Chronique d'une ninja courageuse

Chapitre 5 : Fuite Aquatique

6770 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 19:46

 

Fuite Aquatique Partie 1

 

Cela faisait quinze jours que j’étais à l’hôpital, enfin quinze jours additionnés à ceux que j’avais déjà passé avant la mort de Loyo et de Ginia. Ces pensées étaient encore dures pour moi, car elles réveillaient une foule de sentiment douloureux. Des souvenirs, des paroles, des gestes. Tout me rappelle les filles. Je suis en deuil, et je ne peux pas le terminer, pas maintenant, pas tant que je ne comprendrais pas pourquoi Sohara a agît de la sorte.

A la simple évocation de son nom je suis prise d’une effroyable colère que j’ai du mal à refreiner. Peu après ma crise, on m’a installé des anneaux en métal autour des chevilles, des poignets et du cou. Ils sont reliés à des chaines en fer forgé, j’ai peu de chance de m’en libérer. Comme chaque jour, je regarde le plafond, ou la fenêtre, quand c’est jour de fête… Enfin il n’y a pas de fête, mais le fait de tourner le cou m’est douloureux, et je ne sais pas pourquoi.

- Oooooh, ma pauvre petite M, comment vas-tu aujourd’hui ? me siffle la Mizukage en arrivant en grande pompe dans ma chambre d’hôpital, comme chaque jour.

- Je vais mieux, de mieux en mieux, répondis-je comme un automate.

Non je ne vais pas mieux, mais je veux partir d’ici.

- Oh, bon, je pense que tu vas bientôt pouvoir sortir d’ici alors. Mais après ce qui t’est arrivé, je pense que tu resteras sous antidépresseurs quelques temps.

- Je n’en prends pas, je n’en ai jamais voulu.

- Soit, mais tu en auras ! me dit-elle avec ravissement.

Si cela vous fait plaisir, ils termineront dans les toilettes…

- Je t’autorise donc à sortir, alors, mais je te surveillerai, si je vois quoi que ce soit d’anormal, je te renvoie ici, compris ?

- Oui, compris.

D’accord je vais signer les papiers.

- Mais avant… commença-t-elle en s’avançant vers moi.

Elle sortit une petite clef de sa poche et déverrouilla un à un chaque anneau de métal.

- Te voilà libre ! Mais, tu dois m’attendre ! dit-elle joyeusement en quittant la pièce.

 

Après quelques minutes, la Mizukage revint et m’aida à préparer mes maigres affaires. Quand je franchis la porte automatique de l’hôpital, j’entendis à nouveau le chant des oiseaux, le bruit du village, le monde.

Je rentrais chez moi sans me presser, je marchais silencieusement, à l’ombre des échoppes et autres boutiques. Dans les rues je vois quelques badauds. Je passe devant l’appartement de Loyo et j’ai comme un coup au cœur. Les vitres sont toujours brisées, la porte dégondée, rien n’a été remis en ordre. Je détourne le regard et m’éloigne rapidement. Je suis malade, j’ai mal au ventre, comme une boule dans la gorge. J’ai du mal à réfléchir, mais heureusement j’arrive à mon appartement.

J’ouvre la porte, en entrant fébrilement la clef dans la serrure, je me hisse dans l’entrée et ferme la porte. Je tourne le dos et m’y appuie, je me laisse glisser jusqu’au sol. Je lâche les clefs, ma valise et cale ma tête contre la porte. Je ferme les yeux, et mes joues se mouillent. Je vois des images, trop d’images douloureuses, je me torture moi-même, et je me sens totalement à bout de force. Etait-ce une bonne idée de sortir ? Oui, j’en suis persuadée. Je respire doucement, et même si la position n’est pas très confortable, je finis par m’endormir là, entourée de mes affaires.

 

Les jours suivants sont des jours vides, je reprends des forces, je serai bientôt sur pied, je vais bientôt reprendre les entrainements, j’ai hâte. Je m’ennuie et je n’ai rien à faire, pas d’amie à voir.

 

Ce matin je me réveille, il est 10h45. J’ai fais une belle grasse matinée, et ma journée est bien remplie ! Je suis entièrement rétablit, sauf mon moral miné, mais sinon je suis opérationnelle. Comme prédit, les antidépresseurs finissent aux toilettes. Je n’ai plus de traitement autre sinon. Je vais m’asseoir dans la cuisine sur un siège de bar. Devant moi, un bol vide bientôt plein de céréales et de lait. Eh, oui, les ninjas aussi mangent des céréales. Il n’y a pas de barres au chakra ou autre bêtises du genre !

Je le vide avec en train, et passe à la salle d’eau. Je me fais couler un bain chaud dans lequel je fais tomber des sels de bain et de la mousse dans l’eau, ce sont des objets que ma rapporté Loyo de son dernier voyage, je ne les avais jamais utilisés mais cela sent bon ! Je me déshabille et une fois nue, me glisse doucement dans le bain chaud. De la buée recouvre déjà le grand miroir ainsi que la grande fenêtre.

Je me laisse aller à quelques minutes de réconfort dans ce bain qui décontracte mes muscles. J’y reste plus que quelques minutes finalement, mais quand je sors de la salle de bain, propre et fraiche, il est 12h15. Je me dirige vers le salon et ouvre une armoire haute et étroite. J’en sors un shamisen et commence à jouer pizzicato. Le son enivrant m’éloigne du monde qui m’entoure et je me sens planer. Cela fait longtemps que je joue de cet instrument, j’adore le son qui s’en échappe.

 

Trois coups contre la porte du bureau de la Mizukage l’informe qu’un visiteur est là.

- Entrez, dit-elle d’une voix dénué de sentiment.

- Bonjour maître, dit une voix féminine.

- Ah, c’est toi. Tu sais qu’elle est sortie ?

- Oui j’ai appris. Va-t-elle bien ?

- On s’en fiche, tu dois la tuer de toute façon, qu’importe qu’elle aille bien, elle ira mal.

- Ne dîtes pas cela comme ça, protesta la jeune fille.

- Ne fait pas des enfantillages Sohara. Et dépêche toi !

- Bien, Maître, dit-elle à regret avant de sortir du bureau de la Kage et de se mettre à courir.

Mais Sohara ne peut pas s’y résoudre, pas encore.

 

Il est 14h. Je me dis qu’après ce concert pour mes voisins j’ai le droit de m’offrir à manger. J’ouvre le frigo, après avoir ranger précieusement l’instrument, et je me prépare des ramens.

- Itadakimasu [1] ! m’exclamais-je en détachant les deux baguettes collées.

J’engouffre rapidement deux bols de nouilles et me voilà repue. J’écarte le bol et pose mais coudes sur le comptoir-bar. Je ferme les yeux et me masse mes tempes douloureuses. Je suis subitement prise d’un mauvais pressentiment, comme si quelque chose d’imminent aller frapper à ma porte…

Muée d’un sentiment inconnu je me dirige vers ma chambre, ouvre le placard, attrape un sac que je remplie de vêtement, d’affaires, d’un petit album photo, de mes éventails de combats de secours – sachant que les deux autres sont dans mes manches –, d’une figurine d’idole que m’a offert Loyo et retourne rapidement dans le salon tout en fermant le sac.

Je pose le sac sur le canapé d’angle qui fait face à l’armoire du shamisen et en retire l’instrument. Je le range précieusement dans son grand écrin et le pose près du sac. J’ouvre la commode qui se trouve à côté, et en sort des shurikens, deux lampes torches, des kunaïs, des parchemins explosifs.

Il me manque quelque chose… Pas quelque chose que j’aurai ici… Je sais.

Je sais que j’ai très peu de chances de le retrouver là, mais il faut que je tente. Je hisse le sac sur mon épaule et prends l’écrin de l’instrument de la main droite. J’attrape les clefs suspendues dans l’entrée et entends un bruit venant de la cage d’escalier. Je réfléchis rapidement : qu’est-ce que c’est ? qui est-ce ?

Précipitamment je fais volte face et me précipite vers la fenêtre, je l’ouvre rapidement et sans réfléchir je saute au dehors quand j’entends ma porte se faire défoncer.

J’ai eu de la chance ! Rien ne prouve que j’ai quitté l’appartement, et je ne pense pas que la personne qui soit entré m’est vue. Elle va d’abord le fouiller avant de penser que je suis partie. Vite !

Je m’élance à vive allure, esquivant les passants en faisant des pirouettes, et cours vers l’appartement de Loyo. Quand j’y arrive, je gravis rapidement les marches, et entre dans le salon. Je regarde partout mais ce que je cherche n’y est pas. J’entre dans sa chambre, tout est comme la dernière fois que je suis venue. Je rebrousse chemin, et je fouille chaque pièce mais impossible de trouver ce que je veux. Je me repasse le film dans ma tête et je sais que je suis pressée, alors j’ai du mal à réfléchir. Après le combat, nous avons finit à la case hôpital… Alors il a dû être récupéré et placé dans la salle d’arme, mais oui !

Cela va être risqué, mais je dois le faire.

Je dévale les escaliers quatre à quatre et cours à nouveau. Je prends vite chaque rue qui mène à la salle d’arme et j’y suis en quelques minutes. A peine arrivée je vois deux ninjas qui gardent l’entrée, bah ce serait trop simple. Je pense vite à une stratégie. Je vais au fond de la ruelle qui se situe à côté de ma position et y cache mes affaires, puis je me dirige posément vers l’entrée de la salle d’arme.

- Que venait vous faire ici, jeune demoiselle, me demande le premier ninja, avec dédain.

- Jeune demoiselle ? Vous ne savez donc pas qui je suis ? Je suis l’un des meilleurs éléments de la Kage, voulez-vous l’avoir sur le dos ? dis-je glaçante.

Je n’ai que peu de temps, et avec cette phrase je tente le tout pour le tout, si le plan A ne fonctionne pas le plan B c’est de les assommer.

- Non, non, désolé mademoiselle, entrez, entrez ! me dit-il confus en s’écartant.

J’en profite jusqu’au bout :

- Avez-vous reçu des armes dernièrement ?

- Oui, oui, bégaie-t-il, elles sont là.

Il tend le bras et avec un geste circulaire il me montre l’ensemble des armes.

Il y en a peu, c’est ma veine.

- Avez-vous reçu une doloire ?

- Oui elle est là, m’indiqua-t-il. Vous pouvez la récupérer, mais il faut signer un papier.

- Vous vous fichez de moi ? Vous voulez que je fasse un rapport à la Mizukage ? Je vous fais virer sur le champ si vous me sortez un seul papier à signer.

Je suis dure, cela ne me ressemble pas, mais il tremble comme une feuille et me donne l’énorme doloire sans rien dire. Je la prends, elle est vraiment lourde. Je la fixe dans mon dos avec la ceinture qui orne ma tenue de ninja.

Dès cela fait, je disparais rapidement, retourne à la ruelle y récupérer mon instrument et mes affaires avant de prendre le chemin de la grande porte au pas de course. C’était risqué mais je l’ai. J’ai du mal à courir avec la doloire dans le dos, mais je suis rassurée à son contact, comme si Loyo était là aussi.

Trêve de courte durée car quand je suis à quelques mètres de la porte j’entends une voix dans mon dos hurler mon nom, et cela sonne comme une déclaration de guerre :

- M Yukiko ! Tu nous quittes déjà ? Attends moi, je vais t’aider à passer de l’autre côté de la barrière !

Sohara et ses jeux de mots pourris… Je cours sans me retourner ce qui la met en rogne.

- Revient ici, hurle-t-elle de plus belle.

Je double l’allure et me rapproche du couvert des arbres pour sauter sur une branche. Je continue en sautant de branche en branche et jette quelques regards nerveux derrière moi, au troisième je vois Sohara sauter agilement. Elle a toujours été douée pour ça. Elle va me rattraper à ce rythme là. Je pourrais lui jeter un parchemin explosif mais tant qu’elle ne m’attaque pas je ne tente rien. Ce n’est pas moi qui commencerais le combat. Je suis sûre qu’elle veut me combattre, je suis certaine que c’était elle mon mauvais pressentiment.

- Tu préfères que ce soit moi qui ouvre le bal ? Qu’a cela ne tienne, joli cœur, ma mission est de te tuer alors c’est parti, dit-elle dans mon dos.

J’entends quelque chose siffler droit sur moi sous le couvert des arbres, je me retourne juste à temps, armée d’un kunaï pour bloquer deux shurikens. Parfait elle a commencé, à moi de continuer.

Tandis que trois shurikens et deux kunaïs filent vers moi à vive allure, j’attrape deux parchemins explosifs de la main gauche, et les lance avec précision, puis je bloque à nouveau les projectiles.

Je me retourne brusquement et fais un tour sur moi même, j’ai failli me prendre un arbre. Heureusement que je me suis retournée, sinon j’aurai pu dire au revoir à mon shamisen. J’entends deux explosions derrière moi, ce qui me tire de mes réflexions. Un cri accompagne la détonation, feint ou réel ? Pas le temps de m’attarder là-dessus.

Je saute au sol et reprends ma course plus rapidement que jamais. Je suis sûre qu’elle me suit, je sais qu’elle n’a pas pu se faire avoir par deux parchemins je…

J’esquive précipitamment deux kunaïs, et je recule vivement. Je bascule en arrière pour esquiver un coup de pied, mes mains touchent le sol et d’une impulsion je frappe la jambe de Sohara du pied. Elle recule, ce qui me permet de me remettre sur mes pieds et de lui faire face. C’est handicapant un instrument de musique, une doloire et un sac d’affaire dans le dos. Je sors les éventails de mes manches et me prépare au prochain assaut.

Campée sur mes deux jambes, les muscles bandés, mes yeux braqués sur elle, j’attends son attaque. Elle me regarde aussi, mais son regard n’a pas la même teneur que le mieux. J’ai de la haine, de la rancœur, de la détermination, de l’envie de vengeance dans les yeux. Voilà le brasier qui m’habite. Elle, j’aperçois un mélange d’obligation et de désolation. Comme si elle ne voulait pas me tuer, comme si cela la rebutait. Ces paroles me revienne alors en tête : « Ma M », « elle est à moi », « tu me l’a volé ». C’était vrai ? Sohara m’aimait ? Enfin… m’aime ?

Je crois que ses pensées gambergent vers les miennes et quand elle comprend elle se précipite vers moi, elle doit avoir comprit que j’étais vraiment intervenue, que j’ai arrêté le combat quelques instants, que j’ai embrassé Loyo devant ses yeux. Maintenant je lis de la colère dans ses yeux, et je sais que malgré ce qu’elle ressent hypothétiquement pour moi elle mènera à bien sa mission.

Elle décoche deux kunaïs de sa poche à projectile et me les lance avec grâce. Je les esquive facilement et lance mes éventails drapés de flammes dans sa direction. Accusant un mouvement circulaire vers le ciel, elle pense quelques secondes que j’ai raté mon coup, mais bien vite elle comprend qu’elle a tort, car avec mes éventails, je ne loupe jamais ma cible. Ils reviennent vite en descente et la frappe de plein fouet dans le dos, ces vêtement s’embrasse et je l’entends crier : je n’ai aucune état d’âme. Je ne m’en veux pas. Elle veut un combat, elle l’aura.

- Suiton, La Pluie d’Automne, dit-elle entre deux cris de douleur, ce qui éteignit les flammes.

Ces vêtements étaient déchirés, carbonisés, roussis par les flammes. Ses cheveux avaient diminués en longueur. Elle avait des cloques sur tout le corps, de la fumée se dégageait d’elle comme quand on plonge une lame encore brûlante dans de l’eau glacée. Sur ses joues je jurerais avoir vu des larmes.

Sans attendre plus elle hurla une nouvelle attaque :

- Suiton ! La grande cataracte !

Elle leva les bras vers le haut, paumes vers le ciel, et de l’eau jaillit des nappes phréatiques et formèrent une boule d’eau qu’elle mania habilement avec ses mains. La boule se déforma en un torrent qu’elle projeta sur moi.

- Katon, La Barrière de Flamme, criais-je en faisant plusieurs mouvements circulaires avec mes éventails.

Une immense barrière de flamme s’éleva face à moi et bloqua l’eau qui s’évapora au contact de la chaleur. Mais ma barrière n’était pas assez large et les nappes phréatiques du pays avaient de l’eau à revendre. Mes flammes ne tiendront pas longtemps. Avec mes éventails je les prolonges et cours autour de Sohara en faisant un cercle, en levant vite les bras j’arrive à décrire un cercle et un rond de flamme se forme autour d’elle. Je rapproche petit à petit les éventails ce qui a pour effet de rapprocher les flammes, de rendre le cercle plus petit. Mais ces grandes flammes demande une concentration intense et du temps. La première me coûtait beaucoup tandis que le temps filait à vu de nez, pourquoi ? Car l’eau attaquait une partie de mon mur de flamme.

Sohara avait comprit ma manœuvre et elle sait que si une ouverture est faite alors tout le mur disparaît. Je mets toutes mes forces et ma tension nerveuse à contrôler l’intégrité du mur ainsi qu’à en modifier sa taille. En parade, une parade que m’avait conseillé Loyo, je fais tourner le mur pour que jamais la même paroi ne s’effrite trop longtemps. Je tremble maintenant et les deux éventails sont tout proches, mais Sohara n’a plus qu’à concentrer l’eau autour d’elle et le mur lâchera d’un coup et de toute part. Alors je réfléchis rapidement aux possibilités qui s’offrent à moi.

1) Je tente le tout pour le tout. 2) Je concentre mes dernières forces à maintenir le cercle tant que je le peux et je fuis dans les bois. 3) Il n’y a pas de trois, mais je trouve cela plus crédible d’avoir trois options… Je choisie la 2).

Je me concentre vivement et m’éloigne en direction des bois.

- N’espère pas fuir, Yukiko ! me gratifia Sohara.

Sans comprendre quoi que ce soit je sens un liquide s’emparer de ma cheville, et je décolle soudainement du sol. Je suis envoyer droit dans sur un tronc d’arbre que je me prends de face. J’ai entendu un effroyable crac, je pense que j’ai des côtes cassées, et j’ai le souffle coupé. Je retombe lourdement sur le sol et j’entends un second crac, mais là ce n’est pas mon dos qui est cassé. Je n’arrive plus à respirer, je vois trouble, je me suis cognée la tête. Je cherche mes éventails des mains quand je peux enfin avaler une goulée d’air, mais ne trouve que la terre. J’ai dû lâcher mes éventails.

Merde, la pire erreur que je pouvais faire !

J’entends un léger rire plus loin et je tourne la tête, trop vite, j’ai un haut le cœur. Quand je vois net à nouveau, je vois Sohara qui joue avec mes éventails. Quand elle est sûre d’avoir mon attention et les déchire en savourant sa « victoire ». Sans mes éventails, je vais avoir du mal à me… Peut-être pas. Ce n’est pas mon arme de prédilection mais, utilisée au bon moment, je peux la battre. Enfin j’espère. Je me relève tant bien que mal et laisse descendre l’étui qui protégeait mon shamisen, je l’ouvre, même si la situation ne s’y prête pas du tout, et je vois qu’il est en deux morceaux, rien ne pourra le réparer.

- Oh, tu voulais me jouer une musique douce pour m’amadouer, c’est cela ? s’amuse-t-elle. Cela va être difficile maintenant !

J’entends son rire tinter à mes oreilles quand je décide d’abandonner ici mon instrument cassé. Je ne pourrais plus m’en servir, mais l’étui par contre. Je sors l’instrument et attrape le contenant par la hanse. Je me retourne et me lance vers Sohara qui s’esclaffe de me voir encore essayer de me battre. Arrivée prêt d’elle, elle pense que je ne peux rien faire alors, elle attend que je sois plus proche. Rapidement sans qu’elle puisse esquisser le moindre mouvement, je virevolte sur moi-même et avec la force centrifuge, je fais tourner l’étui du shamisen. Il s’écrase sur son visage avec un affreux son, ce qui la projette loin et ce qui brise la poignée.

- Yukiko ! hurle-t-elle après avoir touchée le sol.

- Quoi, Imizu ? Un souci ? répliquais-je sèchement, fière de moi, très fière de moi je dois dire.

- Tu vas me le payer ! dit-elle encore au sol.

- On y croit.

Je défais ma ceinture, attrape rapidement le manche de la doloire dans mon dos et l’abat sinistrement sur son cou. Un effroyable bruit d’os qui craque se fait entendre. Je m’attends à un flot de sang mais rien ne jaillit de la dépouille de Sohara, qu’est-ce qui se passe encore ?

- Surprise ? dit une voix derrière moi.

Je réfléchis rapidement…

- Joli clone, réponds-je.

Sous mes yeux, le corps explose dans un bain de fumée blanche. Je me retourne et vois une Sohara qui saute sur moi. Elle a l’air en colère, elle n’a sans doute pas apprécié de voir que je suis capable de lui trancher la tête sans m’en vouloir. Je lève la doloire et imprime plusieurs mouvements circulaires ce qui la fait reculer. Elle est lourde et j’ai du mal à la tenir à une main, mais je ne dois montrer aucune faiblesse. Je souris à mon adversaire et lance une pique :

- Tu n’as pas apprécié le spectacle ?

- J’ai un mauvais arrière goût de déception et de…

- Trahison ?

- Dans la bouche, finit-elle en faisant comme si elle n’avait rien entendu.

- Alors tu connais une partie de ce que je ressens envers toi.

Elle me regarde dans les yeux et ne voit rien à ajouter alors elle s’élance sur moi et sort deux kunaïs. Je tourne sur moi-même et frappe fort avec la lame de la doloire, l’un des kunaïs se casse net. La doloire, avec la vitesse, s’incrusta dans le sol. Sohara voyant l’ouverture lance le projectile vers moi. Je l’esquive en me baissant et en faisant une impulsion pour me relever je réussi à sortir la lame du sol.

- Gagné, dit Sohara, un sourire aux lèvres.

Mais qu’est-ce qu’elle s’imagine avoir ga…

Putain !

Une lame s’enfonce profondément dans ma chair. Je sens son kunaï pénétrer entre mes omoplates. Puis, Sohara tire brusquement sur quelque chose que je ne vois pas, et je sens le kunaï se déloger en meurtrissant le haut mon dos. Je lâche un cri de douleur et sens le sang poisser mes vêtements. Pourquoi ça n’a pas tapé plus bas ! Mon sac d’affaire m’aurait offert un rempart de fortune.

Comment a-t-elle réussi ce coup ?

- Ah là là, tu ne l’avais pas vu venir celui-là ? rie-t-elle en léchant la lame du kunaï.

- Tu es complètement cintrée ma parole ! dis-je entre mes dents.

- Un fil fin relié au second kunaï c’est plutôt ingénieux non ?

Mais oui, je suis trop bête, j’ai cru que j’avais esquivé le projectile, mais c’était trop simple. A genoux au  sol je reprends mon souffle. Au bout de quelques précieuses secondes je me relève doucement. Je lève la tête et fait face à mon adversaire. Elle est très maligne, même si j’ai du mal à l’admettre.

- On continue ou tu es déjà vaincue ? continue-t-elle.

- Tu rigoles, j’espère.

C’est la seule chose que j’arrive à prononcer. Je suis trop occupée à réfléchir. Je dois partir. Maintenant. Dans mon état et sans mes éventails je doute de pouvoir m’emparer de la victoire.

Une fois debout je lève rapidement les mains et lance une banale attaque Katon, qui envoie un flot de flamme vers mon ennemie. Puis je cours. Je suis plus rapide qu’elle à l’entraînement et je le sais, mais là, avec cette blessure… Je n’en suis plus certaine. Je fonce tout droit, je m’engage dans la forêt, et je tombe sur un chemin peu connu des cartes ninja car il termine en chemin escarpé. Je tente cette issue. Je ne l’ai jamais emprunté, voyons où cela nous mène, on ne trouve pas une route au hasard.

Je presse le pas, saute au dessus de branches cassées, je chasse les branches basses qui fouette mon visage et me prends soudain les pieds dans une ronce. Je tombe la tête la première sur le sol. J’ai pas le temps pour ça ! Je me relève rapidement et cours de plus belle. Le chemin se fait plus sinueux, plus étroit, les arbres feuillus m’engloutissent, le bois m’avale. Je pourrais presque croire que je suis seule et que Sohara m’a perdu, mais pas du tout. Elle est à quelques mètres de moi. Je continue de courir et j’arrive au bout du chemin, alors je continue à travers bois. Je frôle deux fois une chute qui me serait finalement fatale. Derrière moi j’entends au pas, que je ne suis pas la seule à avoir fait ma téméraire.

- Reviens ici, Yukiko ! hurle Sohara dans une colère noire.

- Je ne voudrais pas te simplifier la tâche ! dis-je entre deux respirations.

Je sais qu’elle fulmine et j’adore ça. Cette course me donne une dose incroyable d’adrénaline et je vais plus vite, je me sens comme indestructible, et ma douleur au dos me lance moins.

D’un dernier coup de bras je pousse une branche et me retrouve à l’air libre, le soleil me frappe et je suis aveuglée pendant quelques instants, j’ai toujours la branche en main et le bruit d’un pied qui dérape me ramène brutalement à la réalité. Je lâche la branche que Sohara se prend en pleine figure ce qui la fait tomber en arrière.

Je tourne la tête vers elle et je vois qu’elle s’est prit le pied dans une racine alors j’en profite pour mettre de la distance entre nous. Je cours sans trop prêter attention sur le sol de ce que je pense être une clairière. Je vois une vaste étendue, un ciel bleu envoûtant, des montagnes et plus j’avance plus j’entends un bruit d’eau qui tombe, comme une cascade…

Une cascade ?

Avant de comprendre je trébuche et je me rattrape avec mes mains. Je sens comme de la terre sèche sous mes mains alors que mes genoux sont sur un lit de verdure. Je relève la tête et vois une rivière en contrebas et je comprends qu’il y a un effroyable décrochage de plusieurs dizaines de mètres entre ici et en bas, mais je ne peux pas jauger la hauteur, mais c’est haut !

- Qu’est-ce que tu fiches à quatre pattes ? me demande Sohara que je n’avais pas entendu arrivé.

Je me relève précipitamment, ce qui m’arrache une pique de douleur dans le dos, l’adrénaline a rechuté.

- Moi ? Rien.

Une goutte de sueur me coule sur le front. Que dois-je faire ? Je ne peux clairement pas me battre dans cet état. Je dois partir. Maintenant, vraiment maintenant… Je regarde aux alentours, mais ne vois aucune issue.

- Tu ne pourras pas m’échapper Yukiko, arrête de fuir, ne regarde pas en arrière, tu sais que j’ai raison ! me dit Sohara.

En arrière ?.. Euréka ! Mais oui, elle a raison, enfin raison sans le savoir mais c’est ça bon sang !

Je réfléchis vite, j’avance vers elle, je vois dans ses yeux qu’elle pense que je vais me rendre puis je fais demi tour et cours vers la falaise. Je mime un plongeon en décrivant un parfait arc de cercle, une fois la tête à l’envers et le contact visuel établit je lui lance fièrement :

- Désolé, mais je dois te quitter !

Ses yeux s’écarquillent et elle hurle de rage, ses traits déformés par la colère :

- Non, reviens ici, Yukiko !

Elle se précipite vers la falaise et entend un craquement sinistre, soudain elle est terrifiée, terrifié que je me sois tuée, j’en suis sûre, c’était l’effet que je voulais obtenir. Dans ma chute j’ai attrapé une branche qui a cassé avec ma vitesse. J’ai le temps de tomber dans l’eau dans un petit plouf ! grâce à un gracieux plongeon, avant qu’elle passe sa tête au dessus de la corniche pour voir où je suis. En entrant dans l’eau j’ai déclenché des petites vaguelettes à la surface, et on peut y voir la branche cassée flotter. Ne m’ayant pas vu chuter, il est impossible qu’elle apparente ces vaguelettes à ma chute dans l’eau. Elle doit penser, chamboulée comme elle est, que ce sont celles de la branche, de plus elle doit espérer que je sois indemne et donc cachée dans les feuillages.

Je retiens ma respiration et m’éloigne le plus possible. Avec un tel soleil se réfléchissant sur l’eau elle ne peut pas me voir nager loin d’elle. Et je pense qu’elle a amorcée une descente entre les branchages.

C’est ma chance !

Je nage le plus vite possible, je suis le courant de la rivière, et je n’ai bientôt plus d’air. Je n’ai pas le temps de monter à la surface que le courant m’entraîne rapidement, je veux bloquer ma course en m’appuyant sur les rochers en profondeur mais je glisse, ils sont recouverts de mousse, et je me fais mal à la cheville. Cette douleur me rappelle mon dos, et j’espère que le sang ne se verra pas à la surface. C’est la seule faille de mon plan, enfin non, la deuxième.

Si je ne remonte pas à la surface, je vais mourir sous l’eau !

Le courant m’entraîne toujours plus rapide et toujours plus loin, je ne sais plus où je suis car tout va très vite, je ne sens pas tous les virages que je prends, et à bout de souffle, j’ouvre la bouche dans un dernier mouvement d’espoir, mais à part l’eau, rien ne rentre dans ma bouche.

J’ouvre les yeux mais je ne vois que des images confuses, l’eau prend toute la place dans mes poumons, je vois de plus en plus sombre, je n’ai plus d’air. Je ne vais pas m’en sortir, pas cette fois. Je coule de plus en plus, le courant devenant moins fort je glisse doucement vers le fond. Tout devient lointain, les sons s’apaisent, je n’ai qu’une pression sourde qui m’écrase les tympans.

Je regarde une dernière fois le ciel en me disant que je vais aller rejoindre ma Loyo, et que je serai sans doute mieux là haut. J’ai l’impression que mes poumons implosent, et je ressens subitement un apaisement infini. Il paraît que, une fois la douleur passée, les noyés ressentent un soulagement et une incroyable plénitude. Combien ais-je de mètre de distance avec Sohara ?

Soudain je ressens une vive douleur au bassin, comme un couteau qui s’enfonce dans la chair, je me cambre, ouvre la bouche de plus belle et… Noir.

 

[1] itadakimasu  équivalent de bon appétit en français

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