Voyage immortel dans le temps

Chapitre 1 : Retour vers le futur (alter)natif

Chapitre final

4237 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/01/2024 14:30

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions.fr, « Vous m’en direz temps » (février à mars 2021)




Voyage immortel dans le temps
1. Retour vers le futur (alter)natif




En l’an 2000 avant Jésus-Christ, dans la belle Hellade, Héra, la déesse du Mariage et Reine des dieux, du haut de l’Olympe, demeurait assise au centre du foyer central de l’immense demeure divine au côté de sa sœur, Hestia. Immense salle imposante de marbre pur où des motifs floraux d’or, d'argent, d’émeraudes, de lapis lazuli, de jades et de jaspes s’entremêlaient, formant une merveille à la contemplation et aux yeux divins. Œuvre de son fils, le forgeron divin Héphaistos, l’illustre boiteux, la salle était gigantesque, titanesque, intimidante pour les hommes… ou plutôt majestueuse et digne des dieux selon la perspective divine. Chaque dieu avait sa maison, sauf les couples mariés qui vivaient sous le même toit. Ces demeures, qui ressemblaient plus à des châteaux médiévaux avec des tours, des pont-levis et des immenses portes à double battant, étaient un adroit alliage d’or, de bronze, d’argent et de fer, époustouflantes et scintillantes sous les rayons solaires d’Hélios au sommet de sa gloire dans le ciel. Ce dernier était dégagé, pur de tout nuage, c’est-à-dire pur de toute dispute du couple dirigeant. Vêtue d’une ample robe dorée sertie d’émeraudes, un fin voile de même couleur qui se tenait sagement sur sa digne tête, œuvre d’Athéna elle-même en cadeau pour son centième anniversaire de mariage, cachant ses beaux cheveux bruns, la grande et élégante déesse de vingt ans, afficha un sourire chaleureux et bienveillant aux lèvres. Ses traits délicats et gracieux rehaussaient encore plus sa nature immortelle, lui donnant un air presqu'enfantin lorsqu'elle observait les mortels, pressés, en contrebas. Elle ne comprenait jamais la raison de cet empressement humain à tout faire : vivre, aimer, se marier, se haïr, se tromper, guerroyer, s’entre-tuer et s’entr’aider, alors que la vie, magnifique et éternelle, ne demandait jamais une telle hâte. La Reine sourit à sa sœur et s’écria, commentant l’agitation humaine :

— Ces mortels ! Aussi insensés que des feuilles sur un arbre en automne qui refusent de tomber ! Le vent les emporte toujours, les générations se succèdent. Et nous, les dieux, les immortels, sommes accusés de leurs fautes et de leurs mauvais jugements qui intensifient leur difficile vie sur Terre ! Nous y sommes pour rien ! Je suis bien d’accord avec mon mari sur ce point.

— Je rêve, Héra, tu es d’accord avec ton mari ! la taquina, sur un ton joyeux sa sœur, sourire espiègle, en resserrant son élégant voile brun clair autour de la tête pour ne pas laisser échapper une mèche de ses cheveux brun foncé.

— Il n’est pas interdit de bien s’entendre avec son mari volage ! s’offusqua-t-elle faussement, moue enfantine au visage, malgré ses yeux riants qui démentirent son expression faciale et son ton.

— Parlant de ton mari, est-ce lui que je discerne au loin ? l’interrogea rhétoriquement la déesse du Foyer.

De sa vue perçante, Héra tourna la tête et discerna aisément son frère et époux au loin, toujours aussi majestueux, petit sourire malin au coin des lèvres, ses yeux bleu ciel qui savaient s’assombrir lors de leur dispute étaient pétillants comme lorsqu’Hélios brillait au midi, trônant en roi dans le ciel. Il était de bonne humeur pensa son épouse, ravie. Zeus salua ses sœurs et fit un chaste baise-main à sa femme avant de l’enlacer et lui murmura à l’oreille :

— Ma chérie, n’as-tu pas oublié qu’aujourd’hui est notre anniversaire de mariage ?

— Mais, non Zeus. Comment puis-je négligé un jour si important ?

— Nous sommes rendus à plus de cinq mille ans de vie commune, ma chérie ! Et pour l’occasion, un repas en tête-à-tête, toi et moi, en privé.

Il prit son épouse autour de la taille et l’amena dans leur résidence, au plus grand étonnement de la déesse qui devint nostalgique en se rappelant les premiers millénaires de leur vie de couple.


La table était déjà prête, l’entrée attendait sagement le couple à leur place, leur siège, des trônes imposants, brillèrent de mille feux sous la lumière des chandelles. À peine assis l’un en face de l’autre, prenant une bouchée de leur repas, que les trois redoutables Moires apparurent dans un coin de la salle, trois élégantes femmes qui flottaient dans d’amples chitons bleu saphir agrémentés d’un voile blanc virginal qui couvrait leurs cheveux brun châtaigne avec une touche dorée, leur donnant un air squelettique et majestueux. Zeus, de sa vue d’aigle, les remarqua rapidement et blêmit un peu. Les trois paires de yeux sombres se braquèrent sur le dieu, le rendant plus nerveux. Se raclant la gorge pour faire bonne contenance devant elles, il leur demanda poliment :

— Les Moires, Clotho, Lachésis et Atropos, pour quelle raison êtes-vous venues ? Il est très rare que vous quittiez votre auguste demeure.

— Pour vous montrer la tapisserie de vos vies jusqu’à maintenant.

Et les femmes firent apparaître un immense écran de télévision où les deux tapisseries étaient projetées. Au moment où le couple fixait leur vie, un bruit sourd s’entendit, un éclair immense le frappa. Zeus et Héra n’entendirent qu’un cri désespéré des Moires avant de devenir inconscients et de disparaître de la salle. 

— Lachésis, l’interrogea Atropos, où sont-ils partis ?

— Je pense dans un passé alternatif de leur vie, tu sais les plans B et C, les vies possibles si certains événements n’étaient jamais survenus ou s’ils étaient survenus autrement… Mais il y eut plusieurs possibilités, dans laquelle sont-ils atterris ? Sont-ils ensemble ou non ?

— Je l’ignore, mais attendons qu’ils reviennent, commenta Clotho, tenant plusieurs fils entre ses doigts, continuant son travail millénaire. De toute façon, jetant un coup d’œil rapide à sa montre, ils ne peuvent guère être plus longtemps qu’une semaine dans la tapisserie alternative.

Les deux autres hochèrent la tête à son attention et continuèrent à filer les vies des mortels et des dieux.



Un peu plus tard, ouvrant les yeux, Héra observa les environs, étonnée de ne pas reconnaître le paysage habituel de l’Olympe. Jetant un bref coup d’œil à ses mains, elle constate que son alliance trône toujours sur son annulaire, la rassurant. Rajustant son voile pour cacher ses cheveux, elle déambula dans les rues, reconnaissant son coin natal, Samos. Le paysage était toujours magnifique : des belles maisons blanchies au chaux avec leur toit bleu ciel bien ordonnées avec des jardins, des immenses vignobles à perte de vue, des oiseaux qui chantaient un doux chant, presque amoureux, un vent estival qui apportait fraîcheur aux hommes se leva, un soleil culminant au ciel dégagé, bref une journée idéale pour une promenade insouciante en couple ou en famille. Perplexe de se retrouver près de la maison de son enfance qu’elle reconnaîtrait entre mille, elle bifurqua à droite pour prendre un petit sentier de terre battue qui menait à une charmante et grande maison blanchie au chaux avec un toit bleu comme le ciel. En entrant, elle était accueillie par son mari, Zeus, très en colère. Elle lui demanda, très étonnée et craignant néanmoins son ire :

— Zeus, mon divin époux, pour quelle raison es-tu fâché ?

— Vous avez l’audace de me le demander, garce ! fulmina-t-il, assombrissant le ciel.

La déesse ne comprenait plus rien. Pourquoi, diable, mon mari m’insulte ainsi sans raison ? Mystère, pensa-t-elle.

— Zeus, s’énerva-t-elle, haussant le ton, s’emportant, courroucée. Tu oses me traiter ainsi alors que je te suis fidèle ! Ironiquement, toi, le mari volage, tu m’insultes ! ajouta-t-elle avec une pointe d’amertume.

Soudain, Zeus lança devant elle, à quelques millimètres de son visage une foudre des plus impressionnantes et lui murmura froidement, lui donnant un frisson :

— Reconnaissez plutôt que je ne suis pas le père d’Héphaistos et d’Ilythie ! Chienne de femme !

— Mais arrêtes-tu d’être jaloux pour rien ? Ne vois-tu pas qu’ils sont tes enfants ? Je sais ce qu’est la fidélité, contrairement à toi.

— Héra, vous m’insultez ! éructa le dieu. Je vous suis absolument fidèle ! Depuis notre mariage, citez-moi un seul bâtard ! Allez, nommez-le !

Prenant une grande inspiration, la Reine répondit :

— Tu en as fait beaucoup d’ailleurs ! Il y a Athéna, Dionysos, Apollon, Artémis, les Muses, Hermès, Coré devenue Perséphone, Héraclès, Persée et plusieurs autres.

Zeus l’observa étonné.

— Mais, aucun d’eux n'a un lien de sang avec moi ! Athéna est fille de Métis et d'Houbal, Dionysos est le fils de Perséphone et d’Hadès. Apollon et Artémis sont les jumeaux de Léto et de Péroun, les Muses sont les filles de Mnémosyne et d'Enlil, Héraclès est le fils d’Alcmène et d’Hermès, Hermès est le fils de Maïa et de Loki, Persée est le fils de Danaé et d’Hadès. Coré est la fille de Déméter et d’Odin, Perséphone est la fille de Déméter et d’Hadès. Votre ignorance m’étonne femme ! Malheureusement, je ne peux divorcer aisément de vous, se lamenta-t-il. Depuis que Cronos est relégué au Tartare, je suis obligé d'être avec vous pour l’éternité ! Malheureux, je le suis ! Mais, femme, n’oubliez pas que je peux vous punir aisément, vous pendre entre ciel et terre pendant quelques jours pour vous faire oublier votre honteux comportement !

Héra le fixa, perdue, complètement perdue, mais décida de ne pas se disputer plus longtemps avec son noble mari. Il doit certainement mentir concernant sa paternité, j’irai vérifier la ressemblance de ses bâtards plus tard… pensa-t-elle.

— D’accord, Zeus, mais êtes-vous devenu paranoïaque pour douter de votre paternité de notre fils et de notre fille ? s’étonna-t-elle en insistant sur les neuf derniers mots.

— Êtes-vous sérieuse, femme, pour raconter de telles inepties et de vulgaires mensonges ? Déjà leur existence même est un affront à la fidélité et à notre mariage sacré ! Venez ! Suivez-moi, femme volage ! 

Il tira son épouse sans ménagement par le bras et l’entraîna dans le salon où les quatre enfants, Héphaistos, Arès, Ilythie et Hébé, se tenaient tranquilles. Chacun assis sur une chaise richement décorée d’arabesques en or dans un coin de l’immense salle, les enfants s’ennuyaient. Ils tournèrent tous leurs têtes vers Zeus et Héra à leur arrivée. Héra remarqua que la salle, immense, était différente que celle sur l’Olympe : les murs, blancs ornés de motifs dorés, donnaient une impression de tristesse à la déesse, l’inquiétant. Arès, toujours aussi imposant, prit la parole, sourire ironique et ton mordant :

— Zeus, encore une dispute avec notre chienne de mère, n’est-ce pas ?

Héra, offusquée de l’impertinence de son fils, lui répliqua amèrement, avant même que Zeus n’ouvrit la bouche :

— Quel langage ! Alors que devrez-vous dire de votre père ? Et même encore, ce n’est guère un vocabulaire digne de votre rang ! Qui vous a appris ces mots ?

— Êtes-vous devenue amnésique, mère, pour me poser la question ?

— Comment amnésique ?

La Reine était réellement confuse.

Les quatre enfants s’entr’observaient tout aussi perplexe que leurs parents. Zeus se racla la gorge et ordonna :

— Les enfants, pouvez-vous laisser ces sombres sujets de côté, pour une fois ! J’ai suffisamment d’ennuis avec votre mère sans tourner le couteau dans la plaie ! Mangeons sans nous disputer, pour une fois !

Tous mangèrent leur ambroisie et burent leur nectar en silence. Héra en profita pour comparer les quatre enfants entre eux et avec son mari. Malheureusement, elle devait reconnaître que ni Héphaistos, ni Ilythie ne ressemblèrent à Zeus. La déesse du mariage sentit poindre un mal de tête à cette conclusion. 

Elle, infidèle à son mari ! Impossible ! C’est le monde à l’envers, un cauchemar, un monde parallèle démoniaque, une mauvaise farce de ses enfants et de son mari, mais aucunement la réalité ! spécula-t-elle, angoissée.

Après le repas, Héra s’éclipsa dans la chambre, très ébranlée en son for intérieur, surtout à l’idée de connaître un autre homme… ou plutôt un autre dieu… que son mari. L’idée même d’être infidèle à son mari lui était inconcevable… Elle se demanda bien comment faire comprendre à Zeus qu’elle changea et devint fidèle, saisissant bien qu’il était inutile d’insister sur sa fidélité exemplaire, puisqu’irréfutablement la moitié des enfants n’était pas de lui et qu’il ne la croirait pas. 

La déesse soupira et s’endormit dans le grand lit, priant les Moires de l’aider, espérant s’attirer leur clémence dans sa situation qui la dépassait. Elle ferma les yeux et un immense éclair la frappa, soudain.



Zeus, sorti du choc de l’imposant éclair, se leva, parcourut son regard dans la salle où il était. Il reconnut l’immense salon olympien de leur demeure qui ressemblait toujours au même qu’avant son repas, nota le dieu, observant les magnifiques murs dorés, l’élégante petite table et les sièges qui s’apparentaient plus à des trônes. Héra, sourire radieux au visage, s’approcha de lui, tenant son rouleau de pâtisserie. Le dieu déglutit sa salive. J’espère que ma chérie n’utilisera pas ce rouleau sur moi, sinon c’est de la violence conjugale ! Inacceptable ! réfléchit-il.

Le déesse déposa le rouleau à côté d’elle et sauta au cou de son mari, l’embrassant tendrement. Elle lui demanda :

— Chéri, mon amour, tu vas être content, j’ai fait tes desserts préférés…

Le dieu regarda son épouse, confus… De quel dessert parle Héra ? ... Il la suivit jusqu’à la cuisine.

Le couple, l’un en face de l’autre, dégustèrent des éclairs et des palmiers. Soudain, la Reine lui annonça :

— Zeus, mon amour, n'as-tu pas oublié que Dionysos et Hermès viennent cet après-midi pour des pourparlers ?

Le dieu camoufla son étonnement qui se lisait pendant une fraction de seconde sur son visage et dans son regard. Mais rien n’échappa à sa femme qui lui demanda gentiment, sur un ton rarement entendu, sauf au début de leur mariage, se souvint le dieu. 

— Zeus, de quoi es-tu étonné ?

Détournant son regard de sa femme, il lui affirma :

— Je ne me rappelle pas qu’ils venaient…

Et je suis très étonné que tu ne m’as pas rappelé pour la millième fois qu’ils sont mes bâtards, affront suprême à notre mariage. Bizarre, pensa-t-il.

— Tu ne te souviens pas que le fils d’Indra et le bâtard de notre frère viennent aujourd’hui… ria-t-elle. Tu es sérieusement dans les nuages, mon amour. Le dieu du ciel dans les nuages… Ou tu penses trop à moi, comme d’habitude… lui susurra-t-elle, se levant de son siège pour s’accrocher tendrement à son cou, minaudant et battant ses longs cils pour le plaisanter.

— Le fils de notre frère ? Qui est-ce ? l'interrogea-t-il, confus, en câlinant doucement les cheveux soyeux de sa femme et en sentant son doux parfum, mélange de miel et de citron.

Cette fragance le rendit nostalgique, lui ramenant à la mémoire leur lune de miel…

— Hermès, fils de Maïa et d’Hadès… Mais pourquoi me poses-tu la question ? Es-tu devenu amnésique ? le taquina-t-elle en relevant la tête pour rencontrer ses yeux.

Le dieu força un rire, même s’il était très perplexe de ne pas s’en souvenir, pour ne pas éveiller trop de soupçons. Il se racla la gorge, enlace son épouse et se prépara à des pourparlers dont il ignorait tout de leur nature.


Une heure plus tard, Zeus, assisté d’Héra, attendit avec impatience les deux dieux. Ces derniers arrivèrent et Zeus les détailla, s’étonnant de ne pas se reconnaître comme leur père ! Il leur demanda :

— Mes enfants, pour quelle raison êtes-vous venus ?

Dionysos et Hermès s’entr’observèrent et répondirent à l’unisson :

— Zeus, avec tout le respect que nous vous devons, nous ignorons que nous sommes vos fils, sauf si vous êtes très généreux, comme les diacres orthodoxes sont appelés « père », un titre honorifique et respectueux. Vous, les Olympiens, avez une habitude bien étrange ! Une nouveauté ! Nous pensions que les titres étaient autres. Est-ce seigneur et dame les titres des Olympiens ?

— Présentez-vous étrangers ! leur ordonna-t-il sèchement, ignorant leur question. Je n’ai pas l’éternité à vous regarder dans cette salle ! Je suis Zeus, fils de Cronos et de Rhéa, et époux d’Héra.

— Je suis Dionysos, fils d’Indra et de Sémélé, et fiancé d’Ariane, fille de Minos, lui-même fils de Poséidon, votre frère, lui répondit le petit dieu replet aux cheveux brun foncé dans lesquels une couronne de lierre et de vigne pendait, au regard marron brillant de folie, vêtu d’un sari ample orange.

Dionysos s’habille comme une femme, le travesti, pensa Zeus.

— Je suis Hermès, fils d’Hadès, votre frère, et de Maïa, et époux d’Hécate, lui murmura, sourire affable aux lèvres, l’élégant dieu aux yeux sombres comme la nuit et aux cheveux de jais, tenait dans sa main son casque ailé et son caducée.

Je suis perdu, suis-je tombé dans un monde parallèle ? s’interrogea Zeus. Mais, je discerne un point positif, si mes bâtards ne le sont plus, alors ma femme n’a aucune raison de se fâcher… Ce qui explique sa bonne humeur et sa douceur… Comme aux premiers temps de notre mariage… Que de bons souvenirs ! rêvassa le roi des dieux.

— Zeus, êtes-vous correct ? demanda Hermès en notant son air pensif et son regard dans le vague.

L’interpellé se ressaisit et répliqua abruptement :

— Oui, aucun problème de mon côté.

Il se pencha vers sa femme et lui chuchota :

— Chérie, veux-tu me rappeler la raison de leur venue ?

Étonnée qu'il ait oublié, elle répondit poliment :

— Ils demandent une résidence permanente sur l’Olympe, soit par alliance, soit par la famille et le travail, et non seulement un Permis Vacance-Travail. Ce permis leur est renouveler à chaque an. Ils désirent devenir des citoyens Olympiens, au même titre que nous, malgré qu'ils aient brillé par leur absence lors de la Titanomachie et de la Gigantomachie, lui murmura sa femme, sourire au coin.

— Alors, ma Héra, il est absolument inacceptable de les rendre citoyens s’ils n’ont jamais prouvé leur bravoure au combat ! s'emporta-t-il.

— Tu as raison.

— Messieurs, nous refusons votre requête, annonça solennellement le Roi des dieux. Pour devenir Olympien, il n’est pas suffisant de connaître notre langue, nos habitudes et de marier une Grecque… Les critères sont beaucoup plus stricts. Vous devez vous contenter d’un renouvellement de votre Permis Vacance-Travail tous les deux ans.

—Mais, s’offusqua le dieu messager, pourquoi ? Ce n’est pas logique.

— Ma décision est irrévocable, jeunes dieux. Séance levée.

Les deux invités, penauds, opinèrent du chef et sortirent de la salle du trône. Héra sourit à Zeus et vint s’assoir sur ses genoux, l’enlaçant tendrement et lui murmura :

— Tu me fais rire, chéri… Ton étonnement m’intrigue, comme si tu es tombé de la planète Jupiter ou comme si ton café au nectar ne te réveille plus le matin… Je ne peux le dire…

— Non, ni l’un ni l’autre Héra, disons que j’ai l’impression d’arriver d’un autre temps, d’une autre époque…

Héra l’observa, intriguée et tout aussi confuse que Zeus, et lui murmura :

— Zeus, tes mots sont très bizarres. Veux-tu venir manger un peu ma soupe à l’ambroisie ?

— Je ne vais pas refuser.

Et le couple s’attabla. Zeus nota qu’en face de lui, sa femme était assise en reine sur un trône et de chaque côté de la table, plusieurs sièges qui s’apparentaient plus à des trônes étaient sagement rangés. Le couple mangeait en silence, mais le silence était agréable, rempli de la complicité d’un vieux couple qui se comprenait à mi-mots.

Après le repas, Héra tricotait une chlamyde pour son mari. Ce dernier, fixant le vide devant lui, réfléchissait à sa journée.

Ainsi, pensa-t-il, je serai fidèle à ma femme, à l’instar de ma chère Héra… Et mes bâtards trop connus par le monde sont des enfants d’autres dieux… Et certains Olympiens, Hermès et Dionysos, ne sont pas parmi nous… Je suis définitivement arrivé dans un monde parallèle. Comment revenir à mon présent ? Je l’ignore… Mais, au moins, je pourrai essayer de m’améliorer auprès de ma Héra. Que la complicité et la confiance de couple est belle à vivre ! … Je deviens nostalgique…

Le soir, le couple s’endormit enlacé. Fermant les yeux, un éclair imposant ravit Zeus de son lit.



Le lendemain matin, Zeus et Héra ouvrirent leur yeux, étonnés de se retrouver assis à table, l’un en face de l’autre, avec des plats chargés de nourriture. Sortant des bras de Morphée, Zeus nota la présence des Moires dans un coin. Les trois déesses filaient inlassablement les destins des mortels et des immortels, ne remarquant même pas la présence du couple. Le dieu du ciel se racla la gorge pour attirer l’attention des terribles déesses. Elles relevèrent simultanément la tête de leur ouvrage et affirmèrent à l’unisson :

— Bonjour, Zeus et Héra ! Finalement votre voyage dans vos vies alternatives ne dura qu’une journée… Mais dans quelle vie alternative êtes-vous atterris ? Est-ce dans la même vie ou non ?

— Laissez-moi comprendre la situation, tonna Zeus.

— Je suis d’accord, Zeus, confirma la déesse, ébranlée et éplorée.

Le dieu se leva et enlaça sa femme, lui murmurant :

— Ma Héra, ma irréprochable épouse, qui t'a mis dans cet état ?

Cachant sa tête dans le cou de son mari, elle chuchota :

— Toi, dans cette vie alternative…

Étonné, il câlina ses cheveux et l’incita d’un regard à compléter sa pensée.

— Héra, l’informa Lachésis, vous êtes soit témoin de votre vie de couple alternative A ou C. Dans la vie A, vous êtes très infidèle à votre mari et il vous est fidèle. Dans la vie C, vous vous trompez mutuellement. Votre présente vie de couple est l'option D

— Et la vie alternative B est celle que j’ai vue où nous sommes fidèles l’un à l’autre avec une agréable complicité de couple, compléta Zeus, rêveur.

— Exactement, Zeus, le félicita Atropos, sourire aux lèvres.

— C’était alors la vie alternative A, affirma d’une petite voix difficilement audible la déesse du Mariage.

— Maintenant, vous comprenez que, peu importe l’option de vie, vous êtes prédestinés l’un pour l’autre, pour le meilleur comme pour le pire, conclut Clotho, approuvée d’un geste de la tête par ses sœurs.

Sur ces paroles, les trois terribles sœurs regagnèrent leur château de bronze loin de l’Olympe et des hommes, laissant le couple dirigeant pensif sur les dernières vingt-quatre heures de leur existence.

Zeus, enlaçant plus fort Héra contre lui, affirma posément :

— Ma Héra, je conclus qu’il n’est jamais tard pour s’améliorer et être un bon mari.

Sur ces mots, Héra embrassa son mari et le couple profita enfin de leur soirée privée pour se rappeler les moments de vie commune.


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