Le temps d'un mariage

Chapitre 3 : Deuxième chapitre

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:07

Deuxième chapitre

 

 

 

 

La seule fois ou Sakura avait voyagé en jet privé, c'était en compagnie d'une demi-douzaine de collègues, dans l'avion d'un des clients les plus riches de la banque, et elle ne s'était pas imaginé que la fois suivante, l'appareil appartiendrait à son futur beau-père et qu'elle s'y trouverait seule avec un faux fiancé.

Au bas de la passerelle, un steward et une hôtesse les déchargèrent de leurs bagages, et Sakura se demanda pourquoi elle ressentait le besoin de jouer avec l'énorme et faux diamants de sa bague de "" fiançailles "" en voyant le sourire que l'hôtesse adressait à Sasuke.

- Inutile de vous demander si vous voyagez beaucoup, Mlle Haruno, remarqua le steward, d'une voix aussi mielleuse que son regard était flatteur. En touriste avertie, vous savez qu'il vaut mieux voyager léger et acheter sur place, surtout lorsqu'on se rend dans une ville éloigner de chez soi.

Sakura esquissa un sourire forcé. La raison pour laquelle elle voyageait léger, comme il disait, c'était qu'elle possédait que peu de vêtements et qu'elle espérait, non pas acheter, mais faire des lessives sur place. Elle était trop prise par son travail pour avoir le temps de faire les boutiques et se contentait, deux fois par an, de rafraîchir sa garde-robe professionnelle en rachetant quelques tailleurs et une série de chemises blanches toutes simples.

Quelques jours plus tôt, elle s'était tout de même laissé traîner dans un grand magasin par Hina, qui avait décidé de lui trouver une tenue un peu plus féminine pour le mariage et pour le jour de Noël. Mais aujourd'hui, elle portait le même jean que tous les week-ends.

Elle pénétra dans la cabine et s'assit, en s'efforçant de ne pas céder à l'envie d'observer Sasuke. Pour un homme qui avait besoin d'arrondir ses fins de mois en proposant ses services aux femmes esseulées, il semblait étrangement à l'aise au milieu de tout ce luxe.

Le steward leur offrit du champagne. Sakura ne buvait pas souvent, mais elle accepta la coupe qu'il lui tendait, en espérant que cela l'aiderait à se détendre. Sasuke, en revanche, refusa d'un signe de tête.

- Je ne bois pas d'alcool en avion, dit-il. Mais je veux bien un verre d'eau.

Pourquoi Sakura se sentait-elle soudain coupable, comme si le simple fait d'avoir accepté cette coupe faisait d'elle une alcoolique invétérée ? Elle prit une petite gorgée et s'efforça de ne pas faire la grimace lorsqu'elle se rendit compte à quel point le champagne était sec.

L'appareil était déjà lancé sur la piste et, un instant plus tard, il s'éleva en douceur dans le ciel gris. Sakura avait toujours un peu peur en avion et elle attendait, le ventre serré, que le jet revienne à l'horizontale. Sasuke, de son côté, n'avait pas l'air inquiet le moins du monde. Il déplia un quotidien et, tout en le feuilletant, s'adressa à Sakura :

- Bon, vous feriez bien de m'expliquer ce qui se passe.

- Comme je vous le disais dans mon courriel...

- Vous devriez savoir qu'il n'y a rien de moins fiable que les courriels, la coupa Sasuke.

A l'exception de son petit frère, songea-t-il. Il aurait dû se douter que Sai ne lui avait pas transmis toutes les informations.

- Bon, dit Sakura en jetant un coup dans la cabine pour s'assurer qu'ils étaient seuls, car elle ne voulait pas que les employés de Math surprennent leur conversation. En fait, le futur époux de ma mère est américain, et il a des idées bien arrêtées sur, disons, les relations familiales. Il a deux filles adultes, toutes deux mariées et mère de famille, et ma mère...

Elle se tut et prit une profonde inspiration. Pourquoi avait-elle tant de mal à expliquer la situation ? D'ou lui venait cette impression de passer en jugement, et de devoir prouver qu'elle disait la vérité ?

- Ma mère, reprit-elle, a le sentiment que les filles de Math ne veulent pas qu'elle épouse leur père.

- Pourquoi ça ? dit Sasuke en haussant les sourcils. Si leur père est heureux, elles devraient l'être aussi, non ?

- C'est tout le problème. En fait...

Elle se mordilla nerveusement la lèvre, et le regard de Sasuke se porta sur sa bouche. Comme les femmes étaient douées, pensa-t-il, pour attirer l'attention sur certaines parties de leur corps ! Cela dit, avec des lèvres aussi pulpeuses et satinées que les siennes, Sakura n'avait pas besoin d'user de la moindre tactique pour donner des idées à la gent masculine. Lui-même avait déjà embrassé ces lèvres en imagination, il était même allé plus loin, beaucoup plus loin...

Sakura réfléchissait. Comment pouvait-elle formuler sa réponse sans trahir sa mère ?

- En fait, reprit-elle, d'après ma mère, les filles de Math estiment qu'il ne peut pas être heureux avec elle.

- Pourquoi pas ?

- Eh bien, parce qu'elle est divorcée.

- Et alors, dit Sasuke avec un haussement d'épaules un peu brusque, elle a fait une erreur, voilà tout. C'est courant, surtout de nos jours...

- Le problème, c'est qu'elle n'en a pas fait qu'une fois, précisa Sakura, un peu gênée.

- Vous voulez dire qu'elle a été mariée plusieurs fois ?

- Oui...

- Combien ?

- Quatre. Elle ne peut pas s'en empêcher, s'empressa-t-elle d'expliquer en voyant le regard cynique de Sasuke. C'est juste qu'elle tombe amoureuse très, très facilement, et que les hommes qu'elle rencontre tombent amoureux d'elle, et que...

- Et qu'elle vide leur compte en banque, avant de se désintéresser d'eux et de recommencer l'opération avec des hommes encore plus riches ?

- Non, s'indigna Sakura, elle n'est pas comme ça ! Vous êtes exactement comme les filles de Math, vous la jugez sans la connaître. Elle aime vraiment son milliardaire, ou du moins elle croit l'aimer. Elle a peur que ses filles lui témoignent encore plus d'hostilité si elles apprennent que je suis moi-même célibataire, d'autant qu'elle a affirmé le contraire. Apparemment, Math est très fier de la réussite "" familiale "" de sa progéniture, et ma mère a dû inventer que j'étais fiancée pour ne pas paraître en reste.

C'était une histoire tellement ridicule qu'elle devait être vraie, se dit Sasuke.

- Et vous ne connaissiez pas un seul célibataire disposé à vous rendre ce service, à partir en vacances avec vous, tous frais payés, et à se faire passer pour votre fiancé ?

Evidemment que si... Elle en connaissait une bonne dizaine, mais aucun qu'elle juge capable de jouer le rôle de façon convaincante.

- Non, pas vraiment, répondit-elle.

Elle n'allait pas lui expliquer qu'elle aurait préféré marcher sur des charbons ardents plutôt que d'avouer à ses subordonnés, cette meute de jeunes loups toujours à l'affût d'une proie, qu'elle n'avait personne dans sa vie. Même si c'était par choix.

"" Pas vraiment "" ? Elle en avait du culot, songea Sasuke. Elle ne s'en doutait pas, mais il avait eu le temps de faire quelques recherches sur elle. Il se retint tant bien que mal de lui demander pourquoi elle ne profitait pas de sa position de chef de service, dans la banque ou elle travaillait, pour se choisir un faux fiancé parmi tous les hommes qu'elle avait sous ses ordres.

D'un autre côté, pour des raisons qu'il préférait ne pas creuser, il éprouvait un certain soulagement à savoir que, comme il l'avait soupçonné, elle mentait, et qu'il ne pouvait pas lui faire confiance. Et il n'allait pas non plus se laisser émouvoir par l'inquiétude qu'elle disait ressentir à l'égard de sa mère : cette dernière lui semblait parfaitement de taille, pour tout dire, à affronter toutes les belles-filles du monde ! Malgré tout, il devait admettre que les belles-filles de Math n'étaient pas tendres. Il en avait beaucoup appris sur elles quand il s'était renseigné sur leur père. Elles avaient beau adopter en public des manières douces et innocentes, elles étaient en réalité aussi rusées et cupides que leur père.

Un grand nombre de légendes entouraient la famille Alvarez, et Sasuke avait trouvé de nombreuses personnes toutes prêtes à les lui conter. Il avait ainsi appris comment chacune des deux filles avait choisi son futur mari et s'était débarrassé, sur le chemin de l'autel, qui d'un fiancé, qui d'un enfant illégitime, qui de quelques accusations de conduite en état d'ivresse et de détention de stupéfiants.

Et une chose était sûre : ces deux vipères ne toléreraient jamais que leur père épouse une femme qu'elles n'appréciaient pas.

- Ce que je ne comprends toujours pas, dit-il finalement, c'est en quoi le fait que vous vous rendiez accompagnée à ce mariage peut changer quoi que ce soit. Si les belles-filles ont décidé qu'il ne devait pas avoir lieu...

- Moi non plus... Mais ma mère était dans un tel état que je n'ai pas osé refuser.

- Vous auriez peut-être dû en discuter calmement...

- Vous ne connaissez pas ma mère. Elle ne fait rien "" calmement "". C'est quelqu'un de très impulsif, qui ressent tout avec beaucoup d'intensité et se laisse complètement dépasser par ses émotions. C'est en partie pour ça que j'ai préféré ne pas lui parler de l'agence. Je ne voudrais pas qu'elle fasse une gaffe. Elle pense que nous sommes amis.

- Ou que nous avons été amants.

Sakura secoua la tête avec vigueur.

- Non, elle n'est ne risque vraiment pas de penser ça... Elle sait que...

- Que quoi ? Que vous avez fait voeux de chasteté ?

Bizarrement, l'ironie qu'elle perçut dans sa voix la blessa.

- Que je n'ai aucune intention de me marier.

- Parce que vous ne croyez pas au mariage c'est ça ?

- Parce que je ne crois pas au divorce, répliqua Sakura.

- Intéressant.

- Ça na rien d'exceptionnel. C'est le cas de la plupart des enfants de divorcés. Mais qu'est-ce qui me vaut de toutes ces questions ? Je croyais que les acteurs aimaient parler d'eux-mêmes, pas des autres. Vous me faites penser à un avocat plutôt.

- Je peux vous garantir que je ne suis pas avocat. Et après tout, est-ce que les acteurs ne doivent pas étudier les autres pour mieux les imiter ?

Elle avait remarqué son besoin instinctif de sonder ses interlocuteurs et de mettre leur honnêteté à rude épreuve. Elle ne manquait pas de finesse, songea Sasuke : il allait devoir se montrer prudent.

Le silence s'était installé, et Sakura cherchait désespérément un nouveau sujet de conversation. Pourquoi la faisait-il réfléchir sur sa vie, sur les choix qu'elle avait faits, et perdre comme par magie toute certitude ?

- J'avais peur que l'agence ne trouve personne de bien qui soit prêt à travailler pour le jour de Noël, dit-elle d'une voix aussi légère que possible, en s'efforçant par ces mots de relancer la conversation et de rétablir du même coup une saine relation d'employeur à employé.

Elle mentait, bien sûr : la vérité, c'est qu'elle avait eu peur que l'agence trouve quelqu'un, et c'est ce qui s'était passé. Mais elle devait bien dire quelque chose.

- Si c'est une subtile tentative pour savoir si je suis célibataire, répondit Sasuke, la réponse est oui. Quant à travailler le jour de Noël, je suis loin d'être le seul à le faire.

- Ce n'est pas du tout ce que je voulais savoir ! répliqua Sakura, indignée. J'essayais seulement d'être polie...

- Une autre coupe de champagne ?

Elle leva les yeux vers le steward, heureuse de le voir interrompre une conversation qui s'aventurait sur un terrain de plus en plus personnel et inconfortable.

- Nous allons atterrir dans dix minutes, annonça le steward. Bien entendu, une voiture avec chauffeur vous attendra à la sortie de l'aréoport.

Sakura lui sourit, mais sans chaleur.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? lui demanda Sasuke lorsque le garçon fut parti.

- Rien. Enfin, rien d'important, dit-elle en haussant les épaules. Je sais que je devrais apprécier de voyager dans des conditions aussi luxueuses, et bien sûr je ne vais pas m'en plaindre, mais je me sens coupable quand je pens à tous les gens qui doivent lutter, chaque jour, pour manger à leur faim.

- On travaille dans une banque et on veut sauver le monde ? railla Sasuke.

Assitôt, il vit Sakura se raidir.

- Comment est-ce que vous savez ça ? Que je travaille dans une banque ?

Sasuke se maudit intérieurement.

- Je sais pas, répondit-il d'un air indifférent. L'agence a dû me le dire.

- Je pense seulement que si tout le monde faisait des efforts pour changer de comportement, reprit Sakura après un court silence, le monde irait peut-être un peu mieux.

- Oui, bien sûr. Mais malheureusement, ce n'est pas dans la finance qu'on rencontre le plus de gens soucieux de sauver la planète. Sauf peut-être si on leur promet un petit cadeau en échange. Une nouvelle Porsche, par exemple.

- C'est vrai que la plupart aiment ce genre de joujou, mais ils finissent par s'en lasser, en général à la naissance de leur premier enfant.

Le jet entama sa descente, et le steward réapparut, mettant fin à leur conversation.

Laisser un commentaire ?