Chaleur Auriculaire

Chapitre 1 : Chaleur Auriculaire

Chapitre final

3246 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/06/2021 22:36

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions . fr : « Le coup du lapin » (avril mai 2021).



Elle retenait ses larmes, avait une boule dans la gorge. Mais sa décision était prise et elle ne pouvait revenir en arrière. Elle regardait derrière elle, comme un dernier au revoir envers ceux qu’elle avait décidé de quitter si précipitamment.

Ce jour-là, la jeune fille s’en souvient parfaitement. Il est ancré, comme indélébile au sein de sa mémoire, tout comme la promesse qu’elle avait faite.

Mais celle-ci fut bien vite mise à mal. Une fois arrivée, elle avait lancé un regard traînant vers les restes de l’engin l’ayant fait voyager jusque-là, et ce fut une réalité à laquelle elle eut à faire face : même si elle avait la volonté de rentrer, accomplir sa promesse, elle n’en avait à ce moment aucunement les moyens.


Kaguya se sentait sereine, en ce lieu. Comme si ce qu’elle avait cherché depuis des années, cette chose qui lui manquait au fond de son cœur, se logeait ici. Elle était partie afin de découvrir quelque chose de concret sur cette étendue… lunaire. Et l’avait trouvé.

La jeune femme bougeait ses oreilles frénétiquement. Cela faisait maintenant un an qu’elle avait quitté Grand-Père Bambou, et il lui manquait terriblement. Elle avait également envie de retrouver Amaterasu et Issun, ainsi que tous les autres finalement, elle désirait savoir ce qu’il s’était passé depuis son départ !

Toutefois, elle ne regrettait son choix en aucun cas. Si Kaguya avait dû faire face à la solitude, elle savait maintenant qui elle était, et ce grâce aux ruines de la tribu de la Lune, à laquelle elle appartenait. Au-delà de ça, elle est une des dernières descendantes aux côtés de l’extravagant Ushiwaka. Elle avait entendu parler de ce mystérieux personnage mais n’avait jamais eu l’occasion de le rencontrer. Cependant la jeune femme y comptait bien, une fois revenue, persuadée qu’échanger avec lui se révèlerait enrichissant.

Occupée, tourmentée par toutes ces pensées, Kaguya se leva pour déambuler çà et là comme elle appréciait le faire. Elle croisait, comme à son habitude, de nombreux lapins qui, dès lors qu’ils la rencontraient, la suivaient pendant un long moment. Ils étaient là depuis toujours, et une partie d’entre eux avait survécu au massacre. Ils sentaient qu’elle leur était familière, certainement grâce au temps passé ensemble, mais pas uniquement. Réciproquement, elle appréciait leur compagnie. Son kimono glissant avec finesse derrière elle, elle semblait flotter entre les ruines de la tribu. Elles étaient nombreuses et, considérablement bien conservées malgré le temps qui s’était égrainé. A dire vrai, les plus grandes pertes, les dégâts les plus importants avaient pour origine les sanglantes batailles, rien de plus.

De grands bâtiments, dont le toit était effondré, constituaient l’essentiel des ruines. Elle se remémorait s’être fait la réflexion que l’architecture lui était inconnue et lui semblait singulière. La lapine blonde n’avait en mémoire que les structures des bâtiments du Nippon.


« Dis P’tite Bambou, tarde pas à revenir ! Sinon Papi Bambou va vouloir sans cesse nous refiler toutes vos créations, et Boule de Poils va commencer à les perdre sans toi ! »


Tout à coup, la voix du Koropokurru ressurgit de ses souvenirs, et elle rit seule.


« Haha, oh Issun, j’ai promis de revenir après tout, tu le sais bien… Mais j’ai accompli ce que je souhaitais faire en prenant cette fusée… Je le sentais. » 


Elle pensa à lui dire ça une fois rentrée. D’ailleurs, ce n’était pas la première fois qu’elle avait pris une fusée pour un voyage spatial. Et c’est ici qu’elle avait découvert.


Elle regardait la bibliothèque de sa tribu. Les écrits qui avaient résisté aux assauts de la guerre étaient plutôt bien conservés. Depuis un an, Kaguya avait eu le temps de parcourir un bon nombre d’ouvrages, lui offrant à sa disposition toute la culture du peuple de la Lune.

L’un d’eux l’avait profondément marquée… évoquant en effet sa propre histoire. Il y était question d’un massacre, la fameuse guerre sans doute, et du peu de survivants. Ceux-ci, dans un geste de désespoir, avaient pris la décision de sauver la plus jeune des leurs. Réputés pour leur forte et grande avancée technologique, ceci n’était pas qu’un mythe. Ils avaient construit une fusée, une gigantesque fusée. Pour protéger Kaguya, ils l’envoyèrent en direction du Nippon.

Et ce qu’ils espéraient arriva, puisque la lapine de la lune fut recueillie par Grand-Père et Grand-Mère Bambou, tout heureux d’avoir adopté une telle enfant tombée du ciel.

Mais elle avait toujours du mal à s’avouer que tous ses ancêtres, tout son peuple dont elle n’avait plus aucun souvenir, tous avaient été massacrés. Comment Ushiwaka avait-il pu s’en sortir, lui ? Elle n’en avait aucune idée. La jeune femme avait pourtant passé de nombreuses heures, des jours même, à chercher la réponse à ce questionnement dans l’ensemble des livres rédigés par la tribu, mais rien. Peut-être que le manuscrit en question fut détruit avec d’autres. Une fois qu’elle l’aurait rencontré, elle lui poserait cette question, avec toutes les autres, elle se l’était promis.


Un petit lapin qui bondissait près d’elle se prit les pattes dans son kimono. Kaguya s’en aperçut et s’agenouilla près de lui. 


« Tu as beaucoup aimé le motif sur mon kimono et tu en as perdu l’équilibre, c’est ça, petit lapin ? »


Il pencha la tête, ce qui la fit rire.


« Tu as raison. La fusée dessus est sublime »


Elle fit un demi-tour sur elle-même afin de regarder derrière elle.


« …Et que penses-tu de celle-ci ? Est-elle aussi jolie, selon toi ? »


Le lapin se frotta à elle, alors elle conclut qu’il lui répondait par la positive. Ayant trouvé une oreille, enfin plutôt deux grandes oreilles attentives, et son cœur étant lourd, elle confia ses réflexions au petit mammifère bondissant en s’asseyant près de lui.


« De toute façon, désormais, à quoi bon rester ici, n’est-ce pas… elle soupira.

Alors, au final qu’en penses-tu ? Ai-je fait du bon travail, Lapin ? Je suis certaine que tu la trouves jolie. Mais tu sais, en plus de l’être, le plus beau est à l’intérieur. J’en ai fait un bijou de technologie. »


Le lapin, qui ne pouvait guère répondre que par un regard, se tut donc.


« Oui, je l’ai construite moi-même. Avec l’aide de mes ancêtres, bien entendu. J’ai retrouvé parmi les écrits, les modèles ayant permis de construire celle m’ayant transporté jusqu’au Nippon, il y a tant d’années. J’étais perdue, j’avais l’esprit qui me faisait souffrir… Alors j’ai pensé que renouer avec mes racines, construire un tel engin me ferait du bien. Et ce fut le cas. J’espère que tu es fier de moi Lapin. »


Il se blottit contre elle. Elle en déduit qu’il l’était, et éprouva comme un soulagement. De fait, sa fusée était impressionnante. Kaguya avait utilisé les matériaux laissés là par sa tribu, et à force d’efforts et de volonté, y était finalement parvenue. C’est comme si, pour elle, il avait presque été question d’un processus d’une trivialité extrême. Sans doute était-ce l’héritage du peuple de la Lune qu’elle possédait en elle, qui faisait qu’elle possédait des facilités innées pour ce genre d’exercice ? Car, il était vrai que la principale faculté qu’elle avait acquise au Nippon, auprès de Grand-Père Bambou, était de travailler ou de vendre du bambou…

Une vague de nostalgie s’empara de la lapine au kimono. Son nouvel ami Lapin lui bondit dans les bras, comme s’il avait ressenti lui-même la détresse émotionnelle de Kaguya. En regardant son accomplissement et en pensant à Grand-Père Bambou, son désir de rentrer au Nippon se fit d’autant plus grande. Et quand elle aurait retrouvé tout le monde, elle chercherait Ushiwaka, qui, elle en était convaincue, détenait les dernières informations qui lui manquaient.

Elle regarda sa fusée, et son nouvel ami Lapin.


« Merci, Lapin. Tu sais, sans toi, j’aurais été bien incapable de remettre mes idées en place. Peut-être qu’on se reverra, un jour ! »


Kaguya se leva, dépoussiéra son kimono, et avança vers la fusée. Une fois devant l’appareil, elle se retourna. Pour la dernière fois, se dit-elle. A quoi bon rester à se larmoyer, il ne restait plus personne d’autre qu’elle. Elle voyait les ruines surplombant ce sol blanc et rocheux, tous les restes de ces bâtiments ayant eu, autrefois, tant de cachet. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle discerna, arrivant par grands bonds, son compagnon Lapin !


« Oh, Lapin ! Tu es venu me faire un dernier au revoir ? Je vais te manquer tant que ça ? »


Il se trouvait qu’en réalité, Lapin avait très envie de découvrir le Nippon avec Kaguya. La fusée l’attirait, et l’invitait entièrement à rentrer à son bord. Ce que la lapine blonde comprit sans trop de difficultés. Demeurait certes la barrière du langage, mais la jeune femme n’avait pas fondamentalement besoin de ça pour comprendre ses cousins mammifères.


« C’est compris, Lapin. Allons-y. Je t’assure, tu ne seras vraiment pas déçu d’être venu avec moi. Tu es sûr que tu n’as d’adieux à ne faire à personne ? » 


La manière dont Lapin leva la tête vers elle lui indiqua qu’il était fin prêt. Alors sans plus tarder, Kaguya pénétra dans la fusée accompagnée de cette petite boule de poils. Cette dernière ne savait plus où donner de la tête dans ce cockpit où s’accumulaient les boutons. Elle était fascinée ! Mais Lapin savait qu’il devait se tenir tranquille, alors c’est ce qu’il fit.


Afin de parvenir au Nippon, Kaguya avait fait en sorte d’avoir exactement les mêmes conditions de décollage que celles qui l’y avaient propulsée, il y a des années de cela. Cela aurait pu paraître long et facétieux, mais il n’en fut rien, puisque tout était inscrit. La jeune femme n’eut qu’à rigoureusement suivre les indications de ses ancêtres. 

Ses vibrisses tremblaient. Lapin savait qu’il ne risquait rien et était fort bien installé auprès de Kaguya, il était sécurisé. Quant à elle, elle n’était guère anxieuse. C’était son troisième voyage spatial à bord d’une fusée de la tribu de la Lune, elle aussi savait qu’elle n’avait rien à craindre. Ainsi, ils quittaient ce sol pâle et rocailleux que ce disciple de Yumigami avait toujours connu.


Bien des merveilles se présentèrent aux yeux des deux compagnons durant ce périple. Des ceintures d’astéroïdes aux constellations réintégrées au ciel par Amaterasu, leurs yeux scintillaient et leurs oreilles remuaient avec un enthousiasme perceptible. Contrairement à ce qu’il aurait semblé pouvoir être, ils n’avaient jamais l’occasion de s’ennuyer à bord. Kaguya avait emporté avec elle une abondance de livres concernant la culture du peuple de la Lune. Ces récits l’avaient toujours captivée aisément des heures durant. Même si elle devait principalement gérer la fusée, des temps calmes lui permettaient parfois de se replonger dedans. Lapin, lui, gambadait, tentait de sauter comme il le pouvait, et s’en amusait.


L’atterrissage était sa plus grande, si ce n’est sa principale source d’angoisse. Auparavant, lorsqu’elle avait dû procéder à son alunissage, cela ne lui avait pas posé de souci outre mesure. Mais cette fois ci, c’était différent, réellement. Il ne s’agissait pas seulement de rester en un seul morceau en se posant sur un sol désert, non, ici il lui fallait rester vigilante afin de ne porter atteinte à personne, à ne pas percuter d’arbre ou quelconque obstacle pouvant rencontrer sa propre trajectoire. Lapin était aux abois. Malgré son appréhension, elle réussissait à maintenir le cap et le maniement de l’engin sans rencontrer d’accroc particulier. Les vrombissements n’étaient pas des plus rassurants pour Lapin, qui n’en menait plus large à mesure que Kaguya manipulait la fusée. Il avait du courage, beaucoup de courage pour un petit lapin, mais il en restait un et il serait bien plus rassuré une fois la patte à terre. La blonde lapine se débrouillait comme une cheffe, tant et si bien qu’une fois que Lapin ouvrit les yeux, il put sentir que tout était immobile, et que Kaguya était auprès de lui.


« Tout va bien, Lapin. Nous avons réussi. Tu t’apprêtes à fouler la verte étendue du Nippon… te sens tu prêt ? »


Lapin cligna des yeux en réponse à son interrogation. Il n’avait aucune idée de ce à quoi pouvait bien ressembler le Nippon, mais tout ce qu’il savait, c’est qu’il ressentait la profonde envie d’en voir tous les horizons. Elle le prit dans ses bras et descendit l’échelle fixée sur la paroi de l’engin. A l’instant où son pied se posa dans l’herbe, un intense frisson parcourut tout son être. Elle était de retour dans son autre « chez elle ». Lapin, qui n’était pas habitué à tant de couleurs, était émerveillé par toute cette végétation luxuriante. Surexcité, il bondit des bras de Kaguya.


« Oh…, lâcha-t-elle d’un air surpris »


En effet, elle ne s’attendait pas à ça. Que Lapin s’échappe de ses bras était une chose. Mais que ses bonds échappent à la gravité exercée ici et qu’il effectue les mêmes bons que sur la Lune en était une autre… La demoiselle au kimono n’en croyait pas ses yeux. Elle en rit un bon coup, puisque dans tous les cas, elle ne saurait expliquer ce qui se déroulait devant elle. Ce qui était certain, c’est qu’aucun de ses livres n’aurait pu lui faire comprendre ce phénomène. Tout comme elle ne saurait jamais pourquoi elle-même ne possédait pas cette faculté qu’avaient tous les membres du peuple de la Lune, léviter.


« C’est comme si nous avions emporté un peu de la Lune avec nous, finalement » 


Sur ce mot, un doux sourire éclaira son visage. Suite à ça, elle se reconcentra, et prit le temps d’observer ce qui l’environnait. Quelques arbres dispersés, deux ou trois buttes de terre, des … des bambous ? Kaguya commençait à reconnaître cet endroit ! Elle se rappelait les longues routes de la Campagne de Takamiya. Ce qui signifiait qu’elle était parvenue à effectuer son atterrissage à l’endroit désiré de manière exacte ! Une fierté mêlée de joie l’emplit alors. Mais cela voulait également indiquer qu’elle se trouvait à proximité du Village de Kusanagi ! Elle se souvenait de sa direction. Tournant la tête vers Lapin, elle lui indiqua de la suivre, ce qu’il fit avec grand enthousiasme.

Quand elle eut atteint l’entrée du village, ses yeux se posèrent sur l’imposant moulin, celui qu’elle aimait tant voir tourner étant enfant. Il lui semblait qu’elle pouvait distinguer les joyeux cris des guerriers canins, s’amusant possiblement aux côtés de Fuse. Du moins, elle l’imaginait. Tandis qu’elle s’avançait vers le village pour retrouver Grand-Père Bambou, une voix l’immobilisa instantanément


« Ainsi, vous êtes de retour, beauté lunaire ? Je suis sincèrement ravi de vous voir vous porter si bien.

-Oh ?! Komuso…

-Celui que vous cherchez n’est pas là. Il se trouve du côté de l’Auberge de Sasabe. » 


L’Auberge de Sasabe. C’est là-bas que Kaguya serait allée le chercher si jamais elle ne l’avait pas trouvé ici. Mais le mystérieux flûtiste lui avait permis d’échapper à une recherche qui se serait révélée assurément infructueuse. Comment avait-il su que Kaguya cherchait quelqu’un ? Comment avait-il pu deviner son identité ? Mais aussi, pourquoi n’était-il pas surpris du retour si soudain de la lapine ? Tout cela pourrait paraître surprenant, mais il s’agissait de Komuso, et le savoir de ce dernier dépassait les règles du bon sens.

Kaguya se contenta de le remercier, le salua respectueusement, puis fit demi-tour. Il lui fallait repasser par la Campagne de Takamiya pour accéder à l’Auberge de Sasabe. Cela ne la contrariait pas, elle appréciait le plaisir simple de retrouver ces paysages autrefois si familiers. Sautait à ses côtés Lapin, semblant réellement comblé de découvrir les splendeurs du Nippon.


Une fois parvenue à l’auberge, Kaguya laissa de côté les salutations avec Chun et Tai pour plus tard, elle se dit qu’elle aurait bien le temps après. Elle se précipita sur sa droite, par un petit chemin de pierre donnant sur l’onsen. La lapine lunaire emprunta les marches faisant suite à la grande porte, c’est par ici que Grand-Père Bambou avait pour habitude de venir s’approvisionner.

C’est ainsi qu’elle avait imaginé ces retrouvailles. Grand-Père Bambou se trouvait bien là, tout vouté et souriant qu’il était. Lorsqu’il aperçut Kaguya, sa petite-fille, la prunelle de ses yeux qui lui avait promis de revenir, il en lâcha ses bambous.


« Kaguya… Tu es revenue… »


Il porta ses vieilles mains ridées à sa bouche, et ses yeux qui ne voyaient plus que Kaguya s’emplir de chaudes larmes. Elle était bel et bien là, devant ses yeux. Le plus vite qu’il pouvait, il rejoignit la jeune lapine. Elle-même était étreinte par la puissance des émotions. Bien sûr, elle était apaisée d’avoir retrouvé ses origines, délivrée de tous ces mystères qui entouraient sa personne. Mais Grand-Père Bambou était son grand-père, sa famille à elle.


« Tu m’as manqué, Grand-Père… »


Et sans un mot de plus, ils s’étreignirent de longues minutes durant… tandis qu’à leurs pieds se blottissait Lapin, qui lui aussi, avait trouvé sa famille.

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