Neon Genesis Evangelion

Chapitre 1 : Le garçon qui refusait le ciel

Chapitre final

953 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/04/2025 20:38

Tokyo-3 – 14h37

Le ciel était d’un bleu faux. Un bleu numérique, parfait, qui n’invitait pas à l’évasion. Il ne laissait pas de place au rêve. Même les nuages semblaient calibrés, disposés comme sur un écran de veille. Tout, ici, respirait la géométrie. La maîtrise. L’illusion.

Shinji Ikari ne connaissait pas Tokyo-3. Il n’y avait jamais mis les pieds. Pourtant, quelque chose dans l’air, dans la façon dont les tours se dressaient autour de lui, lui paraissait familier. Comme si cet endroit attendait son retour. Un retour qu’il n’avait jamais promis.

Il était assis sur un banc métallique, au bord d’une place déserte. Le bitume encore chaud vibrait légèrement sous ses pieds. Les panneaux publicitaires, animés en silence, défilaient des messages d’alerte que plus personne ne lisait vraiment. Son vieux walkman crachotait la même boucle musicale depuis une heure : une mélodie simple, répétitive, réconfortante. Son seul rempart contre l’angoisse.

Dans sa poche, la lettre était froissée. Il l’avait lue cent fois. Une feuille officielle, cachetée, brève :

"Shinji Ikari.

Le quartier général de la NERV vous convoque.

Rendez-vous à Tokyo-3.

Le Commandant Ikari vous y attend."

Aucune signature manuscrite. Aucune trace de chaleur. Seulement un ordre, impersonnel, sec, militaire. Et ce nom. Ikari. Son père.

Il ne l’avait pas vu depuis plus de dix ans. Pas de lettres, pas d’appels. Rien. Et maintenant, il l’appelait, comme on réveille une vieille pièce de rechange oubliée dans un entrepôt.

Une voix retentit soudain au loin, métallique, préenregistrée :

— "Évacuation d’urgence en cours. Tous les civils doivent se diriger vers les abris souterrains."

Shinji se figea. Un bruit sourd monta dans les airs, une vibration, presque une note grave qui faisait trembler le diaphragme. Le sol bougea légèrement. Il tourna la tête vers le nord.

Et il le vit.

Une silhouette géante, noire, s’approchait lentement à travers le voile de chaleur. Trop grande pour être réelle. Un torse oblong, des appendices indistincts, une sorte de halo lumineux qui pulsait au sommet. L’Ange. Une entité venue d’un autre âge. Ou d’un autre monde.

Il n’en croyait pas ses yeux. Mais son corps, lui, savait. Il se leva d’un bond, recula de quelques pas. Le sol vibra à nouveau. Une antenne sortit du trottoir, suivie d’une tourelle de défense qui pivota d’un coup sec.

— "Dernier avertissement. Procédez immédiatement à l’évacuation."

Shinji resta figé. Il ne savait pas où aller. Il ne savait même pas pourquoi il était là.

Un bruit de moteur surgit soudain. Une voiture blindée déboucha au coin de la rue, pneus crissant, toit ouvert. Une femme se pencha hors du siège passager, lunettes orange, longs cheveux noirs, mini-jupe froissée, regard perçant malgré la sueur.

— SHINJI IKARI ?

Il hocha la tête, incapable de parler.

— MONTE ! On a deux minutes avant que ça pète pour de bon !

Il hésita une seconde de trop.

— Fais pas cette tête ! C’est pas un rendez-vous parental, c’est la fin du monde !

Il monta.

La voiture fit demi-tour dans un crissement furieux. Le véhicule s’enfonça dans un tunnel blindé, tandis qu’au-dessus d’eux, l’Ange avançait, lentement, implacable.

Misato Katsuragi conduisait comme elle vivait : à toute vitesse, sans frein, les coudes sur le volant. Elle jeta un coup d’œil à Shinji.

— Alors, t’es le fils du Commandant ? T’as pas l’air d’un héros.

Il ne répondit pas.

— T’en fais pas. On t’a pas fait venir pour sauver le monde. Juste pour le retarder un peu.

Le tunnel descendait profondément. Des panneaux lumineux clignotaient au-dessus de leurs têtes : Zone 3 – Conduite de Sécurité 11. Le béton était strié de câbles, de conduits, de fissures. Un monde souterrain, industriel, caché sous la ville comme un second poumon, toxique.

— Tu veux savoir ce qui se passe vraiment ? demanda Misato.

Shinji haussa les épaules.

Elle sourit, amère.

— Des Anges. Encore. Toujours. Et la seule chose qu’on a contre eux, c’est une horreur qu’on n’aurait jamais dû construire : les Evangelion.

Ils arrivèrent dans une vaste plateforme souterraine. L’air y était plus froid, plus sec. Le silence n’était pas apaisant, mais pesant. Comme si l’endroit écoutait leurs pas.

Shinji suivait Misato à travers un couloir d’acier. Ils croisèrent des hommes en blouse blanche, des soldats armés, des ingénieurs en panique. Et puis, au bout du chemin, un homme les attendait.

Gendo Ikari.

Il n’avait pas changé. Mêmes lunettes opaques. Mêmes gants noirs. Même regard absent.

— Tu es venu, dit-il.

Pas un mot de plus.

Shinji le fixa, bouche ouverte. Aucune émotion ne venait. Juste un vide sourd.

— Pourquoi ? murmura-t-il.

— Parce que toi seul peux piloter l’Eva.

Shinji se figea.

Gendo tourna les talons.

— Suis-moi.

Et il obéit.

Ils traversèrent une dernière porte. Derrière la baie vitrée, une créature immense reposait dans un sarcophage vertical. Sa tête cornue émergeait d’un liquide violet. Son torse était couvert d’armures violettes, son œil bandé d’un masque.

L’Eva-01.

— C’est elle ? demanda Shinji, le souffle coupé.

— C’est toi, répondit Gendo. Ce sera ton corps. Ta cage. Ton salut.

Et sans le savoir, Shinji Ikari fit le premier pas vers l’éveil. Ou vers la fin de toute chose. 

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