Complots
Chapitre 9 : Le marché
Un jeune homme blond se pavanait à côté d'un homme de la Marine,
seuls. Ils pénétrèrent dans un bar, s'installèrent ensemble à une table et
commencèrent une discussion après avoir commandé un verre. L'allure de
ces deux hommes était tellement différente l'une de l'autre qu'elle sucitait
la surprise et le consternement des autres personnes présentes dans la
pièce. L'un avait l'allure d'un garnement un peu bétasson, mais son
regard et l'expression de son visage étaient si sérieux à cet instant que
personne n'aurait pu croire qu'il puisse agir de manière stupide. Il était de
petite taille et ses vêtements étaient communs, veste noire bordée de
rouge et joliment décorée dans le dos par un sigle que personne ne
reconnut, un pantalon court bleu fonçé et des sandales aux pieds. Le
second, était totalement l'opposé, il était grand et mince, vêtu de la veste
blanche représentatif d'un capitaine de la Marine ou peut-être même
d'une classe supérieure sur l'échelle militaire marine. Leur conversation
était pratiquement inaudible, mais l'on entendait des bribes de paroles
émis par les deux interlocuteurs lorsque le brouhara ambiant se dissipa.
- Ce ne sera pas facile...objecta le jeune brun, d'un ton assuré.
- Mais pour toi, ça ne devrais pas poser beaucoup de problèmes, répliqua
l'officier de la Marine.
Il considéra le jeune garçon d'un regard insistant, qui exprimait une
parfaite confiance en son interlocuteur. Ce jeune homme avait déjà
accomplit tellement de choses, qu'une mission comme celle-ci devenait
qu'une étape à passer, un simple amusement malgré le fait qu'elle soit
extrêmement dangereuse. Mais le jeune garçon ne fit pas attention aux
compliments de l'homme de la Marine. Il le fixait d'un regard indifférent
auquel on pouvait tout de même ajouter une teinte de tristesse de ses
souvenirs passés.
- Je n'ai que faire de tes compliments, dit-il froidement. Tu sais très bien
que me flatter ne changera pas grand chose à mes intentions. Je t'ai dit
que j'irais, et je le ferais. Mais rappelles-toi toujours que ce n'est pas par
plaisir que j'ai accepté cette proposition. Mais si jamais tu m'a menti ou si
tu comptes faillir à ta promesse...
- Je sais bien, répondit l'officier dans un sourire légèrement méprisant
mais contenu pour ne pas attirer sa colère. Mais de toute façon tu n'as
pas trop le choix.
Le jeune homme ne répondit pas et détourna le regard sur les affiches de
recherches placardées sur l'un des murs du bar. Lorsqu'il apercevit la
sienne, il se souvint avec nostalgie la première fois que la Marine avait mis
une prime sur sa tête, et la joie qu'il avait ressenti. Oui, il était devenu
pirate, il avait affronté de nombreux adeversaires puissants, entrainé ses
amis dans des combats dangereux. Mais voila où cela le menait à présent;
embarqué dans une affaire dangereuse, sans amis pour l'épauler dans
cette dure tâche. Il se forca à extirper de ses pensées ces souvenirs
douloureux et se concentra sur la discussion. Il devait absolument montrer
qu'il ne se laisserait pas faire, qu'il n'était pas son serviteur, mais son égal.
S'il montrait une quelconque faiblesse, il savait que cet homme s'en
servirait pour le nuire, et ainsi détourner l'engagement auquel il s'était
tenu de respecter.
- Toi non plus, le nargua t-il dans un sourire narquois. Tu sais bien que si
je ne remplis pas ma part du marché, tu ne pourras pas le faire toi-
même. Ce n'est pas mon cas. Ton aide me facilite juste les choses, mais
son absence ne m'enpêchera pas le moins du monde d'accomplir cette
tâche seul.
L"attitude du Marine laissait penser qu'il avait raison. Il avait frapper là
où ça fait mal, et il avait enfin réussi à le faire plier. Il avait besoin de lui,
et il s'en servait pour lui faire comprendre qu'il ne se laisserait jamais
marcher sur les pieds. Le Marine le regarda d'un oeil mal assuré, mais
une idée sembla illuminer ses yeux.
- Et si j'ajoutais une nouvelle condition ? Se demanda t-il tout haut.
Le sourire du jeune garçon s'effaça. Il l'observa d'un oeil mauvais, sans dire
un mot, pour le dissuader d'essayer. Le capitaine de la Marine hésita
quelque peu, car il ne voulait pas provoquer sa colère. Mais la condition à
laquelle il avait pensé ne lui permettrait pas de faillir à leur arangement,
et c'est exatement cela qu'il désirait obtenir.
- Tes amis pourraient mourir par exemple, continua t-il
Son sourire se tordit en une expression de colère, presque prêt à le tuer
sur le champ. L'officier considéra cette attitude et décida de ne pas
provoquer plus sa colère.
- Qu'est-ce ça veut dire ?! S'exclama le jeune garçon, comprenant où il
voulait en venir.
- Si jamais tu décide de ne pas m'aider, expliqua le Marine, et que tu
rompt notre arrangement d'une quelconque façon, tes amis periront de
ma main.
- Ils ne doivent pas être impliqué la dedans ! S'écria le blond.
Il ferma les yeux et se souvint. Il se souvint de leur escapade passée, de
leurs combats, et il se souvint de l'un deux en particulier. Il avait des amis
exceptionnels, mais à présent ils étaient loin de lui, et ils le seraient pour
toujours. Cette pensée lui serra le coeur, mais avoir pensé à eux le
détendit. Il avait oublié à quel point ils étaient forts, il avait oublié tout ce
qu'ils avaient accomplis ensemble, tous les combats qu'ils avaient menés,
toutes les joies qu'il avait éprouvées... Mais à présent, il s'en souvenait. Il
reprit confiance en lui et revint à la réalité.
- Tu ne seras pas capable de poser une seule main sur eux, se moqua t-il,
confiant. Leur force est en aucun cas égale à la tienne. Tu ne leur arrive
pas à la cheville.
Le capitaine de la Marine lui adressa un sourire moqueur qui exprimait la
pitié. Il savait qu'il pensait ce qu'il disait, mais il savait aussi que s'il avait
demandé son aide et non celle de ses amis, c'est qu'il ne pensait pas le
moins du monde qu'ils puissent le battre. Il prit en compte cette
remarque et répondit à sa provocation :
- Et comment expliques-tu que tu ais besoin de mon aide ? Si tes amis
sont aussi forts que tu le prétends, pourquoi n'est-ce pas à eux que tu as
demandé de l'aide ?
- Je ne voulais pas qu'ils m'accompagnent dans un endroit aussi
dangereux, et mes désirs personnels ne les concernent pas, expliqua t-il
d'un ton mal assuré que remarqua son interlocuteur. Cela ne respecte pas
les règles que nous nous étions fixés. Je ne peux agir dans mon propre
intérêt si cela entrave le leur. C'est pourquoi je les ai quitté sans leur
adresser un mot et que j'ai pris les mesures nécessaires pour qu'ils ne
tentent pas de me retrouver.
- Mais cela ne prouve pas qu'ils auraient une quelconque chance de me
vaincre, objecta t-il pour tenter de faire apparaître une faiblesse en lui
dont il pourrait se servir. Tu connais ma force plus que quiconque, alors
n'essaie pas de m'impressionner.
Le jeune garçon comprit que sa tentative de ne pas les impliquer avait
échouée. Cet homme était fort, et il estima préférable de se tenir à leur
arrangement et ainsi laisser ses amis en paix.
- Très bien, dit-il simplement. Si jamais je faillis à notre arrangement,
fais ce que tu veux. Mais cela ne concerne pas le cas d'échec.
Le soldat avait conscience de l'importance de ce que ce jeune homme
devait accomplir à ses yeux, et il fut satisfait de lui. Il avait trouvé son
point faible, et l'avait exploitée pour son propre intérêt. Il fixa une
dernière fois son interlocuteur, qui exprimait toujours cette expression de
colère et d'amertume. Celui-ci se leva et le Marine en fit de même.
- Tu partiras dans cinq jours comme prévu, l'informa t-il. Si tu parviens
à récupérer ce que je désire, je tiendrais ma promesse, continua t-il
ensuite pour aiguiser sa soif de désir.
- Très bien, répondit simplement le jeune homme blond, le visage
impassible.
Ils sortirent du bar sous les yeux effarés des clients qui l'occupaient, et se
séparèrent sans dire un mot.