Patrocle

Chapitre 26 : La finale

2411 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/11/2023 15:27

L'air était lourd d'anticipation tandis que la chaleur suffocante enveloppait le stade de Corinthe lors de cette ultime journée des jeux. Les applaudissements retentissaient encore après la victoire de Cléon au tournoi de tir à l'arc, mais tous savaient que le véritable événement était encore à venir : le combat d'Achille.

Au-dessous du stade, dans la salle des guerriers dépourvue de fenêtres, Patrocle attendait. La pièce était éclairée faiblement par deux torches fixées au mur, créant des ombres dansantes sur les visages tendus des spectateurs.

Le murmure de la foule s'infiltrait à travers les murs, amplifiant l'excitation qui régnait à l'extérieur. Patrocle sentait le poids de l'attente, l'angoisse mêlée à l'anticipation. Achille, le puissant guerrier, allait bientôt entrer en scène.

Les jeux de Corinthe avaient captivé la cité, attirant des milliers de spectateurs assoiffés de gloire et de compétition. Le stade, jadis vibrant de l'énergie de la compétition, se préparait maintenant pour le moment culminant.

Patrocle ressentait un mélange complexe d'émotions. De la peur, de la rage, de la colère contre Achille, contre cet homme que tout le monde admirait. Le destin avait tissé des liens étroits entre les deux hommes, et même dans la victoire d'Achille, il y avait une ombre de préoccupation.

Le bruit de la foule augmenta, signe que le grand Achille approchait du stade. Patrocle se leva, et suivit le flot des spectateurs qui convergèrent vers l'arène. La lumière éblouissante du soleil d'été les accueillit, révélant le spectacle grandiose qui allait se dérouler. Le combat d'Achille était sur le point de commencer, et tout l'Olympe semblait tenir son souffle.

Les tribunes étaient remplies de la puissance et de la noblesse des cités grecques, un rassemblement imposant de souverains et de leaders venus pour assister à un spectacle unique. Les yeux de ces dirigeants étaient rivés sur l'arène, prêts à contempler le combat tant attendu.

Agamemnon, le puissant roi de Mycènes, siégeait avec toute sa majesté. À ses côtés, Créon de Corinthe, et le roi athénien, Ménesthée, couronné de laurier, symbolisant la grandeur d'Athènes. Pélée de Thessalie, Nestor de Pylos, Pélémos de Rhodes et le grand Agapénor d'Arcadie, chacun portant l'héritage de sa cité, étaient également présents. Et parmi eux, Ulysse d'Ithaque, l'homme rusé et astucieux, observait avec une attention particulière.

Tout ce groupe illustre était réuni pour assister à un spectacle peu commun : le combat de pugilat entre Achille, la puissance incarnée, et Patrocle, le conquérant des marécages de Nubie. Un murmure d'excitation parcourait les tribunes alors que les regards se tournaient vers l'arène, anticipant le duel qui allait se dérouler.

La tension montait dans l'air alors que le prince thessalien se tenait sur le terrain découvert, dévoilant sa musculature puissante et sa prestance guerrière. Revêtu d'un court pagne de cuir souple, torse nu, et avec ses cheveux d'or attachés derrière sa nuque, il évoquait la figure majestueuse d'un lion parmi les moutons. La foule, impressionnée et hésitante, le suivait à distance respectable.

Ulysse, avec son regard sagace, observait le prince Thessalien traverser le terrain. Il scrutait les moindres détails, cherchant à déchiffrer les subtilités de ce combat à venir. L'Ithaquien, habitué à décortiquer les stratégies les plus complexes, percevait les intrications de cette confrontation singulière.

Pendant ce temps, Achille s'arrêta devant les rois, un guerrier puissant prêt à entrer dans l'arène. Sa présence imposante était comme un défi silencieux, un appel à l'action. La foule retenait son souffle, consciente que quelque chose d'extraordinaire allait se dérouler sous leurs yeux.

Ulysse, le tacticien astucieux, continuait de scruter les alentours, cherchant des indices sur l'arrivée imminente de son adversaire. L'arène vibrait d'attente, et dans ce moment suspendu, la Grèce antique retenait son souffle pour le combat qui allait écrire une nouvelle page dans l'épopée des héros.

Lorsque Patrocle fit enfin son entrée, un silence captivant s'abattit sur l'arène. Dates, son meilleur ami, resta bouche bée devant cette apparition. Si Achille était l'incarnation du soleil avec ses cheveux blonds resplendissants comme de l'or, Patrocle, lui, était la personnification de la nuit noire. Sa crinière d'ébène était également attachée derrière sa nuque, créant un contraste saisissant.

C'était comme contempler deux frères que le destin avait marqués de sa plume, les rendant semblables tout en les opposant dans leurs apparences. Achille, le rayonnement lumineux, et Patrocle, l'obscurité profonde, formaient un duo frappant, deux facettes d'une même pièce, mais avec des caractéristiques qui les séparaient malgré leur ressemblance.

La foule, déjà captive de l'anticipation, ne pouvait détacher les yeux de cette scène énigmatique. Dans cette confrontation entre rivaux, entre guerriers, entre contraires, une énergie palpable électrisait l'air. L'arène était le théâtre de forces antagonistes, et le destin des deux hommes était sur le point de s'entrelacer de manière inextricable.

Avec tout autre adversaire, Dates n'aurait pas douté du résultat. Patrocle était un combattant aguerri, et la confiance en sa force était habituelle pour son ami. Cependant, pour la première fois, une lueur de doute s'insinua dans l'esprit de Dates. Se demanda-t-il, Patrocle n'avait-il pas trouvé son maître avec Achille ? Cette simple pensée lui sembla être une trahison envers son ami, mais Dates avait observé les deux hommes à l'œuvre.

Patrocle, sans aucun doute, était très fort, courageux et rapide. Ses compétences de guerrier étaient reconnues de tous. Cependant, Achille, le puissant guerrier qu'il était, possédait quelque chose de différent. Il émanait de lui une cruauté froide qui le rendait redoutable. Une détermination implacable se lisait dans ses yeux, et sa force semblait transcendre le simple talent martial. La confrontation entre ces deux hommes promettait d'être bien plus que le simple combat entre deux guerriers. C'était une rencontre entre des forces opposées, entre le courage et la cruauté, entre la rapidité et la puissance.

Dates sentit le poids de l'incertitude sur ses épaules. Quel que soit le résultat, cette bataille allait redéfinir les notions de force et de maîtrise sur le champ de bataille.

Après les salutations rituelles, Achille prit l'initiative et lança la première attaque. Une feinte du côté gauche précéda un puissant coup de poing droit, visant le visage de Patrocle. Cependant, ce dernier riposta rapidement avec un uppercut ciblant le ventre de son adversaire, suivi d'un crochet du gauche qui effleura la tempe d'Achille. Malgré la violence de l'échange, ils se séparèrent momentanément, se dévisageant tout en continuant de tourner autour l'un de l'autre.

Chacun des mouvements était calculé, chaque coup porté avec une précision mortelle. La tension dans l'arène était palpable alors que les deux guerriers se mesuraient, cherchant les faiblesses de leur adversaire. La foule retenait son souffle, captivée par le spectacle de ces deux adversaires, s'affrontant avec une intensité presque palpable. Le combat ne faisait que commencer, mais déjà il promettait d'être mémorable.

Lors de la manœuvre suivante, Patrocle prit l'initiative. Un direct du gauche fit tituber Achille, mais ce dernier, avec une agilité surprenante, passa sous la garde de son adversaire. Une série de coups foudroyants contraignit Patrocle à reculer, chaque coup de poing s'écrasant rapidement sur son visage. Bloquant les attaques avec ses avant-bras, Patrocle contre-attaqua avec un crochet du gauche qui frappa violemment la joue d'Achille.

Malgré la vigueur de Patrocle, Achille démontra une force et une rapidité supérieures, touchant plus fréquemment son adversaire. Ulysse observa attentivement alors que les deux combattants continuaient de se mesurer l'un à l'autre en tournant autour du ring. Ils avaient testé leurs compétences, et tous deux avaient compris que cette lutte ne serait pas résolue rapidement. La tension dans l'arène ne faisait que monter, anticipant chaque mouvement, chaque esquive, dans ce duel intense entre deux rivaux.

La puissance de Patrocle étonnait Achille. Malgré son poids inférieur, Patrocle portait des coups d'une force surprenante, précis et bien coordonnés. Il démontrait une pensée stratégique et une maîtrise de soi pendant le combat. Contrairement à certains combattants impulsifs, il n'attaquait pas de manière aveugle et ne laissait pas la colère prendre le dessus. Achille ne pouvait que l'admirer pour cette qualité, reconnaissant la finesse tactique de son adversaire. La lutte continuait, chaque homme évaluant l'autre, cherchant des ouvertures dans la défense de son opposant.  

La tension dans la foule était palpable alors que les deux combattants, luisants de sueur, s'affrontaient avec férocité. La différence commençait à se voir : Patrocle portait déjà les stigmates de la bataille avec une enflure sous l'œil droit. En revanche, Achille était encore indemne.

Achille, déterminé, fonça vers Patrocle, esquivant habilement un direct du droit meurtrier. Il enchaîna avec deux coups dévastateurs au visage de Patrocle, provoquant une éruption de sang qui gicla sur les spectateurs les plus proches. La foule retint son souffle face à cette violence soudaine.

Cependant, Patrocle ne se laissa pas abattre. Il contre-attaqua avec un crochet du gauche, mais Achille l'esquiva habilement. Achille saisit l'occasion pour frapper violemment le ventre de Patrocle, puis propulsa son poing droit sur son menton. Déséquilibré, Patrocle chuta dans la poussière, roulant sur le dos.

Achille demeura un moment silencieux, semblant indifférent aux acclamations de la foule. Il s'éloigna sans répondre aux vivats enthousiastes, mais la liesse s'interrompit brusquement. Achille, à contrecœur, se retourna lentement. Patrocle s'était relevé, son regard dégageant une détermination farouche qui perturba Achille, le forçant à secouer la tête, surpris.

— J'admire ton courage, Patrocle, déclara Achille d'une voix puissante. Mais tu ferais mieux d'abandonner, tu as perdu. Accepte-le.

Patrocle sourit et leva les poings en guise de réponse. Désormais, la foule était silencieuse. Achille lança une attaque rapide, mais il ne s'était pas assez méfié et s'écrasa contre un direct du droit qui l'ébranla des pieds à la tête. Enchaînant, il encaissa un uppercut dans le ventre qui le souleva de terre. Patrocle voulut presser son avantage, mais Achille pivota et s'éloigna, assénant un coup de poing rapide au visage qui aggrava la coupure sanguinolente.

La journée passait lentement, et le soleil commençait à s'enfoncer paresseusement dans les montagnes. Le combat s'éternisait. Pour chaque coup porté par Achille, deux étaient rendus. Cependant, la force semblait abandonner le plus faible des deux. Achille le sentait. La puissance de ses coups commençait à saper les forces de Patrocle. Pourtant, celui-ci tenait bon et continuait d'attaquer.

Patrocle ralentissait et touchait Achille de moins en moins souvent, alors qu’Achille semblait gagner des forces à mesure qu’il combattait. Patrocle mordit la poussière deux fois de plus, et il se leva deux fois pour reprendre le combat. À ce moment, Ulysse pensa que la fin était inéluctable. À chaque coup, les forces de Patrocle le quittaient un peu plus. Seuls le courage et l’orgueil le maintenaient debout.

Achille, sentant la victoire proche, fonça sur son adversaire et lui flanqua deux crochets du droit au visage, l’envoyant bouler sur le sol. Cette fois, il se tourna vers la foule et hurla sa victoire, mais la foule demeurait silencieuse, ne comprenant pas pourquoi. Le Thessalien regarda par-dessus son épaule et vit Patrocle se relever en titubant.

— Ne m’oblige pas à te tuer, Patrocle. Rugit Achille furieusement. Tu as bien combattu mais tu ne peux rien contre moi, accepte ta défaite.

— Jamais… je ne… m’inclinerai devant… quelqu’un comme toi… murmure Patrocle en titubant vers Achille.

— Pourquoi ! Cria Achille fous de rage. Tu as perdu, regarde toi, tu n’es plus en état de combattre.

Patrocle, bien que titubant, ne répondit pas. Au lieu de cela, il se remit en position de combat. Le soleil descendant jetait une lumière dorée sur le champ de bataille, et la foule observait avec une anxiété grandissante.

Achille, mélange de fureur et de confusion, reprit son attaque. Il lança des coups puissants, mais Patrocle, avec une détermination farouche, réussit à parer plusieurs d'entre eux. Cependant, la force et l'endurance le quittaient rapidement. Achille le frappa avec un crochet du droit qui fit tourner la tête de Patrocle. La foule retenait son souffle.

Patrocle s'effondra finalement sur le sol poussiéreux. Achille, le regard empli de colère, puis tourna les talons pour s’éloigner, mais il entendit la foule crier de stupeur, cette fois le Thessalien s’arrêta et respira un grand coup, puis a regarda a nouveau par-dessus son épaule.

Patrocle s’était relevé encore, et le visage d’Achille demeura livide. Un tremblement nerveux parcourut ses membres. Pourquoi n’était-il pas comme les autres ? POURQUOI ? Il continuait de lui résister, lui, l’invincible guerrier.

— Si tu me brises tous mes membres, et qu’il me reste seulement mes yeux, je te défierai du regard sans jamais abandonner. Déclare Patrocle d’une voix rauque.

Achille demeura silencieux un moment, impossible de savoir ce qu’il pensait. Il se tourna et revint vers l’estrade, où il souleva la couronne de laurier. Puis il revint vers Patrocle et laissa tomber la couronne sur ses pieds. Ensuite, il fit face à Ulysse et aux rois Grecs, il désigna du doigt adversaire brisé mais debout. Quand il parla, sa voix était froide comme la glace.

— Honneur a Patrocle, dit-il. Honneur au Champion des jeux.

Puis il quitta l’arène à grande enjambée, Patrocle respira à grand peine, puis s’effondra au sol, tout n’était que douleur à présent. Il n’entendait pas les hurlements sauvages de la foule, tout comme il ne sentait pas les mains qui le soulevaient pour l’emporter au loin, en ouvrant son œil encore intacte, il reconnut Dates et Simisée, l’amazone semblait pleurer de joie pour lui. Puis ce fut le néant.

    


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