La tentation : Sakura Haruno
Chapitre Premier
Le vaste hall de l’aéroport international de Mexico était bondé. Comme tous les jours, sans doute. Négligemment adossé contre un mur, les mains dans les poches de son jean, Sasuke observait la foule des voyageurs quittant l’aire de douane. Quelques minutes plus tôt, la voix suave d’une hôtesse avait annoncé, dans les haut-parleurs, l’atterrissage d’un jet.
Sur de son charme, Sasuke tentait d’ignorer les regards appuyés lancés dans sa direction par nombre de passagères. Il importait qu’il reste concentré afin de ne pas manquer celle qu’il attendait.
Bien qu’il ne l’eût jamais rencontrée auparavant, Sasuke savait qu’il reconnaîtrait sans difficulté Sakura Haruno. Il travaillait pour le compte de l’oncle de Sakura depuis maintenant près d’un mois, et les murs du bureau de Mogami Haruno étaient couverts de photographies de sa nièce. Sasuke avait ainsi vu Sakura à trois mois, souriant aux anges dans les bras de sa mère. À huit ans, juchée sur le dos d’un poney. Jeune fille, enfin, alors qu’elle venait de terminer ses études secondaires, juste avant son départ.
Il identifierait sans problème la jeune femme qu’il était venu chercher pour la conduire où vivait son oncle. Même si l’idée de jouer les chaperons ne l’enchantait guère… Mais ce genre de job ne faisait-il pas partie de ses nouvelles attributions ? En tant que responsable de la sécurité d’Haruno, il devait obéir à ses ordres, quels qu’ils fussent. Il s’agissait donc, somme toute, d’une mission de pure routine.
Haruno avait maintes fois parlé à Sasuke de Sakura. D’après le portrait que son oncle brossait d’elle, la jeune femme ne semblait pas manquer de caractère. Après la mort de ses parents dans un accident de voiture, alors qu’elle n’était qu’un bébé, Sakura avait grandi dans la maison d’Haruno, qu’elle considérait comme son père. Ce dernier, qui l’adorait, lui avait passé tous ses caprices, pour la consoler de la perte de ses parents.
À l’école primaire, cette enfant gâtée avait donné beaucoup de fil à retordre à ses maîtres. Mogami l’avait donc placée dans un collège de religieuses, afin qu’elle y accomplisse ses études secondaires. Mais cette élève dissipée ne s’était pas beaucoup amendée au contact de la religion. Se jouant des règles d’éducation très strictes qu’on prétendait lui imposer, la jeune Sakura avait semé au pensionnat un joyeux désordre, attirant sur elle de constantes réprimandes.
Finalement, Mogami avait décidé d’envoyer sa nièce terminer ses études au Japon, où résidait la famille de sa mère. L’université japonaise parviendrait peut-être à inculquer à Sakura l’éducation qu’on pouvait attendre d’une jeune fille de bonne famille.
Et, de fait, Mogami fut heureusement surpris de constater, en quelques années, sa turbulente nièce s’était convertie en une belle et intelligente jeune femme. Elle avait mûri, tout en conservant pourtant cette énergie indomptable qui faisait son charme.
Mogami s’était rendu fréquemment au Japon pour rendre visite à Sakura pendant ces années de séparation, dont ils avaient souffert tous deux. Après l’obtention de son diplôme, la jeune femme était devenue, au grand plaisir de son oncle, une maîtresse d’école enthousiasme, très appréciée de ses supérieurs.
Oui, Mogami se montrait intarissable en ce qui concernait Sakura. À tel point qu’il semblait à Sasuke qu’il connaissait déjà cette mystérieuse créature qui le regardait sans le voir sur toutes ces photographies, dans le bureau de son nouveau patron. Le plus récent de ces portraits, notamment, pris au printemps lors de la dernière visite de Mogami au Japon, hantait les nuits de Sasuke…
La photographie représentait la jeune femme en gros plan. Ses yeux verts pétillaient de vie en tout son visage, rayonnant d’amour, souriait à son oncle, qui tenait l’appareil. Dans ses rêves, Sasuke avait parfois l’impression que c’était lui que Sakura regardait ainsi.
Jamais il n’avait ressenti cela pour aucune femme. À fortiori pour une simple photo !
Il pouvait se vanter d’une certaine expérience en matière amoureuse. Entre deux missions, il aimait à trouver le repos du guerrier dans les bras d’une conquête de passage, qui savait que leur liaison ne durerait qu’un temps et en demandait d’ailleurs toujours davantage.
Pour lui, fantasmer sur la nièce d’un homme dont il projetait l’arrestation représentait le comble de la folie. Certes, ces fantasmes n’avaient pas constitué un réel obstacle à l’accomplissement de sa mission tant qu’ils ne concernaient qu’une photographie. Mais depuis que Mogami l’avait informé que, malgré toutes ses tentatives pour la décourager, Sakura venait lui rendre visite à Hanawa…
Maintenant que cette femme allait partager son existence quotidienne, Sasuke se verrait contraint d’élever entre eux un mur protecteur afin de ne pas succomber à son charme. Il devrait aussi prier le bon Dieu pour que Sakura ne reste pas trop longtemps à Hanawa.
Sur ce dernier point au moins, ses prières rejoignaient celles de Mogami. L’oncle de Sakura, en effet, jugeait que la période n’était guère favorable pour une réunion de famille. Depuis quelques semaines, une tension croissante entourait les affaires d’Haruno. Tension qui, d’ailleurs, avait grandement facilité l’embauche de Sasuke par Mogami comme responsable de la sécurité et garde du corps personnel.
Les récents événements avaient montré à l’évidence qu’un puissant ennemi œuvrait à la perte de Mogami. Si ce dernier soupçonnait l’identité de son mystérieux adversaire, il ne s’en ouvrait à personne. Sasuke, pour sa part, pensait naturellement au patron d’un cartel concurrent, cherchant à prendre le contrôle des affaires d’Haruno.
Depuis son entrée en fonction, Sasuke avait déjà discrètement observé les agents de la brigade antidrogue employés comme lui. Mais pour confondre le traître, il lui faudrait accéder aux dossiers secrets de Mogami, soigneusement enfermés dans son bureau… Et pénétrer dans cette forteresse bien gardée ne s’annonçait pas chose facile.
Sakura Haruno arrivait donc bien mal à propos. Parviendrait-il encore à se concentrer sur sa délicate mission lorsque la jeune femme se trouverait à son côté, en chair et en os, alors qu’une simple photo d’elle lui ôtait presque le sommeil ?
Sasuke poussa un profond soupir et s’écarta lentement du mur. De sa haute stature, il dominait largement la foule. Il plissa les yeux pour scruter la masse compacte des nouveaux arrivants. Tout à coup, son regard se figea sur une silhouette.
Sakura lui apparut plus petite qu’il ne l’avait imaginée. Elle ne lui arrivait sans doute qu’à l’épaule. Sa tenue très sage contrastait également avec le caractère un peu fantastique qu’il lui prêtait. Elle portait un ensemble vert pâle, et ses cheveux tirés en arrière prétendaient lui donner un air sévère que Sasuke ne lui avait jamais vu sur les photos. Pourtant, cette coiffure très stricte, soulignant l’ovale de son visage et la blancheur de son teint, ne parvenait pas à l’enlaidir. Même pas ses cheveux d’une couleur étonnamment, rose.
D’un pas mesuré, Sasuke se dirigea vers la jeune femme, cachant ses émotions derrière un masque impassible.