Okami - La prophétie du renard

Chapitre 3 : Chapitre 2

2582 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/12/2017 22:25

Bouche-bée, le regard écarquillé, Hikari observait avec stupéfaction le guerrier Oina qui venait de sortir de l’obscurité. Le puissant guerrier s’attaquait au Namahage des Neiges, ses pattes musclées de couleur sombre labourant le corps du démon de coups. Une étrange aura bleue entoura son corps et des pics glacés à la pointe effilée apparurent, criblant aussitôt le yokaï, qui s’évanouit dans un nuage noir. Le loup se tourna alors vers la jeune fille, qui était restée interdite devant lui. Il posa son regard incandescent sur elle et dans un grognement tonitruant, ses crocs découverts s’exclama :

“Va te mettre à l’abris petite idiote !”

Les paroles froides du guerrier Oina firent l’effet d’un électrochoc à Hikari qui se redressa aussitôt, rejoignant en courant Yuna, qui observait depuis le début avec effroi l’affrontement. Le loup faisait face aux deux démons volants, qui l’observaient en poussant des petits cris aigus, visiblement furieux de l’attaque soudaine du guerrier Oina. Ces derniers se mirent alors à souffler dans leur espèce de flûte, crachant une boule de fumée bleue. Dans un hurlement puissant, le corps d’Okikurumi se divisa alors en deux, puis en trois, créant trois loups au physique identique même si les deux clones étaient translucides, comme faits de glace. Malgré cela, les trois canidés esquivèrent sans mal la fumée bleue, s’attaquant aux deux Namahages dans un grognement sourd, les crocs sortis. Les deux démons volants disparurent bientôt tandis que le vrai Okikurumi se rapprochait du voleur qui n’osait plus bouger un membre, son corps parcouru de tremblements. Lorsque les deux clones de glace en eurent fini avec les Namahages volants, ils rejoignirent aussitôt le corps du guerrier, ce dernier dévisageant de son regard flamboyant le dernier yokaï. Lentement, le guerrier Oina se mit à avancer vers lui, ses pattes sombres s’enfonçant lentement dans la neige. Lorsqu’il ne fut plus qu’à quelques pas du démon, ce dernier sortit en hâte de ses haillons constituant ses vêtements la fameuse broche, qu’il tendit en tremblant à Okikurumi. Ce dernier se mit à grogner avec force, faisant tressaillir une fois de plus le Namahage qui lâcha son butin et déguerpit sans attendre dans l’obscurité.

Aussitôt, Hikari rejoignit en courant le loup pour récupérer sa broche. S’agenouillant dans la neige, elle la débarrassa de la poudreuse qui la recouvrait à moitié. Il s’agissait d’une sorte d’étoile à quatre branches de couleur beige, un bijou que sa mère portait toujours et qu’elle avait récupéré, le considérant comme un bien précieux. La gardant quelques instants encore au creux de sa main, Hikari la rangea finalement dans sa besace en cuir avant de se tourner vers le guerrier. Ce dernier avait retrouvé forme humaine et toisait de toute sa hauteur la jeune fille. Ses cheveux prune et bleu hérissés s’agitaient légèrement et ses poings gantés de bleus étaient serrés. Malgré son masque d’ours recouvrant la quasi-totalité de son visage, Hikari discernait à travers ses prunelles incandescentes sa colère, qui la fit légèrement frissonner.

“Es-tu complètement stupide ? Qu’est ce qu’il t’a pris de venir ici en plein milieu de la nuit ? gronda le guerrier Oina.

- Ce démon m’avait volé quelque chose, je devais le récupérer ! s’expliqua l’adolescente quelque peu désemparée par l’animosité d’Okikurumi.

- C’était stupide de risquer ta vie pour une babiole. Kamui n’est pas un terrain de jeu pour une gamine comme toi.”

Le sang d’Hikari ne fit qu’un tour lorsque le guerrier prononça ces mots. Fronçant les sourcils, elle fusilla l’homme du regard.

“Ce n’est pas une babiole ! rétorqua-t-elle en tapant du pied, c’était la broche de ma mère ! Je n’ai rien fait de mal, j’ai juste récupéré ce qui m’appartenait !”

Okikurumi sembla tressaillir légèrement lorsque l’adolescente évoqua sa mère. Elle le savait, dans le passé, bien avant qu’elle naisse, ils avaient été très proches, Hikari se souvenait lorsqu’elle était petite et que sa mère était encore en vie lorsqu’elle lui racontait comment Okikurumi avait aidé Amaterasu à vaincre les démons jumeaux Nechiku et Rechiku. Il était l’un des plus vaillant guerrier du clan - surement meilleur que son propre père - et elle se souvenait que petite elle passait beaucoup de temps avec lui, mais pour une raison qui lui était inconnu, Okikurumi s’était brutalement isolé du reste du village et se montrait particulièrement hostile envers Samaikuru depuis le décès de Kaipoku, sa mère.

“Je ne suis pas une gamine ! Je sais utiliser mon épée ! reprit-elle.

- Manier une épée ? Toi ? ricana le guerrier, c’est sur, du haut de tes quinze ans tu crois tout savoir. Ce n’est pas parce que tu sais faire deux ou trois jolis mouvements avec ta lame que tu es une guerrière, reste à ta place au lieu de faire des choses insensées comme provoquer des démons en plein milieu de la nuit.”

Bouillant de rage, la jeune fille ne répliqua cependant rien, bien trop blessée par les paroles du guerrier. Ce dernier s’abaissa pour ramasser son épée et l’essuyer brièvement dans la neige teintée de rouge. Il se détourna et commença à marcher, s’éloignant de l’adolescente et avant qu’elle ne soit plus à portée de voix déclara :

“Un vrai guerrier Oina ne retire jamais son masque.”

Puis il disparut dans la nuit.

Hikari resta de longues secondes dans la neige, à observer l’obscurité, à l’endroit où Okikurumi avait disparu. Serrant les poings, l’esprit embrumé par la colère, elle en avait presque oublié Yuna qui n’osait esquisser le moindre geste, de peur de s’attirer les foudres de la jeune fille. Finalement, au bout de longues secondes, l’adolescente ramassa son épais d’un geste rageur, ne prenant même pas la peine de la nettoyer du sang poisseux la maculant. La mine sombre, elle posa son regard sur Yuna, ses yeux prune animés d’une lueur furieuse faisant légèrement tressaillir l’adolescente au masque de papillon.

« On n’a plus rien à faire ici, rentrons, tu es en train de geler sur place. »

Yuna opina simplement de la tête tandis qu’Hikari ramassait sa lampe dans la neige, pour se diriger aussitôt vers le village sans un bruit.

 

Le chemin retour se fit dans un silence pesant. Yuna tenta tant bien que mal d’engager la conversation avec son amie, mais à chacune de ses tentatives, le bruit sourd du vent était sa seule réponse. Hikari bouillonnait intérieurement, les paroles d’Okikurumi résonnaient et se répétaient sans cesse dans son esprit, augmentant un peu plus à chaque instant sa colère. Elle ne comprenait pas pourquoi le guerrier se montrait aussi hostile et méprisant avec elle, alors que la jeune fille l’avait toujours admiré. Elle ne comprenait pas pourquoi, à chaque fois qu’elle le croisait, il semblait la dénigrer sans arrêt, ne la prenait jamais au sérieux comme-ci elle était encore une fillette vulnérable. Elle ne comprenait pas pourquoi ce soir il l’avait sauvée, alors qu’il aurait très bien pu la laisser seule face aux yokaï, puisqu’elle semblait à ce point l’agacer. L’esprit perturbé par toutes ces interrogations, elle était bien vite arrivée à Uepekere sans s’en rendre compte. Sa colère étant légèrement retombée, elle avait rapidement salué Yuna avant de regagner sa maison silencieusement. Arrivée au pas de la porte, Hikari avait éteint sa lanterne et frappait ses bottes contre le bois de la chaumière pour en retirer le plus possible la neige les recouvrant. Délicatement, la jeune fille ouvrit la porte en s’engouffra dans la bâtisse sans un bruit. Aussitôt, la chaleur du feu l’accueillit, la faisant légèrement frissonner. Les paroles d’Okikurumi l’avait tellement perturbée qu’elle n’avait pas prêté attention au froid qui régnait à l’extérieur, son corps était gelé, d’autant plus que son manteau désormais déchiré ne la protégeait guère du froid. Elle se débarrassa de ce dernier bien vite, grimaçant légèrement en tordant son bras, sentant une vive douleur traverser son épaule, à l’endroit où le Namahage l’avait eue. La jeune fille ôta également ses bottes, se retrouvant ainsi uniquement vêtue d’une tunique légère mauve et d’un pantalon en toile marron. Hikari resta de longues secondes debout face au feu, profitant de la chaleur que ce dernier lui procurait pour réchauffer son corps endolori par le froid. Contemplant les flammes dansant au creux de l’âtre, la colère de l’adolescente était légèrement retombée, laissant place à une profonde lassitude. Elle effleura du bout des doigts son entaille à la joue qui la picota légèrement et soupira intérieurement en songeant déjà à la discussion mouvementée qu’elle devrait avoir avec son père, lorsqu’il découvrirait tout cela, car sans nulle doute, il apprendra sa petite escapade nocturne, de la bouche même d’Okikurumi.

« Qu’est ce que tu fabriques debout en plein milieu de la nuit ? »

La voix rauque et froide qui venait de résonner fit tressaillir l’adolescente. Hikari fit volte-face, découvrant son père, se tenant les bras croisés, à quelques mètres d’elle. La lumière du feu illuminait ses longs cheveux de jais et faisait danser des ombres sur son visage, resté dissimulé derrière son masque aux teintes bleues.

« Je n’arrive pas à dormir, mentit-elle d’une voix qu’elle se voulait neutre.

- Alors pourquoi tes bottes sont recouvertes de neige ? demanda-t-il en les désignant d’un léger mouvement de tête, elles non plus n’arrivent pas à dormir ?

- Tu as gagné, j’étais dehors, soupira la jeune fille en levant les yeux au ciel.

- Et que faisais-tu ?

- Rien de bien important.

- Ne me mens pas.

- Rien…

- Attends… c’est du sang sur ton épaule ? Bon sang Hikari, ne me dis pas que tu trainais encore dans Kamui, tu sais très bien que j’ai interdit aux villageois de sortir seuls la nuit tant que la tempête ne s’est pas calmée !

- Papa je t’en prie… si j’avais eu un problème Yuna serait rentrée aussitôt t’avertir !

- Tu as entraîné Yuna dans ton exploration stupide ?! Qu’est ce que tu as dans la tête ? Imagine si elle s’était blessée ! On n’a besoin de shamans ! Et cette entaille, tu vas me dire que tu t’es griffée à une branche ?

- On ne peut pas en discuter demain s’il te plaît ?

- Non Hikari, j’en n’ai assez que tu n’en fasses qu’à ta tête. A ton âge tu devrais commencer à prendre tes responsabilités et à envisager sérieusement ton avenir plutôt que de vagabonder la nuit faire je ne sais quoi.

- Il est tout envisagé mon avenir ! rétorqua l’adolescente soudain furibonde, je veux devenir guerrière, je ne passerai pas mes journées enfermées ici à attendre bien sagement que les autres se battent pour moi !

- Ce n’est pas avec ce comportement de gamine capricieuse que tu deviendras guerrière ma fille ! Et qui veux-tu combattre d’abord ? On a vécu une période assez terrible lorsque Nechiku et Rechiku s’étaient réveillés pour que tu ailles provoquer les yokaï qui rôdent encore dans Kamui !

- Oh je le sais ça ! Tu me le répètes assez ! Moi en tout cas tout ce que j’ai retenu c’est que tu t’es terré dans le village pendant que d’autres comme Okikurumi ou maman ont tout fait pour retrouver Pirika et sauver Uepekere !

- Et toi qu’aurais-tu fait Hikari ? Ca m’intéresse ! Tu crois pouvoir affronter la terre entière car tu as vaincu un pauvre yokaï cette nuit ? »

Il s’approcha alors de la jeune fille, menaçant. Hikari tenta de rester impassible mais elle devait l’avouer, elle avait toujours craint son père, elle avait entendu les histoires narrant ses exploits aux côtés d’Okikurumi même si elle ne l’avait jamais vu combattre. Néanmoins, elle n’avait jamais compris comment il avait pu rester cloîtré à Uepekere tandis que l’autre guerrier tentait tout pour libérer les terres du nord de l’emprise des démons jumeaux.

Lorsque son paternel ne fut plus qu’à quelques centimètres d’elle, Hikari finit par baisser la tête, intimidé par le guerrier qui la dominait de plus d’une tête. Et, sans qu’elle s’y attende, il la saisit par le bras et d’un geste puissant la projeta dans la pièce. L’adolescente, prise au dépourvu poussa un petit cri. Elle jeta un regard glacial à son père.

« C’est donc ça une guerrière ? Incapable de prévoir une attaque aussi simple ? Tss… Apprends à rester à ta place Hikari, à partir de demain tu te consacreras à faire quelque chose d’utile pour la tribu, et non pas courir après des rêves stupides… »

Il ne lui laissa pas le temps de répondre et disparut dans les escaliers menant à l’étage. Hikari resta de longues secondes, affalée sur le sol, le regard dans le vide, une colère sourde bouillonnant en elle. Les poings crispés, elle contempla alors son masque qui avait échoué à quelques pas d’elle. L’adolescente le saisit entre ses mains et parcourut de ses doigts les dessins gravés dans le bois peint en blanc. Un vrai guerrier Oina ne retire jamais son masque. Les paroles d’Okikurumi résonnèrent dans son esprit, se mêlant à celles de son père. C’est donc ça une guerrière ? Incapable de prévoir une attaque aussi simple ? Les paroles des deux guerriers s’entremêlaient dans son esprit, comme deux perfides serpents enserrant son cerveau dans une danse malsaine, minant son moral, enflammant son cœur de haine. L’adolescente sentit une larme salée couler le long de sa joue. Kamui n’est pas un terrain de jeu pour une gamine comme toi. Sa mâchoire se crispa, elle se mit à respirer bruyamment, à trembler, comme prête à exploser. Tu crois pouvoir affronter la terre entière car tu as vaincu un pauvre yokaï cette nuit ? 

« Je vous prouverai à tous que vous vous êtes trompés… »

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