas suffit…J’vais te les mettre dans le même état que la vitrine moi t’vas voir…”, marmonna t-il ensuite.


-Nan. C'est bon. Ils se tirent, dit Elliot en tirant sur la manche de Draken, “Trop de gens…Fait pas nuit…” marmonna t-il ensuite.


 Effectivement, le petit groupe sembla se dissoudre, puis enfin les individus s’en allèrent. Cependant, la soudaine tension qu’Izuku avait ressentit persistait, et il chercha le regard de son ami, en quête d’explication. Mais celui-ci était tourné vers Draken, qui fit signe à Elliot de le suivre. 


-Bon, je vais nous faire des petits caf’, ça va nous détendre le cul, dit Tim avant de se lever, laissant Izuku seul.


 Curieux, ce dernier se pencha pour voir la salle de Tim dans laquelle Elliot et Draken s'étaient isolés, et il se concentra sur le reflet d’un petit miroir d'où il pouvait plus ou moins voir Draken qui chuchotait, chose qui ne facilitait pas la lecture sur les lèvres.


-...Rapport à ce que je t’avais dis…Septembre…Ils démordent pas…Chien qui a pété ma vitrine…l’ai castagné…plus bavard…Ils savent rien de plus…Non tranquille, rien eu à ce sujet…Oh, calme toi…Juste un bruit qui court…J’sais pas…Mickey sait pas plus…Il se démerde pour dropper des infos bidons…De quoi ?...L’autre bâtard…Tout le monde pensait…Y’a pas de trace…rien t’façon. Si ? Non ?...Bon bah voila pas de quoi faire un flan…Ils ont plus rien. Rien. Ils peuvent rien faire…


 Ne comprenant pas la moitié de ce que Draken disait, Izuku se pencha un peu plus, manqua de tomber du canapé, puis il s’empressa de se rasseoir l’air de rien quand Tim revint dans le même temps que Draken et Elliot sortaient de la salle. 


-T’es ok…? articula Izuku à l’adresse d’Elliot.


-Toujours, répondit Elliot en s’asseyant sur le canapé.


-C’était qui…? osa demander Izuku. 


-Hm…Des putain de chiens qui viennent chercher la merde au shop. Hinhin…Mais la vitrine pétée, il l’ont payée. 


-Ah...?


-Hinhin…Ouai. Le dentiste ça leur coûtera plus cher qu’une putain de vitre, dit Elliot en rangeant sa cigarette derrière son oreille, “Oh Tim. T’as une feuille ?” ajouta t-il ensuite en sortant de quoi se faire un joint.


 Une fois le pétard préparé, Elliot le rangea dans son paquet de cigarettes, puis comme s' il ne s’était rien passé, tout le monde sirota son café et son thé en bavardant. Comprenant qu’il n’en saurait pas plus, Izuku se joignit à la conversation sans pour autant cesser de penser à l’apparition de ces individus qui, de sûr, représentaient une forme de menace pour le shop et Elliot. Inutile de connaître les détails pour s’en rendre compte, il avait suffit d’un coup d'œil à Izuku pour comprendre qu’en leur présence, son ami était sur la défensive, voire l’offensive s' il l’avait fallu. Et l’offensive, Izuku y aurait lui-même participé si de quelque manière que ce soit on s’en était pris au shop et à son ami, et ce même sans savoir de qui ou de quoi il était question. Ne pas laisser tomber Elliot, ne faire aucun faux pas avec lui, et surtout lui offrir son indéfectible soutien c’est ce qu’Izuku s'était promis quand il avait décidé de s’en faire un ami, et il comptait bien honorer sa promesse, y compris si il devait rester dans l’ignorance concernant certains sujets. Après tout, il n'était lui-même pas particulièrement loquace sur certains détails de sa vie, alors en conséquence, il ne pouvait que comprendre Elliot qui faisait aujourd’hui le choix de jouer la carte du silence. Et à vrai dire, cette discrétion mutuelle était même l’un des points qu’Izuku appréciait tout particulièrement dans sa relation avec Elliot. Ce dernier ne posait pas trop de question, et Izuku pressentait qu’Elliot lui même n’aimait pas qu’on lui en pose trop, chose que l’un comme l’autre, ils respectaient sans avoir eu besoin de se le dire. Ca devait d’ailleurs être en partie à cause de ça que l'instinct d’Izuku avait détecté un ami en Elliot avec qui les choses se faisaient simplement et naturellement. Parfois entre eux, les mots semblaient inutiles, voire même, moins éloquents que le silence, et le silence, c'était le monde d’Izuku, un terrain, ou plutôt un territoire dans lequel Elliot était à son aise. Du temps qu’ils pouvaient passer ensemble, il arrivait parfois qu’ils n'échangent pas un mot, surtout au pont ou parfois l’un et l’autre regardaient le paysage, une activité simple et banale, mais qu’il expérimentait ensemble, et ça, c'était suffisant. Oui avec Elliot, pas besoin de mots, ce qui comptait c'était les actes. Toutefois, bien qu’Izuku ait ce sentiment, il espérait qu’Elliot en ait lui aussi conscience, et que le jour venu où il aurait besoin d’aide, pour quoi que ce soit, n’importe quoi, il n'aurait qu'à demander et Izuku répondrait présent. 


-Y compris cacher un corps dans une DASRI hehehe…plaisanta mentalement Izuku, “Au pire on ira en prison ensemble, ils doivent bien avoir des nouilles là-bas.” ajouta t-il ensuite en faisant une petite moue.


-Hey ? dit Elliot en se penchant pour être vu d’Izuku qui avait visiblement l’air d'être dans la lune. 


 Izuku se sortit alors de ses pensées tandis qu’Elliot tendait le pouce au-dessus de son épaule pour lui signaler que Soul et Jenn venaient d’arriver. Izuku s’en alla les saluer, puis il fut embauché par Soul qui n'était visiblement pas en avance sur ses commandes. Après quoi, le reste de l'après- midi passa à la vitesse de l'éclair, au grand désarrois d’Izuku qui aurait voulu avoir le pouvoir d’arrêter le temps pour rester en compagnie des collègues d’Elliot qu’il aurait aimé côtoyer quotidiennement. Le shop, Izuku s’y sentait comme à la maison, et plus le temps passait, plus il comprenait ce sentiment qu’il avait eu le soir où il avait rencontré ce petit monde qui lui avait donné l’impression d’une grande famille dont Draken aurait été le gardien, et le patriarche. 


-Hé Izu, ton p’tit vieux va décoller, dit Draken  en regardant les croquis qu’Izuku avait fait avec Soul à qui il s’adressa ensuite, “Hé beh, heureusement qu’il est venu, t’en serais pas venu à bout sinon. Sérieux, gère ton agenda gros, arrête de te blinder comme ça, c’est pas humain. Tu veux claquer avant l’heure ou quoi ?”


-C’est bon…soupira Soul. 


-Hé, t’sais quoi, tu veux de blinder ok, mais assume et gère. Ici on bosse carré : pas de retard ou quoi. On a une bonne réput’ et j’aimerai bien qu’on la garde. Il t’arrive quoi sérieux ? Tu fais nimp’ depuis un p’tit moment. C’est quoi le blem ? Le pognon ? Demande, on peut se démerder…


-Non c’est bon, j’ai pas de blem, et pas besoin de pognon. Je ferais gaffe ok…dit Soul avant de remercier Izuku qui confirma mentalement que Draken avait tout d’un paternel, y compris quand il s'agissait de sermonner ses “enfants”.


 Après quoi, Izuku rejoignit son “petit vieux” qui s’équipait de sa veste, et il l’imita avant de saluer l'équipe qu’il s’impatientait déjà de retrouver le week-end venu. Une fois sorti du shop, Elliot s'étira les bras, alluma une cigarette, et il s’en alla en direction du métro, suivit d’Izuku qui s’enfonça dans son col pour y dissimuler un sourire qu’il avait peine à contenir. Puis au détour d’une rue, Izuku en sortit soudainement la tête en remarquant un mur, qui avait tout l’air d’être un signe du destin.


-QUITTE !! s’exclama mentalement Izuku en regardant les affiches qui y étaient placardées.


 Pas n’importe lesquelles, celles qui annonçaient un concert qui aurait lieu cet hiver, celui d’un des groupes préférés d’Elliot qui fort heureusement, ne sembla pas remarquer les affiches. Excité d’avoir enfin trouvé le cadeau qu’il voulait faire à son ami, et ne pouvant que moyennement contenir sa joie, Izuku sautilla brièvement sur place avant de rejoindre Elliot en trottinant. Le cœur battant, Izuku fourra ses mains dans ses poches et sa tête dans son col, impatient de commander les billets pour l'événement, de les offrir à son ami, et d'être en hiver pour partager ce moment avec lui. Décidément, la vie semblait tout faire pour qu’Izuku se trouve aux côtés d’Elliot, c’était comme si depuis leur rencontre toutes les étoiles étaient alignées pour guider Izuku vers un avenir brillant dans lequel il trouvait  quelque chose qu’il pensait perdu à tout jamais. La joie, et un sentiment de bien être, celui de se sentir à sa place, en bonne compagnie, voilà ce que ressentait Izuku qui pensait ne plus jamais pouvoir expérimenter ça un jour. Mais aujourd’hui, tout allait bien, oui, tout allait pour le mieux, et il se sentait heureux, peut-être même plus qu’il ne l’avait jamais été. Rien, non rien ne pouvait l’atteindre tant qu’il était dans ce monde, celui de son “petit vieux” qui râla en rentrant dans le métro bondé à cette heure-ci de la journée. 


-Han p'tain. Arrêtez d’me coller…grommela Elliot tandis que des usagers descendaient de la rame en le bousculant, “...Mpf…m’pète tous les couilles…” marmonna t-il ensuite en s'équipant de ses écouteurs.


“Call me Joker” - Joker OST - Hildur Guðnadóttir

https://www.youtube.com/watch?v=gSwbYHJYskM


-Un vieux, mais un vieux de maternelle, songea Izuku amusé, tout en regardant Elliot qui de toute évidence, supportait aussi mal que lui la proximité et le contact physique avec des étrangers. 


 Afin de trouver un espace moins passant ou ils pourraient s’installer, Izuku se mit sur la pointe des pieds, et il leva le menton pour balayer la rame du regard, tout en fronçant le nez, y sentant une odeur des plus déplaisante. Izuku grimaça, puis pour s'épargner d’avoir à supporter plus longtemps cette effluve pestilentielle, il arrêta de respirer par le nez, tout en continuant sa quête d’un coin plus tranquille. Mais soudainement, c’est ses poumons qui cessèrent littéralement de fonctionner, et il sentit comme une enclume lui tomber dans le ventre, au moment où son regard s'arrêta sur un carré de sièges occupé. Les yeux d’Izuku firent un zoom sur l’un de ses occupants, et aussitôt, pour se défaire de la vision, et se rendre invisible, il se recroquevilla sur lui-même.


-H-hhhhh….gémit Izuku en s’accrochant des deux mains à la barre du métro, comme pour s'amarrer en prévision d’un choc d’une violence sans précédent.


 Mais bien qu’il soit solidement accroché, l’ascenseur émotionnel qu’il était en train de vivre lui donna la sensation de faire une chute vertigineuse qui le cloua sur place. Sans transition, la joie débordante d’enfin voir s’ouvrir un avenir doux venait d’être balayée par un effroi qui replongea Izuku dans un passé infernal qu’il s'évertuait à fuir et à oublier coûte que coûte. Un bouleversement et un saut dans le vide qui lui donna la sensation d'être jeté dans une eau si glacée qu’Izuku se tétanisa ,des pieds à la tête, et comme si il s'était véritablement retrouvé dans les abysses, la notion de temps et d’espace lui échappa. Impossible pour lui de savoir où se trouvait la gauche, la droite, le haut, le bas, ni de se souvenir où il se trouvait, pourquoi, comment, et avec qui. Mais bien qu’Izuku soit actuellement or du temps et de l’espace, Elliot lui était encore dans la rame du métro, à côté de lui, et un soudain frisson, de ceux qu'on peut avoir en attendant des ongles sur un tableau, l’arracha de la contemplation de son Mp3 qu’il regardait en grimaçant, peu convaincu par ce qu’il écoutait.


-Ha…? souffla Elliot en fronçant les sourcils, avant de tourner la tête vers Izuku.


 Si un peu plus tôt Izuku avait senti Elliot devenir tendu, à l'instant, il en était de même pour ce dernier, bien que dans le cas présent “tendu” soit un euphémisme. En comprenant à quoi il devait son soudain tressaillement, Elliot ouvrit la bouche, stupéfait de découvrir un Izuku méconnaissable. Ce dernier était subitement devenu livide, voire cadavérique, sa bouche était si fermée que ses lèvres en étaient tremblantes, ses mains étaient accrochées à la barre du métro comme si sa vie en dépendait, et ses yeux, grand ouvert et dont les paupières ne sourcillaient pas, ne regardaient plus que le vide. Terrifié, Izuku avait l’air tout bonnement terrifié.


- Hey, souffla fermement Elliot, “Ho. Ho. Hey !” insista-t-il ensuite à voix basse, en voyant qu’il ne provoquait aucune réaction chez Izuku dont les lèvres commençaient à devenir bleues. 


 Comprenant par là que ce dernier devait avoir cessé de respirer, Elliot lui saisit aussitôt l'épaule fermement en y faisant une petite secousse. Izuku sursauta, et enfin, il leva la tête en inspirant profondément, comme si on la lui avait maintenu sous l’eau trop longtemps. Il haleta un instant, en regardant autour de lui, le temps que son esprit retrouve ses repères, puis ses yeux tombèrent dans ceux d’Elliot qui le regardait, la mâchoire tendue, la main posée sur son épaule. Il y eut quelques secondes, un bref instant suspendu dans le temps, où leur yeux se rencontrèrent, puis soudainement, Izuku attrapa brutalement Elliot par le col pour l’emmener avec lui dans un coin de la rame, à côté de la porte côté rails, sans prendre garde aux autres usagers qu’il bouscula dans la manoeuvre. 


-Ha…?! Ho, qu’est ce…que…tu fous…marmonna Elliot en se faisant emporter. 


 Une fois niché dans le coin de la porte, toujours en le tenant par le col de son blouson, Izuku orienta Elliot de sorte à pouvoir se rendre invisible derrière lui, puis il ne bougea plus, et il contempla les rangers de son ami dont aujourd’hui, exceptionnellement, il réclamait l’aide. Difficile à admettre pour Izuku, mais en cet instant il était véritablement vulnérable, et Elliot devait le sauver, faire barrière pour lui épargner de voir et d'être vu par quelqu’un qui remuait le passé. Des souvenirs qui ébranlaient dangereusement cette case mentale, le Mordor, qui tremblait déjà en provoquant un sifflement qu’Izuku ne connaissait que trop bien. Pour ignorer ce son, cette alarme qui annonçait le pire, Izuku se concentra sur un point à fixer, et choisit comme amarre l’une des poches zippées du perfecto d’Elliot qu'il tenait toujours fermement, les poings tellement serrés que la jointure de ses doigts en devenaient blanches.


-Hey. Hey. Ho, regarde moi, souffla Elliot sans obtenir de réponse. 


 Aplatit dans son coin, l’interpellé ne montra aucun signe de réaction, et Elliot ne bougea pas d’un pouce non plus, Izuku l'empêchant de toute manière de se mouvoir tant il y mettait toute sa force pour s’accrocher à son blouson. Une force presque titanesque qu’il devait à quelque chose qui était du domaine de  l'instinct de survie, celui qui dans les situations les plus désespérées, voire de mort imminente, vous fait déployer toute vos capacités, même les plus insoupçonnables. Et l’effort semblait colossal pour Izuku qu’Elliot entendait respirer profondément, dans un râle presque imperceptible, voire suffocant. Un étouffement qu’Izuku ne devait certainement pas qu’à la puanteur caractéristique du métro mais bien à autre chose, voire à quelqu'un. Un prédateur suffisamment dangereux pour le tétaniser de peur, au point qu’il doive puiser dans toute ses ressources pour survivre, y compris faire quelque chose qu’il n’aurait jamais fait en temps normal : appeler à l’aide. Elliot l’avait bien compris, Izuku était fier et indépendant, et son indépendance et sa fierté il y tenait. Alors qui ou quoi ici l’effrayait au point qu’il s’en départisse pour appeler au secours ? Trouver la cause de cet appel, c’est déjà ce qu’Elliot envisageait de faire, alors le visage renfrogné, il balaya la rame du regard pour trouver l’élément déclencheur, l’identifier et dans la mesure du possible, l’éliminer. 


-C’est quoi…C’putain d’bordel…dit Elliot dans un souffle.


 Izuku l’ignorait, mais celui qu'il avait baptisé Batman possédait bel et bien l’une des facultés de l’homme chauve souris, celle d'être détective. Analyser des cours, des documents, des situations, n’importe quoi, n’en retenir que l’essentiel, éliminer le superflu, et mettre le doigts sur des choses qui échappent aux autres, était un des autres nombreux talents d’Elliot, si toutefois il choisissait de l’utiliser. Cette intelligence là, il ne l’usait que si elle était nécessaire, car bien qu’elle soit pratique, elle avait aussi un double tranchant. Si Elliot avait dit un jour vouloir expérimenter la surdité, le silence d’Izuku, c’est parce que dans son esprit, tout n'était que bruit, un flux de pensées arborescentes incessant, assourdissant, et énergivore. Or, son énergie, Elliot l'économisait, alors cette faculté, il avait appris à la mettre en veille, ou plutôt à l’ignorer, pour n’en faire usage que dans des cas de figure bien précis, comme ce soir, dans le métro.


-Search…souffla Elliot en fronçant les sourcils avant de déployer toute ses capacités pour analyser et décortiquer le terrain, et ce dans un laps de temps ridicule. 


Batman Beyond (Main title) - Kristopher Carter

https://www.youtube.com/watch?v=s7zvVAyQrCw


 En quelques secondes, les sens désormais exacerbés, Elliot se projeta à la place qu’Izuku avait occupé quelques instants auparavant, et il passa au crible la configuration de la rame, chaque visage, chaque mouvement et chaque odeur qui s’y trouvaient afin d’identifier ce que les sens d’Izuku avaient pu voir ou sentir là bas. Des odeurs, Elliot en retint une, celle d’un parfum capiteux qui lui frisa les poils du nez, et des sensations, rien à signaler mis à part peut être celle des bringuebalements du métro qui faisait onduler et se bousculer la foule de badauds, des passagers tous plus banals les uns que les autres, ou pas. C’est sur un carré de siège qu’Elliot arrêta son regard pour étudier les passagers qui y étaient assis, et plus particulièrement un, qui émergeait de la marée humaine. Lui, Elliot le pressentait peu ordinaire, mais surtout, puant. A tel point que les arêtes de son nez se froncèrent lorsqu'il analysa ce grand type à l’air prétentieux, habillé d’une veste en cuir, et occupé à regarder ses quelques fausses dents argentés dans un miroir de poche d’où il se mira ensuite en recoiffant des cheveux plaqués avec une coloration bleu/ violette qu’Elliot trouva aussi ratée que sa dentition devait l’être. “L’édenté raté” c’est donc ainsi que l’individu fut baptisé par Elliot qui enregistra aussitôt le portrait de l’étranger, ainsi que tout ce qui pouvait s’y rattacher, les sensations, les odeurs, et la musique qui se jouait dans ses oreilles au moment où Izuku avait soudainement prit peur. Un son qui allait devenir détestable, autant que devait l'être ce type qu’il pressentait être la cible qu’il cherchait. Pourquoi, comment, Elliot l’ignorait, mais si il y a bien une chose à laquelle il se fiait, c'était son instinct qui ce soir lui envoyait tous les signaux indiquant qu’il était en présence d’un ennemi qui le révulsait au point que ça en devienne physique. La lèvre d’Elliot se retroussa, et il tendit le cou du côté opposé d’Izuku pour chercher le regard de l’inconnu, et le croiser, en vue de lui envoyer un avertissement. 


-Toi…J’sais pas t’es qui…Mais j’vois bien ta putain d’tête faire un aller retour dans l’mur…pensa Elliot en sentant une inexplicable colère s’emparer de lui.


 Une rage si intense, presque palpable, qu’Izuku put lui même sentir. Ce dernier frissonna, et il leva alors la tête  pour essayer de trouver les yeux d’Elliot qui regardait derrière lui en se tordant le cou. Des yeux en colère qui l’espace d’une fraction de seconde, rencontrèrent ceux prétentieux de celui qu’Elliot soupçonnait être le prédateur du métro, à raison, car c’est bien à lui qu’Izuku devait sa terreur. Comprenant que d’une manière ou d’une autre Elliot avait identifié la source du problème, pris de panique, Izuku força Elliot à se retourner, et le regard suppliant, il tourna la tête pour dire “non”. Le geste provoqua plus encore la colère d’Elliot qui comprit par là qu’il ne s'était pas trompé, et se sentant bouillir, il se retourna aussitôt.


-E-elliot n-non…!!! s’exclama muettement Izuku en forçant Elliot à lui faire face, “Elliot…! E…Elli…ot…?” articula t-il ensuite, la bouche tremblante, en découvrant un visage qu’il ne reconnut pas.


 Ce Elliot là, Izuku ne l’avait jamais vu auparavant, et de sûr, ceux qui l’avaient croisé un jour avaient dû prendre leur jambes à leur cou ou devaient aujourd’hui compter quelques dents en moins. Menaçant, le visage d’Elliot était une menace à lui seul. Et pourtant, celui-ci était plus neutre que jamais, tant qu’il paraissait irréel, comme fait de porcelaine. Un masque aux traits tendus et aux narines dilatées, seulement animées par une respiration lente et profonde, qui trahissait une colère contenue. Une rage bouillonnante, visible seulement dans des yeux  plus ouverts qu’ils ne l'étaient d’ordinaire, au regard presque fou, et d'où il n'était pas difficile de deviner qu’une étincelle pouvait suffire à faire exploser un Elliot prêt à faire un carnage à tout instant. Mais il ne fallait pas, non, il ne fallait pas qu’il explose, il ne fallait surtout pas qu’il trouve qui ou quoi que ce soit, et encore moins être trouvé. Être découvert, c'était le pire scénario envisageable pour Izuku qui, grâce à la colère d'Elliot, retrouva un peu de sa contenance, pour justement contenir son ami qui semblait se conduire comme lui l’aurait fait dans la même situation. Or, s' il le laissait faire, Elliot allait justement mettre un pied dans ce qu’Izuku appelait un faux pas, chose qu’il s'était juré de ne pas faire pour préserver leur amitié. Il était certain pour Izuku que si par malheur, son ami apprenait quoi que ce soit concernant le collège, surtout venant de celui qu’il avait nommé “la Qwetch” à l’époque,  Elliot le rejetterai en découvrant qui il était véritablement. Préserver le masque était donc la priorité absolue, et Izuku se ressaisit en comptant maintenant sur ce pacte implicite qui existait entre lui et son ami qui il l'espérait, allait respecter son choix et surtout, son silence. 


-Elliot non !…S’il te plait Elliot…! s’exclama muettement Izuku en tirant sur le col d’Elliot pour le forcer à se baisser, et l'empêcher de regarder ailleurs, “J’ten prie…J’t’en prie…fais rien…J’ten prie…” articula t-il ensuite, dans un mouvement de lèvres presque imperceptible.


 En guise de réponse, la mâchoire plus tendue que jamais, Elliot se mordit l'intérieur de la lèvre inférieure, et il souffla du nez en s’accrochant de la main droite à la barre derrière Izuku. Ce dernier tira un peu plus sur le col du perfecto d’Elliot dont le visage n'était désormais plus qu'à quelques centimètres du sien, pour le sommer une dernière fois de ne rien faire, mais c’est Elliot qui parla le premier. 


-Si tu demandes…commença ce dernier d’une voix rauque. 


-“...Je…le casse en deux…?” termina mentalement Izuku avant d’insister dans un murmure muet et désespéré, “Elliot…Je…J’ten…supplie…?” 


 Des suites de cette supplication, Elliot serra les poings, puis il plongea ses yeux dans ceux d’Izuku. Durant un instant, quelques secondes, ils se regardèrent, sans bouger ni l’un ni l’autre, jusqu'à ce qu’Elliot serre les dents et décide de prendre sur lui. 


-On descend à la prochaine, articula t-il ensuite. 


Quand le métro arriva à la station suivante , Elliot attrapa Izuku autour du cou pour le cacher derrière lui et le traîner de l'autre côté de la rame pour le faire sortir, bousculant les autres usagers sans pitié sur son passage. Une fois sur le quai, il jeta un dernier coup d'œil rempli d'éclairs à “l’édenté raté” dont il aurait pu croiser le regard si la porte ne s’était pas refermée à cet instant.


-Qu'est ce que tu mate man ? dit l'un des individus installé sur le carré de sièges.


-Un truc intéressant…dit l’édenté raté. 


-Un joli cul ? ricana un de ses camarades.


-...Une vieille connaissance…répondit celui qu’Izuku avait nommé “la Qwetch” au collège, “...Une…aberration.” ajouta-t-il par la pensée en contemplant la porte de la rame d'où il avait reconnu le reflet de celui qu’il appelait  “le Jap”. 




Notes et références :


*Tatemae : https://fr.wikipedia.org/wiki/Honne_et_tatemae

** Hafu : https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C4%81fu


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