A trois, tout est possible

Fiction écrite en collaboration avec Nobody. Un grand merci à elle, qui a apporté l'idée de base, et a jeté toute la base du texte. Il n'aurait vraisemblablement jamais vu le jour sans, et certainement pas sous cette forme. Encore tous mes remerciements, je t'aime malgré ma mémoire à trou o/.

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Julie rentra chez elle épuisée, la journée de cours avait été particulièrement éreintante, elle n’aspirait plus qu’à se connecter à Wattpad pour avoir des nouvelles d’Evan. Et manger des Ruffles. Elle n’en avait pas mangé de la journée. Il fallait qu’elle en dévore ! Elle ne savait pas encore combien de temps elle pourrait tenir. Elle posa son sac à terre et se dirigea machinalement vers la cuisine quand la sonnerie caractéristique de son portable l’interrompit. C’était un SMS de Jason.

« J’ai besoin de te parler. C’est assez urgent. »

Elle fronça les sourcils. Jason avait l’air dans tous ses états. Il était vrai que, dernièrement, il avait agit plus que bizarrement : il l’évitait, et dès que la sonnerie de fin de cours retentissait, il filait chez lui sans même l’attendre. Elle resta un moment à contempler le texto, puis un sourire naquit sur ses lèvres. Elle avait enfin compris ce qu’il voulait : Jason avait un petit ami et il souhaitait lui en parler. Bien entendu. C’était évident. Elle lui répondit sans plus attendre :

« Viens quand tu veux, je suis chez moi. »

Elle reprit son chemin vers la cuisine avec un sourire satisfait, sautillant, son téléphone dans sa main. Sa journée venait de s’illuminer. Elle allait ouvrir la porte quand un nouveau message se fit entendre. Elle déverrouilla son téléphone d’un geste rapide.

« Je suis déjà là. »

Elle soupira. Adieu les Ruffles. Elle se mordit la lèvre. Il allait encore falloir attendre quelques heures. Elle devait se concentrer pour empêcher ses mains de trembler.

Recentrant ses idées sur Jason, elle alla lui ouvrir d’un pas rapide, désireuse de savoir qui était l’heureux élu. Il se tenait sur le pas de la porte, vêtu d’un jean moulant noir et d’un tee-shirt assorti. Ses cheveux longs volaient dans le faible vent de cette fin d’après midi. La chaleur était écrasante.

« Salut, fit-il paisiblement

— Jason, le salua-t-elle à son tour, entre. »

Ils pénétrèrent dans le salon, et s’assirent sur le canapé. Julie attendit que son ami se décide à parler, voyant qu’il n’avait pas l’air de se lancer, elle se leva brusquement.

« Il faut que je prenne mes Ruffles, je sens que ça va être une histoire intéressante.

— Toi et tes Ruffles ! Qu’est-ce que tu ferais sans elles ?

— Je mourrais probablement », cria-t-elle depuis la cuisine.

Jason leva les yeux au ciel. Julie et ses Ruffles. Une vraie histoire d’amour. Elle revint au pas de charge dans le salon, un large paquet de chips entre ses bras. Elle prit place en face de lui.

« Vas-y je t’écoute, dit-elle en prenant une large poignée de chips qu’elle enfourna dans sa bouche.

— Je… voilà, il faut que t’avoue quelque chose… Je… Je …

— J’en étais sûre ! s’exclama-t-elle. Tu es amoureux !

— Oui, avoua-t-il dans un souffle

— Qui est l’heureux élu ? demanda-t-elle en machonnant bruyamment.

— C’est un peu compliqué.

— Oh oh, il est déjà pris ?

— Non, cette personne est libre. Mais c’est plus embrouillé.

— C’est ce connard de Brendon, c’est ça ? »

Jason secoua la tête de désespoir. La tâche allait s’avérer plus difficile que prévue.

« Non je te dis ! C’est… vraiment plus délicat que ça. »

Julie fronça les sourcils et dévisagea son ami. Qui cela pouvait-il être ? Jason avait l’air désespéré, il avait les traits fatigués, et le teint gris : la tête de quelqu’un qui n’avait pas passé une bonne nuit depuis longtemps.

« C’est M. Kowalsky ? Le prof de maths ? »

Jason ricana doucement, il n’y avait que Julie pour penser à ce genre de chose. La vérité était tellement plus simple que ça. Plus simple, mais plus complexe. Ah, c’était un enfer. Il fallait que ça sorte !

« C’est Shane, murmura-t-il. C’est Shane », dit-il plus fort cette fois.

Julie le regarda avec des yeux ronds. Quelques Ruffles tombèrent de sa bouche béante. Elle la referma soudainement, mettant fin à la vie d’une dizaine de chips. Paix à leur âme. C’était quoi ce délire ?!

« Quoi ?! Shane, mais c’est impossible ! déglutit-elle péniblement. Il est infect, il traite les autres comme de la merde, s’étouffa-t-elle. Je... Enfin, tu le sais !

— Oui je sais Julie, mais tu veux que j’y fasse quoi ? Je ne le contrôle pas, dit-il la main sur le coeur.

— Je… Je ne sais pas quoi te dire, es-tu sûr de toi ? »

Un simple coup d’oeil vers Jason le confirma, il était au bord des larmes.

« D’accord, bon, j’admets. Il est pas sympa, mais il si sexy ! T’as vu ses yeux ? Et ses bras ? gloussa-t-elle.

— On parle de moi ? » retentit une voix derrière eux.

Shane se tenait là, debout dans l’embrasure de la porte. Julie en laissa tomber son paquet de chips, tandis que le visage de Jason perdait soudainement toute sa couleur. Il s’attrapa la bouche avec une de ses mains, regrettant aussitôt la discussion qu’il venait d’avoir.

« Qu’est ce que tu fiches ici, Shane ? Et puis comment tu es entré ?

— Bah, la porte était ouverte, je voulais te voir Julie. Faut que je te parle. »

Jason était désespéré. Il se doutait bien de quoi Shane voulait parler à son amie... Il avait remarqué les regards qu’il lui lançait depuis peu. Son ventre se noua. Surtout, il espérait que Shane n’avait pas assisté à la scène. Il savait bien qu’il n’avait aucune chance. Mais il ne voulait pas non plus que tout le lycée l’apprenne. Si jamais Shane avait entendu, c’en était fini de lui.

Julie se leva et prit Shane par la main pour le conduire dans la cuisine. Ils pourraient y parler tranquillement. Elle jeta un coup d’oeil à Jason qui s’était muré dans le silence, figé dans sa douleur. Elle lui offrit un petit sourire pour tenter de le réconforter avant de disparaître derrière la porte.

Une fois que les deux autres furent dans la cuisine, et que le murmure de leur conversation filtrait à travers la porte, Jason put enfin se lever. Il était trop bouleversé par sa révélation à Julie, par l’arrivée de Shane. Il ne pouvait plus rester là, il fallait qu’il sorte, qu’il prenne l’air, il suffoquait, il avait l’impression d’y étouffer. Il rassemblait ses affaires, lorsque le claquement de la porte de la cuisine l’interrompit. Shane et Julie venaient de sortir. Ils semblaient agités. L’air dépité, Shane regardait vers le sol, du côté opposé à Julie. Il ne semblait pas savoir où se mettre et ses mains ne cessaient de s’agiter. Julie, de son côté, semblait plus gênée que jamais. Les joues légèrement rouges, elle jetait de petits regards à Shane, puis détournait rapidement les yeux dès que ce dernier semblait vouloir bouger la tête.

« Tu comprends Shane, je ne peux pas, j’aime déjà quelqu’un.

— Je sais Julie, tu me l’as déjà dit. Mais tu devrais me laisser une chance. Il peut pas être mieux que moi. »

Jason ne pouvait en entendre plus. Son sac de cours sur l’épaule, il franchit rapidement l’espace qui le séparait de la porte d’entrée. Sans même se retourner, la main sur la poignée de porte, il salua Julie. Elle regarda son dos voûté, qui semblait porter tous les malheurs du monde, et comprit ce qui le tourmentait.

« A demain, Jason. »

Sans un mot, il ouvrit la porte et sortit. Alors qu’il franchissait le seuil, le tonnerre gronda au loin et des nuages noirs commencèrent à s’accumuler au dessus de sa tête.

Dans la maison, Shane regardait tour à tour la porte d’entrée, et Julie, ne comprenant pas ce qu’il se passait et surtout la discussion qui lui revenait en mémoire.

« Pourquoi vous parliez de moi tout à l’heure ? demanda-t-il à Julie.

— Ça ne te regarde pas, répondit-elle.

— Dis-le-moi. Vous parliez de moi.

— Non je ne peux pas, ça ferait du mal à Jason. » Elle se mordit la lèvre inférieure, consciente qu’elle en avait déjà trop dit. « Tu devrais partir maintenant. »

Julie avait hâte que Shane s’en aille pour qu’elle puisse enfin se connecter à Wattpad pour avoir des nouvelles d’Evan. Elle était si amoureuse de lui... Il était tellement sombre et torturé. Elle voulait être celle qui serait son rayon de soleil. Et puis sa voix était tellement sexy. Tellement sexy.

Shane acquiesça à la requête de Julie. Il allait rattraper Jason pour enfin avoir le dernier mot de cette histoire. A son tour, il sortit de la maison.

Enfin seule, Julie se rua dans sa chambre pour allumer son ordinateur. Elle se connecta immédiatement à Wattpad, et soupira de soulagement quand elle vit qu’Evan était connecté lui aussi. Elle lui envoya un message afin de lui raconter tout ce qui venait de se passer. Lorsqu’elle eut terminé, Evan ne répondit pas de suite. Quelques minutes passèrent avant qu’il ne lui envoie un étrange poème :

« Le requin avait un amour,

Mais il le perdit pour toujours.

Il n’acceptait qu’on le regarde différemment,

Alors, il fut parti son bel amant.

Plus jamais il ne pourrait rugir graou

De son amour il était complètement fou

Le requin souffre dans le noir,

Il est désespoir. »

Elle ne comprit pas le sens de ce poème. D’habitude le requin était Evan, mais là il avait l’air étrange, pas comme d’habitude. Elle ne chercha pas plus loin, et envoya un nouveau message à Evan.

« Moi : Je ne sais pas ce que va faire Jason maintenant…

Lui : Qui est Jason ?

Moi : Bah c’est mon meilleur ami, Jason, je ne t’avais jamais dit son prénom ? »

La question n’eut jamais de réponse. Evan venait de se déconnecter brusquement, sans aucune explication.

De son côté, Shane n’eut aucun mal à rattraper Jason, qui était resté planté au milieu de l’allée. L’orage avait enfin éclaté, la tête levée vers la pluie qui tombait sans discontinuer sur son visage. Jason savait que sa vie venait de prendre un tournant irrémédiable. Lorsque Shane saurait qu’il était amoureux de lui... Oui, Julie le lui dirait forcément. C’était une indécrottable gaffeuse. Et quand elle lui dirait... Sa vie deviendrait un enfer. Tout le monde se moquerait de lui, il serait obligé de déménager, de vivre caché. Fini les soirées et les amis. Il devrait rester enfermé. Il ne pourrait plus voir personne. Il sentit des larmes naître au coin de ses yeux, dissimulées dans les gouttes de pluie qui dévalaient sur ses joues.

« Hey ! Qu’est-ce que tu fous là ? Tu attends le bus ? »

Jason baissa la tête et se tourna vers Shane qui venait de l’interpeller. Il n’était qu’à quelques pas de lui, Jason pouvait voir les muscles parfaitement sculptés de Shane qui lui donnait une beauté qu’il aurait qualifiée d’olympienne. Son tee-shirt blanc laissait apparaître ses abdos finement sculptés et son torse large. Pour reprendre les mots de Julie, il était indéniablement sexy. A côté de lui, Jason se sentait comme un rat mouillé avec ses cheveux tombant piteusement de part et d’autre de sa tête. Shane était parfait, même sous la pluie, il était toujours aussi beau. Ses lèvres pulpeuses donnaient envie à Jason de l’embrasser. Il voulait se blottir dans ses bras puissants, contre son torse si sexy. Mais il ne pouvait pas. Il ne pourrait jamais.

« J’exige de savoir ce qui se passe ! Pourquoi parliez-vous de moi tout à l’heure ? » tonna Shane.

Jason ne savait plus quoi faire. Devait-il tout avouer, ou se taire et vivre avec son lourd secret ? Il était totalement perdu. Il pensa à Julie, sa meilleure amie, celle avec qui il partageait tout, celle qui ne l’avait pas jugé, puis il inspira franchement. Sa décision était prise. Il allait tout avouer. Et tant pis pour les conséquences, il y ferait face. C’était ce qu’il devait faire. Ces sentiments devaient sortir.

« Shane, je vais tout te dire, mais j’aimerais que tu me laisses finir, ne me coupe pas s’il te plaît, c’est assez difficile comme ça. Voilà, on parlait de toi avec Julie parce que je lui ai dit quelque chose à ton sujet, j’avais besoin de son avis, j’avais besoin qu’elle me soutienne. Je… Je t’aime ! »

Cette déclaration laissa un goût amer dans la bouche de Jason. Il ne se sentait clairement pas mieux maintenant qu’il avait avoué ses sentiments. Il risqua un coup d’oeil vers Shane, qui le regardait avec étonnement. Il cligna quelques fois des yeux, comme si son cerveau ne parvenait pas à intégrer la nouvelle information. Jason était au moins soulagé de ne pas voir une expression de dégoût sur son visage.

« Je ne te demande rien, je ne veux rien de toi. Juste si tu pouvais oublier ce que je viens de te dire, je ne parlerai plus, et je t’éviterai le plus possible, tu oublieras que j’existe.

— Et si je ne veux pas oublier ?

— Hein ?! » répondit stupidement Jason.

C’était au tour de son cerveau de refuser d’intégrer l’information. Shane ne voulait pas oublier sa déclaration d’amour ? Peut-être pour pouvoir se moquer de lui au lycée ? Il sentit une boule se former dans son ventre. Non, non, non. Tout mais pas ça. Il n’avait maintenant plus qu’une envie : fuir. Fuir le plus loin possible et rester enfermé chez lui à jamais. Alors qu’il s’apprêtait à prendre ses jambes à son cou, Shane s’avança vers lui et saisit son poignet d’une main puissante. Il le tira brusquement vers lui, collant son torse contre le sien. Leurs visages n’étant plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Jason pouvait sentir le souffle de Shane sur sa joue.

« T’as pas compris. Et si je ne veux pas oublier ? Et si je veux que tu m’aimes ? »

Jason cligna quelques fois des yeux. Il était perdu. Il ne comprenait plus rien. Le visage de Shane était si proche. Il pouvait sentir son souffle sur ses lèvres. Il s’humecta la bouche nerveusement, se retenant de franchir les quelques centimètres qui le séparaient de l’homme qui lui faisait face. Ses pensées tournaient toujours à cent à l’heure. Shane ne venait-il pas d’avouer ses sentiments à Julie ? Qu’est-ce qu’il lui voulait-il exactement ?

« Tu te moques de moi ? Je te croyais amoureux de Julie.

— Julie ? Non ! C’est juste pour m’amuser, c’est vrai qu’elle est plutôt pas mal, mais toi tu es encore mieux.

— Je ne savais pas que tu étais gay ! Je ne t’ai jamais vu avec un mec !

— J’ai eu quelques expériences, avant, mais j’aime qu’on m’aime. »

Shane arborait un air supérieur et sûr de lui. C’était dans ces moments-là que Jason le préférait, quand il faisait son prétentieux, alors qu’il se doutait que, dans le fond, il était sensible. Shane baissait la tête vers Jason, leurs lèvres s'effleurant sans vraiment se toucher. Jason comprit que Shane attendait qu’il saute le pas. La décision lui appartenait maintenant.

Jason repensa à toutes ces dernières semaines, tous ces instants de doute, de tristesse en pensant qu’il ne serait jamais aimé en retour. Ses yeux glissèrent sur les lèvres de Shane. Elles étaient pleines et bien dessinées. Si sexy. Pendant toute cette période, il s'était demandé ce que ça ferait de les embrasser. Marquant un dernier instant d’hésitation, il se hissa finalement sur la pointe des pieds et combla l’espace entre eux deux. Après tant de temps, tant de désir, tant de frustration, leurs lèvres s’unirent enfin. Jason ferma les yeux, mettant toute sa passion dans le baiser. C’était une union, sauvage, emplie des sentiments bruts des deux adolescents. Les lèvres de Shane avaient le goût métallique de la pluie, humides et chaudes contre les siennes.

La langue de Jason se fraya un chemin jusqu’à celle de Shane, se pressant avec ardeur contre la sienne. Il laissa échapper un gémissement. Ils se séparèrent pour pouvoir respirer, et la pluie s’arrêta en même temps, laissant place à un timide rayon de soleil qui transperça les nuages.

« C’était parfait, » songea Jason, contemplant le visage si sexy de Shane.

Se penchant à nouveau en avant, sa bouche chercha celle de Shane. Leur baiser se fit brûlant, ardent. D’un bras puissant, Shane pressa le corps de Jason contre le sien, ne le lâchant pas, promesse que les choses ne s’arrêteraient pas là. Perdus dans leur monde, il furent interrompus par quelqu’un qui toussota bruyamment à côté d’eux. Ils ne se lâchèrent pas, mais leurs bouches se séparèrent. Evan se tenait là, rigide, les poings serrés, les yeux écumants de rage.

« Jason, fit-il d’un ton menaçant.

— Evan ?! Mais qu’est-ce-que tu fais là ? demanda Jason.

— Evan ? répéta stupidement Shane.

— Je suis venu pour toi, Jason. Tu es mon petit-ami. Julie m’a dit que je te trouverai ici », assena Evan.

Shane se détacha immédiatement de Jason, qui sentit un immense froid l’envahir. Ils se tenaient là tous les trois, formant un triangle dans le jardin de Julie.

« Ton petit-ami ? Je croyais que tu étais célibataire, et que tu m’aimais, moi ! Je ne suis pas venu là pour souffrir ! T’as intérêt à avoir des explications solides ! finit-il en serrant les poings. 

— Attends ! Evan n’est pas mon petit-ami ! Pas du tout !

— Oui tu as raison, je ne le suis pas. Je ne le suis plus. » murmura Evan.

Evan baissa la tête d’un air dépité, mettant ses mains dans ses poches. Il se sentait honteux. Pourquoi avait-il agi comme ça ? Il savait qu’il n’avait pas le droit d’être là ou d’être jaloux de ce mec à côté de Jason. Mais ça avait été plus fort que lui. Dès que Julie lui avait dit le prénom Jason, il avait tout de suite fait le lien. Il n’y avait pas d’autre Jason aux alentours, et il savait qu’il était dans le même lycée que sa soeur, donc il n’avait pas déménagé. La colère l’avait envahi. Il n’avait pas pu résister. Il n’en avait même pas eu envie. Il avait pris sa voiture et avait foncé ventre à terre vers chez Julie pour lui demander des explications.

Pour autant, il ne s’attendait pas à tomber sur Jason embrassant quelqu’un. Ça lui avait porté un coup au coeur. En plus, l’autre garçon était sexy, avec son tee-shirt mouillé et ses muscles apparents. Il avait vu rouge et avait manqué de leur sauter dessus. Mais il se rendait bien compte maintenant à quel point il avait été idiot. Ses sentiments étaient maintenant une torture. Si seulement il avait pu s’en débarrasser pour toujours...

« Attendez là, Jason ? C’est ton ex petit-ami, c’est ça ? demanda Shane

— Oui, répondit-il, mais ça n’a pas duré. »

Jason serrait les poings, le teint blafard. De là où il était, Shane pouvait voir qu’il retenait ses larmes.

Jason avait mal au coeur, depuis longtemps il redoutait ce jour. Il s’était juré que ça ne lui ferait rien, que cette histoire était finie depuis longtemps, qu’il avait son coeur dans un coffre blindé, fermé par un verrou solide. Verrou qui avait éclaté dès qu’Evan était apparu.

Il était toujours aussi beau, ses cheveux noirs retombant parfaitement de chaque côté de son visage. Et sa voix était la plus sexy qu’il ait jamais entendu. Elle l’hypnotisait. Mais il savait qu’Evan ne serait jamais à lui. Il ne voulait pas s’afficher en public. Ça avait été ses derniers mots, avant qu’il ne le quitte. Il sentit son ventre se contracter alors qu’il retenait ses larmes au souvenir de cette scène. Il était en train de rechuter, et pas qu’un peu. Il ne devait pas. Il ne devait vraiment pas. Mais il ne pouvait pas s’en empêcher. S’il était tout à fait honnête, il n’avait jamais oublié Evan, il n’avait jamais oublié les moments de tendresse partagée, leurs baisers volés, l’intensité dans les yeux d’Evan quand il le regardait. Mais maintenant il avait Shane, le sexy Shane qui se tenait à ses côtés. Shane qui se foutait des gens. Shane qui voulait juste qu’on l’aime et qu’on l’admire. Shane qui l’avait embrassé sans se poser de questions.

Shane qui à présent dévorait Evan du regard, une flamme ardente au fond des yeux.

« Qu’est-ce que tu me veux, Evan ?

— Je… Je suis venu pour m’excuser de tout ce que je t’ai fait, tu ne méritais pas ça, je ne l’ai compris que récemment, mais je t’aime encore, laisse-moi une deuxième chance.

— Une deuxième chance pour que tu me traites comme la dernière fois ? Pour que je vive caché à t’attendre ? répondit Jason.

— Non ! s’exclama Evan, cette fois ça sera différent, je suis prêt maintenant. Tu m’as tellement manqué, je ne peux pas vivre sans toi à mes côtés. »

Il eut envie de pleurer, de supplier Jason de le reprendre avec lui.

Il fit un pas vers Jason. Shane se tenait à ses côtés, regardant les deux adolescents d’un oeil circonspect.

Evan avait l’air si fatigué et si triste que Jason eut envie de le prendre dans ses bras pour lui promettre que tout irait bien. Son coeur fondit devant les derniers mots prononcés par Evan. Il en avait envie, il voulait lui donner une deuxième chance. Il l’avait aimé de toute âme, et leur rupture l’avait détruit. Pourtant peu à peu il s’était reconstruit. Il avait tout caché à Julie, sa meilleure amie. A cette époque là, elle ne savait pas qu’il était gay. Quand il lui avait avoué, il ne lui avait pas parlé de son premier amour qui lui avait brisé le coeur. Il n’en avait pas eu le temps, et il ne voulait pas lui faire porter ça.

Mais maintenant… Maintenant, Jason était perdu, il ne savait pas quoi faire. Devait-il écouter son coeur qui battait pour Evan, ou sa raison qui lui disait de l’oublier ? Il aurait bien eût besoin des conseils de Julie pour le guider.

« Tu arrives trop tard mon beau, fit Shane en se rapprochant de Jason d’un air protecteur. Il est à moi maintenant. »

Il posa ses mains sur les épaules de Jason et regardait le nouveau venu d’un air menaçant.

Les pupilles noires d’Evan se tournèrent vers Shane, le dévisageant d’un long regard scrutateur et appréciateur. De haut en bas. Admiratif, il s’arrêta un instant sur les muscles visibles à travers le tee-shirt blanc. En réponse à ce jugement, le langage corporel de Shane changea. Il lâcha les épaules de Jason et se passa une main dans les cheveux. Il changea subtilement sa posture, se mettant de profil pour qu’Evan puisse avoir une meilleure vue des ses fesses rebondies. Les yeux d’Evan se firent brûlants, fiévreux.

Jason, le connaissant bien, savait qu’il trouvait Shane à son goût. Qui pouvait résister à Shane, de toute façon ? Il était tellement sexy. Jason soupira. Cette situation devenait absurde. Elle vira au cauchemar quand Evan s’approcha de lui lentement, lui laissant le temps de fuir s’il le voulait. Mais Jason était cloué sur place, par les yeux brûlants de désir d’Evan. Lorsqu’il fut assez près, il enfouit son visage dans son cou en marmonnant :

« Pardonne-moi… Pardonne-moi ! »

Ses lèvres frolèrent sa gorge. « Pardonne-moi ». Puis son menton. Il planta son regard dans celui de Jason. S’empara de sa bouche. Evan poussa un râle et Jason un gémissement. Leur baiser se fit tendre, nostalgique, promesse d’un amour oublié qui se ravivait. Quand ils se lâchèrent, Jason risqua un coup d’oeil vers Shane qui n’avait pas bougé, il n’avait pas raté une miette du baiser qu’ils venaient d’échanger.

« Merde. Désolé, Shane, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, je... »

— Ce n’est rien mon beau, tu n’as rien fait de mal.

— Mais je viens d’embrasser Evan ! »

Shane ne pouvait pas détourner les yeux des deux garçons en face de lui. Son coeur battant la chamade, essayant de contenir son propre désir. Il posa son regard sur Evan qui semblait le mettre au défi. Abandonnant tout contrôle de lui, il fondit sur les lèvres d’Evan qui l'accueillirent avec joie. Ils échangèrent un baiser ardent, ne se séparant que quand l’air vint à leur manquer. Shane attrapa la main de Jason et le tira vers lui, ils s’embrassèrent à leur tour.

« C’était super torride de vous voir vous embrasser, je n’ai pas pu résister, dit Shane.

— Oui, ça l’était tout autant de vous voir », fit Jason à son tour.

Evan qui n’avait rien dit jusque là, poussa Jason contre Shane et déposa des baisers le long de son cou, remontant vers son visage. Il se rapprocha de Jason, le serrant entre leurs deux corps. Jason se sentait en sécurité entre leurs bras puissants. Evan plaqua sa bouche contre la sienne, enfonçant sa langue à l’intérieur. Jason gémit de plaisir. Ses genoux défaillirent mais Shane le tenait solidement par la taille. Shane baissa la tête et déposa des baisers le long de la nuque de Jason, ses mains jouant avec la boucle de la ceinture de ce dernier.

« Tu es à nous, gronda-t-il.

— Allons chez moi », proposa Evan les yeux plongés dans ceux de Shane.

Jason acquiesça. Sans se quitter des yeux, ils montèrent tous les trois dans la voiture d’Evan.

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De la fenêtre de sa chambre, Julie avait tout observé. Elle avait été tellement contente de voir Jason et Shane s’embrasser. Elle avait sautillé sur place, faisant voler des Ruffles hors de leur paquet. Puis, quand elle avait vu Evan sortir de la voiture, son coeur s’était mis à battre plus fort. Il était encore plus sexy que sur Skype !

Elle avait foncé à la salle de bain pour se remaquiller, puis elle avait attendu qu’il sonne à la porte. Au bout de cinq minutes, elle avait finit par s’étonner. Quelque chose n’allait décidément pas. Evan mettait beaucoup trop de temps.

Elle était retournée dans sa chambre et était revenue à la fenêtre. La scène qu’elle y avait surprise l’avait laissé figée de stupeur. Elle n’arrivait pas y croire. Elle ne voulait pas y croire ! Evan embrassait Jason ! Son Evan ! Son poète sombre et torturé !

Mais le pire était que ça ne s’arrêtait pas là, Shane embrassait Evan aussi ! Elle se laissa tomber sur le sol, les cheveux éparpillés dans les miettes de Ruffles qu’elle avait écrasées. Elle se roula en boule sur elle même, les yeux écarquillés, balançant doucement son corps contre la moquette recouverte de Ruffles tout en répétant comme une litanie :

« Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible… »