Clair-Obscur

Chapitre 2 : Crépuscule

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:15

Crépuscule

Ils regagnèrent Konoha au plus sombre de la nuit, dans un silence lourd uniquement troublé par les bruissements familiers de la forêt, et les signes de main échangés. La voie est libre. Stop. À droite, couvres-moi.
 Sasuke était pâle et déterminé, boitait bas et son bras était maintenu par une attelle de fortune. Naruto se déplaçait bien plus lentement qu’à l’accoutumée, le visage fermé et les dix premières minutes il boita plus bas encore que Sasuke, jusqu’à ce que le démon renard consente à accorder un peu de chakra aux soins non-prioritaires –nommément le soulagement de son postérieur abusé. Et même après cela, ses foulées restèrent inégales, et il manqua plusieurs fois de trébucher.

Ils pénétrèrent Konoha comme des ombres, au nez et à la barbe des chuunins de garde, mais ils étaient trop fatigués et sentaient trop le sang pour espérer confondre la sécurité de la Tour de la même façon. La présence discrètement délibérée d’autres anbus ne tarda pas à se faire sentir autour d’eux tandis qu’ils traversaient le village ensommeillé. À un moment donné des ombres les escortèrent de loin dans le village, puis disparurent avec autant de soudaineté qu’elles étaient apparues.
On les laissa passer.
Naruto s’immobilisa près de la porte, Sasuke s’avança jusqu’au bureau de la Godaïme, le sac imbibé de sang ballant au bout de son bras valide.
La seconde d’après les sharingans sans vie d’Itachi fixaient le plafond. Le rouge de ses yeux commençait déjà à se voiler de sombre.

La Cinquième Hokage de Konoha resta un long moment silencieuse, puis expira lentement, et croisa ses mais devant sa bouche.
« Vous l’avez fait… » C’était une constatation. « Statut ? 
- Uchiha Itachi et Hoshigashi Kisame peuvent être rayés du bingo book. Nous nous sommes occupés des corps. 
La femme en face d’eux accepta la déclaration de Naruto d’un infime signe de tête.
- Vous ? 
- Entiers. Et rien de critique. » L’anbu blond près de la porte remonta son masque sur son front et eut un sourire tiré. « T’inquiètes pas la vieille, il en faut plus que ça pour arrêter le futur Hokage de Konoha. On va bien. »
Une nouvelle fois l’Hokage accepta l’affirmation, mais une fraction de seconde son regard quitta celui de Naruto pour Sasuke. La question muette était évidente et Naruto haussa les épaules d’un air impuissant. Qui pouvait savoir, avec Sasuke ?

Le glissement de l’acier contre le tissu les tira de l’échange, et en l’espace d’un demi-battement de cœur un anbu au masque de chat grimaçant apparu dans l’ombre derrière le fauteuil de Tsunade, prêt à bondir. Naruto n’avait pas esquissé un geste pour se décoller du mur contre lequel il était appuyé, mais lorsque la main de l’anbu glissa vers la poche d’arme à sa ceinture, il se redressa avec un regard d’avertissement.
Tsunade arrêta son défenseur d’un mouvement de la main.

Sasuke n’accorda pas même un regard à l’anbu-chat, prit le kunaï qu’il venait de tirer entre ses dents, et de son bras sain repositionna maladroitement la tête de son frère pour la caller contre lui et le plateau du bureau.
Puis, sans une seconde d’hésitation, il plongea le kunaï dans les orbites et détacha l’œil droit de son logement d’un mouvement expert. Des larmes de sang brun et coagulé maculèrent les joues d’Itachi. L’oeil gauche vint ensuite, toujours en silence. Puis il recula de quelques pas, les doigts refermés sur les sharingans mutilés.
Le tout n’avait pas duré plus de deux minutes. Les mains de Tsunade étaient croisées à hauteur de son menton, et elle l’avait fixé sans battre d’un cil tout le temps qu’avait duré l’opération. Derrière, l’anbu s’était laissé glisser dans une posture impassible, mais la tension se lisait dans la manière dont ses bras retombaient le long de son corps.
« Faites ce que vous voulez de la tête, » articula Sasuke d’une voix à peine audible. « Vous aurez mon rapport demain. »
Et il tourna les talons, et quitta le bureau, les yeux de son frère mort toujours au creux de la paume.
Son pas vacilla un instant au moment où il croisa Naruto, mais il ne détourna pas le regard de la porte, et passa en silence.

Naruto s’apprêtait à suivre le même chemin, mais un signe de Tsunade l’arrêta. Et déclencha par la même occasion un flot de protestations outragées : d’où venait qu’on laissait Sasuke se tirer avec un bras en miette, un genou qui ne valait probablement pas mieux, tout un tas d’autres blessures plus terribles les unes que les autres, et qu’on le retenait, lui, Uzumaki Naruto, quasiment indemne (les doigts dans le nez !) et futur Hokage qui de notoriété publique guérissait vingt fois plus vite que n’importe qui d’autre, y comprit ce crétin de Sasuke ? C’était d’une injustice flagrante.
Ses protestations n’émurent pas Tsunade qui le fit assoire d’autorité sur un tabouret, et  entreprit de l’examiner.
« J’enverrais Sakura s’occuper de lui tout à l’heure, alors ne t’inquiète pas et arrête de gigoter, gamin. Je lui laisse une heure pour faire ce qu’il a à faire… » Elle fronça les sourcils. « Et maintenant dis-moi ce qui s’est passé Naruto, parce que ton chakra est à peine à un sixième de la quantité habituelle, et que la moitié de tes blessures n’ont même pas commencé à cicatriser… »
Naruto émit quelques protestations supplémentaires pour la forme (il ne s’inquiétait pas pour Sasuke, et il avait presque dix-neuf ans, il était anbu : il n’était plus un gamin, non mais…), mais se tue quand Tsunade menaça de lui faire un second œil au beurre noir pour compléter la symétrie s’il n’en venait pas aux faits.

C’est d’une voix inhabituellement neutre qu’il raconta la rencontre, comment, tandis que Sasuke se lançait après son frère lui-même avait affronté Kisame et sa Shameada. À quel point l’autre était fort, et comment il avait failli finir en pâté pour requin à plusieurs reprises. Comment il avait fait appel au chakra du démon pour produire une décharge d’une puissance telle que la Shameada avait volé en éclats faute de pouvoir tout absorber.
Comment, au terme d’un combat acharné –même sans son épée, le ninja de la brume restait redoutable-, il avait fini par loger un ransengan dans la poitrine du déserteur.
Et comment, après ça, il était arrivé à temps pour voir Sasuke décapiter son frère aîné.

Tsunade ne fit pas de commentaire mais lui lança un regard pénétrant, avant de lui rappeler avec un demi-sourire que son récit ne le dispensait pas de la rédaction d’un rapport écrit, et de commencer à s’affairer sur le sceau et les blessures du jeune homme.

 
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